AFFAIRE :N° RG 21/03301 -
N° Portalis DBVC-V-B7F-G4JE
ARRÊT N°
JB.
ORIGINE : DECISION en date du 01 Décembre 2021 du Juge commissaire de COUTANCES
RG n° 2021002738
COUR D'APPEL DE CAEN
DEUXIEME CHAMBRE CIVILE ET COMMERCIALE
ARRÊT DU 19 MAI 2023
APPELANTE :
CAISSE REGIONALE DE CREDIT AGRICOLE MUTUEL DE NORMANDIE
N° SIRET : 478 834 930
[Adresse 2]
[Localité 1]
prise en la personne de son représentant légal
représentée et assistée de Me Christophe LOISON, avocat au barreau de CHERBOURG
INTIMES :
Maître [X] [H] mandataire à la liquidation judiciaire de la SAS LMF
[Adresse 4]
[Localité 3]
représenté et assisté de Me Gaël BALAVOINE, substitué par Me REICHLING, avocats au barreau de CAEN
S.A.S. LMF
N° SIRET : 821 564 259
[Adresse 5]
[Localité 3]
prise en la personne de son représentant légal
non représentée, bien que régulièrement assignée
COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DÉBATS ET DU DÉLIBÉRÉ :
Mme EMILY, Président de Chambre,
Mme COURTADE, Conseillère,
M. GOUARIN, Conseiller,
DÉBATS : A l'audience publique du 09 mars 2023
GREFFIER : Mme LE GALL, greffier
ARRÊT prononcé publiquement le 19 mai 2023 à 14h00 par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile et signé par Madame EMILY, président, et Mme LE GALL, greffier
Par acte sous seing privé en date du 26 septembre 2019, la Caisse régionale de crédit agricole mutuel de Normandie (ci-après désignée le Crédit Agricole) a consenti à la SAS LMF un prêt de trésorerie n° 10001304613 d'un montant de 100.000 € d'une durée de 12 mois avec un différé d'amortissement de 11 mois et un taux d'intérêt annuel variable initialement de 5,10%, les intérêts étant payables en 12 échéances à terme échu et le capital remboursable en une seule fois.
Par jugement du 13 octobre 2020, le tribunal de commerce de Coutances a prononcé la liquidation judiciaire de la SAS LMF, et a désigné Maître [X] [H] en qualité de mandataire liquidateur.
Par lettre recommandée en date du 4 décembre 2020, adressée à Me [H], ès qualités, la Caisse régionale de crédit agricole mutuel de Normandie (ci-après désignée le Crédit Agricole) a déclaré au passif de la société LMF plusieurs créances dont celle au titre du prêt numéro 100001304613, à titre chirographaire, pour un montant de:
* 104.740,39 € échu se décomposant comme suit :
- 100.000 € au titre du capital
- 3.414,97 € au titre des intérêts normaux
- 1.325,42 € au titre des intérêts de retard
* intérêts normaux au taux de 5,10% : mémoire,
* 7.331,83 € au titre de l'indemnité forfaitaire de recouvrement de 7%.
Par lettre recommandée du 26 avril 2021, Me [H], ès qualités, a informé le Crédit Agricole que la créance déclarée ci-dessus était contestée, s'agissant des intérêts de retard échus et de l'indemnité de recouvrement, et proposé de l'admettre comme suit :
A titre chirographaire :
* 103.414,97 € échu,
* intérêts normaux au taux de 5,10% sur la base de 100.000 € jusqu'à parfait paiement : mémoire
et rejet pour le surplus.
Par lettre recommandée en date du 21 mai 2021, le Crédit Agricole de Normandie a fait valoir ses observations auprès du mandataire liquidateur, en indiquant maintenir sa déclaration de créance dans son intégralité.
Par ordonnance en date du 1er décembre 2021, le juge-commissaire du tribunal de commerce de Coutances a :
- ordonné que les créances de la Caisse régionale de crédit agricole mutuel de Normandie soient définitivement admises à l'état de vérification du passif de la liquidation judiciaire de LMF (SAS) de la manière suivante :
Au titre du prêt numéro 10000563341 :
A titre chirographaire :
* 33.845,15 € échu,
* intérêts de retard majorés au taux de 1,18% sur la base de 33.570,09 € jusqu'à parfait paiement : mémoire,
* 595,00 € à échoir, sommes dues au titre de l'ADI,
et rejetée pour le surplus,
Au titre du prêt numéro 10000660000 :
A titre chirographaire :
* 18.313,90 € échu,
* intérêts de retard majorés au taux de 1,18% sur la base de 18.162,38 € jusqu'à parfait paiement : mémoire,
* 300,00 € à échoir, sommes dues au titre de l'ADI,
et rejetée pour le surplus,
Au titre du prêt numéro 10000807311 :
A titre chirographaire :
* 18.554,33 € échu,
*intérêts de retard majorés au taux de 1,37% sur la base de 18.371,51 € jusqu'à parfait paiement : mémoire,
* 362,50 € à échoir, sommes dues au titre de l'ADI,
et rejetée pour le surplus.
