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16/05/2023 | FRANCE | N°20/00634

France | France, Cour d'appel de Caen, 1ère chambre civile, 16 mai 2023, 20/00634


AFFAIRE : N° RG 20/00634 -

N° Portalis DBVC-V-B7E-GQLJ

 



ARRÊT N°



JB.





ORIGINE : DÉCISION du TJ hors JAF, JEX, JLD, J. EXPRO, JCP de CAEN du 12 Février 2020

RG n° 15/01196







COUR D'APPEL DE CAEN

PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE

ARRÊT DU 16 MAI 2023





APPELANTE :



La S.A.R.L. AKCS OLLIVIER

[Adresse 10]

[Localité 4]

prise en la personne de son représentant légal



représentée par Me Jean TESNIERE,

avocat au barreau de CAEN

assistée de Me Yannick FROMENT, avocat au barreau de CAEN,





INTIMÉS :



Monsieur [PU] [Y]

né le 06 Avril 1966 à [Localité 7]

[Adresse 5]

[Localité 2]



non représenté, bien que rég...

AFFAIRE : N° RG 20/00634 -

N° Portalis DBVC-V-B7E-GQLJ

 

ARRÊT N°

JB.

ORIGINE : DÉCISION du TJ hors JAF, JEX, JLD, J. EXPRO, JCP de CAEN du 12 Février 2020

RG n° 15/01196

COUR D'APPEL DE CAEN

PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE

ARRÊT DU 16 MAI 2023

APPELANTE :

La S.A.R.L. AKCS OLLIVIER

[Adresse 10]

[Localité 4]

prise en la personne de son représentant légal

représentée par Me Jean TESNIERE, avocat au barreau de CAEN

assistée de Me Yannick FROMENT, avocat au barreau de CAEN,

INTIMÉS :

Monsieur [PU] [Y]

né le 06 Avril 1966 à [Localité 7]

[Adresse 5]

[Localité 2]

non représenté, bien que régulièrement assigné

Monsieur [AP] [Y]

né le 15 Août 1958 à [Localité 7]

[Adresse 6]

[Localité 3]

représenté et assisté de Me Olivier FERRETTI, avocat au barreau de CAEN

L'Association SYNDICALE DU [Adresse 1] (ASL [Adresse 1])

[Adresse 1]

[Localité 2]

prise en la personne de son représentant légal

représentée et assistée de Me Thomas LECLERC, avocat au barreau de CAEN

COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DÉBATS ET DU DÉLIBÉRÉ :

M. GUIGUESSON, Président de chambre,

M. GARET, Président de chambre,

Mme VELMANS, Conseillère,

DÉBATS : A l'audience publique du 07 mars 2023

GREFFIER : Mme COLLET

ARRÊT : rendu publiquement par mise à disposition au greffe, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile le 16 Mai 2023 et signé par M. GUIGUESSON, président, et Mme COLLET, greffier

* * *

EXPOSE DU LITIGE

Souhaitant procéder à la création d'un lotissement de 16 lots en deux tranches sur un terrain leur appartenant situé à [Localité 9] (14), Monsieur [UL] [Y] et son épouse, Madame [RB] [RL], ont déposé les 24 juin et 11 octobre 2005 deux demandes d'autorisations de lotir, avec l'aide de Monsieur [A], géomètre-expert.

Monsieur [UL] [Y] est décédé le 28 octobre 2005.

Son épouse avec laquelle il était marié sous le régime de la communauté universelle avec clause d'attribution intégrale au conjoint survivant, est devenue propriétaire de son patrimoine.

Par arrêtés de la Direction Départementale de l'Equipement des 13 janvier et 22 février 2006, la création du lotissement en deux tranches a été autorisée.

Par arrêté préfectoral du 10 mai 2006, Madame [Y] a été autorisée à différer les travaux de finition du lotissement et à vendre immédiatement l'ensemble des lots, les travaux de finition devant être achevés pour le 13 janvier 2009 au plus tard pour la première tranche, et pour le 22 février 2009 pour la seconde tranche.

