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15/06/2023 | FRANCE | N°21/03433

France | France, Cour d'appel de Caen, 3ème chambre civile, 15 juin 2023, 21/03433


AFFAIRE : N° RG 21/03433 - N° Portalis DBVC-V-B7F-G4RN



ARRET N°



AB





ORIGINE : Décision du Juge aux affaires familiales de CAEN du 06 août 2021 RG n° 19/02222









COUR D'APPEL DE CAEN

TROISIEME CHAMBRE CIVILE

ARRET DU 15 JUIN 2023





APPELANTE :



Madame [U], [N], [P] [K]

née le 05 Janvier 1968 à [Localité 5]

[Adresse 1]

[Localité 3]



Représentée et assistée de Me Marie-Sophie LAMY, avocat au barreau de CAEN
>(bénéficie d'une aide juridictionnelle Partielle numéro 141180022021008131 du 25/11/2021 accordée par le bureau d'aide juridictionnelle de CAEN)



INTIME :



Monsieur [T] [R]

né le 22 Décembre 1958 à [Local...

AFFAIRE : N° RG 21/03433 - N° Portalis DBVC-V-B7F-G4RN

ARRET N°

AB

ORIGINE : Décision du Juge aux affaires familiales de CAEN du 06 août 2021 RG n° 19/02222

COUR D'APPEL DE CAEN

TROISIEME CHAMBRE CIVILE

ARRET DU 15 JUIN 2023

APPELANTE :

Madame [U], [N], [P] [K]

née le 05 Janvier 1968 à [Localité 5]

[Adresse 1]

[Localité 3]

Représentée et assistée de Me Marie-Sophie LAMY, avocat au barreau de CAEN

(bénéficie d'une aide juridictionnelle Partielle numéro 141180022021008131 du 25/11/2021 accordée par le bureau d'aide juridictionnelle de CAEN)

INTIME :

Monsieur [T] [R]

né le 22 Décembre 1958 à [Localité 7] (14)

[Adresse 2]

[Localité 4]

Représenté et assisté de Me Alicia BALOCHE, avocat au barreau de CAEN

(bénéficie d'une aide juridictionnelle Partielle numéro 141180022022000175 du 20/01/2022 accordée par le bureau d'aide juridictionnelle de CAEN)

DEBATS : A l'audience du 16 mai 2023 prise en chambre du conseil, sans opposition du ou des avocats, Mme LEON, Présidente de chambre, a entendu seule les observations des parties sans opposition de la part des avocats et en a rendu compte à la Cour dans son délibéré

GREFFIERE : Madame SALLES

COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ :

Mme LEON, Présidente de chambre,

Mme DE CROUZET, Conseiller,

Mme LOUGUET, Conseiller,

ARRET prononcé publiquement le 15 juin 2023 à 14h00 par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour et signé par Mme LEON, président, et Mme FLEURY, greffier

******

M. [T] [R] et Mme [U] [K] se sont mariés, le 31 mars 2007, devant l'Officier de l'état civil de [Localité 6], sans avoir fait précédé leur union d'un contrat de mariage.

Après une ordonnance de non-conciliation rendue le 17 juin 2013, infirmée partiellement suivant arrêt de la Cour d'Appel du 22 mai 2014, M. [R] et Mme [K] ont divorcé par jugement du 25 mars 2016 rendu par le Juge aux Affaires Familiales près du Tribunal de Grande Instance de CAEN.

Suivant acte d'huissier en date du 18 juillet 2019, M. [T] [R] a fait assigner Mme [U] [K] devant le juge aux affaires familiales sur le fondement des articles 1442 et suivants du code civil.

