AFFAIRE : N° RG 21/02289 -
N° Portalis DBVC-V-B7F-GZ5A
ARRÊT N°
JB.
ORIGINE : DECISION du Juge des contentieux de la protection de COUTANCES
en date du 21 Juin 2021 - RG n° 19/00085
COUR D'APPEL DE CAEN
DEUXIEME CHAMBRE CIVILE ET COMMERCIALE
ARRÊT DU 19 MAI 2023
APPELANTS :
Monsieur [X] [B]
né le [Date naissance 1] 1975 à [Localité 9]
[Adresse 6]
[Localité 7]
(bénéficie d'une aide juridictionnelle Totale numéro 141180022021006629 du 14/10/2021 accordée par le bureau d'aide juridictionnelle de CAEN)
Madame [C] [L]
née le [Date naissance 5] 1989 à [Localité 9]
[Adresse 6]
[Localité 7]
(bénéficie d'une aide juridictionnelle Totale numéro 141180022021006628 du 14/10/2021 accordée par le bureau d'aide juridictionnelle de CAEN)
représentés et assistés de la SCP MAST-BOYER, avocat au barreau de COUTANCES, substituée par Me BOUTILLON, avocat au barreau de CAEN,
INTIME :
Monsieur [S] [H] [R]
né le [Date naissance 4] 1949 à [Localité 10]
[Adresse 3]
[Localité 8]
représenté et assisté de Me Albane SADOT, substituée par Me PROUST, avocats au barreau de COUTANCES
DEBATS : A l'audience publique du 06 mars 2023, sans opposition du ou des avocats, Mme COURTADE, Conseillère, a entendu seule les plaidoiries et en a rendu compte à la cour dans son délibéré
GREFFIER : Mme LE GALL, greffier
COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ :
Mme EMILY, Président de Chambre,
Mme COURTADE, Conseillère,
M. GOUARIN, Conseiller,
ARRÊT prononcé publiquement le 19 mai 2023 à 14h00 par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile et signé par Madame EMILY, président, et Mme LE GALL, greffier
* * *
Par acte sous seing privé du 29 septembre 2017 prenant effet le 1er novembre 2017, M. [S] [H] [R] a donné à bail à Mme [C] [L] et M. [X] [B] un logement à usage d'habitation sis [Adresse 6] moyennant un loyer mensuel de 440 €, outre les charges.
Par acte d'huissier en date du 6 novembre 2018, le bailleur a fait signifier aux preneurs un commandement de payer les loyers et charges échus au 24 octobre 2018 d'un montant de 1.278,60 €, visant la clause résolutoire insérée au bail.
Par jugement du 21 juin 2021, auquel la cour renvoie pour un exposé plus complet des faits et de la procédure antérieure, le juge des contentieux de la protection du tribunal judiciaire de Coutances, saisi par M. [H] [R], a :
- Constaté la résiliation du bail conclu le 29 août 2017 entre Monsieur [S] [H] [R] et Madame [C] [L] et Monsieur [X] [B] à compter du 7 janvier 2019 ;
- Ordonné, faute de départ volontaire, l'expulsion de Mme [C] [L] et Monsieur [X] [B] ainsi que tous occupants de leur chef, du local sis [Adresse 6] (50) si besoin est avec l'assistance de la force publique et d'un serrurier, dans les formes et délais prévus par les articles L 431-1 et suivants et R. 411-1 et suivants du code des procédures civiles d'exécution, et conformément à l'article L 433-1 du même code, à procéder à l'enlèvement de tous les biens mobiliers garnissant les lieux loués et à les faire entreposer dans tel local de son choix aux frais et périls des parties expulsées ;
- Condamné solidairement Madame [C] [L] et Monsieur [X] [B] à payer à Monsieur [S] [H] [R] la somme de 4.915,53 € au titre de l'arriéré locatif arrêté au 1er mars 2021, comprenant les loyers, charges et indemnités d'occupation jusqu'à l'échéance du mois de mars 2021 incluse avec intérêts au taux légal à compter de la présente décision ;
- Condamné in solidum Madame [C] [L] et Monsieur [X] [B] à verser à Monsieur [S] [H] [R] une indemnité d'occupation égale au montant des loyers et charges contractuels du logement d'habitation qui auraient été dus en cas de non résiliation du bail à compter du 1er avril 2021 et jusqu'à la libération effective des lieux ;
- Rappelé qu'une personne menacée d'expulsion sans relogement peut
* former une demande de délai supplémentaire auprès du juge de l'exécution ;
* saisir, sous certaines conditions, la commission DALO (adresse : direction départementale de la cohésion sociale de la Manche, secrétariat de la commission du DALO, [Adresse 2]), en remplissant le formulaire cerfa n° 15036*01, à retirer en préfecture ou à télécharger sur le site
'service-public.fr' ;
- Condamné Monsieur [S] [H] [R] au paiement de la somme de 500 € à verser à Madame [C] [L] et Monsieur [X] [B] au titre de leurs dommages et intérêts pour préjudice de jouissance ;
- Condamné in solidum Madame [C] [L] et Monsieur [X] [B] au versement à Monsieur [S] [H] [R] de la somme de 200 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;
- Débouté Madame [C] [L] et Monsieur [X] [B] de leur demande sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ;
- Condamné Madame [C] [L] et Monsieur [X] [B] aux dépens comprenant le coût de l'assignation, du commandement de payer du 29 juillet 2020 et celui de la notification de l'assignation au représentant de l'état dans le département et à la CCAPEX ;
- Ordonné l'exécution provisoire de la présente décision.
