AFFAIRE : N° RG 20/01255 -
N° Portalis DBVC-V-B7E-GRVN
ARRÊT N°
JB.
ORIGINE : DÉCISION du TJ hors JAF, JEX, JLD, J. EXPRO, JCP de LISIEUX du 09 Avril 2020
RG n° 18/01018
COUR D'APPEL DE CAEN
PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE
ARRÊT DU 16 MAI 2023
APPELANTE :
Madame [R] [D]
[Adresse 5]
[Adresse 5]
représentée par Me Joffrey LE RUYET, avocat au barreau de CAEN et assistée de la SCP CHERRIER BODINEAU, avocats au barreau de ROUEN
INTIMÉE :
La S.A. GENERALI VIE
N° SIRET : 602 062 481
[Adresse 4]
[Adresse 4]
prise en la personne de son représentant légal
représentée par Me Gaël BALAVOINE, avocat au barreau de CAEN
assistée de Me Olivia RISPAL-CHATELLE, avocat au barreau de PARIS,
COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DÉBATS ET DU DÉLIBÉRÉ :
M. GUIGUESSON, Président de chambre,
M. GARET, Président de chambre,
Mme VELMANS, Conseillère,
DÉBATS : A l'audience publique du 31 janvier 2023
GREFFIER : Mme COLLET
ARRÊT : rendu publiquement par mise à disposition au greffe, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile le 16 Mai 2023 par prorogation du délibéré initialement fixé au 11 Avril 2023 et signé par M. GUIGUESSON, président, et Mme COLLET, greffier
FAITS, PROCEDURE ET PRETENTIONS DES PARTIES
Mme [D] exerçait la profession de commerciale pour la société 'entreparticuliers.com'.
En 2001, elle a souscrit auprès de la société Generali Vie un contrat d'assurance Previance prévoyant le versement d'indemnités en cas d'incapacité temporaire totale de travail. Mme [D] a été placée en arrêt de travail le 17 août 2015 pour lequel elle a perçu des indemnités versées par son assureur.
Le 18 mars 2016, Mme [D] s'est soumise à une expertise médicale organisée par son assureur.
Aux termes de son rapport d'expertise, le Dr [L] a conclu à une dépression nerveuse.
Par courrier du 27 avril 2016, la société Generali Vie a informé Mme [D] qu'elle déniait toute garantie à partir du 18 mars 2016, la dépression nerveuse étant exclue du contrat d'assurance souscrit.
Le 26 octobre 2016, Mme [D] a fait assigner la société Generali Vie devant le tribunal de grande instance de Lisieux aux fins de voir ordonner une expertise judiciaire.
Par ordonnance du 16 décembre 2016, le juge des référés du tribunal de grande instance de Caen a ordonné une expertise judiciaire et a désigné le Dr [G], remplacé par ordonnance du 12 janvier 2017 par le Dr [P]. L'expert a déposé son rapport le 30 novembre 2017.
Par acte du 5 octobre 2018, Mme [D] a fait assigner la société Generali Vie devant le tribunal de grande instance de Lisieux aux fins de voir ordonner une contre-expertise médicale.
Par jugement du 9 avril 2019 auquel il est renvoyé pour un exposé complet des prétentions en première instance, le tribunal judiciaire de Lisieux a :
- rejeté la demande de Mme [D] d'une nouvelle expertise médicale ;
- rejeté la demande en paiement de Mme [D] contre la société Generali Vie au titre de sa garantie ;
- rejeté la demande en paiement de Mme [D] contre la société Generali Vie au titre du remboursement des primes versées ;
- constaté que la société Generali ne demande pas le remboursement des indemnités déjà versées à Mme [D] entre le 17 août 2015 et le 18 mars 2016 ;
- rejeté les autres demandes plus amples ou contraires ;
- rejeté les demandes des parties au titre de l'article 700 du code de procédure civile et dit que chaque partie conservera la charge de ses frais non-compris dans les dépens ;
- dit n'y avoir lieu à l'exécution provisoire de la décision ;
- condamné Mme [D] aux entiers dépens.
Par déclaration du 16 juillet 2020, Mme [D] a formé appel de ce jugement.
