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16/05/2023 | FRANCE | N°20/00602

France | France, Cour d'appel de Caen, 1ère chambre civile, 16 mai 2023, 20/00602


AFFAIRE : N° RG 20/00602 -

N° Portalis DBVC-V-B7E-GQJK

 



ARRÊT N°



JB.





ORIGINE : DÉCISION du TJ hors JAF, JEX, JLD, J. EXPRO, JCP de COUTANCES du 16 Janvier 2020

RG n° 17/01895







COUR D'APPEL DE CAEN

PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE

ARRÊT DU 16 MAI 2023





APPELANTS :



Monsieur [S] [E]

né le [Date naissance 3] 1936 à [Localité 13]

[Adresse 1]

[Localité 6]



Madame [X] [C] épouse [E]

née le

[Date naissance 2] 1938 à [Localité 12]

[Adresse 1]

[Localité 6]



représentés et assistés de Me Charles SOUBLIN, substitué par Me LEREVEREND, avocats au barreau de CAEN





INTIMÉES :



La S.C.I. ROLLER venant aux dro...

AFFAIRE : N° RG 20/00602 -

N° Portalis DBVC-V-B7E-GQJK

 

ARRÊT N°

JB.

ORIGINE : DÉCISION du TJ hors JAF, JEX, JLD, J. EXPRO, JCP de COUTANCES du 16 Janvier 2020

RG n° 17/01895

COUR D'APPEL DE CAEN

PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE

ARRÊT DU 16 MAI 2023

APPELANTS :

Monsieur [S] [E]

né le [Date naissance 3] 1936 à [Localité 13]

[Adresse 1]

[Localité 6]

Madame [X] [C] épouse [E]

née le [Date naissance 2] 1938 à [Localité 12]

[Adresse 1]

[Localité 6]

représentés et assistés de Me Charles SOUBLIN, substitué par Me LEREVEREND, avocats au barreau de CAEN

INTIMÉES :

La S.C.I. ROLLER venant aux droits de M. et Mme [L]

N° SIRET : 537 881 515

[Adresse 7]

[Localité 4]

prise en la personne de son représentant légal

représentée et assistée de Me Sébastien SEROT, avocat au barreau de CAEN

La S.A.R.L. ROMUALD

N° SIRET : 447 703 661

Zone artisanale

[Localité 5]

prise en la personne de son représentant légal

représentée et assistée de Me Renan DROUET, avocat au barreau de CAEN

La S.A. MAAF ASSURANCES

N° SIRET : 542 073 580

Chaban

[Localité 11]

prise en la personne de son représentant légal

représentée et assistée de Me Amélie MARCHAND-MILLIER, avocat au barreau de COUTANCES

COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DÉBATS ET DU DÉLIBÉRÉ :

M. GUIGUESSON, Président de chambre,

M. GARET, Président de chambre,

Mme VELMANS, Conseillère,

DÉBATS : A l'audience publique du 07 mars 2023

GREFFIER : Mme COLLET

ARRÊT : rendu publiquement par mise à disposition au greffe, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile le 16 Mai 2023 et signé par M. GUIGUESSON, président, et Mme COLLET, greffier

* * *

EXPOSE DU LITIGE

La SCI Roller venant aux droits de Monsieur et Madame [L] est propriétaire d'une parcelle cadastrée section BR N°[Cadastre 9] située [Adresse 1] à [Localité 6] (50).

Madame [X] [E] est propriétaire d'une maison d'habitation située sur la parcelle cadastrée section BR N°[Cadastre 10] [Adresse 1] à [Localité 6]. Elle est également propriétaire avec son époux d'un jardin situé en surplomb sur la parcelle cadastrée section BR N°[Cadastre 8].

Un ouvrage ancien en pierres sèches (appelé perré) se trouve sur la paroi juste au droit de la limite séparative des parcelles BR N°[Cadastre 8] et [Cadastre 9]. Il fait une vingtaine de mètres de longueur sur 3 à 4 mètres de hauteur en surplomb de la parcelle.

A l'occasion d'une action en bornage et aux termes d'une conciliation, les époux [E] sont devenus propriétaires de cet ouvrage, appartenant initialement aux époux [L] aux droits desquels vient la SCI Roller.

