AFFAIRE : N° RG 20/01700 -
N° Portalis DBVC-V-B7E-GSTI
ARRÊT N°
JB.
ORIGINE : Décision du TJ hors JAF, JEX, JLD, J. EXPRO, JCP d'ARGENTAN du 30 Juillet 2020
RG n° 1120000014
COUR D'APPEL DE CAEN
PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE
ARRÊT DU 16 MAI 2023
APPELANT :
Monsieur [K] [S]
né le 08 Octobre 1951 à [Localité 6]
[Adresse 1]
[Localité 2]
représenté par Me Olivier FERRETTI, avocat au barreau de CAEN,
assisté de Me Emilie REBOURCET, avocat au barreau de SENLIS
INTIMÉE :
La Société MAAF ASSURANCES
N° SIRET : 542 073 580
[Adresse 4]
[Localité 3]
prise en la personne de son représentant légal
représentée et assistée de Me Valérie LE BRAS, avocat au barreau D'ARGENTAN
DÉBATS : A l'audience publique du 09 mars 2023, sans opposition du ou des avocats, M. GARET, Président de chambre, a entendu seul les plaidoiries et en a rendu compte à la cour dans son délibéré
GREFFIER : Mme COLLET
COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ :
M. GUIGUESSON, Président de chambre,
M. GARET, Président de chambre,
Mme VELMANS, Conseillère,
ARRÊT : rendu publiquement par mise à disposition au greffe, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile le 16 Mai 2023 et signé par M. GUIGUESSON, président, et Mme COLLET, greffier
* * *
FAITS ET PROCEDURE
M. [K] [S] est propriétaire d'une résidence secondaire située à [Localité 5] (Orne). Cette résidence est assurée au titre du risque habitation auprès de la société Maaf Assurances (ci-après la Maaf).
Les canalisations du système de chauffage ayant explosé sous l'effet du gel à la fin du mois de décembre 2016, M. [S] a déclaré ce sinistre auprès de la Maaf qui, dans un premier temps, a fait diligenter une expertise amiable aux fins d'en rechercher les causes.
Au vu des conclusions du rapport d'expertise déposé le 21 février 2017, la Maaf, considérant que son assuré n'avait pas respecté les précautions prévues au contrat d'assurance en cas d'absence prolongée de l'habitation, a limité son droit à indemnisation à seulement 50'% du dommage, ayant ainsi payé à M. [S] une somme d'un montant de 6.681,02 €.
En dépit des protestations de M. [S], qui affirmait n'être en rien responsable du sinistre, la Maaf a maintenu sa position et refusé de régler le solde de l'indemnité réclamé par son assuré.
M. [S] a alors assigné la Maaf devant le tribunal d'instance de Paris qui, par un jugement du 17 octobre 2019, s'est déclaré incompétent territorialement au profit de celui d'Argentan.
Finalement et par un jugement du 30 juillet 2020, le tribunal d'Argentan a :
- débouté M. [S] de sa demande en paiement du solde de l'indemnisation du sinistre ;
- débouté M. [S] de sa demande complémentaire en dommages et intérêts ;
- condamné M. [S] aux entiers dépens de l'instance ;
- condamné enfin M. [S] à payer à la Maaf une somme de 400 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
Par déclaration reçue au greffe de la cour le 7 septembre 2020, M. [S] a interjeté appel de cette décision.
L'appelant a notifié ses dernières conclusions le 17 mars 2021, l'intimée les siennes le 18 décembre 2020.
La clôturé a été prononcée par ordonnance du 1er février 2023.
MOYENS ET PRETENTIONS DES PARTIES
M. [S] demande à la cour de :
- le dire recevable et bien fondé en ses demandes, fins et prétentions ;
En conséquence,
- réformer le jugement rendu en ce qu'il :
* l'a débouté de sa demande de paiement du solde de l'indemnisation du sinistre ;
* l'a débouté de sa demande de dommages et intérêts ;
* l'a condamné aux entiers dépens de l'instance ;
* l'a condamné à payer à la Maaf une somme de 400 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;
Statuant à nouveau,
- condamner la Maaf à payer à M. [S] une somme de 6.681,02 € pour solde de l'indemnisation du sinistre, et ce, avec intérêts au taux légal à compter du 14 septembre 2018, date de la mise en demeure demeurée vaine ;
- condamner la Maaf à payer à M. [S] une somme de 500 € en réparation de son préjudice subi par suite de la résistance abusive de l'assureur ;
En tout état de cause,
- débouter la Maaf de l'intégralité de ses demandes ;
- condamner la Maaf à payer à M. [S] une somme de 3.000 € au titre l'article 700 du code de procédure civile ;
- condamner la Maaf aux entiers dépens, dont distraction au bénéfice de Me Ferretti.
