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27/04/2023 | FRANCE | N°23/00923

France | France, Cour d'appel de Caen, Recours soins psychiatriq, 27 avril 2023, 23/00923


C O U R D ' A P P E L D E C A E N



JURIDICTION DU PREMIER PRÉSIDENT

CONTENTIEUX DES PERSONNES HOSPITALISÉES SANS LEUR CONSENTEMENT





N° RG 23/00923 - N° Portalis DBVC-V-B7H-HGC5

N° MINUTE : 34/2023



AUDIENCE PUBLIQUE DU 27 Avril 2023





O R D O N N A N C E







CONTRÔLE DE PLEIN DROIT DE L'HOSPITALISATION









Appel de l'ordonnance rendue le 19 Avril 2023 par le Juge des libertés et de la détention d'ALENCON



APPELANT :

>
Monsieur le directeur du CPO D'[Localité 3]

[Adresse 2]

[Localité 3]

non comparant, non représenté,



INTIME :



Monsieur [T] [D]

né le 22 Avril 2004 à [Localité 3]

[Adresse 1]

[Localité 4]

N...

C O U R D ' A P P E L D E C A E N

JURIDICTION DU PREMIER PRÉSIDENT

CONTENTIEUX DES PERSONNES HOSPITALISÉES SANS LEUR CONSENTEMENT

N° RG 23/00923 - N° Portalis DBVC-V-B7H-HGC5

N° MINUTE : 34/2023

AUDIENCE PUBLIQUE DU 27 Avril 2023

O R D O N N A N C E

CONTRÔLE DE PLEIN DROIT DE L'HOSPITALISATION

Appel de l'ordonnance rendue le 19 Avril 2023 par le Juge des libertés et de la détention d'ALENCON

APPELANT :

Monsieur le directeur du CPO D'[Localité 3]

[Adresse 2]

[Localité 3]

non comparant, non représenté,

INTIME :

Monsieur [T] [D]

né le 22 Avril 2004 à [Localité 3]

[Adresse 1]

[Localité 4]

Non comparant, représenté par Maître SAINT LEGER Dorian, avocat au barreau de Caen, commis d'office,

PARTIES INTERVENANTES :

Monsieur [M] [D], père et tiers demandeur à l'hospitalisation,

[Adresse 6]

[Adresse 6]

[Localité 5]

non comparant, non représenté,

LE MINISTÈRE PUBLIC :

En l'absence du ministère public, auquel l'affaire a été régulièrement communiquée,

Devant Nous, Agnès QUANTIN, présidente de chambre, déléguée par ordonnance du premier président, assistée de Emilie SALLES, greffière ;

A l'audience publique du 27 Avril 2023, a été entendu : l'avocat de [T] [D].

Les parties comparantes ayant été avisées à l'issue des débats que l'ordonnance serait prononcée le même jour et leur serait immédiatement notifiée ;

Les réquisitions de Monsieur le procureur général ont été lues par la présidente en son rapport.

ORDONNANCE rendue par mise à disposition au greffe le 27 Avril 2023 ;

Nous, Agnès QUANTIN,

Vu l'ordonnance du Juge des libertés et de la détention d'ALENCON qui a ordonné la mainlevée de la mesure d'hospitalisation complète de Monsieur [T] [D], ayant fait l'objet d'une décision de réadmission en hospitalisation complète en date du 13 avril 2023 prise par le directeur du centre Psychothérapeutique de l'Orne (CPO).

Vu la notification de cette ordonnance le 19 avril 2023 à Monsieur [T] [D] ;

Vu l'appel de cette ordonnance interjeté par Monsieur le directeur CPO D'[Localité 3] le 19 Avril 2023 ;

Vu les avis adressés aux parties et au ministère public les informant de la tenue de l'audience le 27 Avril 2023 à 14h00 ;

Vu les pièces du dossier ;

Vu l'avis écrit de Monsieur le procureur général ;

DÉCISION :

Procédure

Vu les articles L. 3211-1 et suivants, R. 3211-1 et suivants du code de la santé publique,

Le 13 avril 2023, Monsieur [T] [D] a fait l'objet d'une décision de réadmission en hospitalisation prise par le directeur du centre Psychothérapeutique de l'Orne (CPO).

Par requête en date du 17 avril 2023, le directeur du CPO D'[Localité 3], a saisi le Juge des libertés et de la détention d'ALENCON aux fins de statuer sur la poursuite de l'hospitalisation complète de Monsieur [T] [D] sur le fondement des articles L.3211-12-1 et suivants du code de la santé publique ;

Par ordonnance du 19 Avril 2023, le Juge des libertés et de la détention d'ALENCON a ordonné la mainlevée de l'hospitalisation complète dont fait l'objet Monsieur [T] [D] ; cette décision a été notifiée le jour même à l'intéressé, le directeur du CPO en a interjeté appel le 19 Avril 2023.