Par jugement en date du 6 août 2021, le juge aux affaires familiales près le Tribunal

judiciaire de Caen a notamment :

- Ordonné l'ouverture des opérations de compte, liquidation et partage de la communauté ayant existé entre M. [T] [R] et Mme [U] [K] ;

- Déclaré Mme [U] [K] recevable mais mal fondée en ses prétentions relatives à la période du concubinage ;

- Dit que M. [T] [R] est redevable à l'égard de la communauté d'une récompense de 16.516,65 euros ;

- Dit que M. [T] [R] est bénéficiaire à l'égard de la communauté d'une récompense de 19.298,19 euros ;

- Dit que M. [T] [R] est bénéficiaire à l'égard de l'indivision post-communautaire d'une créance de 7.959,64 euros ;

- Dit que M. [T] [R] est bénéficiaire à l'égard de Mme [U] [K] d'une créance de 1.565,01 euros ;

- Dit que dans le cadre du partage, Mme [U] [K] est redevable à l'égard de M. [T] [R] d'une soulte d'un montant de 6.935,60 euros ,

- Condamné Mme [U] [K] à payer à M. [T] [R] la somme de 6.935,60 euros ;

- Débouté les parties de leurs demandes plus amples ou contraires ;

- Débouté les parties de leurs demandes au titre de l'article 700 du Code de procédure civile,

- Condamné chacune des parties aux frais et dépens qui seront partagés pour moitié

et recouvrés comme en matière d'aide juridictionnelle.

Mme [K] a interjeté appel de cette décision par acte du 21 décembre 2021.

M. [R] a constitué avocat le 11 janvier 2022.

Par ses dernières écritures en date du 21 avril 2023, l'appelante conclut en ces termes :

- Réformer le jugement rendu par le juge aux affaires familiales de Caen le 6 août

2021,

Statuant à nouveau,

- Fixer la créance de Mme [K] à l'encontre de M. [R] à la somme de 38 38 986.24 € (lire 38 986.24) subsidiairement la somme de 33 084.82 € pour la période de concubinage et le condamner à lui régler cette somme,

- Fixer la récompense due à la communauté par M. [R] à la somme de 23 465.94 € et le condamner à régler cette somme à la communauté,

- Débouter M. [R] de l'intégralité de ses demandes, fins et prétentions,

- Confirmer le jugement rendu par le juge aux affaires familiales de Caen le 6 août

2011 en ses autres dispositions,

- Condamner M. [R] à régler à Mme [K] la somme de 4 000 € en application des dispositions de l'article 700 du Code de Procédure Civile, à tous le moins des dispositions relatives à la loi relative à l'aide juridictionnelle,

- Condamner M. [R] aux entiers dépens qui seront recouvrés par Maître LAMY en application de l'article 699 du Code de Procédure Civile, à tous le moins des dispositions relatives à la loi relative à l'aide juridictionnelle.

Par ses dernières conclusions en date du 20 septembre 2022 l'intimé, appelant incident conclut en ces termes :

- REFORMER le jugement rendu par le Juge aux Affaires Familiales de CAEN le 6 août 2021 en ce qu'il a :

- déclaré Mme [U] [K] recevable en ses prétentions relatives à la période du concubinage,

- débouté les parties de leurs demandes plus amples ou contraires,

- débouté les parties de leurs demandes au titre de l'article 700 du Code de Procédure Civile,

- condamné chacune des parties aux frais et dépens qui seront partagés pour moitié et recouvrés comme en matière d'aide juridictionnelle,

Statuant à nouveau,

A titre liminaire,

- DECLARER la demande de Mme [K] relative à la période de concubinage irrecevable comme étant prescrite,

- En conséquence, l'en débouter,

En tout état de cause,

- DEBOUTER Mme [K] de sa demande relative à la période de concubinage comme étant infondée et injustifiée,

- DEBOUTER Mme [K] de l'intégralité de ses demandes, fins et prétentions,

- CONDAMNER Mme [K] à verser à M. [R] la somme de 3 000 € au titre des dispositions de l'article 700 du Code de Procédure Civile s'agissant de la procédure de Première Instance ainsi qu'aux entiers dépens,

- CONDAMNER Mme [K] à verser à M. [R] la somme de 4 000 € au titre des dispositions de l'article 700 du Code de Procédure Civile s'agissant de la procédure devant la Cour d'Appel de CAEN ainsi qu'aux entiers dépens.

