La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

16/05/2023 | FRANCE | N°20/00558

France | France, Cour d'appel de Caen, 1ère chambre civile, 16 mai 2023, 20/00558


AFFAIRE : N° RG 20/00558 -

N° Portalis DBVC-V-B7E-GQGP

 



ARRÊT N°



JB.





ORIGINE : DÉCISION du TJ hors JAF, JEX, JLD, J. EXPRO, JCP d'ARGENTAN du 16 Janvier 2020

RG n° 18/00569







COUR D'APPEL DE CAEN

PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE

ARRÊT DU 16 MAI 2023





APPELANT :



Monsieur [O] [M]

né le [Date naissance 4] 1981 à [Localité 10]

Chez Madame [K], [Adresse 8]

[Localité 9]



représenté par Me Jérém

ie PAJEOT, avocat au barreau de CAEN,

assisté de Me Franck ASTIER, avocat au barreau de PARIS





INTIMÉES :



LA CPAM DE BASSE-NORMANDIE

N° SIRET : 780 716 171

[Adresse 1]

[Localité 3]

prise en la personne de s...

AFFAIRE : N° RG 20/00558 -

N° Portalis DBVC-V-B7E-GQGP

 

ARRÊT N°

JB.

ORIGINE : DÉCISION du TJ hors JAF, JEX, JLD, J. EXPRO, JCP d'ARGENTAN du 16 Janvier 2020

RG n° 18/00569

COUR D'APPEL DE CAEN

PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE

ARRÊT DU 16 MAI 2023

APPELANT :

Monsieur [O] [M]

né le [Date naissance 4] 1981 à [Localité 10]

Chez Madame [K], [Adresse 8]

[Localité 9]

représenté par Me Jérémie PAJEOT, avocat au barreau de CAEN,

assisté de Me Franck ASTIER, avocat au barreau de PARIS

INTIMÉES :

LA CPAM DE BASSE-NORMANDIE

N° SIRET : 780 716 171

[Adresse 1]

[Localité 3]

prise en la personne de son représentant légal

non représentée, bien que régulièrement assignée

La Société MUTUELLES DU MANS ASSURANCES (MMA)

N° SIRET : 775 652 126

[Adresse 2]

[Localité 7]

prise en la personne de son représentant légal

représentée et assistée de Me David LEGRAIN, avocat au barreau de CAEN

PARTIE INTERVENANTE :

LA CAISSE PRIMAIRE D'ASSURANCE MALADIE DU PUY DE DOME

[Adresse 5]

[Localité 6]

prise en la personne de son représentant légal

non représentée

COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DÉBATS ET DU DÉLIBÉRÉ :

M. GUIGUESSON, Président de chambre,

M. GARET, Président de chambre,

Mme VELMANS, Conseillère,

DÉBATS : A l'audience publique du 07 mars 2023

GREFFIER : Mme COLLET

ARRÊT : rendu publiquement par mise à disposition au greffe, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile le 16 Mai 2023 et signé par M. GUIGUESSON, président, et Mme COLLET, greffier

* * *

FAITS ET PROCEDURE

Le 13 février 1995, [O] [M], alors âgé de 14 ans, a été percuté par un véhicule automobile alors qu'il traversait la chaussée à pied.

Du fait de sa qualité de victime piéton, son droit à indemnisation intégrale n'a jamais été contesté.

Sur la base d'un rapport d'expertise déposé le 25 janvier 2002, une première indemnisation définitive amiable a alors été convenue, début 2003, entre M. [M] et la société Azur Assurances, assureur du véhicule impliqué, aux droits de laquelle vient aujourd'hui la société Mutuelles du Mans Assurances (ci-après la société MMA).

M. [M] ayant été réopéré deux fois en 2011, une indemnisation complémentaire lui a été accordée suivant procès-verbal de transaction en date du 30 septembre 2013.

M. [M] ayant encore été opéré en juin 2014, une nouvelle indemnisation complémentaire lui a été accordée suivant procès-verbal de transaction du 3 octobre 2015.

Ayant subi une ultime intervention chirurgicale en juin 2016, M. [M] a alors sollicité la désignation d'un expert en référé.

Au vu du rapport d'expertise déposé le 1er décembre 2017, M. [M] a fait assigner la société MMA ainsi que la CPAM de Basse-Normandie devant le tribunal de grande instance d'Argentan aux fins d'être indemnisé de l'aggravation de ses préjudices.

Par jugement du 16 janvier 2020, le tribunal a :

- débouté M. [M] de sa demande au titre des dépenses de santé actuelles ;

- condamné la société MMA à verser à M. [M]':

* 387,40 € au titre des frais divers,

* 2.829,60 € au titre du déficit fonctionnel temporaire,

* 7.000 € au titre des souffrances endurées,

* 1.500 € au titre du préjudice esthétique temporaire,

* 53.170,88 € au titre des dépenses de santé futures, sous réserve du recours de la CPAM,

* 42.360 € au titre du déficit fonctionnel permanent,

* 2.000 € au titre du préjudice esthétique permanent,

soit la somme totale de 109.247,88 €, sauf à déduire les indemnités provisionnelles précédemment versées ;

- dit que ces sommes porteraient intérêts au double du taux légal pour la période du 6 mai au 4 décembre 2018, puis au taux légal à compter du 5 décembre 2018 ;

- condamné la société MMA à verser à M. [M] une somme de 1.800 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

- ordonné l'exécution provisoire de la décision ;

- condamné la société MMA aux dépens avec droit de recouvrement direct au profit de l'avocat du demandeur';

- débouté les parties de leurs demandes plus amples et contraires.

Par déclaration reçue au greffe de la cour le 5 mars 2020, M. [M] a interjeté appel de ce jugement.

L'appelant a notifié ses dernières conclusions le 10 mai 2022, la société MMA les siennes le 6 octobre 2020.

Quant à la CPAM de Basse-Normandie, bien que s'étant vu signifier la déclaration d'appel par acte remis à personne habilitée, elle n'a pas constitué devant la cour.

De même, bien qu'ayant été assignée en intervention forcée par acte remis à personne habilitée, la CPAM'du Puy-de-Dôme n'a pas non plus constitué devant la cour.

La clôture a été prononcée par ordonnance du 25 janvier 2023.

