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02/06/2023 | FRANCE | N°23/01252

France | France, Cour d'appel de Caen, Recours soins psychiatriq, 02 juin 2023, 23/01252


N° RG : N° RG 23/01252 - N° Portalis DBVC-V-B7H-HG2T



Minute n° 38/2023





COUR D'APPEL DE CAEN



JURIDICTION DU PREMIER PRÉSIDENT





ORDONNANCE DU 02 JUIN 2023





Nous, Agnès GARCIA DEGROLARD, conseiller à la cour d'appel de CAEN, spécialement désigné par ordonnance du premier président pour le suppléer dans les fonctions qui lui sont attribuées, statuant en matière de procédure d'isolement et de contention dans le cadre des mesures de soins psychiatriques sans consentement (articles L. 3211-

12-1 et suivants, L. 3222-5-1, R. 3211-32 et suivants du code de la santé publique)



Assistée de Madame SALLES, greffier ;





APPELANT :...

N° RG : N° RG 23/01252 - N° Portalis DBVC-V-B7H-HG2T

Minute n° 38/2023

COUR D'APPEL DE CAEN

JURIDICTION DU PREMIER PRÉSIDENT

ORDONNANCE DU 02 JUIN 2023

Nous, Agnès GARCIA DEGROLARD, conseiller à la cour d'appel de CAEN, spécialement désigné par ordonnance du premier président pour le suppléer dans les fonctions qui lui sont attribuées, statuant en matière de procédure d'isolement et de contention dans le cadre des mesures de soins psychiatriques sans consentement (articles L. 3211-12-1 et suivants, L. 3222-5-1, R. 3211-32 et suivants du code de la santé publique)

Assistée de Madame SALLES, greffier ;

APPELANT :

Monsieur LE DIRECTEUR du centre hospitalier universitaire - [4] -

[Adresse 3]

[Localité 1]

INTIMÉS :

Monsieur [S] [H]

[Adresse 5]

[Localité 2]

personne concernée par la mesure

assisté par Me Me Jean-Baptiste GUE, avocat au barreau de CAEN

Vu l'admission de Monsieur [S] [H] en soins psychiatriques au centre hospitalier universitaire de [Localité 1] à compter du 07 mai 2023, sur décision du directeur du centre hospitalier universitaire de [Localité 1] selon la procédure de péril imminent,

Vu la mesure de mise en isolement ou en contention concernant [H] [S] à compter du 10 mai 2023, à 11h30;

Vu la saisine en date du 31 mai 2023 du juge des libertés et de la détention du tribunal judiciaire de CAEN par Monsieur le directeur du centre hospitalier universitaire de [Localité 1],

Vu l'ordonnance rendue par le juge des libertés et de la détention en date du 31 mai 2023 ordonnant la mainlevée de la mesure de mise en isolement ou en contention de Monsieur [S] [H] ;

Vu la déclaration d'appel formée à l'encontre de cette ordonnance par M. LE DIRECTEUR du centre hospitalier universitaire de [Localité 1] - [4] - et reçue au greffe de la cour d'appel le 01 juin 2023 à 14H13 ;

Vu les avis d'observations adressés par le greffe ;

Vu la transmission du dossier au parquet général ;

Vu les observations du centre hospitalier universitaire de [Localité 1] ;

Vu les observations de Me Jean-Baptiste GUE, avocat au barreau de CAEN;

Vu l'absence d'observation de Monsieur [S] [H] ;

Vu les pièces, réquisitions et conclusions ont été mises à la disposition des parties ;

Vu l'absence de demande d'audition de M. [H] [S] ;

Vu l'avis médical rédigé par le docteur [O] [V] le 01 juin 2023 indiquant que l'état mental de [H] [S] ne s'oppose pas à son audition par un moyen de communication audio-visuelle ou téléphonique;

Vu l'absence de demande d'audition par un moyen de communication audio-visuelle ou téléphonique du patient qui a refusé de signer l'accusé de réception et de répondre aux demandes concernant l'exercice de ces choix ;

***

MOTIVATION DE LA DECISION

Sur la recevabilité de l'appel

L'appel, motivé, a été formé dans les formes et délais requis, il est recevable.

