La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

16/04/2024 | FRANCE | N°23/02225

France | France, Cour d'appel de Caen, 1ère chambre civile, 16 avril 2024, 23/02225


AFFAIRE : N° RG 23/02225 -

N° Portalis DBVC-V-B7H-HI7O

 



ARRÊT N°



JB.





ORIGINE : DÉCISION du Président du TJ de CAEN du 29 Août 2023 - RG n° 23/00302









COUR D'APPEL DE CAEN

PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE

ARRÊT DU 16 AVRIL 2024







APPELANTE :



S.A.R.L. APHRODITE

Agissant poursuites et diligences de son représentant légal,

N° SIRET : 492.720.354

[Adresse 8]

[Localité 2]



représe

ntée par Me Estelle FRISÉ, avocat au barreau de CAEN

assistée de Me David HERPIN, avocat au barreau de la DROME





INTIMÉE :



Madame [Y] [N] [I] [B] [K] épouse [U]

née le 15 Août 1947 à [Localité 7]

[Adresse 5]

[Localité 1...

AFFAIRE : N° RG 23/02225 -

N° Portalis DBVC-V-B7H-HI7O

 

ARRÊT N°

JB.

ORIGINE : DÉCISION du Président du TJ de CAEN du 29 Août 2023 - RG n° 23/00302

COUR D'APPEL DE CAEN

PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE

ARRÊT DU 16 AVRIL 2024

APPELANTE :

S.A.R.L. APHRODITE

Agissant poursuites et diligences de son représentant légal,

N° SIRET : 492.720.354

[Adresse 8]

[Localité 2]

représentée par Me Estelle FRISÉ, avocat au barreau de CAEN

assistée de Me David HERPIN, avocat au barreau de la DROME

INTIMÉE :

Madame [Y] [N] [I] [B] [K] épouse [U]

née le 15 Août 1947 à [Localité 7]

[Adresse 5]

[Localité 1]

représentée et assistée de Me Anne VAN TORHOUDT, avocat au barreau de COUTANCES

COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DÉBATS ET DU DÉLIBÉRÉ :

M. GUIGUESSON, Président de chambre,

Mme DELAUBIER, Conseillère,

Mme VELMANS, Conseillère,

DÉBATS : A l'audience publique du 09 janvier 2024

GREFFIER : Mme EHRHOLD

ARRÊT : rendu publiquement par mise à disposition au greffe, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile le 16 Avril 2024 par prorogation du délibéré initialement fixé au 12 Mars 2024 et signé par M. GUIGUESSON, président, et Mme COLLET, greffier

* * *

FAITS, PROCEDURE ET PRETENTIONS DES PARTIES

Par acte du 14 mars 2017, Mme [U] a cédé à la société Aphrodite deux parcelles de terre cadastrées ZH n°[Cadastre 3] et AY n°[Cadastre 4], moyennant le prix de 750 000 euros et avec des différés de paiement pour la somme de 225 000 euros au 31 décembre 2019 et pour la somme de 262 500 euros au 31 décembre 2021.

Une clause résolutoire de la vente était prévue en cas de défaut de paiement du prix aux échéances fixées.

Par acte du 24 avril 2023, la société Aphrodite a fait délivrer un commandement de payer visant la clause résolutoire pour un montant de 71 101,77 euros.

Par acte du 24 mai 2023, la société Aphrodite a fait assigner Mme [U] devant le juge des référés du tribunal judiciaire de Caen aux fins de bénéficier d'un délai de paiement pour régler la somme de 71 101,77 euros, de suspendre les effets de la clause résolutoire insérée dans l'acte de vente du 14 mars 2017, ce jusqu'au 1er septembre 2023 et de suspendre les effets du commandement visant la clause résolutoire en date du 24 avril 2023 jusqu'au 1er septembre 2023.