MOYENS ET PRETENTIONS DES PARTIES

M. [M] demande à la cour de :

- débouter la société MMA de l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions;

- d'infirmer le jugement en toutes ses dispositions sauf en ce qu'il a condamné la société MMA à lui payer les sommes de 387,40 € au titre des frais divers (frais de déplacement à expertise), 2.829,60 € au titre du déficit fonctionnel temporaire, 2.000 € au titre du préjudice esthétique permanent, 1.800 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile et les dépens, et en ce qu'il a dit que les sommes allouées porteraient intérêts au double du taux légal du 6 mai au 5 décembre 2018 puis au taux légal à compter du 5 décembre 2018 ;

Statuant à nouveau,

- dire et juger que par voie d'aveu judiciaire, les parties ont reconnu que le procès-verbal de transaction définitif du 3 octobre 2015 constituait en réalité une offre d'indemnité provisionnelle à valoir sur l'indemnisation définitive de l'amputation du quatrième orteil réalisée le 10 juin 2014 ;

En conséquence,

- annuler le procès-verbal de transaction définitive du 3 octobre 2015 ;

- condamner la société MMA à payer à M. [M] la somme de 731.865,72 €, de laquelle seront déduites les provisions versées sur justification, décomptée comme suit :

* 17.597,51 € au titre des dépenses de santé actuelles,

* 437.382,38 € au titre des dépenses de santé futures, après déduction des prestations qui seront servies par la CPAM'au titre de ce poste,

* 204.596,79 € au titre de l'incidence professionnelle,

* 10.000 € au titre des souffrances endurées,

* 2.000 € au titre du préjudice esthétique temporaire,

* 58.289,04 € au titre du déficit fonctionnel permanent,

* 2.000 € au titre du préjudice esthétique permanent ;

- avant dire droit sur l'indemnisation des postes relatifs à l'assistance par tierce personne temporaire et définitive, aux frais éventuels d'aménagement du logement et/ou d'un véhicule, et au préjudice sexuel, ordonner une expertise judiciaire afin d'évaluer ces préjudices à la suite de l'aggravation séquellaire depuis le 4 juin 2014, dont la consolidation a été fixée au 28 février 2017 :

- désigner tel expert qu'il plaira, spécialisé en ergothérapie et pris sur la liste des experts judiciaires actuellement en exercice près d'une cour d'appel, avec pour mission de :

1) Se faire communiquer par les parties ou leurs conseils ou par tous tiers détenteurs, avec l'accord de la victime toutes les pièces nécessaires, en particulier :

* les rapports d'expertise précédents (amiable ou judiciaire),

* les renseignements d'identité de la victime,

* tous les documents médicaux nécessaires à sa mission,

* tous les éléments relatifs au mode de vie du blessé depuis l'aggravation survenue le 5 juin 2014 (degré d'autonomie, lieu habituel de vie)';

2) Après recueil de l'avis des parties, déduire de ces éléments d'informations le lieu ou les lieux de l'expertise et prendre toutes les dispositions pour sa réalisation en présence d'un membre de l'entourage';

3) Relater les constatations médicales faites après l'accident ainsi que l'ensemble des interventions et soins, y compris la rééducation, et en particulier ceux témoignant de l'aggravation';

4) Recueillir de façon précise, au besoin séparément, les déclarations de la victime et des membres de son entourage';

5) A partir des déclarations de la victime et des documents médicaux fournis, décrire l'aggravation de l'état séquellaire et les conséquences sur l'autonomie de la victime';

6) Procéder à la réalisation d'un bilan situationnel détaillé permettant de :

* décrire le fonctionnement de la victime dans les activités quotidiennes';

* définir les moyens de compensations nécessaires pour la réalisation des tâches et exigences générales, la mobilité, l'entretien personnel, la vie domestique, les relations et interactions avec autrui, l'éducation, le travail et l'emploi, la vie économique, la vie communautaire, sociale et civique';

* préciser la nature de l'aide à prodiguer et sa durée quotidienne';

* préciser la nécessité de l'intervention d'un personnel spécialisé ou non depuis la date de l'aggravation du 5 juin 2014 jusqu'à la consolidation du 28 février 2017, puis à titre définitif';

* décrire précisément les besoins qui ont été nécessaires entre l'aggravation du 5 juin 2014 et la date de consolidation fixée au 28 février 2017, puis après le 28 février 2017';

* indiquer les adaptations des lieux de vie et du véhicule de la victime à son nouvel état';

* donner tous les éléments de nature à éclairer les parties sur les spécificités de la prise en charge de la victime';

* décrire et donner un avis sur l'existence d'un préjudice sexuel en précisant s'il recouvre l'un ou plusieurs des trois aspects pouvant être altérés, séparément ou cumulativement, partiellement ou totalement : la libido, l'acte sexuel (impuissance, frigidité, gêne positionnelle...) et la fertilité (fonction de reproduction)';

- dire que l'expert établira un pré-rapport et répondra, dans le rapport définitif, aux éventuelles observations écrites des parties';

- dire que l'expert indiquera, dans les deux mois à compter de sa désignation, le montant de sa rémunération définitive prévisible afin que soit éventuellement ordonnée une provision complémentaire dans les conditions de l'article 280 du code de procédure civile ; à défaut d'une telle indication, le montant de la consignation initiale constituera la rémunération définitive de l'expert ;

En conséquence,

- fixer le montant de la provision à valoir sur les frais d'expertise ;

En conséquence,

- surseoir à statuer sur l'indemnisation de l'assistance par tierce personne temporaire et définitive, des frais éventuels d'aménagements du logement et d'un véhicule, et du préjudice sexuel ;

Subsidiairement, s'agissant du préjudice professionnel, si la cour devait s'estimer insuffisamment informée sur le préjudice professionnel subi par M. [M]':

- ordonner la réalisation d'une expertise judiciaire et désigner tel expert qu'il plaira, avec mission de :

1) Se faire communiquer par les parties ou leurs conseils ou par tous tiers détenteurs, avec l'accord de la victime toutes les pièces nécessaires, en particulier :

* les rapports d'expertise précédents (amiable ou judiciaire),

* les renseignements d'identité de la victime,

* tous documents médicaux nécessaires à sa mission,

* tous éléments relatifs au mode de vie du blessé depuis l'aggravation survenue le 5 juin 2014 (degré d'autonomie, lieu habituel de vie')';

2) Après recueil de l'avis des parties, déduire de ces éléments d'informations, le lieu ou les lieux, de l'expertise et prendre toutes les dispositions pour sa réalisation en présence d'un membre de l'entourage';

3) Relater les constatations médicales faites après l'accident ainsi que l'ensemble des interventions et soins, y compris la rééducation, et en particulier ceux témoignant de l'aggravation';

4) Recueillir de façon précise, au besoin séparément, les déclarations de la victime et des membres de son entourage';

5) Indiquer les périodes pendant lesquelles la victime a été, avant consolidation, dans l'incapacité d'exercer totalement ou partiellement son activité professionnelle ;