Aux termes de ses dernières écritures notifiées le 18 mars 2022, Mme [D] demande à la cour de :
- infirmer le jugement du 9 avril 2019 en ce qu'il :
* l'a déboutée de sa demande d'expertise à titre principal ;
* l'a déboutée de sa demande de condamnation à titre subsidiaire de la société Generali Vie à régulariser son dossier, de procéder au règlement des revenus de remplacement et des arrérages de rente ;
* l'a déboutée de sa demande de condamnation de l'assureur au paiement de la somme de 4 590 euros compte arrêté au 30 décembre 2018 au titre des remboursements sur primes réglées par Mme [D] ;
* l'a déboutée de sa demande de condamnation de l'assureur au paiement de la somme de 3 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;
* l'a déboutée de sa demande de condamnation de l'assureur aux entiers dépens ;
statuant à nouveau,
- ordonner une mesure d'expertise médicale confiée à tel médecin expert qu'il plaira idéalement inscrit sur la liste de la Cour d'appel de Rouen avec pour mission de :
1) examiner la demanderesse en la présence éventuelle de son médecin-conseil, les autres parties pouvant se faire représenter par un médecin, entendre contradictoirement les parties en la présence éventuelle de leurs conseils dûment convoqués, recueillir leurs informations, décrire les lésions après avoir pris connaissance du dossier médical et de tous documents relatifs aux examens, soins et interventions pratiquées, ainsi qu'au poste de travail de la victime, indiquer l'évolution des dites lésions, et préciser si elles sont bien en relation directe et certaine avec l'arrêt de travail du 17 août 2015 ;
- 2) fixer la date de consolidation ou indiquer la date prévisible à laquelle elle est susceptible d'intervenir, puis décrire et fixer les chefs de préjudices provisoires avérés, tels qu'énoncés en A ci-dessous, et faire toutes remarques utiles sur l'évolution probable de l'état de l'assurée ;
A/ Sur les préjudices temporaires avant consolidation :
3) dire si les lésions ont entraîné un déficit fonctionnel temporaire, en fixer la nature (total ou partiel), la durée et le degré, en indiquant la date à laquelle les activités habituelles pouvaient être reprises ;
4) dire si l'arrêt de travail est médicalement justifié au regard des lésions consécutives aux faits dommageables, en évaluer la durée, et dire à quelle date le travail pouvait être repris, à temps partiel et/ou complet, avec ou sans la nécessité d'aménagements ;
5) préciser si l'aide d'un tiers et/ou d'un dispositif technique était ou est (en cas d'absence de consolidation) nécessaire jusqu'à la consolidation, en proposer une évaluation qualitative et quantitative, sa durée et sa fréquence d'intervention ;
6) se faire communiquer, si nécessaire, par la victime ou le tiers payeur le relevé des décomptes des prestations de l'organisme social de la victime et les arrêts de travail médicalement autorisés, et indiquer si les prestations figurant sur ces décomptes sont bien en relation directe, certaine et exclusive avec l'arrêt de travail ;
7) décrire le préjudice de la douleur subi par la victime, tant au titre des souffrances physiques que psychologiques et l'évaluer selon une échelle de sept degrés ;
8) dire si la victime a subi un dommage esthétique temporaire justifiant une indemnisation spécifique en raison de son importance et le décrire ;
B/ Sur les préjudices permanents après consolidation :
9) préciser si la victime présentait un éventuel état pathologique antérieur et des antécédents ayant pu avoir une incidence sur les lésions et séquelles à l'origine de l'arrêt de travail et distinguer, le cas échéant, les conséquences résultant de ces derniers de celles résultant de l'état antérieur ;
10) dire si ces lésions ont entraîné un déficit fonctionnel permanent, décrire les éléments constitutifs de ce dernier, tant en ce qui concerne les séquelles physiques et les atteintes aux fonctions physiologiques qu'en ce qui concerne les séquelles psychologiques ou psychiatriques, enfin les douleurs persistantes, et fixer son taux, en précisant, si possible, le taux d'incapacité afférent à chacune des séquelles distinctes qui la constituent au titre des répercussions soit physiques, soit psychologiques ou psychiatriques ;
11) préciser si l'aide d'un tiers et/ou d'un dispositif technique ou si des soins sont nécessaires, en proposer une évaluation quantitative et qualitative, leur durée et leur fréquence d'intervention ;
12) fournir tous éléments permettant d'apprécier la nature et l'importance du préjudice esthétique permanent et le qualifier selon une échelle à sept degrés ;