Le procès-verbal de conciliation, homologué par le tribunal d'instance d'Avranches le 27 janvier 2010, précisait que le droit d'échelle dont bénéficiaient les époux [E] pour l'entretien du perré, n'avait ni pour objet, ni pour effet d'interdire une construction en limite de propriété par les propriétaires de la parcelle BR [Cadastre 9].

La SCI Roller a obtenu un permis de démolir et de construire une nouvelle maison d'habitation sur la parcelle BR N°[Cadastre 9].

La démolition a eu lieu le 26 mai 2014, puis l'EURL Romuald a débuté les travaux en vue de la construction du nouveau bâtiment.

Dans la nuit du 26 au 27 juin 2014, le perré a subi un premier éboulement partiel.

Monsieur et Madame [E] n'ont pas donné suite à la proposition de l'entreprise Romuald de reconstituer le perré.

Les travaux de construction ont repris, et un second éboulement a eu lieu dans la nuit du 5 au 6 juillet 2014.

Par ordonnance du 21 juillet 2014, le juge des référés du tribunal de grande instance de Coutances, saisi en urgence par les époux [E], a ordonné une expertise et désigné Monsieur [P] pour y procéder.

Les opérations d'expertise ont débuté le 31 juillet 2014.

Les travaux de construction se sont poursuivis et dans les nuits des 13 au 14 et 15 au 16 décembre 2014, de nouveaux éboulements se sont produits.

Par ordonnance du 5 mars 2015, le juge des référés du tribunal de grande instance de Coutances, saisi par la SCI Roller aux fins de condamner leurs voisins, les époux [E], à préfinancer les travaux de reprise du perré et à laisser passer les entreprises devant achever les travaux sur l'ouvrage en construction, a autorisé le passage des entreprises aux fins de réfection du perré, mais aux frais de la SCI.

Les travaux ont été réalisés par la SARL Manceau selon facture du 12 octobre 2015 pour un montant de 19.384,10 € TTC.

Par décision du 30 mars 2016, le juge des référés du tribunal de grande instance de Coutances a ordonné l'extension des opérations d'expertise à l'ensemble du perré y compris la partie prolongeant celle sur laquelle ont eu lieu les éboulements.

L'expert a déposé son rapport le 24 mars 2017.

Par acte d'huissier du 16 novembre 2017, la SCI Roller a assigné Monsieur et Madame [E] et l'EURL Romuald devant le tribunal de grande instance de Coutances afin d'obtenir leur condamnation au remboursement des sommes réglées par elle, la condamnation des époux [E] à faire exécuter les travaux de reprise et de confortement du perré par la SARL Manceau Franck, sous astreinte, le coût des travaux restant à leur charge.

La MAAF Assurance, assureur de l'Eurl Romuald est intervenue volontairement à l'instance.

Par jugement du 16 janvier 2020, le tribunal judiciaire de Coutances a :

- déclaré la SARL Romuald responsable du premier éboulement survenu le 26 juin 2014,

- condamné en conséquence la SARL Romuald à payer à la SCI Roller, la somme de 6.838,34 € TTC,

- déclaré la SARL Romuald et Monsieur et Madame [E] responsables à hauteur respectivement de 60 % et 40 % des éboulements du perré survenus en juillet et décembre 2014,

- condamné in solidum la SARL Romuald et les époux [E], à hauteur de leur part de responsabilité, à rembourses à la SCI Roller la somme de12.545,76 € TTC,

- condamné la SCI Roller à régler à la SCI Romuald la somme de 8.506,23 € TTC avec intérêt au taux légal à compter de la décision,

- condamné la Compagnie MAAF Assurance à garantir la société Romuald,

- condamné les époux [E] à leurs frais, à mandater la SARL Manceau Franck pour faire exécuter les travaux de reprise et confortement du perré ou toute autre entreprise de leur choix conformément au devis établi le 29 mai 2017 sous astreinte de 50 € par jour de retard à l'expiration d'un délai d'un mois à compter de la décision,