En cas d'incapacité partielle, préciser le taux et la durée ;

Préciser la durée des arrêts de travail retenus par l'organisme social au vu des justificatifs produits et dire si ces arrêts de travail sont liés au fait générateur';

Si la victime a repris le travail avant consolidation, préciser notamment si des aménagements ont été nécessaires, s'il a existé une pénibilité accrue ou toute modification liée à l'emploi';

6) Indiquer si le fait générateur ou les atteintes séquellaires entraînent pour la victime, notamment :

* une cessation totale ou partielle de son activité professionnelle,

* un changement d'activité professionnelle,

* une impossibilité d'accéder à une activité professionnelle,

* une restriction dans l'accès à une activité professionnellej

- indiquer si le fait générateur ou les atteintes séquellaires entraînent d'autres répercussions sur l'activité professionnelle actuelle ou future de la victime, telles que :

* une obligation de formation pour un reclassement professionnel,

* une pénibilité accrue dans son activité professionnelle,

* une dévalorisation sur le marché du travail,

* une perte ou réduction d'aptitude ou de compétence,

* une perte de chance ou réduction d'opportunités ou de promotion professionnelles';

- dire, notamment, si l'état séquellaire est susceptible de générer des arrêts de travail réguliers et répétés et/ou de limiter la capacité de travail';

En conséquence,

- surseoir à statuer sur l'indemnisation du préjudice professionnel ;

En tout état de cause,

- dire et juger que l'offre d'indemnisation du 3 septembre 2019, à hauteur de 43.500 €, est manifestement insuffisante et équivaut à une absence d'offre ;

En conséquence,

- condamner la société MMA au paiement des intérêts au double du taux de l'intérêt légal sur la totalité des sommes qui seront allouées par la cour, sans déduction des provisions versées et sans imputation des créances des organismes sociaux, à compter du 25 mars 2018 jusqu'au jour où l'arrêt sera devenu définitif ;

Subsidiairement, si la cour devait retenir comme suffisante l'offre d'indemnisation définitive faite par voie de conclusions de 3 septembre 2019,

- condamner la société MMA au paiement des intérêts au double du taux de l'intérêt légal sur la somme de 43.500 €, sans déduction des provisions versées et sans imputation de la créance des organismes sociaux, du 25 mars 2018 au 3 septembre 2019 ;

- déclarer l'arrêt à intervenir opposable à la CPAM de Basse-Normandie ;

- condamner la société MMA à payer à M. [M] la somme de 5.000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile devant la cour ;

- condamner la société MMA aux entiers dépens d'instance conformément à l'article 696 du code de procédure civile.

Au contraire, la société MMA demande à la cour de :

- dire M. [M] recevable mais infondé en son appel principal ;

- dire la société MMA recevable et bien fondée en son appel incident ;

- infirmer la décision en ce qu'elle a dit que l'intégralité des sommes allouées à M. [M] porteraient intérêts au double du taux légal pour la période du 6 mai 2018 au 4 décembre 2018, puis au taux légal à compter du 5 décembre 2018 ;

Statuant à nouveau,

- dire que les intérêts au double du taux légal seront calculés sur 1'assiette de l'offre qu'elle a présentée le 5 décembre 2018 et uniquement sur la période du 6 mai 2018 au 4 décembre 2018;

Pour le surplus,

- confirmer la décision ;

- débouter M. [M] de l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions ;

- condamner M. [M] à payer à la société MMA une somme de 2.000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;

- condamner M. [M] aux entiers dépens.

Pour l'exposé complet des prétentions et de l'argumentation des parties, il est expressément renvoyé à leurs dernières écritures conformément à l'article 455 du code de procédure civile.

MOTIFS DE LA DECISION

I - Sur les limites du droit à indemnisation':

Ce droit a pour seule limite l'indemnisation intégrale du préjudice subi, sans perte ni profit pour la victime, ce qui implique d'abord d'en déduire, conformément aux dispositions des articles L 376-1 et suivants du code de la sécurité sociale, les sommes versées ou à verser à M. [M] par les tiers payeurs dont les CPAM de Basse-Normandie et du Puy-de-Dôme, caisses dont il relève ou a relevé.

Par ailleurs et dans la mesure où la société MMA, assureur du véhicule impliqué, ne dénie pas sa garantie, M. [M], qui a été blessé en qualité de piéton, est fondé à lui réclamer l'indemnisation intégrale de ses préjudices, ce par application des dispositions de la loi du 5 juillet 1985.

Enfin, il incombe au juge d'évaluer le préjudice à la date à laquelle il rend sa décision, en l'occurrence à la date du présent arrêt liquidatif.

En revanche, dans la mesure où M. [M] a déjà reçu des indemnités, non seulement provisionnelles mais également définitives, en réparation de préjudices qui ont déjà été liquidés à une époque où son état avait été déclaré consolidé, il n'est recevable à réclamer une indemnisation complémentaire que pour autant qu'elle tende à réparer'soit de nouveaux préjudices jamais indemnisés, soit des préjudices qui, bien qu'ayant déjà été indemnisés, se sont aggravés depuis lors.

Ainsi, c'est à tort que la société MMA soutient que certaines des demandes de M. [M] sont irrecevables, en particulier :

- celle tendant à la mise en 'uvre d'un complément d'expertise aux fins d'évaluation d'un éventuel besoin en aide humaine, d'une nécessité d'aménager le logement ou d'adapter le véhicule de la victime, alors en effet qu'il est constant qu'aucune transaction passée ni aucune décision de justice précédemment rendue ne s'est jamais prononcée sur de tels préjudices, soit pour en reconnaître l'existence, soit pour l'écarter'; il ne saurait non plus être reproché à M. [M] de ne pas avoir précédemment réclamé d'expertise sur ces postes de préjudices, rien ne s'opposant en toute hypothèse à ce qu'il s'en prévale aujourd'hui, y compris pour la première fois en cause d'appel, étant rappelé à cet égard que cette demande tend à la même fin que celle présentée devant les premiers juges et, à tout le moins, en constitue le complément, à savoir l'indemnisation des conséquences dommageables de l'accident de 1995';

- celle tendant à l'indemnisation d'une incidence professionnelle, peu important à cet égard que M. [M] n'ait jamais réclamé antérieurement d'indemnité à ce titre, étant rappelé qu'il demeure recevable, en tout état de cause, à se prévaloir d'une incidence professionnelle qui résulterait de la dernière aggravation de son état, en l'occurrence de l'amputation métatarsienne de l'ensemble des orteils du pied droit qu'il a subie au mois de juin 2016.