Cet arrêté imposait en outre une consignation entre les mains de Maître [RT], notaire à [Localité 8], d'une somme de 14.000,00 € représentant le coût toutes taxes comprises de finition du lotissement résultant du devis établi par AGTP, pouvant être mise en oeuvre en cas de défaillance selon les dispositions du code de l'urbanisme.

Les lots ont été vendus.

Néanmoins, les travaux de finition n'ayant pas été effectués, le maire de la commune a enjoint à Madame [Y] et à son fils [PU] de les réaliser et de procéder à la mise en conformité de la réserve incendie dans un certain délai, passé lequel, il utiliserait son droit de faire réaliser les travaux à leur place et à leur charge financière.

La société AGTP qui devait réaliser les travaux a été mise en liquidation judiciaire, et Madame [Y] a confié leur réalisation suivant devis du 29 avril 2009, à la société AKCS Ollivier.

Madame [Y] est décédée le 3 mai 2011, laissant pour lui succéder ses deux fils, [PU] et [AP].

Par ordonnance du 19 septembre 2013, le juge des référés du tribunal de grande instance de Caen, saisi par l'association syndicale [Adresse 1] et plusieurs colotis qui se plaignaient du non-respect par le lotisseur de ses obligations relatives aux travaux de finition, a ordonné une expertise au contradictoire des Messieurs [Y], de Maître [RT] et de Monsieur [A].

Par ordonnance de référé du 19 septembre 2013, l'expertise a été étendue à la société Eiffage Energie Basse Normandie venant aux droits de la société STEN, chargée des travaux d'électricité et ayant notamment posé les coffrets électriques, de la société AKCS Ollivier, chargée des travaux VRD et de la société CISE TP Nord Ouest, chargée des travaux d'adduction d'eau et ayant notamment posé les bouches à clé.

L'expert a déposé son rapport le 27 janvier 2014.

Par actes d'huissier des 10 et 11 mars 2015, l'association syndicale du [Adresse 1] et plusieurs colotis, ont assigné Messieurs [PU] et [AP] [Y], Maître [RT] et Monsieur [A] devant le tribunal de grande instance de Caen aux fins d'indemnisation de leurs préjudices résultant des absences de finition et des désordres affectant les travaux de viabilité du lotissement.

La société Swiss Life, assureur de Monsieur [A] est intervenue volontairement à la procédure.

Monsieur [PU] [Y] a assigné en intervention forcée, la société Eiffage Energie Basse Normandie venant aux droits de la société STEN, la société AKCS Ollivier, chargée des travaux VRD et de la société CISE TP Nord Ouest, aux fins de garantie.

Par jugement du 12 février 2020, le tribunal a :

- rejeté la demande de M. [AP] [Y] tendant à sa mise hors de cause ;

- condamné in solidum la société AKCS Ollivier, M. [PU] [Y] et M. [AP] [Y] à payer à l'ASL [Adresse 1] la somme de 14 955,40 euros TTC au titre des travaux de reprise du revêtement de la chaussée ;

- condamné in solidum M. [PU] [Y] et M. [AP] [Y] à payer à l'ASL [Adresse 1] la somme de 522 euros TTC au titre du coût de la remise à niveau des bouches à clé ;

- condamné in solidum M. [PU] [Y] et M. [AP] [Y] à payer à l'ASL [Adresse 1] la somme de 3 911,40 euros TTC au titre du coût de la remise à niveau des coffrets électriques ;

- condamné in solidum M. [PU] [Y] et M. [AP] [Y] à verser à titre de dommages et intérêts venant réparer leur préjudice de jouissance, les sommes suivantes :

* à M. [K] [OK] et Mme [CC] [R] épouse [OK], unis d'intérêt, la somme de 1 000 euros ;

* à M. [VD] [GR] et Mme [G] [GR] née [CZ], unis d'intérêt, la somme de 1 000 euros ;

* à M. [JJ] [WU] et à Mme [V] [EI], unis d'intérêt, la somme de 1 000 euros ;

* à M. [F] [WM] et à Mme [X] [XL], unis d'intérêt, la somme de 1 000 euros ;

* à M. [L] [FA] et à Mme [H] [FA] née [E], unis d'intérêt, la somme de 1 000 euros ;

* à M. [T] [IS] et à Mme [D] [IS] née [E], unis d'intérêt, la somme de 1 000 euros ;