Au titre du prêt numéro 100001304613 :
A titre chirographaire :
* 103.414,97 € échu,
* intérêts normaux au taux de 5,10% sur la base de 100.000,00 € jusqu'à parfait paiement : mémoire,
et rejetée pour le surplus.
Par déclaration du 8 décembre 2021, le Crédit Agricole a interjeté appel de cette décision.
La SAS LMF n'a pas constitué avocat bien que la déclaration d'appel et les premières conclusions d'appelant lui ont été signifiées à l'étude d'huissier.
Par dernières conclusions déposées le 27 février 2023, le Crédit Agricole de Normandie demande à la cour de :
- Infirmer partiellement l'ordonnance entreprise en ce que la créance déclarée au titre du prêt n°100001304613 au passif de la SAS LMF a été admise comme suit à titre chirographaire : 103.414,97 € échu, intérêts normaux au taux de 5,10% sur la base de 100.000,00 € jusqu'à parfait paiement : mémoire et que le surplus a été rejeté
En conséquence,
- Admettre à titre chirographaire sa créance au passif de la procédure de liquidation judiciaire de la SAS LMF au titre du prêt n°100001304613 se décomposant comme suit :
- 104.740,39 € échu comprenant 1.325,42 € au titre des intérêts de retard échus outre 7.331,83 € au titre de l'indemnité forfaitaire de recouvrement,
- Condamner Maître [X] [H], ès qualité de mandataire liquidateur de la SAS LMF, à lui verser une indemnité de 2.000,00 € sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,
- Le condamner aux entiers dépens.
Par dernières conclusions déposées le 27 février 2023, Me [X] [H], agissant en qualité de mandataire judiciaire de la SAS LMF demande à la cour de :
A titre principal,
- Confirmer en toutes ses dispositions la décision entreprise,
À titre subsidiaire et si par impossible, la Cour devait admettre en son principe la créance de la Caisse régionale de crédit agricole mutuel de Normandie au titre de l'indemnité forfaitaire de recouvrement,
- Constater le caractère manifestement excessif de la clause d'indemnité forfaitaire de recouvrement figurant dans le contrat de prêt professionnel n°10001304613 et la réduire à de plus justes proportions,
En tout état de cause,
- Rejeter les demandes de la Caisse régionale de crédit agricole mutuel de Normandie,
- Condamner la Caisse régionale de crédit agricole mutuel de Normandie à lui payer la somme de 2.000 € application de l'article 700 du code de procédure civile ainsi que les entiers dépens.
L'ordonnance de clôture a été prononcée le 1er mars 2023.
Il est expressément renvoyé aux écritures précitées pour un plus ample exposé des prétentions et moyens des parties.
MOTIFS
I. Sur l'indemnité forfaitaire de recouvrement
Me [H] ès qualités s'oppose à l'admission de l'indemnité forfaitaire de recouvrement au passif de la liquidation judiciaire de la SAS LMF au motif que le Crédit Agricole ne s'est prévalu du bénéfice de cette indemnité que dans le cadre de sa déclaration de créance et que la clause contractuelle invoquée aggrave la situation de la débitrice du seul fait de l'ouverture d'une procédure collective, ce qui est prohibé.
Le contrat de prêt conclu le 26 septembre 2019 comporte une clause page 4 qui stipule : 'Si pour parvenir au recouvrement de sa créance, le prêteur a recours à un mandataire de justice ou exerce des poursuites ou produit à un ordre, l'emprunteur s'oblige à lui payer, outre les dépens mis à sa charge, une indemnité forfaitaire de 7% calculée sur le montant des sommes exigibles avec un montant minimum de 2.000 €.'
Il est établi et constant que la SAS LMF était défaillante dans le paiement des échéances du prêt depuis le 20 décembre 2019 et que par lettre recommandée avec accusé de réception du 7 septembre 2020 (AR signé le 9 septembre 2020), le Crédit Agricole l'a mise en demeure de régler notamment la somme totale de 103.826,99 € au titre du prêt litigieux dans le délai de 15 jours, en indiquant qu'à défaut la déchéance du terme serait appliquée sans autre avis de sa part, que le solde des engagements en principal, intérêts, frais et accessoires deviendrait immédiatement exigible, que le recouvrement de la créance serait entrepris par voie judiciaire et qu'elle aurait à supporter l'indemnité forfaitaire.
