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20/03/2024 | FRANCE | N°24/00624

France | France, Cour d'appel de Caen, Recours soins psychiatriq, 20 mars 2024, 24/00624


C O U R D ' A P P E L D E C A E N







JURIDICTION DU PREMIER PRÉSIDENT

CONTENTIEUX DES PERSONNES HOSPITALISÉES SANS LEUR CONSENTEMENT





N° RG 24/00624 - N° Portalis DBVC-V-B7I-HMDZ

N° MINUTE : 8/2024



AUDIENCE PUBLIQUE DU 20 Mars 2024









O R D O N N A N C E





CONTRÔLE DE PLEIN DROIT DE L'HOSPITALISATION















Appel de l'ordonnance rendue le 8 Mars 2024

par le juge des libertés et de la dé

tention du tribunal judiciaire de CAEN





APPELANT :



Le préfet de la Manche - Agence régionale de Santé -

Représenté par Monsieur [N], muni d'un pouvoir



INTIME :



[M] [O]

Né le 3 mars 1971 à [Localité 2]

Rep...

C O U R D ' A P P E L D E C A E N

JURIDICTION DU PREMIER PRÉSIDENT

CONTENTIEUX DES PERSONNES HOSPITALISÉES SANS LEUR CONSENTEMENT

N° RG 24/00624 - N° Portalis DBVC-V-B7I-HMDZ

N° MINUTE : 8/2024

AUDIENCE PUBLIQUE DU 20 Mars 2024

O R D O N N A N C E

CONTRÔLE DE PLEIN DROIT DE L'HOSPITALISATION

Appel de l'ordonnance rendue le 8 Mars 2024

par le juge des libertés et de la détention du tribunal judiciaire de CAEN

APPELANT :

Le préfet de la Manche - Agence régionale de Santé -

Représenté par Monsieur [N], muni d'un pouvoir

INTIME :

[M] [O]

Né le 3 mars 1971 à [Localité 2]

Représenté par Maître Clément PICARD avocat du barreau de CAEN commis d'office, assisté de [P] [U] élève avocate

PARTIES INTERVENANTES :

Le directeur du [1] de la Manche

Non comparant

LE MINISTÈRE PUBLIC :

En l'absence du ministère public, auquel l'affaire a été régulièrement communiquée,

Devant Nous, Etienne LESAUX, président de chambre, délégué par ordonnance du premier président, assisté de Sophie EHRHOLD, greffière, en présence de Marine MORICE, greffière stagiaire.

Le préfet de la Manche a été entendu, le conseil de l'appelant, Maître Clément PICARD en ses explications.

Les parties comparantes ayant été avisées à l'issue des débats que l'ordonnance serait prononcée le même jour et leur serait immédiatement notifiée ;

3/1

DÉBATS à l'audience publique du 20 Mars 2024;

Les réquisitions de Monsieur le procureur général ont été lues par le président en son rapport.

ORDONNANCE rendue par mise à disposition au greffe le 20 Mars 2024 , signée par Etienne LESAUX et Sophie EHRHOLD ;

Nous, Etienne LESAUX,

Vu les articles L. 3211 '1 et suivants, R. 3211 ' 1 et suivants du code de la santé publique ;

Vu l'ordonnance du 08 Mars 2024 du Juge des libertés et de la détention de CHERBOURG EN COTENTIN qui a maintenu l'hospitalisation complète de [M] [O], hospitalisé à la demande du représentant de l'État à [1] (50) depuis le 17 février 2021;

Vu l'appel de cette ordonnance interjeté par [M] [O] le 15 Mars 2024 ;

Vu l'avis écrit de Monsieur le procureur général ;

DÉCISION :

Sur la régularité de la procédure

Sur l'absence des fiches d'information des droits du patient.

Comme le souligne le représentant du préfet dans ses observations, l'article R.3211-12 du Code de la Santé publique prévoit que soit communiquée au juge des libertés et de la détention, quand l'admission en soins psychiatriques a été ordonnée par le préfet, une copie de l'arrêté d'admission en soins psychiatriques et, le cas échéant, une copie de l'arrêté le plus récent ayant maintenu la mesure de soins. Ce texte prévoit également que lui soient communiquée copie des certificats et avis médicaux prévus aux chapitres II à IV du titre I du livre II de la troisième partie de la partie législative du présent code, au vu desquels la mesure de soins a été décidée[,] et de tout autre certificat ou avis médical utile, dont ceux sur lesquels se fonde la décision la plus récente de maintien des soins.

