AFFAIRE :N° RG 21/03193 -
N° Portalis DBVC-V-B7F-G4BO
ARRÊT N°
JB.
ORIGINE : DECISION en date du 16 Novembre 2021 du Juge commissaire de COUTANCES
RG n° 2019001110
COUR D'APPEL DE CAEN
DEUXIEME CHAMBRE CIVILE ET COMMERCIALE
ARRÊT DU 19 MAI 2023
APPELANTE :
G.A.E.C. DE LA FOUNAUDERIE
N° SIRET : 400 180 105
[Adresse 2]
[Localité 3]
pris en la personne de son représentant légal
représentée et assistée de Me Sébastien SEROT, substitué par Me PICHON, avocats au barreau de CAEN
INTIMEES :
S.A.S. GAZENGEL
N° SIRET : 431 260 140
[Adresse 6]
[Localité 4]
prise en la personne de son représentant légal
S.E.L.A.R.L. [T] [S] liquidateur judiciaire de la SAS GAZENGEL
[Adresse 1]
[Localité 5]
prise en la personne de son représentant légal
représentée par Me Alain LANIECE, substitué par Me LEBRUN, avocats au barreau de CAEN,
assistée de Me Thierry CHAPRON, avocat au barreau de PARIS
COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DÉBATS ET DU DÉLIBÉRÉ :
Mme EMILY, Président de Chambre,
Mme COURTADE, Conseillère,
M. GOUARIN, Conseiller,
DÉBATS : A l'audience publique du 09 mars 2023
GREFFIER : Mme LE GALL, greffier
ARRÊT prononcé publiquement le 19 mai 2023 à 14h00 par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile et signé par Madame EMILY, président, et Mme LE GALL, greffier
* * *
EXPOSE DES FAITS, DE LA PROCEDURE ET DES PRETENTIONS
Suivant devis des 8 et 15 janvier 2013, le GAEC de la Founauderie (le GAEC) a confié à la société Gazengel la construction d'une extension d'un bâtiment de stabulation.
Arguant de non-conformités, le GAEC a fait établir un rapport d'expertise amiable le 23 mars 2015.
Par acte d'huissier du 25 septembre 2015, le GAEC a sollicité la désignation d'un expert judiciaire.
Suivant ordonnance du 22 octobre 2015, le juge des référés du tribunal de grande instance de Coutances a ordonné une expertise judiciaire, confiée à M. [H] [Z].
Le 20 novembre 2017, l'expert judiciaire a déposé son rapport, concluant à l'existence de non-conformités aux devis mais excluant l'existence de préjudice.
Le GAEC a fait évaluer les préjudices allégués par M.[B], expert près la cour d'appel de Caen, le 18 avril 2019.
Par jugement du 4 septembre 2018, le tribunal de commerce de Coutances avait ouvert une procédure de redressement judiciaire à l'égard de la société Gazengel, désignant Me [T] [S] comme mandataire judiciaire.
Le 22 octobre 2018, le GAEC a déclaré sa créance à la procédure collective de la société Gazengel pour un montant de 413.000 euros.
Le 28 décembre 2018, Me [S] a indiqué au GAEC que sa créance était contestée.
Le 25 janvier 2019, le GAEC a maintenu sa déclaration de créance.
Par ordonnance du 19 juin 2019 notifiée le 28 juin suivant, confirmée par arrêt de cette cour du 18 février 2021 signifié le 1er mars suivant, le juge-commissaire du tribunal de commerce de Coutances a, notamment, constaté l'existence d'une contestation sérieuse, renvoyé les parties à mieux se pourvoir, invité le GAEC à saisir la juridiction compétente dans un délai d'un mois à compter de la notification de sa décision ou de la réception de l'avis délivré à cette fin, à peine de forclusion, et sursis à statuer sur la contestation de la créance dans l'attente de la décision à intervenir.
Suivant acte d'huissier du 14 octobre 2021, le GAEC a fait assigner la société Gazengel devant le tribunal judiciaire de Coutances aux fins, notamment, de voir reconnaître la responsabilité de celle-ci et la fixation de sa créance au passif de cette dernière pour un montant de 373.311,58 euros.
Par ordonnance du 12 octobre 2021, le juge-commissaire du tribunal de commerce de Coutances a ordonné le rappel de l'affaire relative à la contestation de la créance du GAEC envers la société Gazengel.