Conformément aux dispositions de l'article R. 3211-19 du code de la santé publique, Monsieur [T] [D], son conseil, le directeur du CPO D'[Localité 3], Monsieur [M] [D] et LE MINISTÈRE PUBLIC ont été avisés que l'audience se tiendrait le 27 Avril 2023 à 14h00 ;

Le docteur [V] [U] a établi le 19 avril 2023 un certificat médical de situation.

Sur la recevabilité de l'appel

L'appel formé par Monsieur le directeur du CPO d'[Localité 3] est recevable pour avoir été interjeté dans le délai et selon les modalités prévues par les articles R 3211-18 et R 3211-19 du code de la santé publique.

Sur le fond

Aux termes du I de l'article L. 3212-1 du code de la santé publique, « une personne atteinte de troubles mentaux ne peut faire l'objet de soins psychiatriques sur la décision du directeur d'un établissement mentionné à l'article L. 3222-1 du même code que lorsque les deux conditions suivantes sont réunies : 1° Ses troubles mentaux rendent impossible son consentement ; 2° Son état mental impose des soins immédiats assortis soit d'une surveillance médicale constante justifiant une hospitalisation complète, soit d'une surveillance médicale régulière justifiant une prise en charge sous la forme mentionnée au 2° de l'article L. 3211-2-1 ».

[T] [D] a fait l'objet d'une décision d'admission en soins psychiatriques prise le 7 mars 2023 par le directeur du CPO, sur demande d'un tiers, au vu d'un certificat médical du même jour établi par le docteur [N], psychiatre au Centre Médico Psychologique (CMP) d'[Localité 3] qui mentionnait :

' Patient sans antécédent psychiatrique qui présente un état d'excitation psychomotrice avec

violence évoluant depuis environ 4 jours dans un contexte de consommation de cannabis et d'alcool

et aussi une rupture sentimentale récente.

A l'entretien, il est instable, tendu, excité avec une labilité thymique entre les larmes et l'euphorie. ll est logorrhéique et tient des idées de grandeur. ll reconnait une addiction forte au cannabis et

évoque un projet de sevrage ; toutefois, il en a déjà consommé ce matin.

Il s'est montré violent vis-à-vis de sa mère au cours de l'entretien.

ll n'a aucune conscience de ses troubles. ll refuse l'hospitalisation et devient plus tendu et

menaçant à la limite du passage à l'acte hétéroagressif.'

Le certificat des 24 heures établi le 8 mars 2023 par un psychiatre du CPO mentionnait :

'Monsieur [D] fait I'objet d'une admission en soins psychiatrique en urgence pour avoir présenté un état d'agitation psychomotrice avec passage à l'acte hétéroagressif grave sur une soignante lors de sa prise en charge au SAU d'[Localité 3].

Ce trouble de comportement survient dans un contexte de consommation massive de toxiques que le patient justifie par des événements douloureux récemment vécus (rupture sentimentale avec son amie).

Dans ses antécédents, on retrouve une dépendance au cannabis depuis 4 ans avec plusieurs tentatives de sevrage sans succès. ll est bien conscient des effets délétères du cannabis mais il reconnait à cette substance des vertus apaisantes qui permettent de faire face et de contenir ses émotions.

Il se décrit volontiers, comme étant hyperactif et ce, depuis la petite enfance, sans que cela ne justife une prise en charge.

A l'entretien ce jour, en dépit d'une communicabilité importante, le contact est de bonne qualité de même que son discours qui est dépourvu de toute manifestation délirante. ll tente d'expliquer ses troubles du comportement par la rupture sentimentale brutale imposée par son amie face à laquelle il aurait consommé une quantité importante d'alcool et majoré sa consommation de cannabis. Son humeur est à la limite d'un versant dysphorique mais pouvant être en lien avec sa consommation de toxiques .ll explique avoir un bon étayage familial et se décrit comme une personne pouvant

s'emporter facilement avec une agressivité verbale sans toutefois passer à l'acte. L'observation de Monsieur [D] fait apparaître une faible estime de soi et un faible niveau de tolérance à la frustration. ll fait le lien entre sa consommation et la recherche de plaisir dans un but de combler un vide qu'il n'arrive pas à retrouver auprès de ses proches. On relève également quelques traits de fonctionnement en lien avec un aménagement pathologique de la personnalité.

L'évaluation psychiatrique ne décèle pas d'idée noire ni d'intentionnalité suicidaire.

ll est accessible au remord et critique ses troubles du comportement et les conséquences de ses actes.

Cependant, concernant les soins, il estime que l'hospitaIisation n'est pas nécessaire et que cela pourrait au contraire porter préjudice sur les préparatifs de son bac. ll exprime son souhait d'un suivi en ambulatoire et le maintien des liens avec ses proches.