* à M. [M] [CZ] et à Mme [C] [YN] née [W], unis d'intérêt, la somme de 1 000 euros ;

* à M. [HI] [U] et à Mme [MJ] [U] née [IA], unis d'intérêt, la somme de 1 000 euros ;

* à M. [KI] [Z] et à Mme [DY] [Z] née [ZM], unis d'intérêt, la somme de 1 000 euros ;

* à M. [LA] [FH] et à Mme [O] [FH] née [TU], unis d'intérêt, la somme de 1 000 euros ;

* à M. [NB] [S] et à Mme [J] [N], unis d'intérêt, la somme de 1 000 euros ;

* à M. [LS] [BV] et Mme [I] [NT], unis d'intérêt, la somme de 1 000 euros ;

* à M. [B] [CZ] et à Mme [EP] [CZ], unis d'intérêt, la somme de 1 000 euros ;

* à M. [TC] [FZ] et à Mme [P] [KB], unis d'intérêt, la somme de 1 000 euros ;

* à M. [EI] [DR] et Mme [G] [DR] née [T], unis d'intérêt, la somme de 1 000 euros ;

- débouté l'ASL [Adresse 1] et les différents colotis demandeurs de leurs demandes indemnitaires plus amples ;

- débouté M. [YV] [A] de sa demande de dommages et intérêts,

- débouté la société Swisslife Assurances de sa demande d'indemnité au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

- condamné l'ASL [Adresse 1] à verser à Me [RT] la somme de 2 500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;

- condamné in solidum l'ASL [Adresse 1], M. [K] [OK] et Mme [CC] [R] épouse [OK], M. [VD] [GR] et Mme [G] [GR] née [CZ], M. [JJ] [WU] et Mme [V] [EI], M. [F] [WM] et Mme [X] [XL], M. [L] [FA] et Mme [H] [FA] née [E], M. [T] [IS] et Mme [D] [IS] née [SV], M. [M] [CZ] et Mme [C] [YN] née [W], M. [HI] [U] et Mme [MJ] [U] née [IA], M. [KI] [Z] et Mme [DY] [Z] née [ZM], M. [LA] [FH] et Mme [O] [FH] née [TU], M. [NB] [S] et Mme [J] [N], M. [LS] [BV] et Mme [I] [NT], M. [B] [CZ] et Mme [EP] [CZ], M. [TC] [FZ] et Mme [P] [KB], M. [EI] [DR] et Mme [G] [DR] née [T], à verser à M. [YV] [A] la somme de 2 500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;

- condamné in solidum la société AKCS Ollivier, M. [PU] [Y] et M. [AP] [Y] à payer à l'ASL [Adresse 1] à M. [K] [OK] et Mme [CC] [R] épouse [OK], à M. [VD] [GR] et Mme [G] [GR] née [CZ], à M. [JJ] [WU] et Mme [V] [EI], à M. [F] [WM] et Mme [X] [XL], à M. [L] [FA] et Mme [H] [FA] née [E], à M. [T] [IS] et Mme [D] [IS] née [SV], à M. [M] [CZ] et Mme [C] [YN] née [W], à M. [HI] [U] et Mme [MJ] [U] née [IA], à M. [KI] [Z] et Mme [DY] [Z] née [ZM], à M. [LA] [FH] et Mme [O] [FH] née [TU], à M. [NB] [S] et Mme [J] [N], à M. [LS] [BV] et Mme [I] [NT], à M. [B] [CZ] et Mme [EP] [CZ], à M. [TC] [FZ] et Mme [P] [KB], à M. [EI] [DR] et Mme [G] [DR] née [T], unis d'intérêt, la somme de 4 463,25 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;

- condamné in solidum la société Akcs Ollivier, M. [PU] [Y] et M. [AP] [Y] aux entiers dépens, lesquels comprendront les dépens des instances en référé ayant donné lieu aux ordonnance de référé des 10 novembre 2011 et 19 septembre 2013 et les dépens de la présente instance, outre les frais de l'expertise judiciaire effectuée par M. [AD] [VV] ;

- accordé à la SCP Le Terrier - Chance Houley - Leclerc, à Me Valery, à Me Souron et à Me Legout le bénéfice des dispositions de l'article 699 du code de procédure civile ;