Pour autant, c'est à tort que M. [M] réclame l'annulation du dernier procès-verbal de transaction signé entre les parties le 3 octobre 2015, et par suite une nouvelle évaluation des préjudices tels qu'ils avaient alors été arrêtés au vu d'un précédent rapport d'expertise en date du 17 juin 2015, antérieurement à l'aggravation de juin 2016.

En effet, conformément aux dispositions de l'article 2052 du code civil, la transaction a, entre les parties signataires, l'autorité de la chose jugée en dernier ressort et, par là même, fait obstacle à l'introduction ou à la poursuite d'une action en justice ayant le même objet.

A cet égard,'il est indifférent que depuis lors, les parties aient échangé des conclusions aux fins d'évaluer autrement tel ou tel chef de préjudice visé dans le procès-verbal de transaction, ce d'autant plus que ces évaluations concernent en réalité d'autres périodes que celles concernées par la transaction, en l'occurrence l'aggravation issue de la dernière intervention chirurgicale de juin 2016.

En tout état de cause, il n'y a là nul aveu judiciaire susceptible de remettre en cause les termes de l'accord transactionnel conclu le 3 octobre 2015 qui, encore une fois, a vocation à indemniser la seule aggravation constatée par le rapport d'expertise du 17 juin 2015, antérieurement à celle de juin 2016.

Dès lors, M. [M] est irrecevable à réclamer une nouvelle évaluation des préjudices'qui ont fait l'objet de l'indemnisation transactionnelle du 3 octobre 2015, ne pouvant réclamer que l'indemnisation de l'aggravation des préjudices née de la dernière intervention chirurgicale de juin 2016, outre des autres préjudices qui, consécutifs à l'accident de 1995, n'ont encore jamais été indemnisés.

S'agissant des demandes indemnitaires formées au titre de l'aide humaine, de l'aménagement du logement ainsi que de l'adaptation du véhicule, la cour ordonnera une mesure d'expertise avant-dire-droit sur la liquidation de ces éventuels préjudices.

En revanche, il n'y a pas lieu à expertise sur le préjudice sexuel, étant en effet'observé :

- d'une part, que le procès-verbal de transaction du 3 octobre 2015 a déjà accordé à M. [M] une indemnité à ce titre';

- d'autre part, qu'il n'est pas établi ni même allégué que la dernière intervention chirurgicale de juin 2016 ait eu pour effet de majorer ce préjudice'; dès lors, il n'y a pas lieu à indemnisation complémentaire de ce chef.

II - Sur la nature et l'ampleur des préjudices subis par M. [M] :

Il résulte des éléments du dossier ce qui suit :

Né le [Date naissance 4] 1981, M. [M] a été renversé par une voiture le 13 février 1995'; il était alors âgé de 14 ans et collégien.

Les blessures immédiates ont consisté en un traumatisme crânien avec coma d'emblée pendant plusieurs jours, et polytraumatisme orthopédique avec fracture comminutive du tiers moyen du tibia droit, fracture du tiers supérieur du péroné droit et fracture déplacée du tiers moyen du fémur droit.

Fin 1997, après réduction des fractures et ostéosynthèse, plus aucun soin n'était envisagé.

Toutefois, au début des années 2000 est apparu un «'mal perforant plantaire'» du pied droit que les médecins ont rattaché à la paralysie du nerf sciatique poplité externe, elle-même consécutive aux fractures précitées.

En dépit de plusieurs interventions chirurgicales, il a fallu se résoudre à plusieurs amputations successives, d'abord du gros orteil, puis successivement de deux autres, enfin de l'ensemble des orteils du pied droit au niveau trans-métatarsien, cette dernière intervention ayant été pratiquée au mois de juin 2016.

C'est celle qui justifie la réévaluation des préjudices précédemment indemnisés.

Au terme de son rapport, l'expert conclut à :

- une nouvelle consolidation en date du 28 février 2017';

- la nécessité pour le blessé de bénéficier d'une chaussure orthopédique sur mesure, laquelle aura pour but d'améliorer la démarche de l'intéressé avec des appuis stables et également d'éviter le risque de formation de durillons, l'expert ajoutant que «'l'orthèse aura un appui antérieur confortable avec adjonction si besoin de silicone sur les zones fragiles'»';

- une absence de perte de gains professionnels, dans la mesure où le blessé n'avait pas d'activité au moment de sa rechute';

- un préjudice esthétique temporaire de 2/7 du 20 juin au 1er septembre 2016, puis définitif de 1/7 (supplémentaire par rapport à la situation antérieure à la rechute) à compter de la nouvelle consolidation';

- un nouveau préjudice (supplémentaire) de souffrances endurées de 3/7, consécutif à l'opération, aux soins prolongés et aux difficultés de cicatrisation';

- un déficit fonctionnel permanent (supplémentaire) de 12'% consécutif à l'amputation trans-métatarsienne de l'ensemble des orteils du pied droit';

- une absence de préjudice d'agrément supplémentaire par rapport à la situation antérieure.

Enfin, l'expert considère quant à lui que «'dans les suites de sa consolidation, aucun élément objectif ne permet d'indiquer que M. [M] était dans l'incapacité de reprendre un emploi sédentaire'».

III - Sur la liquidation des préjudices :

A - Dépenses de santé actuelles':

1 - Frais hospitaliers': la CPAM justifie, par la production de son décompte, d'une dépense de 774,82 € au cours de la période du 4 au 10 octobre 2016.

2 - Frais médicaux': la CPAM justifie, par la production de son décompte, d'une dépense de 1.669,99 € au cours de la période du 5 juin au 10 octobre 2016.

3 - Frais d'appareillage': M. [M] réclame à ce titre la prise en charge de plusieurs équipements':

- d'abord des chaussures orthopédiques de classe B pour un coût de 1.397,92 € la paire'; à cet égard, le jugement ne pourra qu'être confirmé en ce qu'il a débouté l'intéressé de sa demande en paiement au motif qu'en se bornant à produire un devis, M. [M] ne justifiait pas de la réalité de la dépense correspondante'; en effet, contrairement aux affirmations de l'appelant, une dépense ne peut être remboursée que si elle a été effectivement exposée'; à défaut, il ne s'agit pas d'une dépense';

- ensuite des semelles thermoformées pour un coût unitaire de 294,49 €'; dans la mesure où M. [M] produit la facture correspondante, elle lui sera remboursée';

- ensuite des cannes antébrachiales pour un coût unitaire de 79 €'; ici encore, M. [M] ne pourra qu'être débouté de sa demande de remboursement, faute pour lui de justifier de l'effectivité de cette dépense';

- enfin des prothèses esthétiques en silicone, fabriquées sur mesure pour un coût de 8.755,01€'; ici encore, M. [M] sera débouté de sa demande de remboursement, faute de justifier de l'effectivité de cette dépense.