Par ordonnance du 24 août 2023 prorogée 29 août 2023 auquel il est renvoyé pour un exposé complet des prétentions en première instance, le juge des référés du tribunal judiciaire de Caen a :

- débouté la société Aphrodite de sa demande formée en vue d'obtenir un délai de paiement ;

- débouté Mme [U] de sa demande de condamnation au titre d'une procédure dilatoire et abusive ;

- condamné la société Aphrodite aux entiers dépens de la présente instance ;

- condamné la société Aphrodite à payer à Mme [U] la somme de 1 500 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ;

- rappelé que cette décision est exécutoire par provision.

Par déclaration du 21 septembre 2023, la société Aphrodite a formé appel de cette ordonnance.

La société Aphrodite a été autorisée à assigner à jour fixe devant la cour pour l'audience du 9 janvier 2024, et l'exploit introductif d'instance à cette fin a été délivré le 19 octobre 2023.

Aux termes de ses dernières écritures notifiées le 21 décembre 2023, la société Aphrodite demande à la cour de :

- infirmer l'ordonnance de référé rendue par le tribunal judiciaire de Caen le 24 août 2023, prorogé au 29 août 2023 ;

- statuant à nouveau

- débouter Mme [U] de l'ensemble de ses demandes, fins et prétentions ;

- suspendre rétroactivement les effets de la clause résolutoire insérée dans l'acte authentique du 14 mars 2017 reçu par Me [R], ce jusqu'au 14 septembre 2023 ;

- suspendre rétroactivement les effets du commandement visant la clause résolutoire signifié en date du 24 avril 2023, ce jusqu'au 14 septembre 2023 ;

- constater que les causes du commandement du 24 avril 2023 ont été réglées ;

- statuer ce que de droit sur les dépens.

Aux termes de ses dernières écritures notifiées le 11 décembre 2023, Mme [U] demande à la cour de :

- confirmer l'ordonnance de référé rendue par le tribunal judiciaire de Caen le 24 août 2023, prorogé au 29 août 2023 en ce qu'elle a débouté la société Aphrodite de sa demande formée en vue d'obtenir un délai de paiement ;

- déclarer irrecevable la demande nouvelle en vue d'obtenir un délai plus long que celui demandé en première instance ;

- déclarer irrecevable la demande de délais formée par la société Aphrodite ;

- débouter la société Aphrodite de sa demande de délais ;

- débouter la société Aphrodite de sa demande de suspension de la clause résolutoire ;

- débouter la société Aphrodite de sa demande à voir suspendre les effets du commandement ;

- infirmer l'ordonnance de référé du tribunal judiciaire de Caen du 24 août 2023, prorogé au 29 août 2023 dont appel, en ce qu'elle l'a déboutée de sa demande de condamnation au titre d'une procédure dilatoire et abusive ;

- statuant à nouveau,

- condamner la société Aphrodite à lui payer une amende civile de 10 000 euros.

Pour l'exposé complet des prétentions et de l'argumentaire des parties, il est expressément renvoyé à leurs dernières écritures susvisées conformément à l'article 455 du code de procédure civile.

MOTIFS

La société Aphrodite expose à l'appui de son appel, que sa demande tendant à reporter au 14 septembre 2023, la suspension des effets de la clause résolutoire ne constitue en aucune manière une demande nouvelle au sens des articles 564 et 565 du code de procédure civile comme elle le justifie ;

La société Aphrodite explique qu'au jour où la cour statue, elle avait été contrainte de solliciter des délais de paiement, mais que désormais, elle a réglé l'intégralité des causes du commandement, soit la somme de 81101,77€, que les versements réalisés l'ont été sur un compte Carpa, que ceux-ci sont libératoires et que les délais de versement effectif au profit de madame [U] ne sont pas de son fait ;

Qu'elle entend se prévaloir de la disposition contractuelle applicable et que sa demande de suspension a été formée dans le délai d'un mois accordé par l'acte de vente suivant la délivrance du commandement de payer ;

Qu'elle démontre qu'elle est en mesure de justifier des raisons de son retard dans le paiement des sommes dues par elle, car elle a subi ceux-ci dans la commercialisation des terrains qui ne sont pas de son fait ;

