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06/07/2023 | FRANCE | N°23/00029

France | France, Cour d'appel de Caen, 3ème chambre civile, 06 juillet 2023, 23/00029


AFFAIRE : N° RG 23/00029 - N° Portalis DBVC-V-B7H-HEEP



ARRET N°









ORIGINE : Jugement du tribunal de grande instance de Caen du 29 août 2019 - RG n° 16/03194

Arrêt de la Cour d'Appel de Caen du 7 janvier 2021

Arrêt de la Cour de Cassation du 16 novembre 2022 Pourvoi N° V21-13.051









COUR D'APPEL DE CAEN

RENVOI APRÈS CASSATION

ARRET DU 06 JUILLET 2023



DEMANDEUR A LA SAISINE :



Monsieur [K] [R]

né le 24 Avril 1967 à [Localité 1]<

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[Adresse 3]

[Localité 4]



représenté et assisté de Me Laurence D'OLIVEIRA, avocat au barreau de CAEN





DEFENDERESSE A LA SAISINE :



Madame [O], [F], [U] [C]

née le 25 Avril 19...

AFFAIRE : N° RG 23/00029 - N° Portalis DBVC-V-B7H-HEEP

ARRET N°

ORIGINE : Jugement du tribunal de grande instance de Caen du 29 août 2019 - RG n° 16/03194

Arrêt de la Cour d'Appel de Caen du 7 janvier 2021

Arrêt de la Cour de Cassation du 16 novembre 2022 Pourvoi N° V21-13.051

COUR D'APPEL DE CAEN

RENVOI APRÈS CASSATION

ARRET DU 06 JUILLET 2023

DEMANDEUR A LA SAISINE :

Monsieur [K] [R]

né le 24 Avril 1967 à [Localité 1]

[Adresse 3]

[Localité 4]

représenté et assisté de Me Laurence D'OLIVEIRA, avocat au barreau de CAEN

DEFENDERESSE A LA SAISINE :

Madame [O], [F], [U] [C]

née le 25 Avril 1958 à [Localité 6]

[Adresse 2]

[Localité 1]

représentée et assistée de Me Guillaume CHANUT, avocat au barreau de CAEN

PARTIE JOINTE

M. LE PROCUREUR GENERAL

Cour d'appel

[Adresse 7]

[Localité 1]

COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DEBATS ET DU DELIBERE :

Mme GAUCI SCOTTE, Conseillère, faisant fonction de présidente,

Mme CHEENNE, Conseillère,

Mme GARCIA DEGROLARD, Conseillère,

selon ordonnance de la première présidence du 23 mai 2023

DEBATS : A l'audience publique du 25 Mai 2023

GREFFIER : Madame SALLES, Greffier

ARRET prononcé publiquement par mise à disposition au greffe le 06 juillet 2023 et signé par Mme GAUCI SCOTTE, faisant fonction de président, et Estelle FLEURY greffier

PROCEDURE

Mme [O] [C] et M. [X] [R] se sont mariés le 8 septembre 2011 au Centre Hospitalier Universitaire de [Localité 1] par devant l'officier d'état civil de la Ville de [Localité 1].

M. [X] [R] est décédé à son domicile le 11 septembre 2011.

Suite à l'assignation délivrée le 30 août 2016 par M. [K] [R], fils de M. [X] [R] issu de son union avec Mme [S] [H], le tribunal de grande instance de Caen a, par jugement du 29 août 2019, débouté M. [K] [R] de toutes ses demandes, dont celle présentée principalement aux fins d'annulation du mariage de son père célébré le 8 septembre 2011, débouté Mme [C] veuve [R] de sa demande de dommages et intérêts en réparation d'un préjudice moral, et condamné M. [K] [R] aux entiers dépens et au paiement à Mme [C] veuve [R] de la somme de 3.000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

Par acte du 2 octobre 2019, M. [K] [R] a interjeté appel de cette décision en ce qu'elle l'a débouté de toutes ses prétentions et l'a condamné aux entiers dépens ainsi qu'au paiement de la somme de 3.000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

Par arrêt du 7 janvier 2021, la troisième chambre de la Cour d'appel de Caen a confirmé le jugement prononcé le 29 août 2019 par le Tribunal de Grande Instance de Caen en toutes ses dispositions, condamné M. [K] [R] à payer à Mme [C] une somme de 2 000 euros sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile, et condamné M. [K] [R] aux entiers dépens de la procédure d'appel.