4 - Frais médicaux restés à charge':

Produisant trois factures de frais restés à charge (location et entretien de fauteuil roulant) pour une somme totale de 254,23 €, M. [M] est fondé à en réclamer le remboursement.

B - Frais divers':

En l'absence de moyen opposant développé par la société MMA, le jugement sera confirmé en ce qu'il l'a condamnée à rembourser à M. [M] une somme de 387,40 € correspondant aux frais de déplacement qu'il a exposés pour se rendre aux opérations d'expertise.

C - Dépenses de santé futures':

Le tribunal a accordé à ce titre à M. [M], sous réserve du recours de la caisse primaire, une somme de 53.170,88 € correspondant au renouvellement annuel capitalisé d'une paire de chaussures orthopédiques pour un coût de 1.682,41 € la paire (semelles thermoformées incluses).

L'assureur sollicite la confirmation du jugement sur ce point.

Au contraire, M. [M] réclame une majoration de l'indemnité à ce titre, faisant essentiellement valoir':

- qu'il lui est nécessaire, pour des raisons d'hygiène, de disposer de deux paires de chaussures pour pouvoir en changer quotidiennement';

- qu'il doit aussi pouvoir bénéficier, en plus des chaussures orthopédiques, d'une prothèse de pied en silicone lui permettant de marcher pieds nus, s'agissant là d'un appareillage à visée non seulement esthétique, mais également fonctionnelle en ce qu'il tend à compenser la perte de son avant-pied droit qui résulte de son amputation trans-métatarsienne de 2016'; qu'il s'est d'ailleurs vu prescrire cet appareillage par son chirurgien orthopédiste'; qu'il sollicite également un renouvellement annuel'de cet appareillage ;

- qu'enfin, il a besoin de cannes antébrachiales, à raison d'une paire par an, ce qui lui permettra de bénéficier d'une plus grande stabilité et de limiter les risques de chute.

La cour partage cette analyse, sous réserve seulement d'un renouvellement de ces équipements moins fréquent que celui revendiqué par l'appelant.

En effet, s'il est communément admis de disposer simultanément de deux paires de chaussures et de les renouveler une fois par an, en revanche il n'est nul besoin de changer de cannes tous les ans, s'agissant d'équipements de faible usure dont le renouvellement triennal apparaît suffisant'; quant aux prothèses de pied en silicone, la Haute Autorité de Santé en préconise le remplacement une fois tous les cinq ans seulement, s'agissant d'un matériau présentant un haut niveau de résistance.

Aussi, sur la base de ce qui précède et après application du coefficient de capitalisation viagère au taux d'intérêt de 0'% issu du barème de la Gazette du Palais 2020, dont M. [M] revendique lui-même l'application, ce poste de préjudice sera apprécié comme suit':

- s'agissant des chaussures orthopédiques (semelles thermoformées incluses)':

* de la consolidation du 28 février 2017 jusqu'au présent arrêt liquidatif': 1.682,41 € X 2 paires X 6 ans et 3 mois = 21.030,13 €

* pour l'avenir et à titre viager, s'agissant d'un homme âgé de 42 ans à ce jour': 1.682,41 € X 2 paires X 38,173 = 128.445,27 €

- s'agissant des cannes':

* du 28 février 2017 jusqu'au présent arrêt liquidatif':

79 € / 3 X 6 ans et 3 mois = 164,58 €

* pour l'avenir et à titre viager, s'agissant d'un homme âgé de 42 ans à ce jour': 79 € / 3 X 38,173 = 1.005,22 €

- s'agissant de la prothèse de pied en silicone':

* du 28 février 2017 jusqu'au présent arrêt liquidatif':

8.755,01 € / 5 X 6 ans et 3 mois = 10.943,76 €

* pour l'avenir et à titre viager, s'agissant d'un homme âgé de 42 ans à ce jour': 8.755,01 € / 5 X 38,173 = 66.841 €

Total dépenses de santé futures': 228.429,96 €, sauf à déduire de la créance de la CPAM (102.655,32 €)'; reste dû à M. [M] à ce titre': 125.774,64 €

D - Incidence professionnelle':

Il convient encore de rappeler que M. [M] est recevable à réclamer une indemnité à ce titre, et ce, quand bien même il ne s'est jamais prévalu d'un tel préjudice antérieurement.

En effet et en tout état de cause, il est constant que son état s'est aggravé depuis la dernière liquidation transactionnelle de ses préjudices en date du 3 octobre 2015, puisqu'il a dû subir une amputation de l'avant-pied droit au mois de juin 2016.

A cet égard, la cour n'est pas liée par l'appréciation de l'expert selon laquelle dans les suites de cette dernière consolidation, aucun élément objectif ne permet d'indiquer que M. [M] serait dans l'incapacité de reprendre un emploi sédentaire.

En effet, si l'amputation de la moitié d'un pied n'interdit certes pas de travailler, en revanche elle complique l'exercice d'une activité professionnelle puisque M. [M] marche désormais avec une plus grande difficulté qu'auparavant et, par ailleurs, souffre de troubles de l'équilibre avec risques de chute qu'il ne peut limiter qu'au moyen de cannes dont le port constitue une gêne objective pour l'exercice d'une activité professionnelle, quelle qu'elle soit.

Ainsi, l'incidence professionnelle de l'état actuel du blessé n'est pas sérieusement contestable.

Par ailleurs, le fait que M. [M] ait toujours peiné à s'insérer professionnellement n'est en rien la preuve que son état résultant de l'accident n'y a pas contribué'; au contraire, cet état a nécessairement compliqué cette insertion, à défaut d'en être la seule cause.

Ainsi M. [M] souffre-t-il d'une dévalorisation sur le marché de l'emploi par rapport à d'autres personnes non frappées d'un handicap comparable, ainsi que d'une pénibilité et d'une fatigabilité accrues dans l'exercice de tous les gestes professionnels dès lors qu'ils nécessitent le moindre déplacement.

En réalité, seuls les métiers strictement sédentaires et autorisant une position assise quasi-permanente lui sont désormais autorisés, ce qui limite considérablement le champ de ses recherches d'emploi.

Par ailleurs, à supposer qu'il en trouve un, son manque de polyvalence - consécutif à sa mobilité réduite - serait nécessairement un frein à ses possibilités de promotion professionnelle, le salarié risquant d'être cantonné à des tâches moins intéressantes et moins bien rémunérées que celles qui lui seraient dévolues s'il disposait d'une mobilité physique complète.