En application de l'article 455 du code de procédure civile, la cour se réfère, pour un plus ample exposé des prétentions et des moyens des parties, à leurs dernières conclusions sus-visées.

L'ordonnance de clôture a été prononcée le 3 mai 2023 avant l'ouverture des débats à l'audience du 16 mai 2023.

MOTIFS DE LA DECISION

Sur l'étendue de la saisine de la cour :

Aux termes de la déclaration d'appel et des dernières conclusions des parties, l'appel est limité :

- à la recevabilité des demandes concernant la période de concubinage,

- aux demandes de remboursement à Mme [K] des échéances d'emprunt de l'immeuble familial, bien propre de M. [R], de travaux effectués dans ce bien et des taxes foncières y afférents durant la période de concubinage,

- aux récompenses dues à la communauté pendant le mariage du chef de ces mêmes dépenses,

- l'article 700 prononcé en première instance.

Les développements dans les écritures de M. [R], non repris dans celles de Mme [K], sur l'indivision post communautaire et les créances entre époux ne font l'objet d'aucun litige à trancher.

Sur les demandes relatives au concubinage :

a. Sur la recevabilité des demandes

Le premier juge a écarté le moyen tiré de la prescription relevant que ' l'article 2236 du code civil dispose que la prescription ne court pas ou est suspendue entre époux, ainsi qu'entre partenaires liés par un pacte civil de solidarité,

Or cette règle, qui a été posée par souci de préservation de la paix des ménages, a vocation à s'appliquer à l'ensemble des rapports pécuniaires entre les époux et va bien au-delà de leurs seuls intérêts nés pendant l'union maritale en ce qu'elle englobe tous les rapports pécuniaires entre les parties.

Il s'ensuit que la prescription des demandes relatives au concubinage précédent l'union maritale des parties, s'est trouvée suspendue pendant toute la période du mariage, à savoir du 31 mars 2007 au 25 mars 2016.'

Mme [K] soutient que la demande n'est pas prescrite, le mariage ayant suspendu le délai de prescription tandis que M. [R] prétend que le premier juge aurait dénaturé les termes de l'article 2236, lequel serait applicable aux seuls époux puisqu'aucune disposition législative ou jurisprudentielle ne prévoirait que la suspension de la prescription engloberait tous les rapports pécuniaires entre les parties et que la Cour de Cassation estime d'ailleurs que, en matière d'indivision, la créance revendiquée par un indivisaire est exigible dès le paiement de chaque échéance de l'emprunt immobilier, à partir duquel la prescription commence à courir.

Ainsi que l'a rappelé le premier juge la règle prévue par l'article 2236 du code civil précité a été édictée dans un souci de préservation de la paix des ménages. Il s'en déduit que durant la période du mariage il existe entre époux une impossibilité morale d'agir en justice.

C'est donc à juste titre que la décision attaquée a considéré que la prescription des actions liées au concubinage antérieur au mariage s'est trouvée suspendue pendant le mariage.

S'agissant du point de départ de la prescription du règlement de la créance détenue contre l'indivision ou le coïndivisaire, il s'agit du jour à compter duquel son titulaire a eu connaissance ou aurait dû avoir connaissance de son droit, c'est-à-dire à compter du transfert de valeur, soit le remboursement de chaque échéance de l'emprunt ou le versement de l'apport personnel.

Toutefois la loi du 17 juin 2008 qui a réduit à 5 ans la durée de la prescription est entrée en vigueur le 19 juin 2008 de sorte que les échéances non prescrites à cette date ont vu leur délai de prescription fixé au 19 juin 2013, ce qui a uniformisé le point de départ du délai de prescription de chaque échéance.

En conséquence la prescription a recommencé à courir à compter du jour où le divorce prononcé le 25 mars 2016 est devenu définitif pour s'interrompre le 4 mai 2020 date des premières écritures de Mme [K] revendiquant sa créance, intervenues dans le délai de 5 ans.