M. [K] [R] a formé un pourvoi contre l'arrêt rendu le 7 janvier 2021.

Par arrêt du 16 novembre 2022, la première chambre civile de la Cour de Cassation a cassé et annulé en toutes ses dispositions l'arrêt rendu le 7 janvier 2021 par la Cour d'appel de Caen, motif pris de ce qu'il ne ressortait pas des pièces de la procédure que l'avis écrit du ministère public, intervenant en qualité de partie jointe, ait été mis à la disposition des parties.

En conséquence, la Cour de Cassation a remis l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt, et renvoyé les parties devant la Cour d'appel de Caen autrement composée.

La Cour de Cassation a par ailleurs condamné M. [K] [R] aux dépens, et rejeté les demandes présentées au titre de l'article 700 du Code de procédure civile.

Par déclaration du 4 janvier 2023, M. [K] [R] a saisi la Cour d'appel de renvoi, reprenant les termes de son appel initial du 2 octobre 2019.

Mme [O] [C] veuve [R] a constitué avocat devant la Cour le 27 janvier 2023.

Par ses dernières écritures en date du 17 mai 2023, M. [K] [R] conclut en ces termes :

Infirmer le jugement en ce qu'il a débouté M. [K] [R] de l'ensemble de ses demandes et l'a condamné au paiement d'une somme de 3 000 € au titre de l'article 700 du Code de procédure civile,

Statuant à nouveau :

Prononcer la nullité du mariage intervenu le 8 septembre 2011 à [Localité 1] entre M. [X] [R], né le 10 mai 1941 à [Localité 5] (72), décédé, et Mme [O] [C], née le 25 avril 1958 à [Localité 6] (61) ;

Ordonner la transcription du présent dispositif en marge de l'acte de mariage des intéressés et de leurs actes de naissance ;

Condamner Mme [O] [C] à payer à M. [K] [R] la somme de 1 € symbolique à titre de dommages intérêts ;

Débouter Mme [O] [C] de l'ensemble de ses demandes ;

Condamner Mme [O] [C] à payer à M. [K] [R] la somme de 3 000 € en application de l'article 700 du Code de procédure civile pour la première instance ;

Condamner Mme [O] [C] aux entiers dépens de première instance;

Ordonner la communication des documents de demande de mariage remis à la mairie, signés par M. [X] [R],

Confirmer le jugement en ce qu'il a débouté Mme [C] de sa demande de dommages intérêts ;

Débouter Mme [O] [C] de l'ensemble de ses demandes ;

Condamner Mme [O] [C] au paiement d'une somme de 4 000 € au titre de l'article 700 du Code de procédure civile pour l'instance d'appel ;

Condamner Mme [O] [C] aux entiers dépens d'appel ;

Faire application des dispositions de l'article 699 Code de procédure civile.

Par ses dernières conclusions en date du 27 avril 2023, Mme [O] [C] veuve [R] conclut en ces termes :

Dire l'appel interjeté par M. [K] [R] recevable mais mal fondé,

Confirmer le jugement attaqué en ce qu'il a débouté M. [K] [R] de l'ensemble de ses demandes, fins et prétentions, et l'a condamné à verser à Mme [C] la somme de 3.000 € sur le fondement de l'article 700 et aux dépens,

Infirmer le jugement attaqué en ce qu'il a débouté Mme [O] [C] de sa demande de dommages et intérêts en réparation de son préjudice moral

En conséquence

Vu l'article 1240 du code civil, condamner M. [K] [R] à verser à Mme [C] la somme de 10 000 € à titre de dommages et intérêts en réparation de son préjudice moral ;

Condamner M. [K] [R] à verser à Mme [C] la somme de 10 000 € au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile, outre les entiers dépens d'appel.

