AFFAIRE : N° RG 21/03023
N° Portalis DBVC-V-B7F-G3VI
Code Aff. :
ARRET N°
C.P
ORIGINE : Décision du Pôle social du Tribunal Judiciaire de COUTANCES en date du 06 Octobre 2021 - RG n° 18/00459
COUR D'APPEL DE CAEN
2ème chambre sociale
ARRET DU 08 JUIN 2023
APPELANT :
Monsieur [F] [O]
[Adresse 1]
[Localité 3]
Représenté par Me Emmanuel LEBAR, substitué par Me M'PANINGAGNI, avocats au barreau de COUTANCES
INTIMEE :
CAISSE PRIMAIRE D'ASSURANCE MALADIE DE LA MANCHE
[Adresse 5]
[Localité 2]
Représentée par M. [S], mandaté
DEBATS : A l'audience publique du 03 avril 2023, tenue par M. GANCE, Conseiller, Magistrat chargé d'instruire l'affaire lequel a, les parties ne s'y étant opposées, siégé seul, pour entendre les plaidoiries et en rendre compte à la Cour dans son délibéré
GREFFIER : Mme GOULARD
COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DELIBERE :
Mme CHAUX, Présidente de Chambre
M. LE BOURVELLEC, Conseiller,
M. GANCE, Conseiller,
ARRET prononcé publiquement le 08 juin 2023 à 14h00 par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile et signé par Mme CHAUX, présidente, et Mme GOULARD, greffier
La cour statue sur l'appel régulièrement interjeté par M. [F] [O] d'un jugement rendu le 6 octobre 2021 par le tribunal judiciaire de Coutances dans un litige l'opposant à la caisse primaire d'assurance maladie de la Manche (la caisse).
FAITS et PROCEDURE
M. [F] [O], salarié de la société [4] a établi une déclaration d'accident du travail le 13 septembre 2017 dans les termes suivants :
'Date 14/04/2017 Heure : 17 30
Activité de la victime lors de l'accident : j'étais en entretien avec mon employeur M. [Y] [G].
Nature de l'accident : Traumatisme psychologique.
Objet dont le contact a blessé la victime : paroles de M. [Y] [G] mon employeur.
Eventuelles réserves motivées (..).
Siège des lésions : Psychisme.
Nature des lésions : Traumatisme'.
Le certificat médical initial du 13 septembre 2017 mentionne un 'syndrome anxio-dépressif sévère'.
Par décision du 28 novembre 2017, la caisse a refusé de prendre en charge l'accident déclaré par M. [O] au titre de la législation sur les risques professionnels.
Suivant courrier du 30 janvier 2018, M. [O] a saisi la commission de recours amiable de la caisse afin de contester cette décision.
Par décision du 27 août 2018, la commission a rejeté le recours de M. [O].
Par requête du 8 octobre 2018, M. [O] a saisi le tribunal des affaires de sécurité sociale de la Manche pour contester la décision de la commission de recours amiable.
Suivant jugement du 6 octobre 2021, le tribunal judiciaire de Coutances auquel a été transféré le contentieux des affaires de sécurité sociale à compter du 1er janvier 2019, a :
- débouté M. [O] de son recours formé le 8 octobre 2018 à l'encontre de la décision de la commission de recours amiable du 27 août 2018
- dit que M. [O] ne peut prétendre à la prise en charge de l'accident déclaré le 13 septembre 2017 au titre de la législation sur les risques professionnels
- débouté M. [O] de sa demande au titre des frais irrépétibles
- condamné M. [O] aux dépens
- rappelé que la décision est susceptible d'appel; que tout appel doit à peine de forclusion, être interjeté dans le délai d'un mois à compter de la réception de sa notification; que l'appel doit être formé par lettre recommandée ou déposé au greffe de la cour d'appel de Caen - [Adresse 6].
Par déclaration expédiée le 4 novembre 2021, M. [O] a formé appel du jugement.