- dit que conformément à leur droit de tour d'échelle, les époux [E] seront autorisés à pénétrer sur la propriété de la SCI Roller pour effectuer les travaux d'entretien et de confortement sans autre condition préalable à cet accès que le respect du délai de 15 jours fixé par jugement du 27 janvier 2010 du tribunal d'instance d'Avranches, et devront laisser toute entreprise mandatée par ces derniers à cette fin y accéder,

- condamné in solidum la SARL Romuald et les époux [E] à hauteur de leur part de responsabilité à payer à la SCI Roller, la somme de 6.000,00 € en application de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamne in solidum la SARL Romuald et les époux [E] à hauteur de leur part de responsabilité aux dépens comprenant les frais d'expertise taxés à hauteur de 6.581,54 € recouvrés directement par Maître Gorand conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile,

- ordonné l'exécution provisoire,

- rejeté toutes autres demandes.

Par déclaration du 12 mars 2020, Monsieur et Madame [E] ont formé un appel partiel de la décision.

Par décision du 17 novembre 2020, le juge de l'exécution du tribunal judiciaire de Coutances a liquidé l'astreinte prononcée par le tribunal, les époux [E] n'ayant pas exécuté les travaux de confortement mis à leur charge par le tribunal, et a prononcé une astreinte définitive.

Par ordonnance de référé du Premier Président de la cour de céans, les époux [E] ont été déboutés de leur demande aux fins d'arrêt de l'exécution provisoire.

Aux termes de leurs dernières écritures en date du 1er décembre 2022, ils concluent à la réformation de la décision en ce qu'elle a prononcé diverses condamnations à leur encontre, a ordonné l'exécution provisoire et a rejeté leur demandes tendant à obtenir la condamnation solidaire de la SARL Romuald, de la SCI Roller et de la MAAF à faire exécuter les travaux préconisés par l'expert judiciaire, ainsi qu'au paiement d'une indemnité au titre des frais irrépétibles.

Ils demandent à la cour de :

- rejeter l'ensemble des demandes présentées en première instance par les parties adverses,

- en conséquence du rejet de la demande de la SCI Roller tendant à ce que les travaux de reprise soient effectués conformément au devis de l'entreprise Manceau du 29 mai 2017,

* de condamner de la SCI Roller à leur rembourser le coût de l'intervention de janvier 2021 de l'entreprise [G] à hauteur de 29.914,80 € TTC,

* subsidiairement, de condamner la SCI Roller à leur rembourser le coût de l'intervention de janvier 2021 de l'entreprise [G] à hauteur de 25.914,80 € TTC, déduction faite de l'estimation de l'expert pour les travaux de reprise de la zone boursouflée,

- condamner la SCI Roller à laisser les époux [E] pénétrer sur sa propriété tant au titre de la réalisation des travaux d'entretien qu'au titre des travaux de confortement sans qu'aucune condition préalable ne soit posée à cet accès en ce qui concerne la personne susceptible de réaliser les travaux et assortir cette condamnation d'une astreinte de 200 € par jour à compter d'un délai de 48 H suivant la signification de la décision,

- condamner solidairement l'Eurl Romuald, la SCI Roller ainsi que la MAAF à leur payer la somme de 10.000,00 € en remboursement des frais irrépétibles de première instance et la même somme au titre des frais irrépétibles d'appel,

- condamner solidairement l'Eurl Romuald, la SCI Roller ainsi que la MAAF aux dépens avec bénéfice des dispositions de l'article 699 du code de procédure civile au profit de leur conseil.

Aux termes de ses écritures en date du 28 août 2020, la SARLU Romuald conclut à la confirmation du jugement entrepris, au rejet des prétentions des époux [E] et à leur condamnation au paiement d'une somme de 3.000,00 € au titre des frais irrépétibles ainsi qu'aux dépens.

Aux termes de ses écritures en date du 28 août 2020, la MAAF Assurances conclut à la confirmation du jugement et à la condamnation des époux [E] au paiement d'une somme de 2.200,00 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux dépens.

Aux termes de ses dernières écritures en date du 24 janvier 2023, la SCI Roller venant aux droits de Monsieur et Madame [L], conclut à la confirmation du jugement entrepris, au rejet des demandes contraires des autres parties et à la condamnation in solidum de la SARL Romuald et des époux [E] au paiement d'une somme de 10.000,00 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure ainsi qu'aux dépens comprenant les frais d'expertise, avec bénéfice des dispositions de l'article 699 du code de procédure civile au profit de son conseil.