- condamné in solidum la société AKCS Ollivier et M. [PU] [Y] à garantir à M. [AP] [Y] de la condamnation ci-dessus prononcée contre lui relative aux travaux de reprise du revêtement de la chaussée, à concurrence de 100 % pour la société AKCS Ollivier et à concurrence de 50 % pour M. [PU] [Y] ;

- condamné M. [PU] [Y] à garantir à M. [AP] [Y] des condamnations ci-dessus prononcées contre lui relatives aux préjudices de jouissance, aux frais irrépétibles des demandeurs et aux dépens, à concurrence de 50 % et des condamnations ci-dessus prononcées contre lui relatives aux frais de remise à niveau des bouches à clé et aux frais de remise à niveau des coffrets électriques à concurrence de 100 % ;

- débouté M. [AP] [Y] du surplus de ses recours en garantie ;

- condamné in solidum la société AKCS Ollivier et M. [PU] [Y] à payer à M. [AP] [Y] la somme de 1 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile;

- condamné la société AKCS Ollivier à garantir à M. [PU] [Y] des condamnations ci-dessus prononcées contre lui relatives aux travaux de reprise du revêtement de la chaussée et aux préjudices de jouissance à concurrence de 100 % et de celles relatives aux frais irrépétibles des demandeurs et aux dépens à concurrence de 50 % ;

- débouté M. [PU] [Y] du surplus de ses recours en garantie ;

- débouté la société Eiffage Energie Basse-Normandie de sa demande d'indemnité au titre de l'article 700 du code de procédure civile formulée contre M. [PU] [Y] ;

- condamné la société AKCS Ollivier à payer à M. [PU]

[Y] la somme de 1 000 euros sur le fondement de

l'article 700 du code de procédure civile ;

- déclaré le présent jugement commun et opposable à la société Cise TP Nord Ouest ;

- débouté les parties de leurs demandes plus amples ou contraires ;

- ordonné l'exécution provisoire.

Par déclaration du 17 mars 2020, la SARL AKCS Ollivier a formé appel de la décision à l'encontre de l'association syndicale du [Adresse 1], et de Messieurs [PU] et [AP] [Y], appel limité aux condamnations prononcées à son encontre.

Aux termes de ses dernières écritures en date du 8 décembre 2022, elle conclut à la réformation du jugement des chefs dont appel, au rejet des prétentions adverses et à la condamnation de toute partie succombante au paiement d'une somme de 5.000,00 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux dépens d'appel.

Aux termes de ses écritures en date du 15 septembre 2020, l'Association syndicale du [Adresse 1] (ASL) conclut à la confirmation du jugement en ce qu'il a déclaré Messieurs [PU] et [AP] [Y] responsables des absences de finition et des désordres affectant les travaux de viabilité du lotissement [UL] [Y] et en ce qu'il a déclaré la société AKCS responsable des travaux de reprise de revêtement des travaux de la chaussée.

Elle conclut à sa réformation en ce qu'il n'a pas retenu la responsabilité de Messieurs [PU] et [AP] [Y] au titre de l'éclairage public, des trottoirs et des noues, et demande à la cour de :

- condamner solidairement Messieurs [Y] au paiement de la somme globale de 229.828,12 € TTC, subsidiairement celle de 31.942,94 €, ainsi que sous la même solidarité, celle de la société AKCS à concurrence de 192.220,86 € TTC,

- d'interroger à nouveau l'expert sur le coût de création des trottoirs,

- condamner solidairement Messieurs [Y] et la SARL AKCS au paiement d'une somme de 6.000,00 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux dépens comprenant le coût des référés, de l'expertise judiciaire et du procès-verbal de constat de Maître [PC] du 3 septembre 2010 avec bénéfice de distraction au profit de son conseil.

Aux termes de ses dernières écritures en date du 15 octobre 2020, Monsieur [AP] [Y] conclut à la réformation du jugement entrepris, à sa mise hors de cause et au rejet des demandes, fins et prétentions de l'ASL du [Adresse 1].