13) rechercher si l'assuré est encore physiquement et psychologiquement, totalement ou partiellement, apte à exercer les activités d'agrément, notamment sportives ou de loisirs, effectivement pratiquées avant l'accident ;
14) dire si l'état de l'assurée est susceptible d'amélioration ou d'aggravation, notamment sur le plan personnel s'agissant du syndrome post polio et, dans l'affirmative, préciser dans quelle mesure, dans quels délais, si des frais, appareillages, soins ou traitements futurs sont à prévoir et en décrire la nature, la fréquence et la durée ;
15) répondre, en application de l'article 276 du code de procédure civile, s'il y a lieu, aux dires des parties qui seront invitées à faire parvenir leurs observations dans un délai déterminé après communication d'un pré-rapport ;
16) du tout, dresser un rapport de ses observations et conclusions et donner toutes explications utiles pour permettre à la juridiction de statuer, déposer ledit rapport en original au secrétariat des expertises de la juridiction dans le délai ci-dessous imparti après en avoir délivré copie à chaque partie dans la cause, ainsi qu'il sera mentionné dans le rapport ;
- En conséquence,
2/ dire et juger que l'assureur est tenu à garantir les conséquences de la pathologie ayant motivé les arrêts de travail depuis le 17 août 2015 et ses conséquences ;
3/ condamner l'assureur à procéder à la régularisation de son dossier et notamment au règlement de :
* au titre des revenus de remplacement : mémoire
* au titre des arrérages de rente : mémoire
* au titre des remboursements sur primes : mémoire
4/ condamner l'assureur au paiement de la somme de 3 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;
5/ condamner l'assureur aux entiers dépens de l'instance dont distraction au profit de Me [I], Avocats aux offres de droit.
Aux termes de ses dernières écritures notifiées le 15 décembre 2022, la société Generali Vie demande à la cour de :
à titre principal,
- confirmer le jugement entrepris en toutes ses dispositions ;
- débouter Mme [D] de l'intégralité de ses demandes ;
à titre subsidiaire,
- pour le cas où le jugement serait infirmé et une nouvelle expertise ordonnée, aux frais avancés de Mme [D] ;
- dire et juger que l'état de santé de Mme [D] sera apprécié en fonction des dispositions contractuelles et elles seules ;
par conséquent,
- débouter Mme [D] de sa demande d'expertise de droit commun fondée sur la nomenclature Dinthilac ;
- donner mission à l'Expert, aux frais avancés de Mme [D], de :
1. se faire remettre tous documents médicaux et contractuels détenus par les divers sachants ;
2. rappeler tous les antécédents pathologiques : maladies, accidents, interventions chirurgicales : nature, date de soins, date de consolidation, séquelles, arrêts de travail et hospitalisations en rapport ;
3. définir la nature de la ou les affections ayant nécessité les arrêts de travail à compter du 17 août 2015 ;
4. relater l'histoire médicale détaillée de la ou les affections faisant l'objet du sinistre ainsi que ses suites et conséquences et les dates des :
- premiers signes fonctionnels,
- première consultation médicale et première consultation spécialisée,
- premiers examens complémentaires (biologie, radio'),
- traitement, nature et résultat,
- hospitalisations et arrêts de travail en rapport ;
5. la ou les affections sont-elles en rapport avec un état pathologique préexistant à la date des contrats ;
6. entre(nt)-t-elle(s) dans le cadre des risques exclus aux conditions générales du contrat Previance (article 3 des conditions générales) ;
7. procéder à l'examen clinique de l'assurée et en faire le compte-rendu ;
8. après avoir pris connaissance de la définition contractuelle de l'incapacité temporaire totale (glossaire page 13 conditions générales ' pièce adverse n° 4) ;
« Incapacité de travail médicalement constatée. L'Adhérent ne peut exercer son activité professionnelle d'aucune manière, qu'il s'agisse d'une activité effective ou limitée à la direction ou à la surveillance. Aucune prestation n'est acquise en cas d'incapacité temporaire partielle»
Déterminer :
- les périodes l'ayant justifiée ou la justifiant encore,
- si une reprise partielle de travail est possible, à quelle date,
- le motif médical principal de l'arrêt pour chaque période,
- la durée prévisible et acceptable de l'arrêt de travail ;
9. dire si Mme [D] est consolidée et, dans l'affirmative, préciser la date de consolidation ;
10. après avoir pris connaissance de la définition contractuelle de l'invalidité permanente (glossaire page 14 conditions générales ' pièce adverse n°4) ;
« Etat de la personne qui, par suite d'accident ou de maladie, subit de manière définitive une réduction de ses capacités de travail ».