Sur la forme

M. [H] a été admis en hospitalisation complète, selon la procédure de péril imminent le 07 mai 2023.

Les certificats médicaux relevent un état d'excitation psychomotrice, d'agitation des troubles du cours de la pensée avec une perte de contact avec la réalité. Il est envahi d'idées délirantes et d'hallucinations psychiques qui guident son comportement (Dr [V] 10 mai 2023, 11h26)

Il a été placé à l'isolement le 10 mai 2023 à 11h30 à la suite de constats médicaux suivants :

Tentative de fugue, menaces hétéro agressives, envahissements délirants

Agitation avec forte impulsivité.

La mesure a fait l'objet d'une prolongation exceptionnelle au-delà de 48h par une décision médicale du 12 mai 2023 à 15h18.

Le juge des libertés et de la détention l'a maintenue par décision du 13 mai 2023 à 10h30 après avoir relevé que la décision médicale faisait expressément référence à la persistance d'une agitation, d'opposition aux soins, d'un passage en force pour sortir et des envahissements délirants, une désorganisation psychique avec risque de violence, ces éléments et pièces caractérisant suffisamment la nécessité de prévenir un dommage imminent ou immédiat pour le patient ou pour autrui de manière adaptée, nécessaire et proportionnée à ce risque.

Le 16 mai 2023, le juge des libertés et de la détention a maintenu la mesure d'hospitalisation complète.

La mesure de placement à l'isolement a quant à elle été à nouveau maintenue par le juge des libertés et de la détention le 17 mai à 15h30 au motif que les avis médicaux faisaient état d'un patient toujours délirant, véhément et présentant un risque de violence puis le 24 mai 2023 à 15h30 au motif que cette mesure d'isolement apparaissait toujours comme une mesure de dernier recours nécessaire, adapté, proportionné afin de prévenir un risque imminent immédiat pour le patient ou pour autrui.

Le directeur du Centre Hospitalier Universitaire de [Localité 1], a saisi le juge des libertés et de la détention le 31 mai 2023 à 10h11.

Le 31 mai 2023, le juge des libertés et de la détention a ordonné la main levée immédiate de la mesure d'isolement.

Le centre hospitalier universitaire de [Localité 1] a interjeté appel de cette décision.

Il soutient au visa des articles 15 et 16 du code de procédure civile et de l'article R3211-38 al 1du code de la santé publique, que le principe du contradictoire n'a pas été respecté l'hôpital n'ayant pas reçu communication des conclusions de l'avocat.

Il conteste l'irrégularité soulevée par le juge des libertés et de la détention pour défaut de motivation.

Il fait valoir par ailleurs que le patient ne pouvant communiquer, des témoins ont signé et certifié en mettant leur nom et fonctions et qu'ils étaient clairement identifiables. Le centre hospitalier conteste en conséquence l'irrégularité formelle et le grief causé au patient par celle-ci.

Le centre hospitalier soutient enfin que le juge des libetés et de la détention doit prendre en compte pour le calcul des 7 jours le dernier délai avant lequel le juge doit rendre son ordonnancce.

Le représentant du ministère public déclare s'en rapporter concernant la présente procédure ;

Maître GUE, conseil de M. [H], fait valoir dans un premier temps que les signatures des témoins sur l'attestation ne permettent pas d'être identifiés, dans un second temps le juge des libertés a été saisi tardivement au regard du délai de 7 jours prévu par l'article R3222-5-1 du code de la santé publique.

*************************

Sur le principe du contradictoire

Si les articles 15 et 16 du code de procédure civile et de l'article R3211-38 al 1du code de la santé publique soulignent le caractère fondamental du principe du contradictoire, il convient de constater que le centre hospitalier soutient que ce principe n'a pas été respecté sans étayer de quelque manière que ce soit ses allégations.

Dès lors, l'irrégularité n'est pas caractérisée.