Subsidiairement, il demande à la cour de :

- débouter l'ASL du [Adresse 1] de son appel incident,

- de limiter les sommes susceptibles de lui être allouées à 14.955,40 € TTC au titre des travaux de reprise du revêtement de la chaussée, 522,00 € TTC au titre du coût de remise des bouches à clé et de 3.911,40 € TTC au titre du coût de la remise à niveau des coffrets électriques,

- dire et juger que sa responsabilité ne peut être engagée ni sur le fondement de l'article 1792 du code civil à l'égard de l'ASL [Adresse 1], ni sur le fondement de la responsabilité délictuelle à l'égard de la société AKCS Ollivier,

- débouter toutes demandes, fins et prétentions formées en cause d'appel à son encontre,

Subsidiairement, au visa de l'article 1382 ancien du code civil, il conclut à :

- la condamnation de Monsieur [PU] [Y] à le garantir de toutes condamnations susceptibles d'être prononcées à son encontre en principal, intérêts, accessoires et frais,

- la condamnation in solidum de Monsieur [PU] [Y], de la société AKCS Ollivier et de l'ASL [Adresse 1] à lui payer une somme de 5.000,00 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

- la condamnation de toutes parties succombantes aux dépens avec droit de recouvrement direct au profit de son conseil.

Monsieur [PU] [Y] auquel ont été régulièrement signifiées la déclaration d'appel et les conclusions des parties, n'a pas constitué avocat.

Pour l'exposé complet des prétentions et de l'argumentaire des parties, il est expressément renvoyé à leurs dernières écritures susvisées conformément à l'article 455 du code de procédure civile.

L'ordonnance de clôture est intervenue le 25 janvier 2023.

MOTIFS DE LA DÉCISION

Sur la demande de mise hors de cause de Monsieur [AP] [Y]

Il est constant que la responsabilité de Monsieur [AP] [Y] qui est étranger à titre personnel à l'opération de lotissement, ne peut être recherchée qu'en sa qualité d'ayant-droits de sa mère, Madame [RB] [RL] veuve [Y], étant ici relevé qu'il ne se prévaut pas d'une renonciation à succession.

Il soutient comme en première instance, que la responsabilité de sa mère ne saurait être engagée puisque la période durant laquelle les travaux litigieux ont eu lieu (de 2006 à 2010), elle présentait une altération grave de ses fonctions en raison d'une pathologie dégénérative ayant conduit au diagnostic de démence à corps de Lewy.

Il produit des certificats médicaux faisant apparaître dès le mois de mai 2007, un diagnostic de cette maladie.

Comme l'a justement relevé le tribunal, les arrêtés préfectoraux des 13 janvier, 22 février et 10 mai 2006 relatifs à la création du lotissement en deux tranches puis pour le dernier, autorisant un différé des travaux de finition et la vente immédiate de l'ensemble des lots, datent d'une période à laquelle cette maladie n'avait pas encore été diagnostiquée, de telle sorte que la responsabilité de Madame [RL] est susceptible d'être engagée, peu important que ce soit son autre fils, [PU], qui se soit seul occupé du suivi des travaux.

La cour relève en outre que la validité des contrats de vente des différents lots ne sont pas remis en cause pour altération des facultés mentales de la venderesse.

Le jugement sera donc confirmé en ce qu'il a rejeté la demande de mise hors de cause de Monsieur [AP] [Y].

Sur le mauvais état de la chaussée

Le devis accepté par Madame [RB] [RL] veuve [Y] en date du 29 avril 2009, intitulé ' travaux de voirie sur le lotissement de 16 parcelles à [Localité 9], passé avec la société AKCS mentionnait :

'Amené et repli de matériel.

Grattage, reprofilage en tout venant 0/31,5

Fourniture et mise en oeuvre d'un bicouche'

L'expert judiciaire a noté que les travaux effectués étaient conformes au devis, mais a constaté l'existence de désordres et non-conformités concernant le mauvais état du revêtement de la chaussée qui présente une dégradation de la voirie dans le virage et au carrefour, des dégradations ponctuelles, des nids de poules et un rainurage au milieu de la rue.

