La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

16/05/2023 | FRANCE | N°20/01628

France | France, Cour d'appel de Caen, 1ère chambre civile, 16 mai 2023, 20/01628


AFFAIRE : N° RG 20/01628 -

N° Portalis DBVC-V-B7E-GSOT





ARRÊT N°



JB.





ORIGINE : Décision du Tribunal de Grande Instance de Caen du 02 Juillet 2019

RG n° 18/00716







COUR D'APPEL DE CAEN

PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE

ARRÊT DU 16 MAI 2023





APPELANTS :



Monsieur [E] [U]

[Adresse 1]

[Localité 2]



LA MUTUELLE DES ARCHITECTES FRANCAIS (MAF)

[Adresse 4]

[Localité 7]

prise en la personne d

e son représentant légal



représentés par Me Alain OLIVIER, avocat au barreau de CAEN

assistés de Me Xavier GRIFFITHS, avocat au barreau de LISIEUX,





INTIMÉS :



Monsieur [F] [I]

né le 17 Juillet 1945 à [Localité 10...

AFFAIRE : N° RG 20/01628 -

N° Portalis DBVC-V-B7E-GSOT

ARRÊT N°

JB.

ORIGINE : Décision du Tribunal de Grande Instance de Caen du 02 Juillet 2019

RG n° 18/00716

COUR D'APPEL DE CAEN

PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE

ARRÊT DU 16 MAI 2023

APPELANTS :

Monsieur [E] [U]

[Adresse 1]

[Localité 2]

LA MUTUELLE DES ARCHITECTES FRANCAIS (MAF)

[Adresse 4]

[Localité 7]

prise en la personne de son représentant légal

représentés par Me Alain OLIVIER, avocat au barreau de CAEN

assistés de Me Xavier GRIFFITHS, avocat au barreau de LISIEUX,

INTIMÉS :

Monsieur [F] [I]

né le 17 Juillet 1945 à [Localité 10] (14)

[Adresse 5]

[Localité 3]

La S.A. AXA FRANCE IARD

N° SIRET : 722 05 7 4 60

[Adresse 6]

[Localité 8]

prise en la personne de son représentant légal

représentés et assistés de Me Olivier FERRETTI, avocat au barreau de CAEN

DÉBATS : A l'audience publique du 09 mars 2023, sans opposition du ou des avocats, M. GARET, Président de chambre, a entendu seul les plaidoiries et en a rendu compte à la cour dans son délibéré

GREFFIER : Mme COLLET

COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ :

M. GUIGUESSON, Président de chambre,

M. GARET, Président de chambre,

Mme VELMANS, Conseillère,

ARRÊT : rendu publiquement par mise à disposition au greffe, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile le 16 Mai 2023 et signé par M. GUIGUESSON, président, et Mme COLLET, greffier

* * *

FAITS ET PROCEDURE

Les époux [G] sont propriétaires d'une maison d'habitation située à [Localité 9] (Calvados).

Suivant contrat du 10 juillet 2003, ils ont confié à M. [E] [U], architecte, la maîtrise d'oeuvre des travaux d'extension de leur maison.

Les travaux de gros oeuvre ont été confiés quant à eux à M. [F] [I], entrepreneur en maçonnerie.

Tandis que les travaux ont été réceptionnés sans réserves le 12 juillet 2004, des désordres sont apparus quelques années après, l'extension s'étant en effet désolidarisée du bâtiment préexistant pour basculer sur un sol trop meuble et se fissurer.

Les époux [G] ont alors saisi le juge des référés du tribunal de grande instance de Caen qui, par ordonnance du 26 septembre 2013, a missionné M. [Y] en qualité d'expert.

L'expert a déposé son rapport définitif le 4 octobre 2016.

Les époux [G] ont alors fait assigner MM. [U] et M. [I] devant le tribunal de grande instance de Caen, sur le fondement de la garantie décennale, aux fins d'être indemnisés des préjudices subis.

La société Axa est intervenue volontairement à l'instance en qualité d'assureur de M. [I].

Quant à la société Maf, assureur de M. [U], elle a été appelée en garantie.