Au contraire, la Maaf demande à la cour de :
- la recevant en son appel incident, réformer le jugement en ce qu'il a limité sa demande formée au titre de l'article 700 à hauteur d'une somme de 400 €';
- condamner M. [S] à lui payer à ce titre une somme de 1.500 € pour la première instance ;
- pour le surplus, confirmer le jugement déféré';
- débouter M. [S] de ses demandes ;
- condamner M. [S] au paiement d'une somme de 3.000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile en cause d'appel ;
- condamner M. [S] aux dépens de la procédure d'appel.
Pour l'exposé complet des prétentions et de l'argumentation des parties, il est expressément renvoyé à leurs dernières écritures conformément à l'article 455 du code de procédure civile.
MOTIFS DE LA DECISION
Sur la demande principale'tendant à l'indemnisation intégrale du préjudice assuré :
Pour justifier la réduction de moitié de l'indemnité revenant à son assuré, la Maaf se prévaut des stipulations figurant en page 17 des conditions générales du contrat souscrit par M. [S], lesquelles sont rédigées comme suit':
«'Les mesures de précaution que vous devez respecter':
- coupez l'alimentation d'eau des bâtiments assurés lorsque vous devez vous absenter plus de 7 jours';
- Arrêtez la distribution d'eau et vidangez les conduites, réservoirs et chaudières non pourvus d'antigel pendant les grands froids (température se maintenant pendant 24 heures en dessous de 0 ° à l'extérieur) si les locaux ne sont pas chauffés.
Important': l'indemnité sera réduite de 50'% si les dommages ont été causés ou aggravés par le non-respect de ces prescriptions.'»
En l'espèce, l'assureur fait essentiellement valoir':
- qu'il résulte des constatations de l'expert que les locaux n'étaient pas chauffés, que le chauffage n'était pas en position hors gel, que les canalisations n'ont pas été vidées lors du départ de l'occupant, et qu'il n'y avait pas d'antigel dans les installations de chauffage.
- que c'est vainement que M. [S], pour tenter de s'opposer à ces constatations, prétend que l'absence de chauffage est due à un court-circuit électrique qui, selon ses dires, aurait entraîné un arrêt du circulateur d'eau, d'où le gel et l'explosion des canalisations';
- qu'en effet, les pièces produites à l'appui de cette affirmation sont tardives et peu convaincantes';
- qu'en toute hypothèse, il appartenait à M. [S] de couper l'arrivée d'eau, de vidanger les canalisations et, à tout le moins, de pourvoir le circuit de chauffage en antigel, cette absence de produit étant constitutive d'un défaut d'entretien';
- qu'en outre et à supposer même qu'un court-circuit électrique se soit produit, il n'aurait dû faire disjoncter que le disjoncteur de protection de la ligne alimentant les circulateurs, et non le disjoncteur principal en tête de ligne, ce qui démontre, en tant que de besoin, que l'installation n'était pas conforme aux normes de sécurité électrique et justifie au surplus l'absence de garantie de l'assureur, à tout le moins d'une garantie intégrale.
Quant au tribunal, pour débouter M. [S] de sa demande, il a retenu qu'alors que le propriétaire était absent depuis plusieurs semaines, l'arrivée d'eau n'avait pas été coupée dans le logement.
D'emblée, la cour observe que cette motivation n'est conforme ni aux constatations de l'expert, ni même aux explications de l'assureur qui admet en effet que l'alimentation générale en eau était coupée, étant ici précisé que le système de chauffage fonctionne en circuit fermé.
Il est donc établi que les canalisations de chauffage étaient pourvues en eau au moment où M. [S] a quitté le logement.
D'ailleurs, il est constant qu'elles ont explosé sous l'effet du gel, ce qui, assurément, n'aurait pas pu se produire si elles avaient été vides de tout liquide.
A cet égard, et contrairement à ce qu'affirme l'assureur, M. [S] n'était pas tenu, contractuellement, de pourvoir ses canalisations en produit antigel.
En effet, il résulte des conditions générales précitées que l'assuré n'était tenu d'arrêter la distribution d'eau dans les radiateurs et de vidanger les canalisations non pourvues d'antigel que pour autant que les locaux n'aient pas été chauffés.
A contrario, le contrat n'imposait pas à l'assuré de pourvoir lesdites canalisations en produit antigel dès lors que l'habitation restait en état de chauffe, le maintien du chauffage empêchant en effet toute possibilité de gel à l'intérieur des canalisations.