Aux termes de ses conclusions déposées au greffe le 20 janvier 2023 soutenues oralement à l'audience, M. [O] demande à la cour de :
- infirmer le jugement du 6 octobre 2021 en ce qu'il a :
*débouté M. [O] de son recours formé le 8 octobre 2018 à l'encontre de la décision de la commission de recours amiable du 27 août 2018
* dit que M. [O] ne peut prétendre à la prise en charge de l'accident déclaré le 13 septembre 2017 au titre de la législation sur les risques professionnels
* débouté M. [O] de sa demande au titre des frais irrépétibles
* condamné M. [O] aux dépens
statuant à nouveau :
- recevoir la demande de M. [O] de reconnaissance en accident du travail de l'événement du 14 avril 2017
- infirmer la décision de la commission de recours amiable du 27 août 2018
- annuler la décision de la caisse du 28 novembre 2017
- ordonner à la caisse de prendre en charge l'accident de M. [O] survenu le 14 avril 2017 au titre de la législation sur les accidents du travail
- condamner la caisse à verser à M. [O] la somme de 2500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile
- condamner la caisse aux dépens de première instance et d'appel.
Selon conclusions reçues au greffe le 27 janvier 2023 et soutenues oralement à l'audience, la caisse demande à la cour de :
- confirmer le jugement déféré en toutes ses dispositions
- rejeter le recours de M. [O]
- confirmer la position de la caisse refusant la prise en charge du fait accidentel déclaré le '14 mars 2017' au titre de la législation sur les risques professionnels
- débouter M. [O] de l'ensemble de ses demandes, fins, prétentions notamment celle tendant au paiement par la caisse de la Manche de 2500 euros d'article 700 du code de procédure civile
- condamner M. [O] aux dépens.
Pour l'exposé complet des moyens et prétentions des parties, il est expressément renvoyé à leurs conclusions écrites conformément à l'article 455 du code de procédure civile.
SUR CE, LA COUR
L'article L 411-1 du code de la sécurité sociale dispose qu'est considéré comme accident du travail, quelle qu'en soit la cause, l'accident survenu par le fait ou à l'occasion du travail à toute personne salariée ou travaillant, à quelque titre ou en quelque lieu que ce soit, pour un ou plusieurs employeurs ou chefs d'entreprise.
Constitue un accident du travail un événement ou une série d'événements survenus à des dates certaines par le fait ou à l'occasion du travail, dont il est résulté une lésion corporelle quelle que soit la date d'apparition de celle-ci.
Il incombe au salarié de rapporter la preuve de la matérialité du fait dommageable ainsi que sa survenance aux temps et lieu de travail. Cette preuve ne peut résulter de ses seules déclarations. Les allégations du salarié doivent en effet être corroborées par des éléments objectifs ou par des présomptions graves, précises et concordantes.
En l'espèce, M. [F] [O], salarié de la société [4] a établi une déclaration d'accident du travail le 13 septembre 2017 dans les termes suivants :
'Date 14/04/2017 Heure : 17 30
Activité de la victime lors de l'accident : j'étais en entretien avec mon employeur M. [Y] [G].
Nature de l'accident : Traumatisme psychologique.
Objet dont le contact a blessé la victime : paroles de M. [Y] [G] mon employeur.
Eventuelles réserves motivées (..).
Siège des lésions : Psychisme.
Nature des lésions : Traumatisme'.
Le certificat médical initial du 13 septembre 2017 mentionne un 'syndrome anxio-dépressif sévère'.
M. [O] soutient que 'les propos blessants et agressifs tenus par l'employeur' lors de l'entretien du 14 avril 2017 avec son employeur, 'sont constitutifs du fait générateur à l'origine de l'accident du travail'.
Il est établi que M. [O] a été convoqué par son employeur (M. [Y] gérant de la société) par courrier reçu le 11 avril 2017, à un entretien fixé au 14 avril 2017 à 17 h 30 afin d'ouvrir avec lui des pourparlers en vue de la rupture conventionnelle de son contrat de travail.