Dès lors et sur la base d'une perte de rémunération quotidienne de 25 € par rapport à celle qu'il aurait pu percevoir s'il n'avait pas été atteint des troubles résultant de la dernière aggravation de son état, il y a lieu de lui accorder, en réparation de cette incidence professionnelle pour une durée moyenne de 226 jours travaillés par an':

- pour la période postérieure à la consolidation du 28 février 2017 jusqu'au jour du présent arrêt liquidatif':

226 jours X 25 € X 6 ans et 3 mois = 35.312,50 €

- pour l'avenir et jusqu'à l'âge prévisible de sa retraite à l'âge de 64 ans, s'agissant d'un homme âgé de 42 ans à ce jour':

226 jours X 25 € X 21,008 = 118.695,20 €

Total incidence professionnelle : 35.312,50 + 118.695,20 = 154.007,70 €

E - Déficit fonctionnel temporaire':

M. [M] sollicite la confirmation du jugement en ce qu'il lui a accordé à ce titre une indemnité d'un montant total de 2.829,60 €.

Quant à l'assureur, sans se prononcer expressément sur ce chef de préjudice, il conclut à la confirmation globale du jugement, si ce n'est sur la sanction du doublement des intérêts au taux légal prévue à l'article 16 de la loi du 5 juillet 1985.

Dès lors et d'un commun accord entre les parties, le jugement sera confirmé quant au montant de l'indemnité accordée à M. [M] au titre du déficit fonctionnel temporaire.

F - Souffrances endurées':

Il convient encore de rappeler que si ce poste de préjudice a déjà été réparé à plusieurs reprises à la suite des précédentes consolidations de la victime, il s'est à nouveau aggravé depuis la rechute de juin 2016, consécutivement à la dernière amputation du blessé.

Précédemment décrit par l'expert et évalué par celui-ci à 3/7, ce préjudice sera justement indemnisé, à l'instar de ce qu'ont retenu les premiers juges, à hauteur de 7.000 €.

G - Préjudice esthétique':

Le jugement sera confirmé en ce qu'il a liquidé ce préjudice dans sa composante temporaire à la somme de 1.500 € et dans sa composante permanente à la somme de 2.000 €, étant encore rappelé qu'il ne s'agit là que de l'indemnisation du seul préjudice consécutif à l'amputation trans-métatarsienne de juin 2016, affectant un pied déjà très traumatisé auparavant et pour lequel le blessé a reçu d'autres indemnisations précédemment.

H - Déficit fonctionnel permanent :

Précédemment fixé à 30'%, ce déficit a été augmenté de 12'% à l'occasion de la dernière expertise, M. [M] étant désormais atteint d'un déficit évalué à 42'% depuis qu'il a fait l'objet d'une amputation trans-métatarsienne déclarée consolidée à effet du 28 février 2017.

Pour indemniser cette aggravation à hauteur de 42.360 €, le tribunal a retenu une valeur de 3.530€ le point (12 X 3.530).

M. [M] sollicite la majoration de cette évaluation, réclamant en effet, sur la base d'une indemnité journalière de 30 € depuis la date de dernière consolidation jusqu'à l'arrêt à intervenir et sur une base viagère pour l'avenir, l'allocation d'une certaine indemnité censée correspondre à son taux actuel de déficit permanent (42 %), sauf à déduire la part indemnitaire correspondant au taux précédent (30 %).

Au contraire, l'assureur récuse ce mode de calcul, contestant toute référence au déficit fonctionnel permanent précédemment fixé à 30'% et excluant que puisse être remise en cause l'indemnisation qui avait alors été librement acceptée par M. [M], soit 64.050 €.

Finalement, l'assureur conclut à la confirmation du jugement sur ce poste de préjudice.

Sur ce, la cour rappelle au contraire qu'il est indispensable d'évaluer l'aggravation du déficit fonctionnel permanent en tenant compte des sommes déjà accordées en réparation du même préjudice, dès lors en effet':

- d'une part qu'il s'agit bien du même préjudice, et non de deux préjudices distincts qui s'ajouteraient l'un à l'autre';

- d'autre part que la valeur unitaire du point est strictement corrélée au taux de déficit, celle-ci augmentant en effet de manière exponentielle en fonction de l'importance du taux retenu.

Par suite, il convient de liquider l'aggravation du déficit fonctionnel permanent subi par M. [M] par référence à la valeur du point d'incapacité correspondant à son déficit actuel de 42'%, avant d'en déduire le montant de l'indemnité qui lui a été précédemment allouée en réparation du déficit antérieurement retenu, soit 30 %.

Ainsi et sur cette base, eu égard à l'âge de la victime au jour de sa dernière consolidation (soit 36 ans), l'aggravation de son déficit fonctionnel permanent pourrait être apprécié à hauteur de':

42 X 3.530 = 148.260 - 64.050 = 84.210 €

Toutefois et dans la mesure où l'appelant limite sa demande à la somme de 58.289,04 €, la cour ne saurait lui accorder une indemnité d'un montant supérieur.

RECAPITULATIF :

Les différents préjudices subis par M. [M] du fait de la dernière aggravation de son état consécutif à l'accident du 13 février 1995 seront liquidés comme suit':

- dépenses de santé actuelles': 2.993,53 € dont':

* 774,82 € de frais hospitaliers'supportés par la CPAM

* 1.669,99 € de frais médicaux supportés par la CPAM

* 294,49 € de frais d'appareillage'restés à la charge de M. [M]

* 254,23 € de frais médicaux restés à la charge'de M. [M]

- frais divers'restés à la charge de M. [M]': 387,40 €

- dépenses de santé futures': 228.429,96 € dont 102.655,32 € supportés par les CPAM et 125.774,64 € restant à la charge de M. [M]

- incidence professionnelle': 154.007,70 €

- déficit fonctionnel temporaire': 2.829,60 €

- souffrances endurées': 7.000 €

- préjudice esthétique'(temporaire et permanent)': 3.500 €

- déficit fonctionnel permanent : 58.289,04 €

IV - Sur la demande de doublement des intérêts':

L'article L 211-9 du code des assurances dispose':

«'Quelle que soit la nature du dommage, dans le cas où la responsabilité n'est pas contestée et où le dommage a été entièrement quantifié, l'assureur qui garantit la responsabilité civile du fait d'un véhicule terrestre à moteur est tenu de présenter à la victime une offre d'indemnité motivée dans le délai de trois mois à compter de la demande d'indemnisation qui lui est présentée. Lorsque la responsabilité est rejetée ou n'est pas clairement établie, ou lorsque le dommage n'a pas été entièrement quantifié, l'assureur doit, dans le même délai, donner une réponse motivée aux éléments invoqués dans la demande.