Finalement et par un jugement mixte du 2 juillet 2019, le tribunal a :

- déclaré MM. [U] et [I] responsables in solidum des dommages subis par les époux [G]';

- dit que dans les rapports entre MM. [U] et [I], le partage de responsabilité est de 70 % pour le premier et de 30 % pour le second';

- constaté que leurs assureurs respectifs, soit la Maf et la société Axa, ne contestent pas leur garantie ;

- condamné en conséquence in solidum M. [U], la Maf, M. [I] et la société Axa à indemniser le préjudice subi par les époux [G]';

- dit que les recours entre M. [U] et la Maf d'une part et M. [I] et la société Axa d'autre part s'effectueront dans la proportion du partage de responsabilité ordonné (70/30) ;

- avant dire droit sur le montant de l'indemnisation des préjudices subis par les époux [G],

ordonné un complément d'expertise pour chiffrer les travaux de remise en état';

- condamné in solidum M. [U], la Maf, M. [I] et la société Axa aux dépens de la procédure aboutissant au jugement avant-dire droit, lesquels incluront les frais d'expertise de M. [Y] ;

- condamné in solidum M. [U], la Maf, M. [I] et la société Axa à payer aux époux [G] une somme de 3.500 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

- dit que le partage de responsabilité ordonné s'appliquera également aux condamnations aux titre des dépens comme au titre des frais irrépétibles ;

- renvoyé l'affaire à la mise en état du tribunal.

Par déclaration du 29 août 2020, M. [U] et la Maf ont interjeté appel limité de ce jugement, et ce, uniquement sur le partage de responsabilité opéré par le tribunal entre MM. [U] et [I].

M. [U] et la Maf ont notifié leurs dernières conclusions le 5 octobre 2020, M. [I] et la société Axa les leurs le 29 décembre 2020.

En définitive, la clôture est intervenue par ordonnance du 1er février 2023.

MOYENS ET PRETENTIONS DES PARTIES

M. [U] et la Maf demandent à la cour de :

- réformer partiellement le jugement du tribunal ;

- condamner in solidum M. [I] et la société Axa à les relever et les garantir des éventuelles condamnations susceptibles d'être prononcées au profit des époux [G], à hauteur d'un pourcentage de 50 % ;

- condamner in solidum M. [I] et la société Axa à leur verser une somme de 2.000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens d'appel.

Au contraire, M. [I] et la société Axa demandent à la cour de :

- réformer le jugement en ses dispositions frappées d'appel ;

Les recevant en leur appel incident,

- condamner solidairement M. [U] et la Maf à garantir M. [I] de toutes condamnations qui pourraient être prononcées à leur encontre au profit des époux [G], en principal, frais, intérêts et accessoires de toute nature, à hauteur d'un pourcentage qui ne saurait être inférieur à 80 % ;

- condamner solidairement M. [U] et la Maf à payer à la société Axa une somme de 3.000€ au titre de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens avec droit de recouvrement direct au profit de la SCP Ferretti-Hurel-Leplatois, avocats, dans les conditions de l'article 699 du code de procédure civile.

Pour l'exposé complet des prétentions et de l'argumentation des parties, il est expressément renvoyé à leurs dernières écritures conformément à l'article 455 du code de procédure civile.

MOTIFS DE LA DECISION

Sur le partage de responsabilité à opérer entre MM. [U] et [I]':

Il résulte des éléments du dossier, notamment du rapport d'expertise judiciaire de M. [Y] qui n'est pas contesté sur ce point':

- que M. [U] a été chargé par les époux [G] d'une mission de maîtrise d'oeuvre complète comprenant non seulement l'établissement des plans de construction de l'extension, mais également la surveillance du chantier';

- que [I], entrepreneur en maçonnerie, a été chargé quant à lui de l'exécution des travaux de gros 'uvre en ce compris la pose des fondations de l'extension';

- que ces travaux ont été réalisés sans étude géotechnique préalable du sol, alors même que celui-ci, situé dans l'emprise d'un ancien marais, aurait dû être connu pour être «'compressible'»';

- qu'il en est résulté, quelques années après la fin des travaux, un phénomène naturel de tassement du sol, à l'origine d'un basculement de l'extension qui s'est alors désolidarisée du bâtiment préexistant';

- que selon l'expert, ce sinistre est la conséquence non seulement de fondations insuffisantes et inadaptées à la nature du sol, mais également d'une absence de dissociation complète entre l'extension et le bâtiment préexistant, lesquels ont été reliés en contradiction avec les règles de l'art, l'appui des nouvelles fondations sur celles du bâtiment ancien ayant favorisé le basculement de l'extension';

- qu'au vu de ces éléments, l'expert a considéré':

* d'une part que l'absence de prise en compte des caractéristiques particulières du sous-sol constitue une erreur technique indiscutable qui incombe au maître d'oeuvre en ce qu'il aurait dû suggérer une étude géotechnique et, en toute hypothèse, en ce qu'il aurait dû pré-dimensionner les fondations de l'ouvrage en conséquence de ces caractéristiques';

* d'autre part que l'entreprise de gros 'uvre a également commis une faute technique en réalisant les travaux dans de telles conditions.