Enfin ce texte offre la possibilité au juge de solliciter la communication de tous autres éléments utiles.

Ainsi, la fiche d'information des droits du patient ne figure pas parmi les éléments prévus par le texte réglementaire. Si le juge des libertés et de la détention estimait ce document indispensable, il lui appartenait d'en solliciter la communication.

Il résulte des éléments de la procédure que ce document a été remis à M. [O] à l'occasion de la notification des arrêtés ordonnant et maintenant son hospitalisation complète.

De surcroît, ces fiches sont communiquées dans le cadre de la procédure d'appel, confirmant la réalité de leur remise, conformément aux énonciations du récépissé signé par M. [O].

Aucune irrégularité n'est donc survenue sur ce fondement.

Sur l'absence de transmission par le directeur de la procédure à la commission départementale de soins psychiatriques.

La décision du juge des libertés et de la détention comporte un visa erroné des textes applicables.

Pour autant, l'article L.3213-1 du Code de la santé publique prévoit également, dans le cas d'une admission en soins psychiatriques sur décision du représentant de l'Etat, la transmission sans délai à la commission départementale des soins psychiatriques du certificat médical mentionné au deuxième alinéa de l'article L. 3211-2-2, ainsi que du certificat médical et, le cas échéant, la proposition mentionnée aux deux derniers alinéas du même article L. 3211-2-2.

En outre, l'article L. 3213-9 dispose que le représentant de l'État dans le département avise dans les vingt-quatre heures de toute admission en soins psychiatriques prise en application du présent chapitre ou du chapitre IV du présent titre ou sur décision de justice, de toute décision de maintien et de toute levée de cette mesure (..) la commission départementale des soins psychiatriques.

En l'espèce, il résulte des mentions figurant sur les arrêtés des 29 février 2024 et 4 mars 2024 que cet avis a bien été délivré.

En outre, il convient de rappeler que les CDSP sont amenées à examiner, dans un délai de trois mois puis tous les six mois, la situation des personnes admises en soins psychiatriques sur le fondement de l'article L.3212-1 II 2 , c'est-à-dire, en cas de péril imminent, sans tiers identifié à l'origine de la demande et sur la base d'un seul certificat. Il s'agit du cas des personnes socialement isolées, la CDSP faisant office de tiers susceptible d'agir dans leur intérêt.

En second lieu, les CDSP examinent la situation des personnes dont les soins sans consentement se prolongent au-delà d'une durée d'un an, qu'elles soient hospitalisées ou non.

A ce titre, la CDSP est la seule instance qui dispose d'un droit de regard extérieur à l'institution psychiatrique sur la situation des personnes soignées sous cette modalité particulière.

Au-delà de ces examens obligatoires, les CDSP sont informées de toutes les mesures d'admission en soins psychiatriques sans consentement et de leur modification. Elles sont également amenées dans le cadre des visites qu'elles effectuent à contrôler un certain nombre de procédures d'admissions ou de renouvellement, à relever d'éventuelles insuffisances ou dysfonctionnements et à intervenir auprès des services concernés pour leur demander de corriger ces écarts. Enfin, elles établissent chaque année un rapport dans lequel elles peuvent alerter les autorités compétentes des difficultés qu'elles observent. Elles jouent ainsi un rôle visant à l'amélioration de la qualité des procédures qui semble complémentaire à celui que peut jouer le juge des libertés et de la détention.

Contrairement au juge des libertés et de la détention, les CDSP peuvent à la fois contrôler la régularité juridique des mesures et leur opportunité d'un point de vue médical, en raison de leur composition. Comprenant pour moitié des médecins, elles sont habilitées à analyser les rapports médicaux contenus dans les dossiers qu'elles consultent.

Elles peuvent enfin proposer au préfet de lever une mesure de soins à la demande du représentant de l'Etat, mais cette mainlevée ne revêt pas un caractère automatique.

En l'espèce, l'existence de troubles psychiatriques n'est pas remise en cause et les rapports médicaux ne sont pas discutés.

La saisine du juge des libertés et de la détention a permis à M. [O], de voir la régularité de sa situation examinée, dans un délai plus rapide que ne l'aurait permis la saisine de la CDSP, de sorte qu'aucun grief n'est établi.

Aucune irrégularité n'est donc survenue sur ce fondement.

5/6

Sur le fond

Monsieur [M] [O] est actuellement détenu à la maison d'arrêt de CHERBOURG.

