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19/03/2024 | FRANCE | N°22/03250

France | France, Cour d'appel de Caen, 1ère chambre civile, 19 mars 2024, 22/03250


AFFAIRE : N° RG 22/03250 -

N° Portalis DBVC-V-B7G-HEAQ





ARRÊT N°



JB.





ORIGINE : Décision du Juge de la mise en état de CAEN du 07 Novembre 2022

RG n° 21/01767







COUR D'APPEL DE CAEN

PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE

ARRÊT DU 19 MARS 2024





APPELANTE :



La S.A. AXA FRANCE IARD

N° SIRET : 722 057 460

[Adresse 4]

[Adresse 4]

prise en la personne de son représentant légal



représentée et assi

stée de Me Aurélie VIELPEAU, avocat au barreau de CAEN



INTIMÉS :



Monsieur [T] [I]

né le [Date naissance 3] 1954 à [Localité 6]

[Adresse 2]

[Adresse 2]



représenté et assisté de Me David LEGRAIN, avocat au barrea...

AFFAIRE : N° RG 22/03250 -

N° Portalis DBVC-V-B7G-HEAQ

ARRÊT N°

JB.

ORIGINE : Décision du Juge de la mise en état de CAEN du 07 Novembre 2022

RG n° 21/01767

COUR D'APPEL DE CAEN

PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE

ARRÊT DU 19 MARS 2024

APPELANTE :

La S.A. AXA FRANCE IARD

N° SIRET : 722 057 460

[Adresse 4]

[Adresse 4]

prise en la personne de son représentant légal

représentée et assistée de Me Aurélie VIELPEAU, avocat au barreau de CAEN

INTIMÉS :

Monsieur [T] [I]

né le [Date naissance 3] 1954 à [Localité 6]

[Adresse 2]

[Adresse 2]

représenté et assisté de Me David LEGRAIN, avocat au barreau de CAEN

La CAISSE PRIMAIRE D'ASSURANCE MALADIE DU [Localité 5]

[Adresse 1]

[Adresse 1]

prise en la personne de son représentant légal

non représentée, bien que régulièrement assignée

DÉBATS : A l'audience publique du 18 janvier 2024, sans opposition du ou des avocats, M. GUIGUESSON, Président de chambre, a entendu seul les observations des parties sans opposition de la part des avocats et en a rendu compte à la Cour dans son délibéré

GREFFIER : Mme COLLET

COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ :

M. GUIGUESSON, Président de chambre,

Mme DELAUBIER, Conseillère,

Mme VELMANS, Conseillère,

ARRÊT : rendu publiquement par mise à disposition au greffe, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile le 19 Mars 2024 et signé par M. GUIGUESSON, président, et Mme COLLET, greffier

* * *

FAITS, PROCEDURE ET PRETENTIONS DES PARTIES

M. [I] a été victime d'un accident de la circulation le 25 novembre 1973.

Par un arrêt du 12 février 1975, la cour d'appel de Caen a confirmé le jugement du tribunal correctionnel en date du 14 novembre 1974 qui avait déclaré M. [N] responsable des dommages corporels causés à M. [I], et ce à concurrence des trois quarts.

M. [N] était assuré auprès de la société Axa France Iard.

La date de consolidation de M. [I] a été fixée au 30 septembre 1974. Le 24 juin 2002, M. [I] a été licencié pour inaptitude professionnelle.

En raison de l'aggravation de son état de santé, M. [I] a sollicité la condamnation de la société Axa France Iard à lui payer diverses indemnités complémentaires.

Par jugement du 7 mars 2006 du tribunal de grande instance de Caen, M. [I] a obtenu la condamnation de la société Axa France Iard.

Par acte d'huissier du 5 mai 2021, M. [I] a fait assigner la société Axa France Iard devant le tribunal judiciaire de Caen aux fins d'obtenir sa condamnation à lui payer la somme de 58 080,12 euros au titre de la diminution de ses droits à retraite directement consécutifs à l'accident dont il a été victime en 1973.

Par ordonnance du 7 novembre 2022 à laquelle il est renvoyé pour un exposé complet des prétentions en première instance, le juge de la mise en état du tribunal judiciaire de Caen a :

- débouté la société Axa France Iard de sa fin de non-recevoir pour cause de prescription ;

- condamné la société Axa France Iard aux dépens ;

- débouté la société Axa France Iard de sa demande sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;

- condamné la société Axa France Iard à payer à M. [I] la somme de 800 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

- renvoyé l'affaire à l'audience de mise en état du 7 décembre 2022 pour les conclusions du défendeur ;

- rappelé que la présente ordonnance est assortie de l'exécution provisoire.

Par déclaration du 28 décembre 2022, la société Axa France Iard a formé appel de cette ordonnance.

Aux termes de ses dernières écritures notifiées le 5 mai 2023, la société Axa France Iard demande à la cour de :

- infirmer l'ordonnance ;

statuant à nouveau,

- déclarer M. [I] irrecevable en son action couverte par la prescription ;

en tout état de cause,

- débouter M. [I] de ses demandes, fins et conclusions ;

- le condamner au paiement d'une somme de 2 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile et aux dépens de 1ère instance et d'appel, dont distraction sera faite au profit de la société Medeas selon les dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.