Par ordonnance du 16 novembre 2021, le juge-commissaire du tribunal de commerce de Coutances a :
- rejeté la demande de sursis à statuer,
- constaté que le délai qui était légalement imparti au GAEC pour saisir la juridiction compétente aux fins de statuer sur la contestation relative à l'exécution du contrat expirait le 1er avril 2021,
- constaté que le GAEC était atteint par la forclusion,
- ordonné que la créance déclarée par le GAEC soit définitivement rejetée à l'état de vérification du passif de la société Gazengel,
- dit que mention de sa décision serait portée sur l'état des créances par le greffe,
- laissé à la charge des parties les sommes exposées par elles et non comprises dans les dépens,
- rejeté la demande d'indemnité de procédure formée par la société Gazengel et son mandataire judiciaire,
- ordonné au greffe de notifier sa décision par lettre recommandée avec demande d'avis de réception au débiteur et au créancier et d'en aviser le mandataire judiciaire,
- passé les dépens en frais privilégiés de procédure collective.
Selon déclaration du 26 novembre 2021, le GAEC a formé un recours contre cette décision.
Par dernières conclusions du 24 février 2022, l'appelant poursuit la réformation du jugement attaqué sauf en ce qu'il a ordonné au greffe de notifier sa décision par lettre recommandée avec demande d'avis de réception au débiteur et au créancier et d'en aviser le mandataire judiciaire et en ce qu'il a passé les dépens en frais privilégiés de procédure collective.
Il demande à la cour, statuant à nouveau, de renvoyer l'affaire devant le juge-commissaire du tribunal de commerce de Coutances afin qu'il soit sursis à statuer dans l'attente du jugement qui sera rendu par le tribunal judiciaire de Coutances dans l'affaire n°21/01255 et de condamner in solidum la société Gazengel et la SELARL [T] [S], ès qualités, à lui verser la somme de 3.000 euros à titre d'indemnité de procédure.
Par dernières conclusions du 5 janvier 2023, la société Gazengel et la SELARL [T] [S], ès qualités, demandent à la cour de débouter le GAEC de toutes ses demandes, de confirmer le jugement attaqué des chefs critiqués par l'appelant et, y ajoutant, de condamner celui-ci au paiement de la somme de 3.000 euros à titre d'indemnité de procédure ainsi qu'aux entiers dépens.
Par ordonnance du 6 décembre 2022, le juge de la mise en état du tribunal judiciaire de Coutances a, notamment, déclaré irrecevable comme forclose l'action engagée par le GAEC à l'encontre de la société Gazengel et de la SELARL [T] [S], ès qualités. Le GAEC a interjeté appel de cette décision, actuellement en cours.
La mise en état a été clôturée le 8 février 2023.
Pour plus ample exposé des prétentions et moyens, il est référé aux dernières écritures des parties.
MOTIFS DE LA DECISION
1. Sur les demandes principales
Selon l'article R. 624-5 du code de commerce dans sa rédaction applicable au litige, lorsque le juge-commissaire se déclare incompétent ou constate l'existence d'une contestation sérieuse, il renvoie, par ordonnance spécialement motivée, les parties à mieux se pourvoir et invite, selon le cas, le créancier, le débiteur ou le mandataire judiciaire à saisir la juridiction compétente dans un délai d'un mois à compter de la notification ou de la réception de l'avis délivré à cette fin, à peine de forclusion à moins d'appel dans les cas où cette voie de recours est ouverte.
Le GAEC fait grief au premier juge d'avoir rejeté sa demande de sursis à statuer, de l'avoir déclaré forclos et d'avoir rejeté sa créance aux motifs que la demande de sursis à statuer n'était pas soutenue oralement à l'audience du 5 novembre 2021 par le GAEC, comparant mais non assisté de son avocat, et que celui-ci n'avait pas saisi la juridiction compétente dans le délai d'un mois courant à partir du 1er mars 2021, date de la signification de l'arrêt rendu par cette cour le 18 février 2021 et confirmant en toutes ses dispositions l'ordonnance du juge-commissaire du 21 juin 2019 invitant le GAEC à saisir la juridiction compétente dans un délai d'un mois à compter de sa notification à peine de forclusion en application de l'article R. 624-5 du code de commerce, alors d'une part que la sanction de la forclusion est écartée par l'article R. 624-5 en cas d'appel interjeté contre la décision du juge-commissaire et, d'autre part, que la forclusion alléguée ne peut lui être opposée faute pour l'arrêt du 18 février 2021 et l'acte de signification de cette décision de mentionner le délai de cette sanction et alors qu'il a saisi le 4 octobre 2021 le tribunal judiciaire de Coutances aux fins de voir déclarer la société Gazengel responsable de ses préjudices et de fixer sa créance au passif de la procédure collective de celle-ci.