Dans ce cadre, il a fait l'objet d'une décision d'admission en soins psychiatriques sous la forme d'une hospitalisation complète par arrêté du 29 février 2024 « considérant le délire mégalomaniaque et le délire de persécution manifesté par M. [M] [O] ainsi que les gestes auto-agressifs (scarifications) », il était également relevé qu'il présentait un fort risque d'hétéro-agressivité et un certificat médical du docteur [C], en date du 29 février 2024 à 10h13, relevait une labilité émotionnelle importante, un délire mégalomaniaque, un délire de persécution et concluait qu'il nécessitait des soins en raison de troubles mentaux compromettant la sûreté des personnes, sans son consentement, dans un établissement mentionné à l'article L.3222-1 du Code de la santé publique.

Cet arrêté était notifié le jour même à M. [M] [O] qui signait le récépissé mentionnant qu'outre la notification de cet arrêté, lui avait été remise une fiche l'informant des droits dont il disposait et des garanties dont il bénéficiait.

Les certificats médicaux du docteur [X] en date du 1er mars et du docteur [Z], en date du 3 mars, constataient la nécessité du maintien de l'hospitalisation complète, relevant une persistance de la tonalité mégalomaniaque, un discours marqué par des défenses psychopathiques importantes et des menaces de passage à l'acte en cas de retour en milieu carcéral.

Par arrêté du 4 mars 2024, l'hospitalisation complète était maintenue. Cet arrêté était notifié le jour même à M. [M] [O] qui signait, à nouveau, le récépissé mentionnant qu'outre la notification de cet arrêté, lui avait été remise une fiche l'informant des droits dont il disposait et des garanties dont il bénéficiait.

Par certificat du 5 mars 2024 le docteur [X] confirmait que les troubles mentaux rendaient impossible le consentement et impliquaient le maintien de l'hospitalisation complète. Son avis rappelait qu'il s'agissait de la deuxième hospitalisation en moins de 14 jours, l'intéressé ayant eu des manifestations auto et hétéro-agressives en milieu carcéral avec scarifications et incendie de sa cellule. Elle relevait une évolution favorable en milieu hospitalier mais apparaissaient des éléments de personnalité avec impulsivité, intolérance à la frustration, sentiment de toute puissance, une réactivité asthénique était constatée lors des moments de frustration. Au vu des troubles observés, de la mise en place récente d'un traitement anti impulsif thymorégulateur, il était nécessaire de maintenir l'hospitalisation le temps de l'instauration et de l'équilibrage de ce traitement.

Par ordonnance du 8 mars 2024, la juge des libertés et de la détention du Tribunal judiciaire de Cherbourg ordonnait la levée de la mesure d'hospitalisation complète aux motifs que la fiche qui aurait été remise au patient n'était pas jointe, rendant impossible la vérification des droits notifiés et qu'aucune transmission de la procédure à la Commission Départementale des Soins Psychiatriques mentionnée à l'article L.3222-5 du Code de la santé publique ne figurait au dossier, omission faisant nécessairement grief.

Le préfet de la Manche interjetait appel de cette décision par déclaration du 15 mars 2024.

A l'audience, le représentant du préfet indique qu'à la suite de la levée d'hospitalisation complète de M. [M] [O], ce dernier a réintégré l'établissement pénitentiaire mais que son état nécessiterait une nouvelle procédure d'hospitalisation sous contrainte qui serait imminente, sinon déjà engagée.

Faute de certificat médical permettant d'apprécier la situation personnelle actuelle de M. [M] [O] et alors que la mesure a été levée depuis près de deux semaines, il n'apparaît pas opportun d'ordonner la poursuite d'une mesure d'hospitalisation sous contrainte alors même qu'une nouvelle mesure serait en cours d'instauration.

PAR CES MOTIFS :

Statuant publiquement par ordonnance,

Déclarons l'appel de [M] [O] recevable ;

Confirmons l'ordonnance entreprise ;

Disons que la présente ordonnance sera notifiée à toutes les parties.

Disons que la présente décision sera communiquée au ministère public ;

Laissons les dépens à la charge de l'Etat.

Sophie EHRHOLD Etienne LESAUX


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Caen
Formation : Recours soins psychiatriq
Numéro d'arrêt : 24/00624
Date de la décision : 20/03/2024

Origine de la décision
Date de l'import : 28/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2024-03-20;24.00624 ?
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