Malgré la critique de ses troubles du comportement, son état clinique reste très fragile et justifie la poursuite de son hospitalisation complète afin d'approfondir son évaluation tant sur le plan diagnostic que thérapeutique.

Compte tenu de son fonctionnement impulsif, le risque de rupture de soins est important alors que son état clinique reste inquiétant.

Etant l'incapacité de consentir librement à la poursuite des soins, il convient de maintenir la mesure de soins sans consentement d'une part pour l'évaluer et d'autre part pour bien préparer son suivi en ambulatoire.'

Le certificat des 72 h établi par un autre psychiatre du CPO mentionnait :

'Patient admis pour agitation et troubles du comportement (agressivité avec un soignant aux urgences et menaces de passage à l'acte auto agressif) dans un contexte de séparation affective récente.

A cela, s'ajoute une consommation de toxiques importante. Dans l'anamnèse on notera un changement brutal de comportement ces derniers jours qui ont alerté les proches.

Les troubles sont banalisés ou rationalisés. Le discours est peu cohérent avec beaucoup de diffluence.

On retrouve une logorrhée, une tachypsychie, une Iabilité émotionnelle ainsi qu'une impulsivité et une immaturité. ll existe un déni partiel de ses troubles et l'adhésion aux soins est insuffisante.

Le risque suicidaire est présent et une surveillance est nécessaire.

La mesure d'hospitalisation sous contrainte doit se poursuivre.'

Ce praticien concluait au maintien de la mesure d'hospitalisation complète.

L'avis motivé établi le 13 mars 2023 par un autre psychiatre du CPO mentionnait :

'Patient hospitalisé pour des troubles du comportement à type d'agitation psychomotrice avec des conduites d'hétéro-agressivité au niveau familial et sur les soignants au niveau du service des urgences où il était pris en charge.

L'ensemble du tableau s'est présenté sur fond de consommations accentuées de toxiques ces dernières semaines et une rupture sentimentale.

A son admission, il a été mis en évidence une tension psychique, une labilité thymique sur fond de discours prolixe traduisant une souffrance psychique d'où les conduites d'irritabilité et hétéro-agressivité.

Le patient banalisait les troubles avec un déni et refus de soins.

Ce jour, on note la disparition de l'agitation psychomotrice et des velléités de passage à l'acte qu'il avait exprimé au début de sa prise en charge, néanmoins toujours tachypsychique avec un discours logorrhéique.

On note la persistance des fluctuations thymiques, le patient reste peu critique sur les troubles avec l'absence de reconnaissance de la nécessité des soins ce jour.

Notion de trouble du sommeil.

Une symptomatologie accentuée et entretenue par le syndrome de manque dû au sevrage du cannabis.

ll est nécessaire de maintenir les soins psychiatriques sous contrainte.'

Ce praticien concluait au maintien de la mesure d'hospitalisation complète.

Par ordonnance en date du 15 mars 2023, le juge des libertés et de la détention du tribunal judiciaire d'Alençon, saisi par le directeur du CPO aux fins de statuer sur la poursuite de la mesure d'hospitalisation complète, avait ordonné la mainlevée de cette mesure et avait dit que cette mainlevée prendra effet dans un délai de vingt quatre heures à compter de la notification de la présente ordonnance, afin qu'un programme de soins puisse être établi par un médecin psychiatre de l'établissement.

Un programme de soins avait été établi le 16 mars 2023.

Le psychiatre qui l'examinait ce 16 mars 2023 mentionnait :

'Patient hospitalisé pour des troubles du comportement à type d'agitation psychomotrice avec des conduites d'hétéro-agressivité au niveau familial et sur les soignants au niveau du service des urgences où il était pris en charge.

L'ensemble du tableau s'est présenté sur fond de consommations accentuées de toxiques ces demières semaines et une rupture sentimentale.

A son admission, il a été mis en évidence une tension psychique, une labilité thymique sur fond de discours prolixe traduisant une souffrance psychique d'où les conduites d'irritabilité et hétéro-agressivité. Le patient banalisait les troubles avec un déni et refus de soins.

Ce jour, on note une persistance de la logorrhée, avec une humeur labile, des idées de grandeur auxquelles il adhère partiellement, beaucoup de projets parfois contradictoires, critique bien son comportement agressif à l'admission, disparition de l'agitation motrice et des velléités de passage à l'acte qu'il avait exprimé au début de sa prise en charge.

Néanmoins, reste peu critique sur ses troubles ce qui risque de compromettre l'observance à sa prise en charge.

Suite à la mainlevée de l'hospitalisation complète par le juge des libertés et de la détention, le patient sort ce jour pour son domicile avec prise en charge ambulatoire.

Les soins sous contrainte se poursuivent sous la forme d'un programme de soins.'