Madame [U] répond que c'est de manière justifiée au contraire que le 1er juge, juge des référés, a estimé que la demande de la société Aphrodite se heurtait à une contestation sérieuse, car conformément à l'article 1656 du code civil, à compter de la sommation, le débiteur ne peut plus solliciter de délais et qu' en tout état de cause, la somme exigée n'a pas été versée dans le délai de 1 mois invoqué ;

L'intimée expose également que la modification de la date d'effets de la suspension réclamée constitue une demande nouvelle et irrecevable et qu'elle n'est en rien responsable des problèmes invoqués pour expliquer le retard, liés au réseau d'assainissement de la ville de [Localité 6] qui viendraient justifier les difficultés de commercialisation évoqués ;

Que la société Aphrodite était en réalité en retard de 326.346,78€, et que ce n'est qu'après un versement du 23 mars 2023, que le solde de 71.101,77€ est resté dû ;

Madame [U] dans ces conditions s'oppose à toutes suspension des effets de la clause résolutoire et sollicite la confirmation de l'ordonnance entreprise ;

Sur ce, la cour rappelle que le prix de vente d'origine des parcelles en litige a été de 750.000€, que le paiement de cette somme a été différé avec le règlement d'un solde de 487.500€ à honorer comme suit :

- 225.00€ au plus tard le 31 décembre 2019 et le surplus soit la somme de 262.500€ au plus tard le 31 décembre 2021 ;

Il est constant que la société Aphrodite débitrice de ces montants comme acquéreur n'a pas respecté ces échéances et qu'elle restait débitrice à titre de solde, de la somme de 77.101,77€ à la date du 24 avril 2023, date à laquelle madame [U] lui a fait délivrer par commissaire de justice un commandement de payer ladite somme visant la clause résolutoire ;

Cet acte mentionnait en effet ce que suit :

- Je vous fais sommation de payer les sommes suivantes sous un mois à compter de la date de signification du présent acte. A défaut la partie réquérante procédera à la résolution de la vente portant sur les deux parcelles de terre de friche situées à [Localité 6]..... ;

L'acte de vente liant les parties comportait la disposition suivante :

- Au surplus, à défaut de paiement de tout ou partie du solde du prix dans les termes convenus, et un mois après un simple commandement de payer demeuré infructueux la vente sera résolue de plein droit conformément aux dispositions de l'article 1656 du code civil, si le commandement contient déclaration formelle par le Vendeur de son intention de profiter de la présente clause ;

Il est constant également que le 24 mai 2023, la société Aphrodite a fait assigner madame [U] devant le juge des référés pour obtenir des délais et pour régler les 71.101,77€ dont s'agit en 4 versement mensuels, étendus entre fin mai et fin août ;

Si l'article 1656 du code civile énonce ce que suit :

- S'il a été stipulé lors de la vente immobilière que faute du paiement du prix dans le terme convenu, la vente serait résolue de plein droit, l'acquéreur peut néanmoins payer après l'expiration du délai tant qu'il n'a pas été mis en demeure par une sommation, mais après cette sommation le juge ne peut pas lui accorder de délai-, il s'avère que ce texte n'est pas d'ordre public et que les parties peuvent y déroger;

Or en l'espèce les parties y ont précisément dérogé en prévoyant que l'acquéreur pouvait payer avec un délai, postérieurement à la sommation de payer, celle-ci étant caractérisée dans le présent litige par le commandement précité du 24 avril 2023 ;

Ainsi la solution de l'interdiction faite au juge d'accorder tout délai à compter de la sommation a été écartée par les parties du fait de la disposition contractuelle précitée en prévoyant précisément un délai d'un mois à compter de l'acte valant sommation, qui devait interdire tout délai ;

Dans ces conditions, rien n'empêchait le débiteur de solliciter des délais dans le mois qui lui était imparti, puisque l'impossibilité aménagée par l'article précité a été écartée, et la société Aphrodite a pu se prévaloir des dispositions de l'article 1343-5 alinéa 1er du code civil ;