Pour l'exposé complet des prétentions et de l'argumentaire des parties, il est expressément renvoyé à leurs dernières écritures susvisées conformément à l'article 455 du code de procédure civile.

L'ordonnance de clôture est intervenue le 15 février 2023.

MOTIFS DE LA DÉCISION

Sur la responsabilité des éboulements

Il n'est pas contesté par les parties que le premier éboulement du perré qui a eu lieu dans la nuit du 26 au 27 juin 2014 est imputable uniquement aux travaux réalisés par l'EURL Romuald comme l'a jugé le tribunal.

L'appel ne porte pas sur ce point.

Les époux [E] contestent la décision entreprise en ce qu'elle a retenu à leur égard, une part de responsabilité à hauteur de 40 %, 60 % étant mis à la charge de L'EURL Romuald, au titre du deuxième éboulement survenu le 5 juillet 2014 et du troisième éboulement survenu dans les nuits des 13 au 14 et 15 au 16 décembre 2014.

Ils soutiennent que le perré était en parfait état d'entretien sur une large partie de le limite séparative, avant les éboulements, et que ceux-ci n'ont pas concerné la partie encore plus à l'Ouest qui n'avait pas été remaniée et reconstruite par Monsieur [E].

Ils ajoutent qu'aucune mesure conservatoire de type étaiement ne leur a été proposée par la société Romuald ou la SCI Roller, et qu'ils ne se sont opposés à aucune mesure de ce type.

Ils estiment qu'il ne peut leur être reproché d'avoir refusé la reprise du perré en l'absence de gage de sérieux de la société Romuald, et d'avoir préféré l'intervention d'un expert judiciaire.

Ils rappellent que sur préconisation de l'expert judiciaire, la société Romuald a procédé à un étaiement qui a été constaté lors de la réunion d'expertise du 22 septembre 2014 et qu'ils étaient dans l'attente de la solution proposée par l'expert.

Ils contestent tout comportement rigide de leur part et relèvent qu'ils n'avaient aucune obligation de limiter leur dommage dans l'intérêt des responsables, notamment en prévoyant toute mesure conservatoire.

En l'espèce, l'expert judiciaire dont les conclusions ne sont aps contestées, a estimé que c'était bien la rupture de la pente naturelle du talus à son pied, qui est à l'origine des éboulements et des dommages connus par le perré.

Il ne remet pas en cause les travaux réalisés en 2010 par Monsieur [E] qui a notamment rejointoyé le haut du perré sans toutefois supprimer de façon définitive différents végétaux qui émergeaient lors de l'expertise, tout en précisant que malgré cette réfection du perré, le talus s'est fragilisé au fil du temps.

Il ne retient donc pas un défaut d'entretien imputable aux appelants, à l'origine des sinistres successifs.

L'expert conclut que si le premier éboulement a été déclenché par l'intervention de la société Romuald alors que la pente naturelle du talus à son pied était fragilisée, la survenance du deuxième éboulement est la conséquence de l'absence de prise de mesure de prévention afin de soutenir le talus.

Comme le soutiennent à juste titre les appelants, l'engagement que Monsieur Romuald a fait transmettre aux époux [E] le 27 juin 2014 (Cf. Pièce N°28), portait non sur la prise de mesures conservatoires, mais sur la reconstruction à l'identique du mur en pierres de leur propriété ainsi que sur la réfection des poteaux et du grillage, sans qu'il soit précisé à quel moment cette reconstruction aurait lieu.

S'il est exact qu'ils ont opposé un refus de tout accord amiable par lettre du 30 juin 2014 (Cf. Pièce N°4), compte tenu des conditions dans lesquelles leur a été faite cette proposition, par l'intermédiaire du chef de chantier, il n'en demeure pas moins que la société Romuald n'a pas pour autant interrompu son chantier, et que ce n'est qu'à l'initiative des époux [E], après le second éboulement, qu'une expertise judiciaire a été ordonnée.