Déterminer si l'état de santé de Mme [D] ouvre droit à cette garantie et, dans l'affirmative, préciser pour quel(s) motif(s) et depuis quelle date,
Et déterminer, en application de l'article 7 des conditions générales :
« L'incapacité fonctionnelle qui est déterminée à partir du barème des accidents du travail de la Sécurité Sociale.
L'incapacité professionnelle qui est déterminée par accord ou arbitrage en tenant compte de la répercussion de l'incapacité fonctionnelle sur l'activité professionnelle, des conditions d'exercice antérieures et des possibilités restantes ».
11. Dire que l'Expert pourra entendre tout sachant et pourra s'adjoindre l'assistance de tout spécialiste de son choix.
12. Dire que l'Expert pourra dresser un pré-rapport de ses opérations et l'adresser aux parties pour leur permettre de faire valoir leurs observations.
13. Dire que le secret médical ne saurait être opposé à l'Expert par les divers sachants.
En tout état de cause
- dire n'y avoir lieu à garantie ;
en conséquence,
- débouter Mme [D] de l'intégralité de ses demandes ;
- la condamner au paiement de la somme de 2 000 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'en tous les dépens.
L'ordonnance de clôture de l'instruction a été prononcée le 4 janvier 2023.
Pour l'exposé complet des prétentions et de l'argumentaire des parties, il est expressément renvoyé à leurs dernières écritures susvisées conformément à l'article 455 du code de procédure civile.
MOTIFS
- Sur la demande d'une nouvelle mesure d'expertise :
Madame [D] fait état du rapport du docteur [P] qui retient à son sujet, un syndrome dépressif en lien avec son arrêt de travail initial du 17 août 2015, ce qu'elle conteste, sachant que le docteur [N] auquel il est référé, n'a jamais posé de diagnostic de dépression nerveuse réactionnelle la concernant ;
Qu'en réalité aucun élément médical ne pouvait permettre au docteur [P] de retenir une dépression nerveuse comme cause de ses arrêts de travail, alors qu'elle démontre que ceux-ci résultent d'un syndrôme post-poliomyélite ;
Que lors de l'arrêt de travail d'origine, l'assureur dans un 1er temps a accepté de la prendre en charge, ce qui établit qu'il n'était pas fait état dans ce document d'un syndrome dépressif, qui n'a jamais été à l'origine d'une demande de prestation ;
Qu'elle rapporte la preuve que c'est bien la pathologie du syndrome post-poliomyélite dont elle est atteinte depuis 2015, qui a motivé les arrêts de travail en litige ;
La Sa Générali Vie répond que la critique du rapport déposé par l'expert judiciaire n'est aucunement justifiée comme elle le démontre, en ce que les conclusions du docteur [P] sont largement étayées, et qu'il s'en déduit que si madame [D] souffre de pathologies disco-vertébrales, de vertiges, de séphalées, ces symptômes correspondent à la somatisation d'une affection psychologique ;
Sur ce
Il convient en 1er lieu, d'apprécier les conclusions de l'expert judiciaire monsieur [P] qui dans son rapport, a délivré les éléments suivants :
- En ce qui concerne le diagnostic actuel, que l'on peut établir selon les données, à la fois des différents examens pratiqués et de l'examen clinique actuel, il s'agit d'un syndrome douloureux chronique touchant plusieurs secteurs, évoluant sur des lésions rhumatologiques dégénératives, qui se sont constituées progressivement (arthrose vertébrale, arthrose de la hanche, arthrose de genou, séquelles de poliomyélite du membre inférieur droit) vraisemblablement décompensé par un syndrome dépressif ;
Sur l'affectation ayant nécessité les arrêts de travail à compter du 17 août 2015, monsieur [P] se reporte au compte rendu de consultation du docteur [N] en date du 22 septembre 2015 qui mentionne ce que suit :
- la veille de son départ en vacances le 24/07/2015, elle ( madame [D]) a reçu une mauvaise nouvelle concernant son travail, ce qui l'a déstabilisée et elle s'est enfermée pendant 3 semaines. La patiente a consulté le 17/08/2015 le Docteur [K] pour ses vertiges et son mal-être. La patiente est en arrêt de travail. Elle a consulté la psychologue Mme [Z] [B] à [Localité 7] qui a évoqué une dépression sans avoir de véritables idées suicidaires ;