Si l'expert a proposé un partage de responsabilité par moitié entre les deux professionnels, le tribunal a retenu quant à lui une responsabilité différenciée, prépondérante pour le maître d'oeuvre (70 %), et plus résiduelle pour le maçon (30 %).

Le maître d'oeuvre critique cette répartition, se prévalant notamment de ce que le cahier des clauses techniques particulières, auquel le maçon a adhéré, attirait'l'attention de l'entrepreneur sur le fait que la construction projetée était attenante à un bâtiment préexistant et que de ce fait, il devait prendre toute disposition pour l'exécution des ouvrages en tenant compte des contraintes du site.

Le maître d'oeuvre rappelle également qu'il n'a pas manqué de rappeler au maçon, à l'occasion de deux réunions de chantier qui se sont tenues les 2 et 9 février 2004, qu'il lui appartenait de vérifier la portance du terrain et de mettre en 'uvre une infrastructure en agglo plein.

Il n'en demeure pas moins que le maître d'oeuvre encourt une responsabilité prépondérante dans la survenance du sinistre, et ce :

- d'abord pour s'être abstenu de commander une étude géotechnique qui s'imposait pourtant eu égard à la localisation du site dont il ne pouvait pas ignorer la nature ancienne de marais'; à cet égard, c'était bien au maître d'oeuvre de l'opération, et non au maçon, qu'il appartenait d'imposer cette étude aux époux [G], maîtres de l'ouvrage, et ce, en amont même de l'intervention du maçon';

- ensuite pour avoir lui-même pré-déterminé la taille et la nature des fondations qui ont été posées par le maçon, et ce, sans s'être assuré qu'elles étaient suffisantes dans leurs dimensions et adaptées à la nature du terrain'à construire ;

- enfin pour avoir lui-même préconisé la jonction de ces fondations à celles du bâtiment préexistant, ce qui constitue également une faute dans la conception des travaux à réaliser.

De son côté, le maçon a également commis une faute, dès lors qu'il lui appartenait aussi, en sa qualité de professionnel du bâtiment, de s'inquiéter de la portance du sol, M. [I] ayant ainsi pris le risque, alors qu'il savait qu'aucune étude du sol n'avait été réalisée, de poser des fondations insuffisantes eu égard à la nature présumée du sous-sol.

Le maçon a encore commis une autre faute, pour avoir accepté de relier ces fondations à celles du bâtiment préexistant, travaux qui, selon l'expert, ne sont pas conformes aux règles de l'art.

Pour autant, c'est à juste titre que les premiers juges ont retenu un partage de responsabilité inégal, de 70'% pour le maître d'oeuvre et de 30'% pour le maçon, cette inégalité se justifiant par le rôle prépondérant du maître d'oeuvre qui, depuis la conception du chantier jusqu'à la surveillance de l'exécution des travaux, a manqué à ses obligations, tandis que la responsabilité du maçon, simple exécutant d'un chantier mal conçu depuis l'origine, se limite à ne pas avoir critiqué ce qui aurait dû l'être.

En conséquence, ce partage de responsabilité sera purement et simplement entériné par la cour comme étant justifié dans son principe comme dans sa proportion, le jugement devant dès lors être confirmé en ce qu'il a dit que dans leurs rapports entre eux, les recours entre M. [U] et la Maf d'une part, M. [I] et la société Axa d'autre part, s'effectueraient dans les limites de ce partage (70/30).

Sur les autres demandes':

Parties perdantes, M. [U] et la Maf seront condamnées in solidum à payer à la société Axa, assureur de M. [I], une somme de 2.000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile en cause d'appel.

De même, M. [U] et la Maf supporteront les entiers dépens de la procédure d'appel, lesquels seront recouvrés conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS,

La cour,

Statuant dans les limites de l'appel, publiquement par mise à disposition, contradictoirement et en dernier ressort':

- confirme le jugement en toutes ses dispositions frappées d'appel';

- y ajoutant':

* déboute les parties du surplus de leurs demandes';

* condamne in solidum M. [E] [U] et la Maf à payer à la société Axa une somme de 2.000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile en cause d'appel';

* condamne in solidum M. [E] [U] et la Maf aux entiers dépens de la procédure d'appel, lesquels seront recouvrés conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.

LE GREFFIER LE PRÉSIDENT

M. COLLET G. GUIGUESSON


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Caen
Formation : 1ère chambre civile
Numéro d'arrêt : 20/01628
Date de la décision : 16/05/2023

Origine de la décision
Date de l'import : 26/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2023-05-16;20.01628 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award