Dès lors les demandes formées par cette dernière sont recevables.

b. Sur les échéances de l'emprunt immobilier

Le premier juge a considéré que la participation de Mme [K] au paiement des échéances du prêt relèverait de sa contribution aux charges du ménage et en a déduit qu'elle ne justifierait pas que son appauvrissement serait dépourvu de cause et partant qu'il ne serait redevable d'aucune créance au profit de l'indivision.

Mme [K] soutient que lorsqu'un compte bancaire est libellé au nom de deux concubins, comme c'est le cas en l'espèce, les fonds figurant sur le compte sont présumés appartenir indivisément aux deux intéressés, qu'il n'existe aucune présomption d'intention libérale entre concubins, mais au contraire une présomption d'onérosité.

Elle en déduit que le prêt immobilier constituant une dette personnelle de M. [R], et non une dette indivise, elle a droit au remboursement de sa part des échéances du prêt prélevées sur ce compte, que l'ensemble des dettes étaient prélevées sur ce compte ce dont M. [R] ne rapporte pas la preuve contraire.

Selon elle, sa participation au paiement des échéances de l'emprunt immobilier du bien appartenant à M. [R] a nécessairement dépassé sa participation normale aux charges courantes compte tenu de la disparité de revenus. Elle ajoute que cette dépense ne peut être considérée comme une contrepartie de l'occupation gratuite du logement, ce d'autant que selon elle, le montant des travaux d'amélioration de l'immeuble de M. [R] ne se sont pas limités à une somme de 6 375,85 € mais également au remboursement du prêt travaux souscrit par les concubins le 18 octobre 1996 pour une somme de 45 000 francs, hors frais, et dont les échéances étaient prélevées sur le compte joint.

Enfin elle fait remarquer que la contribution aux charges courantes n'a pas pour objet de permettre à un concubin de se constituer et d'améliorer son patrimoine propre au moyen des revenus de l'autre, de surcroît lorsque ce dernier n'a pu lui-même se constituer un patrimoine.

Elle affirme que son patrimoine s'est appauvri au profit de celui de M. [R] et que cet appauvrissement n'a pu se compenser avec l'occupation gratuite de la maison.

Au contraire M. [R] réplique que selon lui, si le compte joint a effectivement permis de rembourser une partie des traites du crédit immobilier souscrit pour l'acquisition de son domicile, il ne saurait être considéré que les conditions de l'enrichissement sans cause de l'article 1303 et suivants du Code civil sont remplies.

Il soutient que Mme [K] ne prouve pas l'existence d'un enrichissement sans cause puisque sa participation aux charges du ménage avait pour contrepartie son hébergement durant la vie commune, ainsi que celui de sa fille [E], qu'il est évident qu'elle a tiré un profit personnel de cet appauvrissement dès lors qu'elle a vécu durant de nombreuses années dans le bien immobilier, faisant ainsi l'économie d'un loyer. Il considère qu'elle ne rapporte pas la preuve d'une sur-contribution aux charges du ménage, qu'aucun élément n'est produit s'agissant de ses revenus et de l'origine des dépenses du compte joint.

En tout état de cause il précise que ses calculs sont erronés en ce que le remboursement de l'emprunt a commencé à être mensuellement prélevé sur le compte joint qu'à compter d'avril 2000.

Il est acquis que le logement de la famille était un bien personnel de M. [R] et que le compte joint entre les concubins alimenté par leurs salaires a effectivement permis de rembourser les échéances de l'emprunt ayant financé l'immeuble et de régler les taxes foncières y afférent.

Il est constant qu'en matière de concubinage, aucune disposition légale ne réglant la contribution des concubins aux charges de la vie commune, chacun d'eux doit, en l'absence de convention contraire supporter les dépenses de la vie courante qu'il a volontairement engagées.

Enfin le concubin qui invoque l'enrichissement injustifié doit démontrer que la corrélation est sans cause.