Le docteur [P] précise dans son rapport que l'hypothèse d'un syndrome dépressif secondaire à des douleurs chroniques est peu plausible dans la mesure où habituellemnet ce type de réaction dépressive secondaire à des douleurs chroniques survient en général après une évolution beaucoup plus longue du syndrome douloureux de l'ordre de plusieurs mois ;
L'expert judiciaire estime que la diversité des plaintes douloureuses alors que les examens complémentaires réalisés secondairement n'ont montré que des lésions de type arthrosique, évoque d'avantage une somatisation d'une pathologie primitivement psychologique (symptomes physiques d'une affection psychique) ;
Dans une réponse à un dire monsieur [P] précise ce que suit :
- pour conclure et pour répondre à la question de l'origine de l'affection responsable de l'arrêt de travail initial : les symptomes évoqués initialement (vertiges et séphalées péri-orbitraires) n'ont pas fait la preuve qu'ils pouvaient être en rapport avec une pathologie somatique précise, par contre le mode de survenue et notamment le contexte dans le compte-rendu initial du docteur [N] oriente vers une affection psychologique ;
Ces analyses sont contestées par madame [D] ;
En fait, la cour se trouve confrontée à la problématique suivante :
- quelle est l'affection initiale responsable des arrêts de travail, ce qui va déterminer la garantie de l'assureur au litige ;
- soit il existe une affection psychologique, psychique, dont les symptomes physiques sont ceux constatés à savoir : vertiges, séphalées, donnant lieu à une pathologie disco-vertébrale comportant des douleurs ;
- soit au contraire comme le soutient l'appelante, elle présente un syndrome post-poliomyélite, une pathologie disco-vertébrale apparue le 24 juillet 2015, ayant donné lieu à une 1ère consultation le 17 août 2015, qui a pu avoir des effets secondaires dépressifs, madame [D] précisant qu'elle n'a jamais pris le traitement anti-dépresseur qui lui avait été prescrit en octobre 2015 ;
Dans ce 2ème cas, la garantie de la Sa Générali Vie doit être ré-examinée ainsi que les taux retenus d'incapacité au travail et d'invalidité qui doivent être alors envisagés au regard d'une maladie autre qu'ayant pour origine un syndrome dépressif considéré comme guéri par le docteur [P] au jour de son rapport ;
La cour doit constater que l'hypothèse de la pré-existence d'un syndrome autre que dépressif comme cause des douleurs supportées, se trouve être étayée par divers documents médicaux, quand l'expert judiciaire envisage seulement comme 'vraisemblable' que le syndrome douloureux en litige soit la décompensation d'un syndrome dépressif ;
Ainsi les documents médicaux suivants sont versés aux débats :
- soit en contradiction avec les conclusions tirées par l'expert judiciaire du compte rendu du 22 septembre 2015, du docteur [N], ce dernier écrit le 7 septembre 2017 ce que suit :
- qu'il avait mentionné à l'issue de la consultation du 22 septembre 2015, que madame [D] présentait des signes peut-être en faveur d'une dépression réactionnelle ;
- que les données biologiques obtenues accompagnées autrefois par un syndrome inflammatoire étaient en faveur d'une douleur d'origine somatique et qu'on ne pouvait pas résumer les doléances de madame [D] à une simple dépression réactionnelle ;
- qu'il contestait énergiquement la conclusion du docteur [L] qui résume le diagnostic du 17 août 2017 à une simple dépression nerveuse ;
De plus, l'arrêt de travail du 17 août 2015 ne mentionne pas comme cause, comme motif de son émission une dépression nerveuse, pas plus que les suivants ;
Le docteur [I] qui est le médecin traitant de l'appelante ne fait pas état lui non plus, d'un syndrome dépressif mais d'une pathologie disco-vertébrale, et ce dernier le 10 octobre 2019 écrit que le compte rendu de consultation du docteur [W] du 17 septembre 2019, conclut que l'on peut formellement évoquer un syndrome post-poliomyélite et que s'agissant du syndrome dépressif : 'ça n'a jamais été le motif des arrêts de travail renouvelés' par lui ;
- le docteur [W] dans un compte rendu du 25 juin 2020 fait état des éléments suivants :
- les symptomes présentés depuis 2015, à savoir, une fatigue d'aggravation progressive notamment une fatigue musculaire, des douleurs avec une intolérance au froid et une gêne articulaire progressive sont tout à fait en rapport avec ce qui est connu comme étant un syndrome post-poliomyélite.