Il estime que les dégradations relèvent de la nature du revêtement et sont dues au choix du type de revêtement qu'il impute à la famille [Y] qui a souhaité faire des économies sur ce poste, ainsi qu'à Monsieur [A], dont la responsabilité n'a pas été retenue par le tribunal et qui n'est pas à la cause devant la cour, et à l'entreprise AKCS qui n'ont pas mis en garde contre la durée de vie limitée de ce type de sol et de l'entretien qu'il nécessite.

Il a également relevé un défaut d'exécution de la part de l'entreprise et jugé qu'il apparaissait anormal que la chaussée soit autant dégradée deux ans et demi seulement après sa réalisation.

Il n'est pas contesté par les parties, que la chaussée constitue bien un ouvrage au sens de l'article 1792 du code civil et qu'il y a eu à tout le moins une réception tacite par règlement de la facture de la société AKCS Ollivier.

Si l'expert auquel la question n'a pas été posée, ne s'est pas prononcé sur le caractère décennal ou non des désordres, il résulte de ses constatations, ainsi que l'a retenu le tribunal, que l'ouvrage présente une impropriété à destination compte tenu de son état, ne permettant pas l'utilisation normalement attendue d'une chaussée neuve.

C'est donc à juste titre que le tribunal a retenu le caractère décennal des désordres et la responsabilité de la société AKCS Ollivier sur le fondement de l'article 1792 du code civil, ainsi que la responsabilité de Messieurs [Y] sur le fondement de l'article 1792-1 2° du même code, sans que le choix fait par Monsieur [PU] [Y] d'un revêtement moins cher, ne soit de nature à exonérer la société AKCS de sa responsabilité.

Sur l'éclairage public et l'absence de trottoirs

L'ASL sollicite l'infirmation du jugement en ce qu'il la déboutée de sa demande dirigée contre Messieurs [Y] au titre de l'éclairage public et de trottoirs, qui sont inexistants alors qu'ils étaient exigés par le Maire dans son avis du 11 octobre 2015 et que Monsieur [PU] [Y] a fait poser un fourreau pour un éclairage public.

En l'espèce, la création du lotissement a été autorisée par arrêtés préfectoraux des 31 janvier et 22 février 2006.

Elle ne l'a donc pas été par le Maire de la commune.

Dès lors les avis rendus par celui-ci le 11 octobre 2005, qui aux termes de l'article R.421-26 devenu R.423-72 du code de l'urbanisme, ne lient pas le Préfet, ne peuvent être utilement invoqués par l'ASL [Adresse 1] pour exiger la prise en charge par les lotisseurs d'un éclairage public et de trottoirs n'apparaissant pas dans le dossier de demande d'autorisation de lotir avalisé par les arrêtés préfectoraux , étant précisé que seuls étaient prévus des accotements végétalisés et non des trottoirs, accotements dont l'expert a pu constater l'existence.

La responsabilité de Messieurs [Y] ès-qualités d'héritiers de leur mère ne saurait donc être retenue.

Le jugement sera donc confirmé en ce qu'il a débouté l'ASL de sa demande d'indemnisation de ce chef.

Sur l'absence de noues

L'ASL sollicite également la réformation du jugement en ce qu'il l'a déboutée de sa demande au titre de l'absence de noues.

S'il est exact que les noues ne figurent pas expressément dans la demande d'autorisation de lotir, le cahier des charges qui lui est joint mentionne qu'il est prévu que le déversement des eaux de voilerie se fera par infiltrations dans les accotements.

En outre, le dossier de déclaration au titre de l'article L.214I à VI du code l'environnement établi par 2EMA en juin 2008 pour régularisation de la création du lotissement, mentionne expressément au titre de la présentation du projet : 'afin de collecter les eaux pluviales ruisselant sur la voilerie, le maître de l'ouvrage s'engage à créer au niveau des accotements de chaque côté de la voirie. Les eaux pluviales pourront ainsi s'infiltrer vers les horizons inférieurs. '

Il est également précisé que 'les noues seront incluses au niveau des accotements végétalisés, réparties de part et d'autre de la voilerie en fonction de la pente de celle-ci.'

Ce dossier de déclaration a fait l'objet d'un récépissé de la part du Préfet du Calvados en date du 23 juillet 2008 qui a indiqué ne pas s'y opposer.