Par avis écrit en date du 2 mai 2023, le Ministère public a sollicité la confirmation du premier jugement en raison des motifs pertinents retenus par le premier juge.

Cet avis a été communiqué aux parties par RPVA le même jour.

Les débats se sont tenus à l'audience du 25 mai 2023.

En application de l'article 455 du code de procédure civile, la cour se réfère, pour un plus ample exposé des prétentions et des moyens des parties, à leurs dernières conclusions sus-visées.

MOTIFS DE LA DÉCISION

Sur l'annulation du mariage :

M. [K] [R] entend voir prononcer la nullité du mariage de son père célébré avec Mme [O] [C] au motif d'un vice du consentement de son père, et de l'absence d'intention matrimoniale de Mme [C].

Il fait valoir que son père souffrait depuis de nombreuses années d'un problème d'alcoolisme ayant causé des troubles neurologiques, et rapportait que M. [X] [R] avait ainsi fait l'objet d'une hospitalisation sous contrainte à l'EPSM de [Localité 1] en 2001, puis à compter de septembre 2009 d'un suivi au CHU de [Localité 1].

M. [K] [R] souligne que son père a été hospitalisé le 25 août 2011 et que c'est dans ce contexte que le mariage a été célébré avec Mme [C], laquelle était infirmière au sein du CHU, sans que les membres de la famille ne soient informés.

Ainsi, M. [K] [R] soutient que le consentement de son père a été vicié du fait de l'altération de ses facultés mentales liée à la maladie dont il souffrait. Il évoque le suivi en cours depuis 2009 pour une encéphalopathie hépatique, maladie qui génère des troubles neurologiques et neuropsychiatriques, tels qu'un état confusionnel et un déficit intellectuel.

M. [R] invoque une présomption d'insanité au regard du passé médical de son père et considère que les attestations produites par Mme [C] confirment que son père n'était plus en capacité d'accepter librement le mariage.

M. [R] réfute par ailleurs, les affirmations de Mme [C] selon lesquelles cette dernière aurait vécu en concubinage avec M. [R] depuis 1987.

Au contraire, M. [R] affirme que son père était veuf depuis 1985, qu'il avait très mal vécu le décès de sa première épouse, et qu'il n'avait jamais émis le souhait de se remarier.

Il relève qu'à de multiples reprises, et encore sur son dossier médical lors de son admission en août 2011, M. [R] s'est déclaré veuf et vivant seul, sans jamais faire état d'un quelconque concubinage ou d'une quelconque relation avec Mme [C].

De ce fait, M. [R] accuse Mme [C] d'avoir profité de sa situation d'infirmière au sein de l'hôpital pour organiser un mariage hors la présence de la famille de M. [R], à un moment où ce dernier avait perdu toute lucidité et ne pouvait donc s'opposer. Il affirme que Mme [C] ne serait entrée dans la vie de son père qu'en 2011, lors de son hospitalisation, et qu'elle a profité de sa situation de soignante pour obtenir de lui, en l'espace de six mois, la reconnaissance de son fils ainsi qu'un mariage in extremis.

Par ailleurs, M. [K] [R] soutient que Mme [C] n'a jamais eu la moindre intention matrimoniale mais a épousé son père uniquement dans un but étranger au mariage, son objectif étant de capter son héritage.

Il pointe ainsi les agissements de Mme [C] dans les jours ayant suivi le décès de son père, laquelle a effectué de nombreux retraits avec la carte bancaire de M. [R], a sollicité le transfert des avoirs bancaires de son père sur ses propres comptes, et aurait obtenu la cession du véhicule de M. [R] deux jours avant son décès, pour le revendre aussitôt.