Effectivement des symptomes apparaissent à distance de la phase aigüe de la poliomyélite, quelques décennies après l'apparition de la maladie et les symptomes présentés depuis 2015 par madame [A] ([D]) sont tout à fait cohérents avec ce diagnostic ;
En conséquence, il résulte de tout ce qui précède que plusieurs médecins qui ont une connaissance du dossier médical de l'appelante, sur une durée certaine, ne concluent pas sur les douleurs supportées que celles-ci seraient la simple conséquence d'une affection psychique ;
Si les différents intervenants médicaux s'accordent sans contradiction sur les douleurs supportées et leur nature de même que sur leur aspect chronique, la cour doit relever que des contradictions sont manifestes quant à leur origine ;
De ce fait la cour ordonnera une nouvelle mesure d'expertise médicale dans les termes et conditions du dispositif du présent arrêt en reprenant la mission telle que celle-ci a été détaillée pour désigner monsieur [P], la mission d'expertise devant être réalisée en fonctions des dispositions contractuelles applicables ;
Etant rappelé qu'il ne peut être reproché à l'expert judiciaire aucune irrégularité procédurale ou défaillance dans le déroulé des opérations d'expertise, mais dont l'avis médical vraisemblable doit être réexaminé compte tenu des contradictions retenues ;
En attente du dépôt du rapport d'expertise ainsi ordonnée, il sera sursis à statuer sur toutes les autres demandes, particulièrement sur celles portant sur la garantie de la société Générali Vie, sur la régularisation du dossier de madame [D] par cet assureur , mais encore sur celles en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ;
Le jugement sera partiellement infirmé en ce qu'il a rejeté la demande de madame [D] en nouvelle expertise médicale et il sera sursis à statuer pour le surplus en attente du dépôt du rapport d'expertise ordonné et les dépens seront réservés.
PAR CES MOTIFS
La cour statuant publiquement par arrêt contradictoire rendu en dernier ressort et par mise à disposition au greffe.
- Infirme le jugement entrepris en ce qu'il a rejeté la demande de nouvelle expertise médicale présentée par madame [D] ;
- Statuant à nouveau :
Ordonne une mesure d'expertise et commet pour y procéder :
monsieur [J] [V]
demeurant [Adresse 3]
Tel : [XXXXXXXX01].
Portable : [XXXXXXXX02] mel :[Courriel 6]
Qui pourra s'adjoindre tout sachant et cela avec la mission suivante :
1. se faire remettre tous documents médicaux et contractuels détenus par les divers sachants ;
2. rappeler tous les antécédents pathologiques : maladies, accidents, interventions chirurgicales : nature, date de soins, date de consolidation, séquelles, arrêts de travail et hospitalisations en rapport ;
3. définir la nature de la ou des affections ayant nécessité et justifié les arrêts de travail intervenus et à compter du 17 août 2015 ;
4. relater l'histoire médicale détaillée de la ou les affections faisant l'objet du sinistre ainsi que ses suites et conséquences et les dates des :
- premiers signes fonctionnels,
- première consultation médicale et première consultation spécialisée,
- premiers examens complémentaires (biologie, radio'),
- traitement, nature et résultat,
- hospitalisations et arrêts de travail en rapport ;
- DIRE :
5. si la ou les affections constatées sont en rapport avec un état pathologique préexistant à la date des contrats ;
5-1 : l'affection décelée est en lien avec un syndrome poliomyélite et si oui dans quelles conditions, et à quelle date ce syndrome a pu apparaître et avec quelle évolution ;
6. Si la ou les affections dont s'agit entrent dans le cadre des risques exclus aux conditions générales du contrat Previance (article 3 des conditions générales) ;
7. procéder à l'examen clinique de l'assurée et en faire le compte-rendu ;
8. après avoir pris connaissance de la définition contractuelle de l'incapacité temporaire totale (glossaire page 13 conditions générales ' pièce adverse n° 4) ;
« Incapacité de travail médicalement constatée. L'Adhérent ne peut exercer son activité professionnelle d'aucune manière, qu'il s'agisse d'une activité effective ou limitée à la direction ou à la surveillance. Aucune prestation n'est acquise en cas d'incapacité temporaire partielle»
Déterminer :
- les périodes l'ayant justifiée ou la justifiant encore,
- si une reprise partielle de travail est possible, à quelle date,
- le motif médical principal de l'arrêt pour chaque période,
- la durée prévisible et acceptable de l'arrêt de travail ;
9. dire si Mme [D] est consolidée et, dans l'affirmative, préciser la date de consolidation ;
10. après avoir pris connaissance de la définition contractuelle de l'invalidité permanente (glossaire page 14 conditions générales ' pièce adverse n°4) ;
« Etat de la personne qui, par suite d'accident ou de maladie, subit de manière définitive une réduction de ses capacités de travail ».