Leur part de responsabilité dans l'absence de prise de mesures conservatoires ayant conduit au deuxième éboulement est donc limitée.

S'agissant du troisième éboulement, l'expert estime qu'il a une double cause, d'une part l'insuffisance des étaiements posés par l'entreprise Romuald, et d'autre part le fait de n'avoir mis en oeuvre la solution réparatoire définitive que trop tardivement (en septembre 2015).

La responsabilité des époux [E] ne saurait donc être retenue concernant le troisième éboulement.

Si l'expert judiciaire a estimé que l'intransigeance de Monsieur [E] quant à la prise de mesures conservatoires avait contribué à l'aggravation du sinistre initial, il a précisé en réponse à un dire du conseil de celui-ci, qu'une ' certaine forme de passivité de la part des deux autres parties, l'entreprise Romuald bien sachante des risques et dangers résultant de la situation, ainsi que la SCI Roller apparemment plus motivée par l'avancement du chantier de la future maison et peut-être quelque peu imprudente en ne confiant pas la surveillance des travaux à un maître d'oeuvre', justifiait un partage de responsabilité.

La cour estime au vu de ces éléments qu'il y a lieu de retenir une part de responsabilité imputable aux époux [E], mais à hauteur de 20 % conformément à la proposition de l'expert, et non 40 % comme retenu par le tribunal, les 80 % restant étant mis à la charge de la société Romuald.

Le jugement sera donc infirmé de ce chef.

Sur les frais de remise en état

L'entreprise Manceau a réalisé les travaux réparatoires des parties éboulées pour un montant de 19.394,10 € TTC.

L'expert indique dans sa note aux parties N°6, que le devis portant sur ces travaux a été mis au point à la suite d'une rencontre entre cette entreprise et Monsieur [E], auquel ont été expliqués la nature des travaux envisagés, et notamment la reconstitution du perré sur une longueur d'environ 8m, correspondant à la longueur de la nouvelle construction, sans se prolonger au-delà.

Un avis favorable a été donné à cette entreprise, dont les travaux constatés par l'expert lors de la réunion du 13 septembre 2016, n'ont pas été remis en cause, sauf à préciser en réponse à un dire du conseil des appelants, qu'afin d'éviter que les eaux ruisselant en surface jusqu'en bas du nouvel ouvrage ne stagnent pas et puissent s'infiltrer jusqu'à parvenir dans le réseau de drainage, quelques orifices ponctuels réalisés à l'aide d'une perceuse seraient suffisants.

Il y a donc lieu de retenir cette somme de 19.394,10 € en rappelant que celle de 6.838,34 € TTC correspondant à la réfection du perré à l'identique avant le premier éboulement doit être laissée à la charge de la seule société Romuald.

Le jugement sera néanmoins infirmé en ce qu'il a condamné in solidum la SARL Romuald et les époux [E] à hauteur de leurs parts de responsabilité.

Ils seront condamnés in solidum à rembourser à la SCI Roller la somme de 12.545,76 € TTC et seront tenus dans leurs rapports entre eux, au prorata de leurs parts de responsabilité respectives (80%-20%).

Sur la remise en état du perré hors la zone d'éboulements successifs

A la demande de la SCI Roller qui fondait sa demande sur les dispositions de l'article 651 du code civil et invoquait un trouble de voisinage, le tribunal, retenant l'existence d'un préjudice futur mais certain, a condamné les époux [E], à leurs frais, à mandater la Sarl Manceau pour faire exécuter les travaux de reprise et confortement du perré ou toute autre entreprise de leur choix, conformément au devis établi le 29 mai 2017 sous astreinte, le jugement étant assorti de l'exécution provisoire.

Les époux [E] soutiennent que le devis Manceau dont s'agit, ne correspond pas aux travaux préconisés par l'expert judiciaire afin d'éviter un éboulement futur, mais vise en réalité à reconstruire l'intégralité du perré.

Ils sollicitent la réformation du jugement et le rejet de la demande de la SCI Roller tendant à ce que les travaux de reprise soient effectués conformément au devis de l'entreprise Manceau du 29 mai 2017 et la condamnation de celle-ci à leur rembourser le coût de l'intervention de janvier 2021 de l'entreprise [G] à hauteur de 29.914,80 € TTC, ou subsidiairement à sa condamnation à leur rembourser la somme de 25.914,80 € TTC, déduction faite de l'estimation de l'expert pour les travaux de reprise de la zone boursouflée.