Sur ce dernier point, M. [K] [R] affirme que le document de cession produit par Mme [C] serait faux, la signature y figurant n'étant pas celle de son père.

En réplique, Mme [C] sollicite la confirmation du premier jugement et la reconnaissance du mariage célébré le 8 septembre 2011 avec M. [X] [R].

Elle affirme qu'elle a rencontré M. [X] [R] en 1987, et qu'ils ont entamé une relation de concubinage à compter de cette date, un enfant étant par ailleurs né de leur union en 1993.

Mme [C] précise que si elle a régulièrement fréquenté les deux autres enfants du premier lit de M. [R] durant cette vie commune, il n'en a pas été de même avec M. [K] [R], qui était brouillé avec sa famille depuis des dizaines d'années. Pour autant, elle déclare qu'elle avait déjà eu l'occasion de le rencontrer, lui et sa famille, avant le décès de M. [R].

S'agissant des circonstances du mariage, Mme [C] se prévaut des mentions portées au cahier de transmission de l'hôpital et des certificats médicaux établis par le Docteur [V] pour démontrer la volonté de mariage de M. [R] et la capacité de ce dernier à y consentir.

Par ailleurs, Mme [C] affirme que ce mariage est venu consacrer la vie maritale passée des deux époux, et produit de nombreux témoignages d'amis et membres de la famille pour en attester. Elle explique l'existence de deux adresses par le fait que le couple partageait son temps entre les deux domiciles, et produit des pièces visant à démontrer que chacun des époux faisait usage des deux adresses pour ses documents administratifs.

Enfin, Mme [C] réfute n'avoir conclu ce mariage que dans le seul but de capter l'héritage de M. [R].

Aux termes de l'article 146 du code civil, il n'y a pas de mariage lorsqu'il n'y a point de consentement.

Il découle de ce texte que le mariage doit être déclaré nul lorsqu'il n'a été contracté qu'en vue d'atteindre un but ou un résultat étranger à l'union matrimoniale.

En l'espèce, il est constant que M. [X] [R] était suivi depuis septembre 2009 pour une cirrhose associée à un hépatocarcinome (certificat du Docteur [E] du 22 septembre 2011), pouvant être liée à une problématique alcoolique plus ancienne.

Il a ainsi été hospitalisé à compter du 1er mars 2011 pour le traitement d'une ascite, conjuguée avec le diagnostic de cancer du foie.

Le 18 mai 2011, M. [X] [R] a reconnu M. [Z] [C], enfant de Mme [O] [C], né le 19 juillet 1993.

Puis, le mariage de Mme [C] et M. [X] [R] a été célébré le 8 septembre 2011 dans le cadre d'une procédure de mariage in extremis au sein de l'établissement où M. [X] [R] se trouvait hospitalisé.

La lecture du cahier des transmissions, établi lors de sa dernière hospitalisation, fait apparaître que le 5 septembre 2011, M. [X] [R] a émis le souhait auprès des équipes soignantes de se marier le plus rapidement possible, une procédure de mariage en urgence devant être mise en place.

Le Docteur [V], médecin référent pour l'hospitalisation de M. [X] [R], a attesté les 7 et 8 septembre 2011 que son état de santé justifiait la réalisation de son mariage civil en extrême urgence.

Le Docteur [E], en charge du suivi de M. [X] [R], a indiqué dans un certificat du 22 septembre 2011 : 'on a profité d'une 'éclaircie' dans son état de conscience pour régulariser sa situation maritale'.

Dans un autre certificat rédigé le 10 février 2016, le Docteur [V] atteste par ailleurs que « l'état de conscience de M. [X] [R] a permis son mariage en pleine conscience le 8 septembre 2011 dans le service de gastro-entérologie ».