Par déclaration du 2 août 2021, M. [B] et Mme [L] ont interjeté appel de cette décision.
Aux termes de leurs dernières conclusions déposées le 14 février 2023, M. [B] et Mme [L] demandent de :
- infirmer le jugement entrepris
A titre principal
- débouter M. [H] [R] de ses demandes ;
- condamner M. [H] [R] à leur payer la somme de 5.000 € à titre de dommages et intérêts au titre du trouble de jouissance ;
- condamner M. [H] [R] à leur payer la somme de 1.500 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile, outre les entiers dépens de l'instance ;
- ne pas ordonner l'exécution provisoire ;
- A titre subsidiaire, si la cour devait maintenir une condamnation à leur encontre, leur accorder les plus larges délais de paiement sur le fondement de l'article 1343-5 du code civil ;
En tout état de cause,
- condamner M. [H] [R] à leur payer la somme de 1.500 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;
- ne pas ordonner l'exécution provisoire.
Aux termes de ses dernières conclusions déposées le 24 février 2023, M. [H] [R] demande de :
- Confirmer le jugement dont appel sur la résiliation du bail, l'expulsion, la condamnation des appelants au paiement d'une indemnité d'occupation, le débouté des appelants de leur demande au titre des frais irrépétibles et les dépens ;
- En cas d'infirmation ou réformation du jugement sur le fondement de l'acquisition de la clause résolutoire pour non-paiement des loyers, juger à nouveau que la résiliation du bail est acquise :
A titre subsidiaire, sur le fondement de l'absence d'assurance par le locataire :
- Constater la résiliation du contrat de location aux torts des appelants ;
- Ordonner, faute de départ volontaire, leur expulsion ;
- Condamner solidairement les appelants à lui payer la somme 1.049,22 € au titre des loyers et charges impayés à la date d'effet de la clause résolutoire au 17 octobre 2019, avec intérêts au taux légal à compter de la présente décision ;
- Condamner in solidum les appelants à lui payer une indemnité d'occupation égale au montant des loyers et charges contractuels du logement d'habitation qui auraient été dus en cas de non-résiliation du bail, à compter du 17 octobre 2019 et jusqu'à la libération effective des lieux ;
- Condamner les appelants aux entiers dépens comprenant le coût de l'assignation, du commandement de payer du 29 juillet 2020 et celui de la notification de l'assignation au représentant de l'état dans le département et à la CCAPEX ;
- Ordonner l'exécution provisoire ;
A titre infiniment subsidiaire, sur le fondement du défaut de jouissance paisible et de violation des obligations du preneur à bail :
- Juger que le bail est resilié pour faute des locataires, notamment du fait de l'occupation sans bail ni autorisation du bailleur des dépendances non comprises dans le contrat de bail, des dégradations commises et des travaux non autorisés ;
- Ordonner, faute de départ volontaire, l'expulsion des appelants ;
- Les condamner solidairement à payer la dette locative comprenant les loyers et charges impayés à compter de la date de la décision à intervenir ;
- Les condamner in solidum à lui payer une indemnité d'occupation égale au montant des loyers et charges contractuels du logement d'habitation qui auraient été dus en cas de non-résiliation du bail, à compter de la décision à intervenir et jusqu'à la libération effective des lieux ;
- Condamner les appelants aux entiers dépens comprenant le coût de l'assignation, du commandement de payer du 29 juillet 2020 et celui de la notification de l'assignation au représentant de l'état dans le département et à la CCAPEX ;
- Ordonner l'exécution provisoire ;
En toutes hypothèses,