Il résulte du décompte de créance arrêté au 13 octobre 2020 qu'aucune régularisation n'est intervenue de sorte que la défaillance de la débitrice et la déchéance du terme sont intervenues avant l'ouverture de la liquidation judiciaire.
Il s'ensuit que la banque n'a pas réclamé l'indemnité litigieuse du seul fait de la procédure collective et que dès lors, la mise en jeu de la clause n'aggrave pas la situation de la SAS MLF.
Ce moyen est donc rejeté.
Les parties ne contestent pas que cette indemnité de recouvrement s'analyse comme une clause pénale susceptible de réduction.
Cependant, le mandataire judiciaire ne rapporte pas la preuve lui incombant de ce que l'indemnité forfaitaire de recouvrement contractuellement fixée est manifestement excessive au regard du préjudice subi par le créancier qui ne se limite pas à la préparation et l'envoi d'une déclaration de créance mais consiste en l'ensemble des frais de recouvrement de sa créance à la suite de l'ouverture de la procédure collective, y compris ceux causés par la contestation de celle-ci.
La demande de modération est donc rejetée.
La créance déclarée de ce chef par l'appelante est admise à hauteur de 7.331,83 €, l'ordonnance étant infirmée sur ce point.
II. Sur les intérêts de retard échus
Le contrat prévoit que toute somme non payée à son échéance ou à sa date d'exigibilité donnera lieu de plein droit et sans mise en demeure préalable au paiement d'intérêts de retard au taux du prêt majoré de 3 points.
Il a été rappelé plus haut que le prêt est devenu exigible avant le jugement d'ouverture de la liquidation judiciaire du 13 octobre 2020.
Il ressort du décompte de créance arrêté à cette date et non utilement remis en cause par le mandataire judiciaire que les échéances d'intérêts normaux non régularisées depuis le 20 décembre 2019 s'élèvent à 3.414,97 € et que les intérêts de retard échus du 20 décembre 2019 au 20 août 2020 s'élèvent à la somme totale de 1.325,42 € après application du taux de majoration de 3 points.
Contrairement à ce que prétend l'intimé, la somme litigieuse de 1.325,42 € n'a pas été calculée en appliquant une seconde fois le taux d'intérêt contractuel sur les échéances en retard.
Par suite, il convient d'admettre au passif la créance déclarée par le Crédit Agricole au titre des intérêts de retard échus à hauteur de 1.325,42 €, l'ordonnance étant infirmée sur ce point.
Le surplus n'étant pas contesté, la créance de la banque au titre du prêt n°10001304613 est admise à titre chirographaire pour :
* 104.740,39 € échu se décomposant comme suit :
- 100.000 € au titre du capital
- 3.414, 97 € au titre des intérêts normaux
- 1.325,42 € au titre des intérêts de retard
* intérêts normaux au taux de 5,10% sur la base de 100.000 € jusqu'à parfait paiement : mémoire
* 7.331,83 € au titre de l'indemnité forfaitaire de recouvrement de 7%.
III. Sur les autres demandes
Les dépens de première instance et d'appel seront pris en frais privilégiés de la procédure collective.
L'équité commande de débouter les parties de leur demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
PAR CES MOTIFS
La cour, statuant publiquement, par arrêt par défaut, mis à disposition au greffe, dans les limites de sa saisine,
INFIRME l'ordonnance entreprise des chefs de disposition dont il a été interjeté appel ;
Statuant à nouveau du chef des dispositions infirmées et y ajoutant,
ADMET la créance de la Caisse régionale de crédit agricole mutuel de Normandie au passif de la liquidation judiciaire de la SAS LMF au titre du prêt n° 10001304613, à titre chirographaire pour :
* 104.740,39 € échu se décomposant comme suit :
- 100.000 € au titre du capital
- 3.414, 97 € au titre des intérêts normaux
- 1.325,42 € au titre des intérêts de retard
* intérêts normaux au taux de 5,10% sur la base de 100.000 € jusqu'à parfait paiement : mémoire
* 7.331,83 € au titre de l'indemnité forfaitaire de recouvrement de 7% ;
DEBOUTE les parties de leur demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;
DIT que les dépens de première instance et d'appel seront pris en frais privilégiés de la procédure collective.
LE GREFFIER LE PRÉSIDENT
N. LE GALL F. EMILY