L'interne au CHU de [Localité 1], Mme [B] [P], rappelle dans un courrier du 31 août 2011 les raisons de l'hospitalisation de M. [X] [R] le 25 août 2011. Elle fait état des résultats des divers examens pratiqués sur M. [R] confirmant que ce dernier souffrait de troubles hépatiques, mais ne mentionne aucune dégradation majeure de l'état de conscience du patient. Seule était évoquée une somnolence sans flapping.

Le retour à domicile était à ce titre autorisé.

Lors de la célébration du mariage, le consentement des époux a été recueilli dans les conditions habituelles par Mme [J] [T], adjoint au maire de [Localité 1], officier de l'Etat civil, en présence de deux témoins majeurs.

Le mariage de M. [X] [R] est donc intervenu dans l'urgence, du fait de son état de santé, trois jours seulement avant son décès, mais cet acte s'est réalisé avec la participation du corps médical qui aurait relevé l'incapacité de l'intéressé d'exprimer un consentement valable au vu de son état de santé si elle avait existé, ce qui n'a pas été le cas, et en présence de l'officier d'état civil, également chargé de vérifier l'existence des conditions de validité du mariage, dont la conscience libre et éclairée des futurs époux, ainsi que des témoins qui sont des proches des époux et les connaissent bien, lesquels n'ont pas manifesté d'opposition au projet matrimonial.

M. [X] [R] a souffert d'une pathologie alcoolique ancienne, ainsi qu'en atteste notamment le compte rendu de son hospitalisation à la demande d'un tiers en mars/avril 2001 pour éthylisme aigü. Toutefois, à l'exception de cet épisode, il n'est fait état d'aucune autre hospitalisation de ce chef.

Les différents témoignages versés aux débats par Mme [C] décrivent par ailleurs M. [X] [R] comme un homme chaleureux et sociable.

Il n'est pas établi par M. [K] [R] que le trouble alcoolique de son père aurait engendré une dégénérescence neurologique de nature a altéré ses facultés intellectuelles.

Il a développé ensuite une cirrhose et un cancer du foie, traités à compter de septembre 2009, et, en 2011, dans les quelques mois précédant son décès, était atteint d'une encéphalopathie fluctuante.

Dans les derniers jours avant sa mort, les médecins considéraient que M. [X] [R] se trouvait en soins palliatifs, aucun traitement thérapeutique ne pouvant plus être mis en 'uvre.

Pour autant les diverses pièces médicales produites, si elles font ressortir l'altération des facultés physiques de M. [R], n'évoquent pas d'altération de ses facultés intellectuelles.

Il doit être relevé sur ce point le contenu de l'attestation en la forme civile rédigée par Mme [A] [I], le 11 novembre 2020, laquelle témoigne de ce qu'elle a fréquemment rencontré M. [X] [R] durant les derniers mois de sa maladie, et de ce que ce dernier demeurait parfaitement lucide et alerte intellectuellement.

Ainsi, les éléments médicaux produits par M. [K] [R] sont insuffisants à démontrer que M. [X] [R] ne disposait pas de ses facultés mentales au moment de la célébration de son mariage le 8 septembre 2011 au sein même de l'établissement de santé, et donc que son consentement aurait été vicié.

Il n'est pas nécessaire dès lors d'ordonner la communication des documents de demande de mariage remis à la mairie, et signés par M. [X] [R], ainsi que le demande l'appelant, la Cour s'estimant suffisamment informée par les pièces déjà produites.

Par ailleurs, les nombreuses pièces produites sous forme d'attestations de membres de la famille ou du voisinage, de photographies, de factures et contrats de la vie courante (assurance, énergie...), produits par Mme [C], démontrent que M. [X] [R] et Mme [C] ont entretenu une relation amoureuse à compter de 1987.

Aux yeux de tous, et notamment des enfants aînés de M. [X] [R], ils ont constitué une famille avec l'enfant [Z], considéré depuis toujours comme le fils de M. [X] [R].