- réformer le jugement dont appel en ce qu'il a condamné solidairement les appelants à lui payer la somme de 4.915,53 € au titre de l'arriéré locatif arrêté au 1er mars 2021,
- juger à nouveau en condamnant solidairement les appelants à lui payer la somme de 5.095,53 € au titre de l'arriéré locatif arrêté au 1er mars 2021, comprenant les loyers, charges et indemnités d'occupation jusqu'à l'échéance du mois de mars 2021 incluse ; avec intérêts au taux légal à compter de la présente décision ;
- infirmer le jugement en ce qu'il l'a condamné à payer aux appelants la somme de 500 € de dommages et intérêts pour préjudice de jouissance ;
En conséquence,
- débouter les appelants de leur demande au titre des dommages et intérêts pour préjudice de jouissance ;
- réformer le jugement dont appel en ce qu'il a condamné les appelants à lui payer la somme de 200 € au titre des frais de première instance;
En conséquence,
- juger à nouveau que les appelants sont condamnés à lui payer la somme de 2.000 € au titre des frais de première instance ;
En tout état de cause,
- condamner les appelants à lui payer la somme de 2.000 € au titre des frais d'instance en appel et aux entiers dépens ;
- débouter les appelants de leur demande tendant à écarter l'exécution provisoire ;
- débouter les appelants de leur demande de délais de paiement.
L'ordonnance de clôture a été prononcée le 1er mars 2023.
Il est expressément renvoyé aux écritures précitées pour un plus ample exposé des prétentions et moyens des parties.
MOTIFS
Sur la base d'un rapport de contrôle de l'opérateur SOLIHA, la CAF de la Manche a constaté la non-décence du bien loué le 22 octobre 2018 et la nécessité de travaux auxquels M. [H] [R] a procédé, à la suite de quoi la CAF a déclaré le logement décent le 23 décembre 2019.
Comme exactement retenu par le premier juge, pendant la période de déclaration d'indécence, au cours de laquelle le versement de l'allocation logement a été suspendu, les locataires n'étaient tenus qu'au paiement du loyer résiduel.
Ces derniers n'ont pas engagé de procédure aux fins de mise en conformité et de suspension/réduction des loyers sur le fondement de l'article 20-1 de la loi du 6 juillet 1989.
Il ressort des pièces versées aux débats, en particulier de l'historique du compte, que les locataires ne se sont pas acquittés de l'intégralité des causes du commandement (1.278,60 €) dans le délai de deux mois suivant la délivrance du commandement de payer en date du 6 novembre 2018, soit avant le 7 janvier 2019, date à laquelle ils étaient redevables de la somme de 648,63 €.
C'est vainement que les appelants opposent l'exception d'inexécution pour indécence du logement.
En effet, outre que le commandement vise des loyers et charges impayés antérieurs à la déclaration d'indécence par la CAF, M. [B] et Mme [L] ne démontrent pas que les désordres affectant le logement, tenant principalement à l'absence de garde-corps aux fenêtres de l'étage et de ventilation, au problème d'étanchéité de la porte bois et de fermeture de la fenêtre de la chambre 2, ont entraîné une impossibilité d'habiter les lieux loués.
Les manquements du bailleur à son obligation de délivrer un logement décent n'apparaissent pas suffisamment graves pour justifier le non-paiement des loyers.
Il convient donc de rejeter l'exception d'inexécution et de confirmer le jugement en ce qu'il a constaté la résiliation du bail par le jeu de l'acquisition de la clause résolutoire à la date du 7 janvier 2019 et ordonné l'expulsion.
L'indemnité d'occupation est due à compter de cette date.
Le dernier décompte de la dette locative arrêté au 16 novembre 2022 mentionne un solde dû de 4.533,97 €, échéance de novembre 2022 incluse (pièce n°25 de l'intimé).