En l'espèce aucune convention n'existait entre les concubins mais il ressort notamment de l'existence du compte joint et des relevés y afférent qu'il y avait bien une volonté de partager les dépenses de la vie commune.

Pour contrer la règle ci-dessus rappelée sur le fait que les concubins supportent chacun les dépenses de la vie courante volontairement engagées, Mme [K] soutient qu'elle aurait sur-contribué aux charges du ménage.

Elle ne fournit cependant aucun élément précis sur les revenus de chacun à cette époque ni sur la répartition des charges, se contentant de relever qu'il n'est pas contesté qu'elle gagnait moins que M. [R], ce qui est insuffisant pour prouver une sur-contribution d'autant que le montant global revendiqué par Mme [K] rapporté à la période de concubinage représente une somme mensuelle relativement modique de l'ordre de 300 euros.

Par ailleurs ainsi que l'a rappelé le premier juge il est établi que le bien financé par les échéances d'emprunt était le logement de la famille.

Ainsi le paiement de la moitié des échéances d'emprunt s'analyse en une contrepartie de la mise à disposition du logement durant de nombreuses années, Mme [K] y avait donc un intérêt.

Or l'intérêt personnel du concubin qui invoque l'enrichissement injustifié doit être absent.

Tel n'est pas le cas en l'espèce et la décision sera en conséquence confirmée de ce chef.

c. Sur le financement des travaux dans l'immeuble propre de M. [R]

Le premier juge a rejeté la demande de Mme [K] au motif que la seule production des factures afférentes aux travaux, dressées au seul nom de M. [R], ne saurait faire la démonstration de la réalité de l'appauvrissement invoqué.

Selon Mme [K] qui reprend le même raisonnement que précédemment pour justifier de son droit à remboursement, le premier juge a omis l'existence du prêt travaux souscrit par les concubins le 18 octobre 1996 pour montant total de 54 877 francs et dont les échéances étaient prélevées sur le compte joint.

Pour M. [R], elle ne rapporte pas la preuve que ces factures auraient été acquittées par le compte joint, le simple fait que les retraits en espèces ont été régularisés sur le compte-joint ne saurait convaincre, qu'en tout état de cause, le changement des menuiseries, fenêtres et volets roulants il y a 20 ans ne pourrait apporter aujourd'hui une plus-value au bien.

Enfin il fait valoir que si la Cour d'Appel estimait que la participation de Mme [K] aux travaux a excédé sa contribution aux charges, elle ne pourrait prétendre au remboursement que de la moindre des deux sommes entre l'appauvrissement et l'enrichissement, qu'elle n'a donc aucun intérêt à ce que soit calculé le montant de l'éventuel enrichissement de M. [R] puisqu'elle ne pourra, en tout état de cause, jamais obtenir davantage que le montant de son appauvrissement.

La demande d'indemnisation du concubin fondée sur l'enrichissement sans cause ne peut prospérer dès lors que les travaux qu'il a financés peuvent être considérés comme une contrepartie des avantages dont il a profité pendant la période de concubinage.

Si l'emprunt destiné à financer les travaux pour un montant de 45 000 francs souscrit auprès du crédit agricole l'a été aux deux noms et les échéances remboursées au moyen du compte joint, les factures concernant les travaux d'amélioration au titre de l'aménagement des combles, des travaux de menuiseries et fenêtres produites par Mme [K] sont établies au nom de M. [R] et elle ne justifie pas de leur paiement au moyen de deniers personnels ou provenant du compte joint.

En tout état de cause ces travaux dont l'ampleur et le coût restent limités, peuvent être considérés comme une contrepartie des avantages dont Mme [K] a profité pendant la période de concubinage laquelle a duré plus de dix années.

Dès lors elle y avait intérêt et elle ne peut invoquer l'enrichissement injustifié.

La décision sera également confirmée de ce chef.

d. Sur la participation de Mme [K] au règlement des taxes foncières

Le premier juge a rejeté la demande de Mme [K] en estimant que ces dépenses devaient s'analyser en des dépenses de conservation relevant de la contribution aux charges du ménage.