Le fait que les deux concubins disposaient de deux logements ne suffit pas à retirer à la relation de M. [R] et Mme [C] le caractère de stabilité décrit par l'ensemble des témoins et à remettre en cause la communauté de vie et de sentiments qui les unissait, alors même que le maintien de deux logements distincts n'exclut pas que la famille ait pu se retrouver alternativement dans chacun des deux logements, ainsi que l'explique Mme [C] et ce dont témoignent divers amis et proches.

De plus, il est établi que le logement de M. [X] [R] pouvait être mis en location pour constituer une source de revenus supplémentaires, impliquant dans ce cas la présence de M. [X] [R] chez Mme [C] au quotidien.

Enfin, l'organisation familiale ainsi dépeinte peut expliquer également que M. [X] [R] ait pu à l'occasion de certains actes précis ne pas faire état d'une vie en concubinage, comme lors de son entrée à l'hôpital où il s'est déclaré seulement veuf (sans cocher la case concubinage) ou la procédure menée contre le maire de sa commune où il a déclaré qu'il vivait seul.

Ainsi, M. [K] [R] ne peut sérieusement soutenir que Mme [C] ne serait apparue dans la vie de son père que quelques mois avant son décès, alors qu'il ne conteste pas qu'elle était présente à son propre mariage en 1992.

Force est de constater que M. [K] [R] est le seul enfant du défunt à remettre en cause l'union de celui-ci avec Mme [C], puisque son frère [G] a attesté de l'ancienneté de leur communauté de vie et de l'intégration de Mme [C] dans la famille [R].

Le projet matrimonial du couple ne venait donc que régulariser une situation de fait ancienne, et le neveu de M. [X] [R], [D] [R], et son épouse, ont témoigné du fait que M. [X] [R] avait déjà exprimé sa volonté de se marier avec Mme [C] en 2009 et 2010.

Quant à l'absence d'intention matrimoniale alléguée de Mme [C], les opérations bancaires dénoncées par M. [K] [R], effectuées par Mme [C] après le décès de M. [X] [R], dans des proportions qui restent modestes, peuvent être admises dans le cadre des opérations successorales ou de gestion courante, et ce d'autant qu'il n'est pas justifié d'une intention de détournement par Mme [C] à des fins purement personnelles.

Force est d'ailleurs de constater que Mme [C] a rendu compte de ses opérations auprès du notaire chargé de la succession, et qu'elle a ainsi obtenu remboursement de sommes complémentaires à ce titre.

De même, les démarches réalisées par Mme [C] auprès des établissements bancaires teneurs de compte au bénéfice de M. [R] peuvent pleinement s'inscrire dans ces opérations de gestion courante après la survenance d'un décès, le courrier produit par M. [K] [R], émanant de la banque BNP Paribas (pièce 10), ne permettant pas en l'état de prouver que Mme [C] aurait tenté de capter l'intégralité des avoirs bancaires du défunt.

M. [K] [R] semble par ailleurs opérer une confusion, volontaire ou non, entre les frais d'obsèques exposés et les frais remboursés par le notaire à Mme [C], pour un montant de 2 900,84 euros, dont le détail est justifié par l'épouse (pièce 15), de sorte que la remise en cause de la sincérité de ces comptes apparaît sans fondement.

Dans ce contexte, les conditions de cession du véhicule Mercedes, appartenant à M. [X] [R], dans les jours ayant précédé son décès, qui sont critiquées par M. [K] [R] sont indifférentes, et il n'y a pas lieu de s'interroger sur le caractère falsifié ou non du certificat de cession produit.

En effet, les arguments avancés par M. [K] [R] visant à démontrer la tentative de captation d'héritage par Mme [C] sont insuffisants, au regard de l'ancienneté de la vie commune entre les époux (près de 24 ans), et de la réalité de leur attachement dont il a été témoigné par l'ensemble de leurs proches.