Il sera rappelé que par ordonnance du 30 mars 2016, le juge des référés a ordonné l'extension des opérations d'expertise initialement limitées à la zone éboulée, à l'ensemble du perré.

L'expert avait en effet relevé dans sa note aux parties N°4, que le talus et son perré s'étaient fragilisés au fil du temps, et que plus à l'Ouest des zones éboulées, se remarquaient de la végétation sauvage enracinée dans les joints ouverts du perré, ainsi qu'une boursouflure témoignant de la poussée des terres du talus, ce qui laissait à penser que le perré était probablement dans un état similaire avant la survenue du sinistre d'éboulement et qu'il présentait donc des fragilités.

Il indique avoir constaté lors de la réunion d'expertise du 13 septembre 2016, que subsistait une zone manifestement fragile, localisée juste au-delà de la partie reconstruite par l'entreprise Manceau, malgré les réparations correctement réalisées par Monsieur [E] en septembre 2015 et juin 2016, et qu'une inquiétante boursouflure était visible.

Il en a déduit que ce n'était pas le perré qui était boursouflé mais le talus qu'il recouvre, qui ne respecte donc plus son inclinaison naturelle initiale et présente ainsi un risque d'éboulement.

Il ajoute que cette partie instable est localisée en surplomb de la terrasse prolongeant extérieurement le logement locatif occupé par Madame [W].

Deux causes pourraient selon lui provoquer un futur éboulement, à savoir des vibrations se répandant fortement dans l'épaisseur du talus et des circulations d'eau augmentant la poussée des terres sur le perré.

Il décrit les travaux à réaliser, qu'il évalue sommairement entre 4.000,00 et 5.000,00 € TTC, comme suit :

' Dans un premier temps, il serait nécessaire de réaliser un dispositif d'étaiement, notamment à l'approche de la saison froide et pluvieuse, en recommandant aux occupants du logement de ne pas fréquenter le pied du talus, en se tenant à une distance de l'ordre de 1,50 ml à 2 ml.

Il sera ensuite nécessaire d'intervenir avec précaution en dégarnissant localement la zone boursouflée de son manteau de pierre (le perré) purger les terres instables; pour atteindre la partie solide du talus en s'assurant de sa bonne cohésion; la réalisation d'un voile béton peu épais mais armé d'un grillage pourrait venir remplacer la partie dégarnie en faisant maintenir ce voile par quelques armatures métalliques enfoncées profondément dans l'épaisseur stable; et finalement reconstituer en surface le perré, une barbacane pouvant être mise en place dans la partie reconstituée.'

Il insiste ensuite sur la nécessité d'entretenir impérativement le perré pour éliminer toute végétation prenant racine, surveiller la bonne position des pierres qui doivent laisser ruisseler l'eau en surface sans la diriger vers l'intérieur du talus.

Le risque apparaissant certain, il doit être considéré comme constituant un trouble anormal de voisinage.

Néanmoins, il est constant que les travaux préconisés par l'expert, ne concernent que la zone boursouflée, qui, ainsi qu'on peut le constater sur les photographies figurant au rapport d'expertise, n'a pas la superficie indiquée sur le devis Manceau du 29 mai 2017 (Cf. Pièce N°18), soit sur une longueur de 10 mètres et 3 mètres de hauteur.

Son montant (30.132,00 € TTC) est d'ailleurs sans commune mesure avec l'évaluation des travaux, faite par l'expert judiciaire (4.000,00 à 5.000, 00 €)

Les époux [E] ont fait établir par l'entreprise Rollin sur la base du rapport d'expertise, un devis (Cf. Pièce N°48) d'un montant de 5.153,50 €, donc nettement inférieur, qui indique qu'il est établi conformément aux travaux préconisés par Monsieur [P] dans son rapport d'expertise du 24 mars 2017.