Aux termes de ses dernières écritures notifiées le 14 avril 2023, M. [I] demande à la cour de :

- confirmer l'ordonnance en l'intégralité de ses dispositions ;

- condamner la société Axa France Iard à lui payer une indemnité de 1 800 euros sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.

La déclaration et les conclusions d'appel ayant été régulièrement signifiées, la Cpam du [Localité 5] n'a pas constitué avocat en cause d'appel.

L'ordonnance de clôture de l'instruction a été prononcée le 20 décembre 2023.

Pour l'exposé complet des prétentions et de l'argumentaire des parties, il est expressément renvoyé à leurs dernières écritures susvisées conformément à l'article 455 du code de procédure civile.

MOTIFS

- Sur la prescription de l'action de M. [I] :

La société Axa sollicite l'infirmation de l'ordonnance entreprise en ce qu'elle l'a déboutée de sa fin de non-recevoir tirée de la prescription de l'action introduite par M. [I] à son encontre aux fins d'obtenir sa condamnation à lui payer la somme de 58 080,12 euros au titre de la diminution de ses droits à la retraite directement consécutifs à l'accident dont il a été victime le 25 novembre 1973.

La société Axa fait grief à l'ordonnance en ce que le juge de la mise en état a considéré que le point de départ de l'action devait être fixé à la date de la liquidation des droits à la retraite de M. [I] soit en l'espèce à la date du 1er mars 2016, que le délai de prescription décennale avait commencé à courir à compter de cette date et que dès lors l'action introduite par M. [I] le 5 mai 2021 n'était pas prescrite.

Plus précisément, la société Axa soutient que par son assignation au fond en date 1er décembre 2004, M. [I] n'a pas valablement interrompu le premier délai de prescrition, aucune demande chiffrée sur une quelconque perte de droits à retraite n'ayant été formalisée, M. [I] s'étant contenté de faire valoir une réserve de droits.

La société Axa ajoute que la requête en inteprétation du jugement du 7 mars 2006 déposée par M. [I] en date du 17 décembre 2013 n'a pas non plus valablement interrompu le second délai de prescription qui a commencé à courir à compter du 7 mars 2006, ne s'agissant pas d'une demande en justice au sens des dispositions du code civil.

Que dès lors n'ayant formalisé aucune demande en justice afférante à la perte de droits à la retraite avant son assignation en date du 5 mai 2021, l'action de M. [I] serait nécessairement prescrite.

La société Axa précise qu'une réserve de droits figurant au dispositif d'un jugement ne peut suspendre ou interrompre le délai de prescription car cette possibilité n'est prévue par aucun texte, que le juge de la mise en éta ne pouvait, sans commettre d'erreur de droit, fixer le point de départ du délai de prescription à la date effective de la liquidation des droits à la retraite de la victime, la mention au jugement de 2006 qui 'réserve à M. [I] la possibilité de solliciter l'indemnisation de son préjudice résultant de la diminution de ses droits à la retraite' ne peut avoir pour effet de modifier les règles de la prescription applicables et n'autorisait en aucun cas M. [I] à attendre la date effective de son départ à la retraite pour agir en justice.

Enfin, la société Axa souligne que seul un sursis à statuer était susceptible de suspendre le délai de prescription et non une réserve de droits.

M. [I] sollicite au contraire la confirmation de l'ordonnance entreprise en ce que le juge de la mise en état a considéré que son action n'était pas prescrite.

Il soutient qu'aux termes de son acte introductif d'instance en date du 4 mai 2021, il n'a pas invoqué une quelconque aggravation de son préjudice corporel mais qu'il avait entendu solliciter l'indemnisation de son préjudice matériel pour la période postérieure à sa mise à la retraite conformément au dispositif du jugement rendu le 7 mars 2006.

Il considére qu'en lui réservant le droit de solliciter l'indemnisation de son préjudice pour la période postérieure à sa mise à la retraite, le tribunal de grande instance de Caen avait ainsi suspendu toute prescription de son action à la survenance d'un événement futur soit en l'espèce à la date de liquidation effective de ses droits à la retraite.

M. [I] insiste sur le fait que le délai de prescription décennale ne trouvait pas à s'appliquer en l'espèce au motif qu'il ne sollicitait pas l'indemnisation du préjudice lié à l'aggravation de ses blessures mais le préjudice matériel à naître et uniquement quantifiable au jour de son départ effectif à la retraite, qu'il serait dès lors établi qu'il ne pouvait faire valoir son préjudice lié à la perte de ses droits à la retraite qu'à compter de la liquidation effective de ses droits à la date du 1er mars 2016 soit à l'âge de 61 ans et 7 mois.

*************

L'article 2226 du code civil dispose que l'action en responsabilité née à raison d'un événement ayant entraîné un dommage corporel, engagée par la victime directe ou indirecte des préjudices qui en résultent, se prescrit par dix ans à compter de la date de la consolidation du dommage initial ou aggravé.