Une offre d'indemnité doit être faite à la victime qui a subi une atteinte à sa personne dans le délai maximum de huit mois à compter de l'accident. En cas de décès de la victime, l'offre est faite à ses héritiers et, s'il y a lieu, à son conjoint. L'offre comprend alors tous les éléments indemnisables du préjudice, y compris les éléments relatifs aux dommages aux biens lorsqu'ils n'ont pas fait l'objet d'un règlement préalable.

Cette offre peut avoir un caractère provisionnel lorsque l'assureur n'a pas, dans les trois mois de l'accident, été informé de la consolidation de l'état de la victime. L'offre définitive d'indemnisation doit alors être faite dans un délai de cinq mois suivant la date à laquelle l'assureur a été informé de cette consolidation.

En tout état de cause, le délai le plus favorable à la victime s'applique.

En cas de pluralité de véhicules, et s'il y a plusieurs assureurs, l'offre est faite par l'assureur mandaté par les autres.'»

L'article R 211-40 du même code précise quant à lui':

«'L'offre d'indemnité doit indiquer, outre les mentions exigées par l'article L 211-16, l'évaluation de chaque chef de préjudice, les créances de chaque tiers payeur et les sommes qui reviennent au bénéficiaire. Elle est accompagnée de la copie des décomptes produits par les tiers payeurs.

L'offre précise, le cas échéant, les limitations ou exclusions d'indemnisation retenues par l'assureur, ainsi que leurs motifs. En cas d'exclusion d'indemnisation, l'assureur n'est pas tenu, dans sa notification, de fournir les indications et documents prévus au premier alinéa.'»

A cet égard, une offre manifestement insuffisante ou incomplète est assimilable à une absence d'offre, sa suffisance ou son insuffisance devant être appréciée en fonction des informations dont l'assureur disposait au moment où il l'a présentée.

Enfin, l'article L 211-13 du même code dispose':

«'Lorsque l'offre n'a pas été faite dans les délais impartis à l'article L 211-9, le montant de l'indemnité offerte par l'assureur ou allouée par le juge à la victime produit intérêt de plein droit au double du taux de l'intérêt légal à compter de l'expiration du délai et jusqu'au jour de l'offre ou du jugement devenu définitif. Cette pénalité peut être réduite par le juge en raison de circonstances non imputables à l'assureur.'»

En l'espèce, pour condamner la société MMA au paiement des intérêts au double du taux légal du 6 mai au 5 décembre 2018 sur l'ensemble des sommes qu'il a liquidées au profit de M. [M], le tribunal a retenu':

- qu'alors que l'assureur avait eu connaissance de la consolidation de la victime dès le 6 décembre 2017, date à laquelle il avait reçu communication du rapport d'expertise, il avait attendu le 27 novembre 2018, sans justification admissible de ce retard, pour adresser à la victime une offre d'indemnisation provisionnelle, et le 18 décembre 2018 pour lui adresser une offre définitive, ayant par là même excédé les délais qui lui étaient impartis par la loi';

- que l'assureur s'exposait dès lors à la sanction légale à compter du jour où, au plus tard, il aurait dû présenter son offre d'indemnisation définitive et ce, jusqu'à la date à laquelle il l'avait effectivement présentée.

Sans contester son retard ni le principe de cette sanction, la société MMA demande en revanche à la cour de ne pas l'appliquer à l'ensemble des indemnités allouées judiciairement, mais seulement aux sommes que l'assureur a offertes à la victime, même avec retard.

L'assureur conteste également que des intérêts, même au seul taux légal, puissent courir dès le 5 décembre 2018, date de son offre.

Quant à M. [M], s'il réclame l'application de la sanction prévue à l'article L 211-13, il demande en revanche à la cour de l'appliquer, non pas seulement aux sommes offertes par l'assureur, qu'il estime manifestement insuffisantes et par là même inexistantes, mais aux sommes judiciairement liquidées, et ce, sans déduction des créances des caisses de sécurité sociale ni des provisions versées.

Subsidiairement et pour le cas où la cour considérerait comme suffisante l'offre formulée par la société MMA par voie de conclusions du 3 septembre 2019, M. [M] demande à la cour d'appliquer la sanction au montant de cette offre, toujours sans déduction des créances des caisses ni des provisions versées, et ce, pour la période du 25 mars 2018 au 3 septembre 2019.

Sur ce, la cour observe':

- qu'ayant reçu communication, dès le 6 décembre 2017, du rapport d'expertise qui déclarait M. [M] consolidé des suites de sa dernière aggravation, la société MMA disposait d'un délai expirant le 6 mai 2018 pour lui adresser une offre d'indemnisation définitive';

- que les deux offres qu'elle lui a fait parvenir successivement les 27 novembre et 5 décembre 2018, soit avec près de sept mois de retard par rapport au délai imparti par la loi, n'étaient pas conformes à celles exigées par l'article L 211-13 puisque, d'une part elles sont toutes les deux qualifiées de «'provisionnelles'» alors que l'assureur disposait de toutes les informations nécessaires pour formuler une offre d'indemnisation définitive, d'autre part elles ne comprennent pas l'ensemble des préjudices indemnisables tels que relevés dans le rapport d'expertise, en particulier les frais d'équipement en chaussures orthopédiques estimés nécessaires par l'expert, alors au surplus que les frais en résultant constituent une part très importante des sommes dues à M. [M]';

- que l'ultime offre que la société MMA a formulée par voie de conclusions du 3 septembre 2019 n'est pas non plus conforme à celle exigée par la loi, en ce qu'elle ne prévoit toujours pas, même à titre subsidiaire, l'indemnisation des frais de fourniture des chaussures orthopédiques préconisés par l'expert ;

- qu'ainsi, il est établi que l'assureur a manqué à son obligation de saisir la victime d'une offre d'indemnisation conforme à celle exigée par la loi, s'exposant dès lors à la sanction prévue en pareil cas, soit l'application des intérêts au double du taux légal à l'ensemble des indemnités finalement allouées par la cour, sans déduction des créances des tiers payeurs ni des provisions versées, et ce, à compter du 7 mai 2018 jusqu'au jour où le présent arrêt liquidatif deviendra définitif.

Le jugement sera infirmé en ce sens.

III - Sur les autres demandes :

Le jugement sera confirmé en ce qu'il a condamné la société MMA aux entiers dépens de première instance ainsi qu'à payer à M. [M] une somme de 1.800 € au titre des frais irrépétibles de première instance.