Sur l'impossibilité de signer

Il résulte des termes de l'article R3211-33-1 du code de la santé publique que :

I.-Lorsque le directeur de l'établissement saisit le juge des libertés et de la détention, en application du II de l'article L. 3222-5-1, la requête est présentée dans les conditions prévues à l'article R. 3211-10.
Sont jointes à la requête les pièces mentionnées à l'article R. 3211-12 ainsi que les précédentes décisions d'isolement ou de contention prises à l'égard du patient et tout autre élément de nature à éclairer le juge.
II.-Le directeur informe le patient de la saisine du juge des libertés et de la détention. Il lui indique qu'il peut, dans le cadre de cette instance, être assisté ou représenté par un avocat choisi, désigné au titre de l'aide juridictionnelle ou commis d'office.
Il lui indique également qu'il peut demander à être entendu par le juge des libertés et de la détention et qu'il sera représenté par un avocat si le juge décide de ne pas procéder à son audition au vu de l'avis médical prévu au deuxième alinéa du III de l'article L. 3211-12-2. Le directeur recueille le cas échéant son acceptation ou son refus d'une audition par des moyens de télécommunication.
Le directeur informe le patient qu'il peut avoir accès aux pièces jointes à la requête dans le respect, s'agissant des documents faisant partie du dossier médical, des prescriptions de l'article L. 1111-7. Le délai de réflexion prévu au deuxième alinéa de l'article L. 1111-7 n'est pas applicable.
III.-Le directeur communique au greffe par tout moyen permettant de donner date certaine à leur réception, dans un délai de dix heures à compter de l'enregistrement de sa requête, les informations et pièces suivantes :
1° Le cas échéant, le nom de l'avocat choisi par le patient ou l'indication selon laquelle il demande qu'un avocat soit commis d'office pour l'assister ou le représenter ;
2° Le cas échéant, le souhait du patient d'être entendu par le juge des libertés et de la détention ainsi que son acceptation ou son refus d'une audition par des moyens de télécommunication ;
3° Si le patient demande à être entendu par le juge des libertés et de la détention, un avis d'un médecin relatif à l'existence éventuelle de motifs médicaux faisant obstacle, dans son intérêt, à son audition et à la compatibilité de l'utilisation de moyens de télécommunication avec son état mental ;
4° Toute pièce que le patient entend produire.

En l'espèce, il ressort des éléments du dossier que l' « Avis de M. [H] [S] en mesure d'isolement ou contention en soins sans consentement sur la saisine du juge des libertés et de la détention » daté du 31 mai 2023, n'a pas été signé par le patient et qu'en lieu et place, ainsi qu'il l'est prévu dans cette hypothèse, deux soignants ont attesté de l'impossibilité de signer de ce dernier et ont mentionné « [Y] [G] » et « DANTO Interne ». Si le centre hospitalier soutient qu'ils sont clairement identifiables et qu'il n'y a pas lieu de contester l'absence d'autres mentions, il convient cependant d'opposer que les mentions portées ne permettent pas de savoir s'il s'agit d'un nom ou d'un prénom, caractérisant ainsi un manque de lisibilité qui rend difficile l'identification de ces soignants. En outre, le CHU ne saurait alléguer le caractère suffisant de cette pièce dès lors qu'il s'agit d'un formulaire pré-rempli à l'entête du CHU qui prévoit lui-même que dans le cas d'une impossibilité de signer du patient, deux soignants signeront et en précisant expressément que ceux-ci doivent indiquer leurs nom, prénom et qualité. Dès lors, par ces seules mentions, le centre hospitalier rend compte de l'importance de celles-ci pour garantir le respect des droits du patient par l'hôpital, notamment son droit au consentement, et ne peut se prévaloir de leur absence pour valider la pièce probatoire au détriment de M. [H].

Ainsi, l'ordonnance sera confirmée sur ce point.

Sur le délai de saisine du juge des libertés et de la détention

Il résulte des dispositions de l'article 3222. II du code de la santé publique qu'à titre exceptionnel, le médecin peut renouveler, au-delà des durées totales prévues au I, les mesures d'isolement et de contention, dans le respect des conditions prévues au même I. Le directeur de l'établissement informe sans délai le juge des libertés et de la détention du renouvellement de ces mesures. Le juge des libertés et de la détention peut se saisir d'office pour y mettre fin. Le médecin informe du renouvellement de ces mesures au moins un membre de la famille du patient, en priorité son conjoint, le partenaire lié à lui par un pacte civil de solidarité ou son concubin, ou une personne susceptible d'agir dans son intérêt dès lors qu'une telle personne est identifiée, dans le respect de la volonté du patient et du secret médical.