Ce montant prend en compte les règlements en espèces des locataires ci-dessous :
- 6 versements de 90 € en date des 9 avril, 9 mai, 14 juin, 30 juillet, 29 août et 25 septembre 2019 (pièces n° 8 à 13 des appelants et n°10 de l'intimé) ;
- 3 versements de 90 € en date des 27 novembre 2020, janvier 2021 et 1er février 2021(pièces n°21 et 25 de l'intimé).
En revanche, le versement de 90 € effectué le 28 octobre 2019 (pièce n°14 des appelants) n'apparaît pas avoir été déduit.
Par suite, il convient de condamner solidairement les appelants au paiement de la somme de 4.443,97 € (4.533,97 € - 90€) au titre des loyers, charges et indemnités d'occupation arrêtés au 16 novembre 2022, avec intérêts au taux légal à compter du 21 juin 2021, date du jugement.
Le jugement est infirmé de ce chef
Les appelants sollicitent une indemnité de 5.000 € en réparation de leur préjudice de jouissance du fait de l'indécence du logement.
Le premier juge a fait une juste appréciation des faits et du droit des parties en retenant le principe d'un préjudice de jouissance et en l'évaluant à 500 €, étant précisé que si l'indécence du logement a duré environ deux ans, le trouble subi reste très limité au regard de la nature des non-conformités et désordres constatés et de l'absence de caractérisation par les appelants de conséquences particulières.
Le jugement est donc confirmé sur ce point.
Les appelants sollicitent des délais de paiement sur le fondement de l'article 1343-5 du code civil en invoquant la précarité de leur situation financière (RSA pour Madame et pension d'invalidité pour Monsieur) et leur situation familiale (2 enfants en bas âge et 3 enfants majeurs issus d'une précédente union).
L'intimé soulève l'irrecevabilité de cette demande comme étant nouvelle en appel.
Cette fin de non-recevoir figurant uniquement dans le corps de ses conclusions mais non dans leur dispositif, ne sera pas examinée en application de l'article 954 alinéa 3 du code civil.
Compte tenu de l'ancienneté de la dette locative et des délais de paiement déjà accordés par décision du juge de l'exécution du 4 octobre 2022 pour une durée de 12 mois, la demande de délai présentée par les appelants est rejetée.
Les dispositions relatives aux dépens et frais irrépétibles sont confirmées.
Mme [C] [L] et M. [X] [B] succombant, sont condamnés aux dépens de l'appel, à payer à M. [S] [H] [R] la somme complémentaire de 1.600 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, et sont déboutés de leur demande formée à ce titre.
PAR CES MOTIFS
La cour, statuant publiquement, par arrêt contradictoire, mis à disposition au greffe,
CONFIRME le jugement entrepris sauf en ce qui concerne les condamnations au paiement de la somme de 4.915,53 € au titre de l'arriéré locatif et d'une indemnité d'occupation à compter du 1er avril 2021
Statuant à nouveau du chef des dispositions infirmées et y ajoutant,
CONDAMNE in solidum Mme [C] [L] et M. [X] [B] à payer à M. [S] [H] [R] une indemnité d'occupation égale au montant du loyer et des charges qui auraient été dus si le bail n'avait pas été résilié, à compter de la résiliation du bail en date du 7 janvier 2019 et ce jusqu'à la libération effective des lieux et la restitution des clés ;
CONDAMNE solidairement Mme [C] [L] et M. [X] [B] à payer à M. [S] [H] [R] la somme de 4.443,97 € au titre des loyers, charges et indemnités d'occupation arrêtés au 16 novembre 2022, échéance de novembre 2022 incluse, avec intérêts au taux légal à compter du 21 juin 2021 ;
DEBOUTE Mme [C] [L] et M. [X] [B] de leur demande de délais de paiement ;
CONDAMNE Mme [C] [L] et M. [X] [B] à payer à M. [S] [H] [R] la somme complémentaire de 1.600 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;
DEBOUTE Mme [C] [L] et M. [X] [B] de leur demande formée à ce titre ;
CONDAMNE Mme [C] [L] et M. [X] [B] aux dépens de l'appel ;
DEBOUTE les parties de leurs demandes plus amples ou contraires.
LE GREFFIER LE PRÉSIDENT
N. LE GALL F. EMILY