Y ajoutant, la cour condamnera la société MMA à lui payer une somme complémentaire de 4.000€ au titre des frais irrépétibles exposés en cause d'appel.

Enfin, les dépens d'appel seront réservés.

PAR CES MOTIFS,

La cour :

Statuant publiquement par mise à disposition, par défaut et en dernier ressort :

- confirme le jugement en ce qu'il a liquidé le déficit fonctionnel temporaire subi par M. [O] [M] à la suite de la dernière aggravation de son état à la somme de 2.829,60 €, son préjudice de frais divers à la somme de 387,40 €, son préjudice de souffrances endurées à la somme de 7.000 €, son préjudice esthétique temporaire à la somme de 1.500 €, son préjudice esthétique permanent à la somme de 2.000 €, en ce qu'il a condamné la société MMA au paiement des sommes précitées sous déduction des provisions déjà versées, en ce qu'il a condamné la société MMA à payer à M. [M] une somme de 1.800 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile, enfin en ce qu'il a condamné la société MMA aux entiers dépens de première instance avec droit de recouvrement direct au profit de l'avocat du demandeur';

- l'infirmant pour le surplus de ses dispositions, statuant à nouveau et y ajoutant':

* liquide comme suit les autres préjudices subis par M. [M] par suite de la dernière aggravation de son état':

° dépenses de santé actuelles': 2.993,53 € dont 548,72 € dus à M. [M]

° dépenses de santé futures': 228.429,96 € dont 125.774,64 € dus à M. [M],

° incidence professionnelle': 154.007,70 €,

° déficit fonctionnel permanent : 58.289,04 €';

* condamne la société MMA à payer'à M. [M] lesdites indemnités, sous déduction de la créance des caisses de sécurité sociale ainsi que des provisions déjà versées';

* dit que la société MMA supportera, à titre de sanction prévue à l'article L 211-13 du code des assurances, le paiement des intérêts au double du taux légal sur l'ensemble des indemnités ainsi liquidées (tant celles fixées par le tribunal et confirmées par la cour que celles fixées par la cour), sans déduction des créances des tiers payeurs ni des provisions versées, et ce pour la période du 7 mai 2018 jusqu'au jour où le présent arrêt deviendra définitif';

* avant-dire-droit sur l'évaluation des préjudices d'aide humaine, d'aménagement du logement et d'adaptation du véhicule automobile'subis par M. [M] depuis la dernière intervention chirurgicale de juin 2016, ordonne une expertise complémentaire';

* commet pour y procéder M. le Docteur [C] [I], expert en médecine physique et de réadaptation, exerçant à l'hôpital [Adresse 11], qui pourra se faire assister de tout sapiteur de son choix, notamment spécialisé en ergothérapie, qui aura pour mission de':

1) Se faire communiquer par les parties ou leurs conseils ou par tous tiers détenteurs, avec l'accord de la victime toutes les pièces nécessaires, en particulier :

° les rapports d'expertise précédents (amiable ou judiciaire),

° les renseignements d'identité de la victime,

° tous les documents médicaux nécessaires à sa mission,

° tous les éléments relatifs au mode de vie du blessé depuis l'aggravation survenue en juin 2016 (degré d'autonomie, lieu habituel de vie)';

2) Après recueil de l'avis des parties, déduire de ces éléments d'informations le lieu ou les lieux de l'expertise et prendre toutes les dispositions pour sa réalisation en présence d'un membre de l'entourage';

3) Relater les constatations médicales faites après l'accident ainsi que l'ensemble des interventions et soins, y compris la rééducation, et en particulier ceux témoignant de l'aggravation';

4) Recueillir de façon précise, au besoin séparément, les déclarations de la victime et des membres de son entourage';

5) A partir des déclarations de la victime et des documents médicaux fournis, décrire l'aggravation de l'état séquellaire et les conséquences sur l'autonomie de la victime';

6) Procéder à la réalisation d'un bilan situationnel détaillé permettant de :

° décrire la vie de la victime dans ses activités quotidiennes';

° définir les moyens de compensations nécessaires pour la réalisation des tâches et exigences générales, la mobilité, l'entretien personnel, la vie domestique, les relations et interactions avec autrui, l'éducation, le travail et l'emploi, la vie économique, la vie communautaire, sociale et civique';

° préciser la nature de l'aide à prodiguer et sa durée quotidienne';

° préciser s'il existe une nécessité à l'intervention d'un personnel spécialisé ou non depuis l'aggravation de juin 2016 jusqu'à la consolidation du 28 février 2017, puis à titre définitif'depuis cette date ;

° décrire les besoins qui ont été nécessaires entre l'aggravation de juin 2016 et la date de consolidation fixée au 28 février 2017, puis depuis le 28 février 2017';

° indiquer les adaptations des lieux de vie et du véhicule de la victime à son nouvel état';

° donner tous les éléments de nature à éclairer les parties sur les spécificités de la prise en charge de la victime';

° établir un pré-rapport et répondre, dans son rapport définitif, aux éventuelles observations écrites des parties';

° indiquer, dans les deux mois à compter de sa désignation, le montant de sa rémunération définitive prévisible afin que soit éventuellement ordonnée une provision complémentaire dans les conditions de l'article 280 du code de procédure civile ; à défaut d'une telle indication, le montant de la consignation initiale constituera la rémunération définitive de l'expert ;

* dit que l'expert commis devra adresser à la cour ainsi qu'à l'ensemble des parties son rapport définitif dans un délai maximal de huit mois à compter de sa saisine';

* fixe à la somme de 2.000 € le montant de la provision à valoir sur les frais d'expertise, et ce, aux frais avancés de M. [M] qui devra les régler auprès de la régie de la cour d'appel au plus tard pour le 17 juillet 2023, à défaut de quoi la désignation de l'expert sera caduque';

* désigne tout magistrat de la première chambre civile de la cour pour surveiller les opérations d'expertise ;

* déboute les parties du surplus de leurs demandes';

* condamne la société MMA à payer'à M. [M] une somme de 4.000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile en cause d'appel';

* condamne la société MMA aux entiers dépens de la procédure d'appel';

* renvoie l'affaire à l'audience de mise en état virtuelle du mercredi 7 février 2024 à 9 heures 30 ;

* réserve les dépens de la procédure d'appel.

LE GREFFIER LE PRÉSIDENT

M. COLLET G. GUIGUESSON


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Caen
Formation : 1ère chambre civile
Numéro d'arrêt : 20/00558
Date de la décision : 16/05/2023
Sens de l'arrêt : Renvoi

Origine de la décision
Date de l'import : 26/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2023-05-16;20.00558 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award