C'est donc à tort que le tribunal a condamné les époux [E] sous astreinte, à mandater à leurs frais la SARL Manceau ou toute entrepris de leur choix, pour faire exécuter les travaux conformément au devis établi par l'entreprise Manceau du 29 mai 2017 qui ne correspond pas aux travaux préconisés par l'expert judiciaire.

En tout état de cause, le jugement étant assorti de l'exécution provisoire, ils ont fait réaliser les travaux selon le devis Manceau soit sur une superficie de 30 m² par l'entreprise [G] en janvier 2021, pour un montant de 29.914,80 € (Cf. Pièces N°45 et 47).

La cour constate donc que la demande tendant à la condamnation des époux [E] à faire réaliser les travaux selon le devis Manceau du 29 mai 2017, est devenue sans objet.

Ceux-ci réclament le remboursement de la différence entre la somme effectivement réglée par eux, et le montant des travaux préconisés par l'expert, dans l'hypothèse où l'existence d'un risque certain d'éboulement serait retenu par la cour.

Force est toutefois de constater que ces travaux ont contribué à conforter le perré leur appartenant, et ce qui leur profite donc.

Leur demande de remboursement est dès lors injustifiée.

Ils seront donc déboutés de leur demande à ce titre.

Conformément aux termes du procès-verbal de conciliation établi le 27 janvier 2010 devant le juge du tribunal d'instance d'Avranches, c'est à juste titre que le jugement entrepris a dit que pour l'entretien du perré leur appartenant, les époux [E] pourront passer sur la propriété de la SCI Roller (anciennement les époux [L]) à charge pour eux de les prévenir quinze jours à l'avance.

Le jugement sera confirmé sur ce point.

Sur les frais irrépétibles et les dépens

L'équité commande de confirmer le jugement sur les frais irrépétibles et de ne pas faire droit aux demandes formées en application de l'article 700 du code de procédure civile.

Chaque partie succombant partiellement, conservera la charge de ses dépens.

PAR CES MOTIFS

La cour, statuant publiquement, par arrêt contradictoire rendu en dernier ressort, mis à disposition au greffe,

INFIRME le jugement du tribunal judiciaire de Coutances du 16 janvier 2020 en ce qu'il a :

- déclaré la SARL Romuald et Monsieur et Madame [E] responsables à hauteur respectivement de 60 % et 40 % des éboulements survenus en juillet et décembre 2014,

- condamné in solidum la SARL Romuald et les époux [E], à hauteur de leur part de responsabilité, à rembourser à la SCI Roller, la somme de 12.545,76 € TTC,

- condamné les époux [E] à leurs frais, à mandater la SARL Manceau Franck pour faire exécuter les travaux de reprise et confortement du perré ou toute autre entreprise de leur choix, conformément au devis établi le 29 mai 2017 sous astreinte de 50 € par jour de retard à l'expiration d'un délai d'un mois à compter de la signification de la décision à intervenir,

LE CONFIRME pour le surplus,

Statuant à nouveau et y ajoutant,

DÉCLARE la SARL Romuald et Monsieur et Madame [E] responsables à hauteur respectivement de 80 % et 20 % de l'éboulement du perré,

CONDAMNE in solidum la SARL Romuald d'une part et Monsieur et Madame [E], d'autre part, à payer à la SCI Roller la somme de 12.545,76 € TTC,

DIT qu'ils seront tenus au prorata de leurs parts de responsabilité respectives (80%-20%) dans leurs rapports entre eux,

CONSTATE que la demande tendant à condamner les époux [E] à faire exécuter les travaux selon le devis Manceau du 29 mai 2017 sous astreinte, est devenue sans objet,

DÉBOUTE Monsieur et Madame [E] de leur demande tendant à la condamnation de la SCI Roller à leur rembourser le coût des travaux de reprise réalisés par eux sur la zone boursouflée,

DÉBOUTE les parties de leurs demandes sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

DIT que chaque partie conservera la charge de ses dépens.

LE GREFFIER LE PRÉSIDENT

M. COLLET G. GUIGUESSON


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Caen
Formation : 1ère chambre civile
Numéro d'arrêt : 20/00602
Date de la décision : 16/05/2023

Origine de la décision
Date de l'import : 26/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2023-05-16;20.00602 ?
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