Il s'agit donc bien de travaux incombant au lotisseur que celui-ci n'a pas réalisés, ainsi qu'a pu le constater l'expert judiciaire.

C'est donc à tort que le tribunal a rejeté la demande de l'ASL à ce titre.

Le jugement entrepris sera donc infirmé de ce chef.

Sur le coût des travaux de reprise

L'ASL forme un appel incident sur la somme allouée par le tribunal (14.955,40 € TTC) soutenant que le coût des travaux de reprise s'élèvent à la somme de 191.580,12 € TTC.

La cour constate comme l'a fait le tribunal que le devis de la SARL Yannick Claus TP produit par l'ASL ne correspond pas à une réfection à l'identique de la chaussée, et comporte de nombreuses prestations supplémentaires, et notamment les trottoirs, dont la cour a estimé que la création n'avait pas être mise à la charge du lotisseur.

En l'absence de devis spécifique concernant les noues, il convient de se référer au devis initial établi par la société AKCS du 23 avril 2009 qui incluait en plus des travaux relatifs à la chaussée, une prestation de terrassement pour exécution de noue pour infiltration des EP voilerie, pour un montant de 1.590,45 € HT, qui sera mise à la charge des consorts [Y], l'absence de leur réalisation n'étant pas imputable à la société AKCS Ollivier.

La cour relève par ailleurs qu'il n'y a pas de contestation quant aux montants alloués par le tribunal au titre de la remise à niveau des bouches à clé et des coffrets électriques.

Le jugement sera donc infirmé uniquement en ce qu'il a débouté l'ASL de sa demande relative aux noues et les consorts [Y] seront condamnés in solidum à lui payer la somme de 1.590,45 € HT assortie de la TVA en vigueur au jour du présent arrêt, et confirmé quant à la condamnation in solidum de la SARL AKCS Ollivier et de Messieurs [PU] et [AP] [Y] à payer à l'ASL, la somme de 14.955,40 € TTC au titre des travaux de revêtement de la chaussée.

Sur les recours en garantie

- Sur les recours en garantie de Monsieur [AP] [Y]

Il apparaît clairement que Monsieur [AP] [Y] n'a pas participé aux opérations de lotissement.

La société AKCS ne saurait donc se prévaloir d'une immixtion en qualité de maître de l'ouvrage, alors que c'est en réalité son frère, [PU], qui a fait le choix par souci d'économies du revêtement de la chaussée et de la suppression des noues.

En tout état de cause, il résulte du rapport d'expertise, que ladite société n'a pas correctement réalisé les travaux, sa responsabilité étant engagé sur le fondement de l'article 1792 du code civil.

Le jugement sera donc confirmé en ce qu'il a dit que la société AKCS Ollivier devra garantir Monsieur [AP] [Y] à hauteur de 100 % au titre des travaux de reprise de la chaussée.

Il sera par contre infirmé en ce qu'il a condamné Monsieur [PU] [Y] à le garantir des condamnations au titre des préjudices de jouissance, des frais irrépétibles des demandeurs et aux dépens à concurrence de 50 %, les travaux de revêtement de la chaussée ayant manifestement été omis dans le dispositif du jugement bien que figurant dans les motifs.

En effet, comme il a été dit ci-dessus, Monsieur [PU] [Y] a entièrement piloté l'opération de lotissement, sans que son frère, [AP], n'en ait été informé, n'ayant plus de rapports avec sa famille depuis de nombreuses années, ce qui n'a pas été contesté en première instance.

Il sera donc condamné à le garantir intégralement de toutes les condamnations prononcées à son encontre, tant au titre des travaux de reprise du revêtement de la chaussée, des noues, que des condamnations prononcées au titre de l'article 700 du code de procédure civile ainsi que des dépens, de la remise à niveau des bouches à clé et des coffrets électriques.

- Sur le recours en garantie de Monsieur [PU] [Y] à l'encontre de la société AKCS Ollivier

La société AKCS Ollivier conteste sa condamnation à garantir Monsieur [PU] [Y] au titre des travaux de reprise du revêtement de la chaussée ainsi que celle relative aux préjudices de jouissance à hauteur de 100 % et des frais irrépétibles des demandeurs et des dépens à hauteur de 50 %.