Or elle souligne que s'agissant d'un impôt foncier lié à la propriété de l'immeuble, seul M. [R] en est redevable et les fonds indivis ayant servi au paiement d'une dette personnelle de M. [R], elle est bien fondée à obtenir sa condamnation à rembourser la moitié des sommes réglées au titre de la taxe foncière de 2000 à mars 2007.

M. [R] répond qu'elle ne produit aucune pièce probante permettant de justifier non seulement du montant de la taxe foncière mais qui plus est que celle-ci aurait été réglée par le compte-joint et qu'en tout état de cause, la prétendue participation de Mme [K] au paiement des taxes foncières ne saurait être considérée comme dépassant sa contribution aux charges du ménage.

Mme [K] produit un avis d'impôt de 2012 mentionnant le compte à débiter comme étant le compte joint des parties, celles-ci étaient à cette époque mariées et il ne saurait en être déduit que les taxes foncières du temps du concubinage étaient réglées au moyen dudit compte. Les relevés de ce compte produits font état de plusieurs prélèvements mensuels du Trésor Public sans permettre de savoir si l'un d'entre eux correspond bien à la taxe foncière dont s'agit.

De plus et par analogie avec ce qui précède, la contribution au paiement de cette taxe trouve son fondement dans le fait que Mme [K] a habité les lieux durant le concubinage, qu'elle avait donc intérêt à ce que ces sommes soient payées et que leur montant n'excède pas une participation normale aux charges de la vie du ménage.

La décision sera confirmée.

Il sera relevé que l'argument de Mme [K] tendant à considérer qu'il y a une incohérence à considérer que les mêmes dépenses ouvrent droit à récompense durant le mariage ne saurait être pertinent en droit dès lors que les fondements juridiques sont différents et que le mariage a vocation à déterminer voire protéger davantage les intérêts pécuniaires de chaque membre du couple.

Sur les demandes afférentes à la liquidation de la communauté :

a. Sur les récompenses dues à la communauté par M. [R]

Le premier juge a retenu que la communauté était détentrice d'une récompense de 16 516,65 € pour avoir financé l'acquisition du bien personnel de M. [R] en remboursant partiellement l'emprunt mais s'agissant des travaux réalisés sur le bien, il a été noté que les éléments de la cause ne permettent cependant pas de déterminer si ces dépenses ont permis d'améliorer le bien ou si elles étaient nécessaires à sa conservation et que faute de démonstration suffisante, Mme [K] sur qui pèse la charge de la preuve, sera donc déboutée de sa prétention sur ce chef.

La décision attaquée mentionne que 'Par ailleurs outre le fait que Mme [K] ne justifie pas du paiement effectif par la communauté des taxes foncières au titre desquelles elle sollicite aussi le bénéfice d'une récompense, il y a lieu de constater qu'une telle dépense, en ce qu'elle ne réside pas en une dépense d'acquisition mais de conservation, doit rester supportée par la communauté dès lors que celle-ci a bénéficié des fruits et revenus du bien propre de l'époux. »

Mme [K] rappelle que l'article 1437 du Code Civil ne distingue pas selon que la communauté a financé des dépenses d'amélioration ou de conservation du bien propre de l'un des époux : chaque fois que la communauté a financé une dépense de cette nature, elle a droit à récompense. Le montant de la récompense correspond soit à la dépense faite, soit au profit subsistant.

Elle en tire la conséquence que M. [R] qui n'a pas contesté que les travaux réalisés dans son bien propre ont été financés par la communauté (tout comme l'ont été les échéances de l'emprunt) est redevable d'une récompense à la communauté.

Mme [K] expose que les impôts fonciers constituent une charge attachée à la propriété de l'immeuble qui ne relèvent pas du passif commun, qu'il appartient donc à M. [R] de la supporter à titre définitif pour toute la durée du mariage et que dans la mesure où ces sommes ont été prélevées sur le compte joint, la communauté a droit à récompense.