Pour démontrer les circonstances dans lesquelles l'entretien s'est déroulé, M. [O] produit le témoignage de M. [J] [P], délégué syndical, présent lors de cet entretien.
Celui-ci indique qu'au début de l'entretien, M. [Y] a confirmé à M. [O] qu'il souhaitait mettre fin à la relation de travail dans un cadre amiable.
M. [O] s'est alors opposé à toute rupture conventionnelle, évoquant son âge et la difficulté de retrouver un emploi.
M. [Y] a rétorqué qu'en l'absence de rupture conventionnelle, il pourrait envisager une procédure de licenciement pour faute faisant notamment état d'un client mécontent.
Deux salariés ont été appelés afin de corroborer les manquements allégués : l'un deux a confirmé que les reproches formulés 'n'étaient pas faux', l'autre est resté taisant.
M. [J] [P] explique qu'à cet instant, M. [O] s'est emporté, s'estimant exploité, réclamant le paiement d'heures supplémentaires et mentionnant notamment à ce titre les nombreuses heures de travail à domicile pour mettre au point un logiciel destiné à l'établissement des devis.
Le délégué syndical précise que l'entretien s'est achevé dans les circonstances suivantes :
'Le ton monte et M. [O] dit qu'il pense à mettre fin à ses jours ce week-end. Je lui rappelle qu'il a une famille qui l'attend. Je mets fin à l'entretien car les deux parties ne sont pas prêtes à s'accorder, il est décidé de se donner les 3 jours du week-end de Pâques pour réfléchir. (..) L'entretien prend fin à 19 h 00, il est prévu un deuxième entretien à distance du premier'.
Il ne résulte pas du témoignage de M. [J] [P] que M. [Y] a tenu à l'égard de M. [O] des propos vexatoires, blessants ou agressifs.
Il est en revanche établi que M. [O] s'est emporté, réclamant à son employeur le paiement d'heures supplémentaires et menaçant de se suicider.
Par ailleurs, M. [O] n'a été placé en arrêt de travail qu'à compter du 18 avril 2017 en raison d'un syndrome dépressif.
Les symptômes dépressifs allégués n'ont donc été constatés que quatre jours après le fait dommageable allégué.
Il s'agit en outre d'un arrêt de travail en maladie, sans référence à une quelconque origine professionnelle de la pathologie.
De même, le certificat médical initial a été établi cinq mois après l'entretien du 14 avril 2017.
Par ailleurs, M. [O] fait référence au témoignage du docteur [M] qui atteste le 20 mai 2020 qu'il a été hospitalisé 'dans un contexte de symptomatologie dépressive sur fond de difficultés professionnelles'.
Toutefois, le docteur [M] ne précise pas la date d'hospitalisation. En outre, il ne mentionne l'existence de difficultés professionnelles qu'à l'aune des déclarations de M. [O].
Ce témoignage n'apporte donc aucun élément probant sur les circonstances dans lesquelles l'entretien du 14 avril 2017 s'est déroulé.
Compte tenu de ces observations, M. [O] ne rapporte pas la preuve qu'il a subi un fait dommageable le 14 avril 2017 à l'origine des symptômes dépressifs allégués.
Le jugement sera donc confirmé en ce qu'il a :
- débouté M. [O] de son recours contre la décision de la commission de recours amiable du 27 août 2018
- dit qu'il ne pouvait prétendre à la prise en charge de l'accident du 14 avril 2017 déclaré le 13 septembre 2017 au titre de la législation professionnelle.
Le jugement étant confirmé sur le fond, il sera aussi confirmé sur les dépens.
Succombant, M. [O] sera condamné aux dépens d'appel et débouté de sa demande au titre des frais irrépétibles.
PAR CES MOTIFS
La cour,
Confirme le jugement déféré;
Y ajoutant,
Condamne M. [F] [O] aux dépens d'appel;
Déboute M. [F] [O] de sa demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
LE GREFFIER LE PRESIDENT
E. GOULARD C. CHAUX