Or, il résulte d'une attestation produite par M. [S]':
- que l'un de ses voisins - M. [B] [P], qui était chargé de veiller sur la maison en l'absence du propriétaire des lieux, a allumé le chauffage à la fin du mois de décembre 2016 à l'annonce d'une baisse prévisible des températures extérieures';
- qu'il a d'ailleurs vérifié, le lendemain de l'allumage, que le chauffage fonctionnait effectivement, tel étant alors le cas';
- que ce n'est que quelques jours plus tard, après avoir détecté une coupure de courant dans la maison de M. [S], que M. [P] a également constaté que le chauffage ne fonctionnait plus et que l'ensemble du système avait gelé.
Il est donc établi, par une attestation dont la cour ne saurait douter de la véracité des faits rapportés, que le chauffage était bien en état de fonctionnement peu avant la survenance du sinistre.
Par là même, M. [S] a strictement observé les précautions d'emploi prévues par le contrat d'assurance, étant encore rappelé qu'en cas d'utilisation du chauffage, le contrat d'assurance n'imposait pas de pourvoir les canalisations en produit antigel.
Quant aux raisons de l'arrêt inopiné du système de chauffage, il s'explique, ainsi qu'il résulte des constatations effectuées par le plombier en charge de la remise en état de l'installation, par la survenance d'un court-circuit électrique à l'intérieur du circulateur d'eau, ce qui a entraîné l'arrêt de la chaudière.
La tardiveté de cette constatation, qui est attestée par une lettre du plombier du 4 décembre 2017, s'explique par le fait que celui-ci n'est intervenu qu'après le passage de l'expert qui, quant à lui, s'est borné à constater que les locaux n'étaient pas chauffés au moment du sinistre, ce qui est factuellement exact mais qui ne rend pas compte de la véritable cause du sinistre, à savoir un court-circuit électrique ayant entraîné l'arrêt du chauffage.
A cet égard, c'est vainement que la Maaf prétend que l'installation électrique n'était pas conforme aux normes de sécurité, l'assureur ne produisant en effet aucune pièce justificative à l'appui de cette allégation.
Dès lors, M. [S], dont il n'est pas démontré qu'il ait manqué aux précautions prévues par le contrat d'assurance, ne saurait être tenu pour responsable des conséquences de ce court-circuit et partant, du gel de ses installations.
En conséquence, la Maaf n'est pas fondée à lui opposer une réduction de son droit à indemnisation, l'assureur étant dès lors tenu à l'indemnisation intégrale du sinistre pour une somme complémentaire non contestée dans son montant de 6.681,02 €.
Le jugement sera infirmé en ce sens, et la Maaf condamnée au paiement de cette somme et ce, avec intérêts au taux légal à compter de la mise en demeure du 14 septembre 2018 conformément aux dispositions de l'article 1231-6 du code civil.
Sur les autres demandes':
Le jugement sera confirmé en ce qu'il a débouté M. [S] de sa demande de dommages-intérêts pour résistance abusive, étant en effet observé':
- que le refus par la Maaf d'indemniser intégralement son assuré ne présente pas un caractère abusif en ce sens qu'il repose sur une argumentation qui, même jugée infondée par la cour, pouvait tout de même prêter à discussion';
- qu'en tout état de cause, M. [S] ne justifie pas d'un préjudice indemnisable distinct de celui déjà réparé par l'allocation des intérêts moratoires.
Partie perdante, la Maaf sera déboutée de ses demandes au titre des frais irrépétibles de première instance et d'appel.
Au contraire, l'assureur sera condamné à payer à M. [S] une somme globale de 2.500 € au titre de ses propres frais irrépétibles
Enfin, la Maaf supportera les entiers dépens de première instance et d'appel, lesquels seront recouvrés conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.
PAR CES MOTIFS,
La cour,
Statuant publiquement par mise à disposition, contradictoirement et en dernier ressort':
- confirme le jugement en ce qu'il a débouté M. [S] de sa demande de dommages-intérêts pour résistance abusive';
- l'infirmant pour le surplus de ses dispositions, statuant à nouveau et y ajoutant':
* condamne la société Maaf Assurances à payer à M. [S] une somme de 6.681,02€ pour solde de l'indemnité d'assurance due en réparation du sinistre survenu dans sa résidence secondaire de [Localité 5] en décembre 2016';
* dit que cette condamnation produira des intérêts au taux légal à compter du 14 septembre 2018';
* déboute les parties du surplus de leurs demandes';
* condamne la société Maaf Assurances à payer à M. [S] une somme de 2.500 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile';
* condamne la société Maaf Assurances aux entiers dépens de première instance et d'appel, lesquels seront recouvrés conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.
LE GREFFIER LE PRÉSIDENT
M. COLLET G. GUIGUESSON