Les intimés s'approprient les motifs du premier juge, ajoutant que l'article R. 624-5 du code de commerce doit être interprété comme faisant courir le délai d'un mois imparti par le juge-commissaire au créancier pour saisir la juridiction compétente à compter de la date de signification de l'arrêt confirmatif, soit le 1er mars 2021, voire, le cas échéant, à partir de l'expiration du délai de pourvoi, soit le 3 mai 2021, date à laquelle l'ordonnance du juge-commissaire du21 juin 2019 est devenu irrévocable, alors que l'assignation au fond n'a été délivrée par le GAEC que le 14 octobre 2021.
Il résulte des dispositions de l'article R. 624-5 du code de commerce que, lorsque l'ordonnance du juge-commissaire constatant l'existence d'une contestation sérieuse et invitant le créancier à saisir la juridiction compétente est frappée d'appel, ce créancier ne saurait être déclaré forclos pour ne pas avoir saisi cette juridiction dans le délai d'un mois à compter de la notification de l'ordonnance du juge-commissaire entreprise ou encore dans le délai d'un mois suivant la signification de l'arrêt ayant confirmé cette ordonnance, l'article R. 624-5 ne prévoyant aucun report du point de départ du délai d'un mois imparti par le juge-commissaire et l'arrêt confirmatif n'ayant en l'espèce fixé aucun nouveau délai au créancier pour saisir la juridiction compétente à peine de forclusion.
L'ordonnance entreprise sera donc infirmée et, la cour statuant à nouveau, il sera jugé que le GAEC n'est pas forclos et l'affaire sera renvoyée devant le juge-commissaire du tribunal de commerce de Coutances pour qu'il soit statué sur l'admission ou le rejet de la créance de l'appelant après qu'une décision irrévocable a été rendue sur l'action engagée le 14 octobre 2021 par le GAEC à l'encontre de la société Gazengel et de la SELARL [T] [S], ès qualités, devant le tribunal judiciaire de Coutances.
Il n'entre pas dans les pouvoirs de la cour d'enjoindre au juge-commissaire du tribunal de commerce de Coutances, auquel l'affaire sera renvoyée, de surseoir à statuer jusqu'à l'issue définitive de l'action engagée par le GAEC contre la société Gazengel.
2. Sur les demandes accessoires
Les dispositions du jugement entrepris relatives aux frais irrépétibles et aux dépens de première instance, fondées sur une exacte appréciation, seront confirmées.
Les dépens d'appel seront employés en frais privilégiés de la procédure collective de la société Gazengel.
Il n'y a pas lieu de prononcer de condamnation sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.
PAR CES MOTIFS
La cour, statuant publiquement, par arrêt contradictoire mis à disposition au greffe,
Infirme l'ordonnance entreprise en ses dispositions soumises à la cour sauf en ce qu'elle a rejeté la demande d'indemnité de procédure formée par la société Gazengel et son mandataire judiciaire ;
Statuant à nouveau du chef des dispositions infirmées et y ajoutant,
Dit que le GAEC de la Founauderie n'est pas forclos ;
Ordonne le renvoi de l'affaire devant le juge-commissaire du tribunal de commerce de Coutances pour qu'il soit statué sur l'admission ou le rejet de la créance du GAEC de la Founauderie ;
Confirme l'ordonnance entreprise en ce qu'elle a rejeté la demande d'indemnité de procédure formée par la société Gazengel et son mandataire judiciaire à l'encontre du GAEC de la Founauderie ;
Dit que les dépens d'appel seront employés en frais privilégiés de la procédure collective de la société Gazengel ;
Rejette les demandes formées sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.
LE GREFFIER LE PRÉSIDENT
N. LE GALL F. EMILY