Elle soutient en effet qu'il a commis une faute au regard des obligations issues de l'article 1582 du code civil par rapport aux colotis en leur vendant des prestations d'une qualité inférieure à celle promise.

Une telle faute ne concerne que les rapports de Monsieur [PU] [Y] et les colotis, et n'exonère en rien la société AKCS de sa responsabilité de plein droit pour mauvais exécution des travaux qui lui ont été confiés par celui-ci.

Le jugement sera donc confirmé en ce qu'il l'a condamnée à garantir Monsieur [PU] [Y] des condamnations prononcées contre lui relatives aux travaux de reprise de la chaussée et aux préjudices de jouissance à concurrence de 100 % et de celles relatives aux frais irrépétibles des demandeurs et des dépens à concurrence de 50 %.

Sur les frais irrépétibles et les dépens

L'équité commande de confirmer les condamnations prononcées entre les parties sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, de débouter la société AKCS de sa demande à ce titre, de la condamner in solidum avec Monsieur [PU] [Y] à payer à Monsieur [AP] [Y] une somme de 2.500,00 € sur ce fondement et de la condamner in solidum avec Messieurs [PU] et [AP] [Y] à payer à l'ASL une somme de 3.000,00 € à ce titre.

La société AKCS succombant en son appel, sera condamnée aux dépens d'appel avec droit de recouvrement direct au profit des avocats qui peuvent y prétendre et en ont fait la demande.

Le jugement sera confirmé s'agissant de la condamnation aux dépens de première instance au profit de l'ASL, sans qu'il y ait lieu d'y inclure le coût du procès-verbal de constat de Maître [PC] du 3 septembre 2010, dont le tribunal a tenu compte dans le montant alloué au titre des frais irrépétibles.

PAR CES MOTIFS

La cour, statuant publiquement, par arrêt réputé contradictoire rendu en dernier ressort, mis à disposition au greffe,

CONFIRME le jugement du tribunal judiciaire de Caen du 12 février 2020 dans la limite des chefs dont elle est saisie, sauf en ce qu'il a :

- débouté l'Association syndicale du [Adresse 1] de sa demande d'indemnisation au titre de l'absence de noues,

- condamné Monsieur [PU] [Y] à garantir Monsieur [AP] [Y] des condamnations ci-dessus prononcées contre lui relatives aux préjudices de jouissance, aux frais irrépétibles des demandeurs et aux dépens à concurrence de 50 % et des condamnations prononcées contre lui relatives aux frais de remise à niveau des bouches à clé et aux frais de remise à niveau des coffrets électriques à concurrence de 100 %,

L'INFIRME de ces chefs,

Statuant à nouveau et y ajoutant,

CONDAMNE in solidum Messieurs [PU] et [AP] [Y] à payer à l'Association syndicale du [Adresse 1], la somme de 1.590,45 € HT assortie de la TVA en vigueur au jour du présent arrêt,

CONDAMNE Monsieur [PU] [Y] à garantir intégralement Monsieur [AP] [Y] de l'ensemble des condamnations prononcée son encontre, au titre des travaux de revêtement de la chaussée, des noues, des frais de remise à niveau des bouches à clé et de coffrets électriques, ainsi qu'au titre des frais irrépétibles de première instance et d'appel et des dépens,

CONDAMNE in solidum Messieurs [PU] et [AP] [Y] et la SARL AKCS Ollivier à payer à l'Association syndicale du [Adresse 1], la somme de 3.000,00 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

CONDAMNE in solidum la SARL AKCS Ollivier et Monsieur [PU] [Y] à payer à Monsieur [AP] [Y] la somme de 2.500,00 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

DÉBOUTE la SARL AKCS Ollivier de sa demande d'indemnité sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

CONDAMNE la SARL AKCS Ollivier aux dépens dont distraction au profit des avocats qui peuvent y prétendre et en ont fait la demande sur le fondement de l'article 699 du code de procédure civile.

LE GREFFIER LE PRÉSIDENT

M. COLLET G. GUIGUESSON


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Caen
Formation : 1ère chambre civile
Numéro d'arrêt : 20/00634
Date de la décision : 16/05/2023

Origine de la décision
Date de l'import : 26/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2023-05-16;20.00634 ?
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