Pour M. [R] à défaut pour Mme [K] de rapporter la preuve que les dépenses étaient d'amélioration ou de conservation, elles doivent être considérées comme des dépenses de jouissance et d'entretien qui ne peuvent donner lieu à récompense.

Quant à la taxe foncière il relève que Mme [K] ne justifie pas du paiement au moyen de fonds communs et que s'agissant de charges de jouissance elles ne sauraient donner lieu à récompense.

L'article 1437 du code civil prévoit que toutes les fois qu'il est pris sur la communauté une somme, soit pour acquitter les dettes ou charges personnelles à l'un des époux, telles que le prix ou partie du prix d'un bien à lui propre ou le rachat des services fonciers, soit pour le recouvrement, la conservation ou l'amélioration de ses biens personnels, et généralement toutes les fois que l'un des deux époux a tiré un profit personnel des biens de la communauté, il en doit la récompense.

S'agissant des remboursements de l'emprunt destiné à financer le logement familial, bien propre de M. [R], il n'est pas contesté que les échéances ont été prélevées sur le compte joint au moyen de deniers communs et les parties sollicitent la confirmation de la décision attaquée sur ce point.

S'agissant des travaux dans le bien, M. [R] ne conteste pas que la communauté ait financé les matériaux pour la réalisation d'un dressing dans la chambre parentale, la pose d'un insert dans la cheminée et de faïences dans la salle de bains pour un total de 3.497,29 euros.

Ces dépenses ne peuvent être considérées comme de simples dépenses d'entretien, elles apportent nécessairement une amélioration, certes modeste, mais réelle à l'immeuble et dès lors doivent entraîner récompense à la communauté qui les a exposées.

Enfin s'agissant des taxes foncières, elles étaient avant 1965 appelées «usufructuaires» et la pratique constante, notamment notariale, refuse de faire de ce paiement sur la caisse commune un chef de récompense, au motif explicite que cette dépense représenterait encore une charge de la jouissance de l'immeuble propre.

Dès lors Mme [K] ayant bénéficié de la jouissance de l'immeuble, il ne sera pas fait droit à sa demande de ce chef et la décision contestée, confirmée sur ce plan.

b. Sur la récompense due par la communauté à M. [R]

Mme [K] s'en rapporte à justice s'agissant de la donation reçue par M. [R] en 2011 de 17.037,13 euros et d'une assurance -vie de 2.261,06 euros perçue en 2012.

La décision sera en conséquence confirmée de ce chef.

Sur les frais et dépens :

Au vu de la nature et de l'issue du litige, l'équité ne justifie pas qu'il soit fait application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile en faveur de l'une ou de l'autre des parties que ce soit en première instance ou en cause d'appel.

Chacune des parties ayant succombé partiellement à l'appel, elles conserveront la charge de leurs propres dépens.

Il n'y a pas lieu de modifier la décision prise au titre des dépens par le premier juge.

PAR CES MOTIFS,

La Cour, statuant dans les limites de sa saisine, par décision contradictoire,

Infirme partiellement le jugement rendu le 6 août 2021 par le juge aux affaires familiales près le tribunal judiciaire de Caen en ce qui concerne le droit à récompense de la communauté du chef des travaux réalisés dans l'immeuble appartenant en propre à l'époux,

Statuant à nouveau :

Dit que M. [R] est redevable envers la communauté d'une récompense de 3.497,29 euros au titre du financement de travaux dans l'immeuble qu'il possède en propre ;

Confirme la décision entreprise pour le surplus des chefs d'appel et déboute en tant que de besoin les parties de toutes autres demandes,

Dit ne pas y avoir lieu à application de l'article 700 du code de procédure civile ;

Dit que chaque partie conservera la charge de ses propres dépens.

LA GREFFIERE LA PRÉSIDENTE

Estelle FLEURY C. LEON


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Caen
Formation : 3ème chambre civile
Numéro d'arrêt : 21/03433
Date de la décision : 15/06/2023

Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2023-06-15;21.03433 ?
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