L'article 2241 du même code précise que la demande en justice, même en référé, interrompt le délai de prescription ainsi que le délai de forclusion. Il en est de même lorsqu'elle est portée devant une juridiction incompétente ou lorsque l'acte de saisine de la juridiction est annulé par l'effet d'un vice de procédure.

Aux termes de l'article 2242 du code civil, l'interruption résultant de la demande en justice produit ses effets jusqu'à l'extinction de l'instance.

SUR CE :

En l'espèce, il est établi que M. [I] a été victime d'un accident le 25 novembre 1973.

Par arrêt du 12 février 1975, la cour d'appel a déclaré que M. [N] était responsable des dommages corporels de M. [I].

Par acte du 1er décembre 2004, M. [I] a fait assigner la société Axa en sa qualité d'assureur de M. [N] aux fins d'être indemnisé suite à l'aggravation de son état de santé en liaison direct avec l'accident de la circulation dont il a été victime le 25 novembre 1975.

Par jugement du 7 mars 2006, le tribunal de grande instance de Caen a:

- condamné la société Axa à payer à M. [I] :

* la somme de 4 500 euros au titre de l'IPP,

* une rente mensuelle indexée de 142,50 euros pour la période comprise entre le 18 juillet 2002 et le 15 avril 2005,

* une rente mensuelle indexée de 675 euros pour la période comprise entre le 15 avril 2005 et le 21 juillet 2014 et réservé à M. [I] la possibilité de solliciter l'indemnisation de son préjudice résultant de la diminution de ses droits à la retraite.

Il en résulte que le tribunal de grande instance a effectivement liquidé le préjudice en aggravation de M. [I].

Considérant la réserve de droits figurant au dispositif du jugement du 7 mars 2006, le juge de la mise en état a estimé que le point de départ du délai de prescription de dix ans devait être la date de la liquidation des droits à la retraite de M. [I].

M. [I] ne saurait contester que par assignation du 5 mai 2021, il a cherché la liquidation de son préjudice lié à la diminution de ses droits à la retraite sur le fondement du jugement du 7 mars 2006 ayant statué sur l'aggravation de ses demandes alors qu'il indique précisément vouloir l'indemnisation de son préjudice lié à la diminution de ses droits à la retraite avec l'accident de la circulation dont il a été victime le 25 novembre 1973.

Il est établi que M. [I] n'a formalisé aucune demande en justice afférant à la perte des droits à la retraite avant son assignation du 5 mai 2021.

Il est constant que la demande de M. [I] de faire valoir une perte de droits à la retraite fait partie de l'incidence professionnelle. Il lui appartenait dès lors de faire liquider ses préjudices dans le délai de dix ans à compter de sa consolidation ou pour le moins à compter du jugement du 7 mars 2006 mettant fin à l'instance, aucun appel n'ayant été interjeté à l'encontre de cette décision;

Ainsi la prescription a été en tout état de cause acquise au 7 mars 2016, et l'action engagée sur l'assignation délivrée par M. [I] le 5 mai 2021 est nécessairement prescrite en ce qu'elle a été délivrée plus de dix ans après le jugement du 7 mars 2006 étant noté qu'il peut être estimé que la consolidation de son état est antérieure au jugement précité, et qu'en conséquence son action doit être déclarée irrecevable.

Le juge de la mise en état ne pouvait retenir que le point de départ du délai de prescription pouvait être reporté à la date effective de liquidation des droits à la retraite de M. [I] au motif que le dispositif du jugement du 7 mars 2006 mentionnait une réserve de droits, cette possibilité n'étant prévue par aucun texte.

Aussi, il résulte de tout ce qui précède que l'action de M. [I] est irrecevable car prescrite.

En conséquence, l'ordonnance sera infirmée de ce chef.

- Sur les dépens et les frais irrépétibles :

L'ordonnance étant infirmée sur le principal, elle sera aussi infirmée sur les dépens et les frais irrépétibles.

Succombant en appel, M. [I] sera aussi condamné aux dépens d'appel.

En outre, il est équitable de condamner M. [I] à payer à la société Axa la somme de 1 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS

La cour statuant publiquement, par arrêt réputé contradictoire, rendu en dernier ressort par mise à disposition au greffe ; 

- Infirme l'ordonnance déférée en toutes ses dispositions ;

Statuant à nouveau et y ajoutant :

- Déclare M. [I] irrecevable en son action comme prescrite ;

- Déboute M. [I] de toutes ses demandes, en ce compris de celle formée en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ;

- Condamne M. [I] aux entiers dépens comprenant ceux de première instance et d'appel  avec application de l'article 699 du code de procédure civile au profit de l'avocat en ayant fait la demande ;

- Condamne M. [I] à payer à la société Axa la somme de 1 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

LE GREFFIER LE PRÉSIDENT

M. COLLET G. GUIGUESSON


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Caen
Formation : 1ère chambre civile
Numéro d'arrêt : 22/03250
Date de la décision : 19/03/2024

Origine de la décision
Date de l'import : 28/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2024-03-19;22.03250 ?
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