- Déterminer si l'état de santé de Mme [D] ouvre droit à cette garantie et, dans l'affirmative, préciser pour quel(s) motif(s) et depuis quelle date,
Et déterminer, en application de l'article 7 des conditions générales :
« L'incapacité fonctionnelle qui est déterminée à partir du barème des accidents du travail de la Sécurité Sociale.
L'incapacité professionnelle qui est déterminée par accord ou arbitrage en tenant compte de la répercussion de l'incapacité fonctionnelle sur l'activité professionnelle, des conditions d'exercice antérieures et des possibilités restantes ».
11. Dit que l'Expert pourra entendre tout sachant et pourra s'adjoindre l'assistance de tout spécialiste de son choix.
12. Dit que l'Expert devra dresser un pré-rapport de ses opérations et l'adresser aux parties pour leur permettre de faire valoir leurs observations.
13. Dit que le secret médical ne saurait être opposé à l'Expert par les divers sachants ;
En tout état de cause
- Dit que l'expert sera saisi et effectuera sa mission, conformément aux dispositions des articles 263 et suivants du code de procédure civile ;
-Dit qu'en cas d'empêchement ou de refus de l'expert il sera procédé à son remplacement par ordonnance du juge chargé du contrôle des expertises rendue d'office ou sur requête ;
- Dit que l'expert accomplira sa mission conformément aux articles 232 et suivants du code de procédure civile, notamment s'agissant du caractère contradictoire de ses opérations ;
- Dit que l'expert devra tenir le juge chargé du contrôle des expertises informé du déroulement de ses opérations et des éventuelles difficultés rencontrées dans l'accomplissement de sa mission ;
-Dit que l'expert est autorisé à s'adjoindre tout spécialiste de son choix sous réserve d'en informer le juge chargé du contrôle des expertises ainsi que les parties ;
- Dit qu'avant de déposer son rapport, l'expert fera connaître aux parties ses premières conclusions et leur impartira un délai d'un mois pour formuler leurs dires et observations qu'il annexera avec ses réponses à son rapport définitif ;
- Dit que l'expert devra déposer son rapport définitif et sa demande de rémunération au greffe de la cour d'appel de Caen avant le 15 décembre 2023 et communiquer ces deux documents aux parties ;
- Dit que l'expert portera à la connaissance des parties le montant prévisible de ses honoraires à l'issue de la 1ère réunion d'expertise ;
- Dit que les frais d'expertise seront provisoirement supportés par madame [D] qui devra consigner la somme de 2000 euros à valoir sur la rémunération de l'expert auprès du régisseur d'Avances et de Recettes de la Cour d'appel de CAEN avant le 30 juin 2023 et cela à peine de caducité ;
Pour le surplus :
- Sursoit à statuer sur l'ensemble des autres demandes en attente du dépôt du rapport d'expertise ordonné ;
-Renvoie l'affaire à la mise en état du 5 juillet 2023 pour contrôle du dépôt de la provision ordonnée et suivi des opérations d'expertise ;
- Réserve les dépens.
LE GREFFIER LE PRÉSIDENT
M. COLLET G. GUIGUESSON