Le directeur de l'établissement saisit le juge des libertés et de la détention avant l'expiration de la soixante-douzième heure d'isolement ou de la quarante-huitième heure de contention, si l'état de santé du patient rend nécessaire le renouvellement de la mesure au-delà de ces durées.Le juge des libertés et de la détention statue dans un délai de vingt-quatre heures à compter du terme des durées prévues au deuxième alinéa du présent II.Si les conditions prévues au I ne sont plus réunies, il ordonne la mainlevée de la mesure. Dans ce cas, aucune nouvelle mesure ne peut être prise avant l'expiration d'un délai de quarante-huit heures à compter de la mainlevée de la mesure, sauf survenance d'éléments nouveaux dans la situation du patient qui rendent impossibles d'autres modalités de prise en charge permettant d'assurer sa sécurité ou celle d'autrui. Le directeur de l'établissement informe sans délai le juge des libertés et de la détention, qui peut se saisir d'office pour mettre fin à la nouvelle mesure.

Si les conditions prévues au même I sont toujours réunies, le juge des libertés et de la détention autorise le maintien de la mesure d'isolement ou de contention. Dans ce cas, le médecin peut la renouveler dans les conditions prévues audit I et aux deux premiers alinéas du présent II. Toutefois, si le renouvellement d'une mesure d'isolement est encore nécessaire après deux décisions de maintien prises par le juge des libertés et de la détention, celui-ci est saisi au moins vingt-quatre heures avant l'expiration d'un délai de sept jours à compter de sa précédente décision et le médecin informe du renouvellement de ces mesures au moins un membre de la famille du patient, en priorité son conjoint, le partenaire lié à lui par un pacte civil de solidarité ou son concubin, ou une personne susceptible d'agir dans son intérêt dès lors qu'une telle personne est identifiée, dans le respect de la volonté du patient et du secret médical. Le juge des libertés et de la détention statue avant l'expiration de ce délai de sept jours. Le cas échéant, il est à nouveau saisi au moins vingt-quatre heures avant l'expiration de chaque nouveau délai de sept jours et statue dans les mêmes conditions. Le médecin réitère l'information susmentionnée lors de chaque saisine du juge des libertés et de la détention. (') »

Contrairement à ce qui est soutenu par le centre hospitalier, la saisine du juge des libertés et de la détention au moins 24 h avant l'expiration d'un délai de sept jours à compter de sa précédente décision implique un début de délai à compter de la date de la dernière décision de ce magistrat et non à compter de la fin du délai durant lequel le magistrat doit intervenir.

Ainsi la date de la dernière décision du JLD étant le 24 mai 2023 à 15h30, le délai de sept jours se termine le 31 mai 2023 à 15h30 ce qui implique une saisine du juge au plus tard le 30 mai à 15h 30. Or le juge des libertés et de la détention ayant été saisi le 31 mai 2023 à 10h11, le délai était expiré et par conséquent les droits de M. [H] n'ont pas été respectés caractérisant une irrégularité manifeste de la procédure.

En conséquence, la main levée immédiate de la mesure d'isolement sera confirmée par ajout de motifs.

PAR CES MOTIFS

Statuant publiquement, par ordonnance contradictoire et en dernier ressort,

Déclarons recevable l'appel interjeté par M. LE DIRECTEUR du centre hospitalier universitaire de [Localité 1] - [4] à l'encontre de l'ordonnance rendue le 31 Mai 2023 par le juge des libertés et de la détention de [Localité 1]

Confirmons la décision entreprise ;

Laissons les dépens à la charge du Trésor Public.

A Caen, le 02 juin 2023 à 11H53

LE GREFFIER, LE CONSEILLER,

Emilie SALLES Agnès GARCIA DEGROLARD


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Caen
Formation : Recours soins psychiatriq
Numéro d'arrêt : 23/01252
Date de la décision : 02/06/2023

Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2023-06-02;23.01252 ?
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