Au vu de l'ensemble de ces éléments, c'est à juste titre que les premiers juges ont débouté M. [K] [R] de sa demande de nullité du mariage de son père avec Mme [O] [C].

Le jugement déféré sera donc confirmé sur ce point.

Sur les demandes de dommages et intérêts :

En l'absence d'annulation du mariage, la demande de dommages et intérêts présentée par M. [K] [R] n'a aucun fondement, et il conviendra de confirmer le jugement de première instance en ce qu'il a débouté M. [K] [R] de sa demande de dommages et intérêts.

Mme [C] réitère sa demande d'indemnisation de son préjudice moral lié à l'affront de solliciter auprès de son entourage des preuves de sa vie familiale, affective et amoureuse avec son époux après l'épreuve du décès de celui-ci, dans le cadre d'une procédure longue initiée par un fils qui n'entretenait plus aucune relation avec son père et qui est le seul de la famille [R] à se montrer insultant envers elle.

Mme [C] souligne la véhémence de M. [R] dans son action à son encontre, ainsi que la mauvaise foi de ce dernier qui est allé jusqu'à prétendre ne l'avoir jamais rencontrée avant le décès de son père.

L'organisation de sa défense dans le cadre d'une procédure judiciaire a indubitablement une incidence pour Mme [C], qui a dû prouver en justice la réalité d'une situation de fait touchant au plus intime de sa vie.

L'épouse a ainsi dû recueillir des témoignages et réunir des preuves attestant de sa relation sentimentale avec M. [X] [R], pourtant connue de longue date de l'ensemble de sa famille et de ses proches, en ce compris M. [K] [R].

Au surplus, il ne peut qu'être relevé la persistance de M. [K] [R] à remettre en cause le lien matrimonial contracté par son père avant son décès, la présente procédure judiciaire ayant été introduite depuis août 2016, sans que depuis le demandeur ne semble avoir fait un pas vers Mme [C] pour résoudre la situation familiale.

Dès lors, il doit être considéré que l'action engagée par M. [K] [R] à l'égard de Mme [C] présente un caractère abusif, qui fonde la demande de dommages et intérêts présentée par cette dernière.

Il sera en conséquence fait droit à la demande d'indemnisation de Mme [C], qui sera néanmoins ramenée à de plus justes proportions.

Le jugement déféré sera ainsi infirmé de ce chef, et M. [K] [R] sera condamné à payer à Mme [O] [C] veuve [R] la somme de 4.000 euros à titre de dommages et intérêts pour son préjudice moral.

Sur les frais et dépens :

L'équité justifie que l'appelant qui succombe à l'instance supporte les frais irrépétibles exposés par la partie adverse. Une somme de 2.000 euros est allouée à ce titre à Mme [C].

Au surplus, M. [K] [R] est condamné aux dépens de la procédure d'appel, le sort des frais irrépétibles et dépens de première instance restant inchangé.

PAR CES MOTIFS

La Cour,

Statuant dans les limites de sa saisine, par décision contradictoire,

Confirme le jugement prononcé le 29 août 2019 par le Tribunal de Grande Instance de Caen, sauf en ce qu'il a débouté Mme [O] [C] veuve [R] de sa demande de dommages et intérêts,

Statuant à nouveau,

Condamne M. [K] [R] à verser à Mme [O] [C] veuve [R] la somme de 4 000 euros à titre de dommages et intérêts pour préjudice moral,

Condamne M. [K] [R] à payer à Mme [O] [C] veuve [R] une somme de 2 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

Condamne M. [K] [R] aux entiers dépens de la procédure d'appel.

LA GREFFIERE P/ LA PRESIDENTE

Estelle FLEURY A. GAUCI SCOTTE


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Caen
Formation : 3ème chambre civile
Numéro d'arrêt : 23/00029
Date de la décision : 06/07/2023

Origine de la décision
Date de l'import : 26/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2023-07-06;23.00029 ?
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