Dans ces conditions du fait du mois alloué et des délais pouvant être accordés, une demande de suspension des effets de la clause résolutoire et de ceux du commandement pouvait être revendiquée, et celle-ci a été formée dans le délai d'un mois aménagé par un exploit du 24 mai 2023 ;

Par ailleurs, la cour constate qu'à ce jour la société Aphrodite a réglé la somme de 81.101,77€ par trois virements vers un compte Carpa, sur les mois d'août et septembre 2023, ces virements effectués sur un compte de cette nature ont été libératoires ;

Dans ces conditions, sans qu'il soit utile ou opérant de rechercher les causes des retards de paiement aisément constatables, il doit être relevé que la société Aphrodite a soldé les causes du commandement du 24 mars 2023 et qu'il convient cette solution étant juridiquement possible par application de l'article 1343-5 précité, en ayant été présentée de justesse le 24 mai 2023, de suspendre les effets de la clause résolutoire jusqu'au 14 septembre 2023 en suspendant les effets du commandement du 24 mars 2023 visant la clause résolutoire jusqu'au 14 septembre 2023, ce qui ne se heurte à aucun contestation sérieuse pour les motifs ci-dessus exposés ;

La modification de la date de fin d'effet de la clause résolutoire et de ceux du commandement du 1er septembre au 14 septembre 2023 ne constitue pas une demande nouvelle au sens des articles 564 et 565 du code de procédure civile, car cette modification tend aux mêmes fins soit la suspension sollicitée ;

De plus, elle constitue l'accessoire et le complément des effets de la suspension, au sens de l'article 566 du code de procédure civile, s'agissant de tenir compte de la date à laquelle la société Aphrodite a réglé l'intégralité de sa dette ;

Il résulte de tout ce qui précède que l'ordonnance entreprise sera infirmée pour accueillir les demandes présentées par la société appelante ;

- Sur la demande d'amende civile de madame [U] :

Au regard des solutions apportées au litige par la cour, la demande présentée par madame [U] pour procédure abusive et dilatoire qui l'est sous la qualification d'amende civile sera écartée, sachant de plus que l'amende civile de l'article 32-1 du code de procédure civile n'est pas prononcée au profit de l'une des parties à la procédure et à son bénéfice ;

- Sur les dépens et l'application de l'article 700 du code de procédure civile :

L'équité et les solutions apportées par la cour conduisent à infirmer les dispositions retenues en application de l'article 700 du code de procédure civile et pour les dépens.

L'équité et la situation des parties permettent d'écarter les demandes respectivement présentées par celles-ci au titre de leurs frais irrépétibles, mais madame [U] supportera les dépens de 1ère instance et d'appel.

PAR CES MOTIFS

- La cour statuant publiquement, par arrêt contradictoire, rendu en dernier ressort et par mise à disposition au greffe.

- Infirme l'ordonnance entreprise en toutes ses dispositions ;

- Statuant à nouveau :

- Déclare recevable la société Aphrodite en ses demandes ;

- Suspend rétroactivement les effets de la clause résolutoire insérée dans l'acte authentique du 14 mars 2017 et ce jusqu'au 14 septembre 2023 ;

- Suspend rétroactivement les effets du commandement visant ladite clause résolutoire en date du 24 avril 2023 jusqu'au 14 septembre 2023 ;

- Constate que les causes du commandement du 24 avril 2023 ont été réglées ;

- Déboute madame [U] de toutes ses demandes ;

- Rejette toutes autres demandes en ce comprises celles respectivement formées en application de l'article 700 du code de procédure civile par chacune des parties ;

- Condamne madame [U] en tous les dépens de 1ère instance et d'appel.

LE GREFFIER LE PRÉSIDENT

M. COLLET G. GUIGUESSON


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Caen
Formation : 1ère chambre civile
Numéro d'arrêt : 23/02225
Date de la décision : 16/04/2024

Origine de la décision
Date de l'import : 22/04/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2024-04-16;23.02225 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award