L'avis médical mensuel établi le 10 avril 2023 par un psychiatre du CPO mentionnait :

'Patient hospitalisé pour des troubles du comportement maniformes dans un contexte de recrudescence de consommmations toxiques .

L'hospitalisation a permis la mise en place d'un traitement. A la suite de la mainlevée judiciaire, une

sortie pour un retour au domicile matemel dans le cadre d'un programme de soins a été organisée.

Actuellement, on note une diminution des troubles de communication, le patient se montre plus accessible, la logorrhée est moins envahissante, le patient présente une meilleure interaction avec l'entourage. On note également une amélioration du sommeil.

Toutefois, le déni des troubles persiste, le risque de rupture de soins reste présent, avec comme conséquence une rechute. Les soins sous contrainte se poursuivent sous la forme du programme de soins actuel.'

Le 13 avril 2023, un psychiatre du CPO établissait un certificat médical aux fins de transformation des soins ambulatoires en hospitalisation complète.

Il écrivait :

'Patient réadmis ce jour en hospitalisation complète suite à rechute de l'épisode maniforme ayant déjà occasionné une hospitalisation récente, et qui se manifeste par une fuite des idées, une tachypsychie à l'origine de logorrhée, une tension psychique. On note une tendance à la réduction du temps de sommeil, un contact perturbé avec une familiarité inadaptée, une difficulté pour le contrôle de sa sthénicité. Cette situation entraine des mises en danger personnelles : réactions d'agressivité secondaires à des distorsions cognitives, et prises de risque secondaires à un sentiment de toute puissance.

Le déni des troubles est total.'

L'avis motivé établi le 17 avril 2023 par un psychiatre de l'établissement pour la saisine du juge des libertés et de la détention, mentionnait :

'Patient suivi depuis plusieurs années par nos structures pour un trouble thymique.

ll vient d'être réadmis en hospitalisation complète suite à nouvelle décompensation de son trouble sous la forme d'épisode maniaque.

Les circonstances de la rechute restent inconnues, pas de notion de rupture de traitement, hormis I'arrêt du valium, pas de notion de consommation de toxique.

On note une consommation excessive de boissons énergisantes et complément hyper protidique ces derniers jours.

Ce jour, le contact reste difficile avec un discours logorrhéique associé à une tachypsychie, une fuite des idées, saut du coq à l'âne, et relâchement des associations idéiques.

ll présente une labilité thymique oscillant entre l'irritabilité et tristesse.

Le patient présente un état de surexcitation avec une hyperactivité désordonnée, des idées de grandeur, une surestimation de soi et des troubles du sommeil.

Il présente un déni et une anosognosie totale par rapport à sa pathologie.

Il est nécessaire de maintenir les soins psychiatriques sans consentement.'

Ce praticien concluait à la nécessité du maintien de l'hospitalisation complète.

Le juge des libertés et de la détention a motivé ainsi sa décision de mainlevée de la mesure d'hospitalisation complète :

'Aucun certificat médical à 24 heures,aucun certificat médical à 72 heures et aucune décision du

directeur à 72 heures n'étant communiqués, il convient de soulever d'office une irrégularité de

procédure et de prononcer la mainlevée de la mesure d'hospitalisation complète sous contrainte

de Monsieur [T] [D].'

A l'appui de sa déclaration d'appel, le directeur du CPO a communiqué un certificat médical établi le 19 avril 2022 par un psychiatre de l'établissement ainsi rédigé :

'L'état du patient nécessite des adaptations thérapeutiques en fonction de prises de sang régulières tous les 05 jours au vu des risques d'intolérance et de manque d'efficacité, assorties d'une surveillance rapprochée et quasi continue par l'équipe soignante.

Le patient est toujours en phase de sur-excitation psychomotrice pathologique sur fond d'anosognosie réfractaire à toute possibilité de travail collaboratif.

La sortie du patient engendre un risque grave d'atteinte à I'intégrité du patient ou d'autrui.

Malgré notre tentative infructueuse d'information du JLD de la situation préoccupante, nous faisons donc une demande de recours afin d'éviter une rupture prématurée des soins nécessaires.'

Le directeur du CPO soutient par ailleurs qu'en vertu de l'article L.3211-2-2 du Code de la Santé Publique, les certificats de 24H et 72H ne sont demandés que lors de la période d'observation et de soins initiale après l'admission et non dans le cas d'une réadmission après un programme de soins.

Le 24 avril 2023, un pychiatre du CPO a établi un certificat médical de situation ainsi rédigé, après consultation du dossier médical du patient :

'Jeune homme sans antécédent psychiatrique, suivi depuis 6 semaines environ par nos services, suite à l'installation en quelques jours de troubles du comportement à type de tachypsychie, logorrhée, fuite des idées, excitation psychomotrice, hétéro agressivité secondaires à une élation brutale de l'humeur.

Le patient exprime des idées de grandeur, de toute puissance, à l'origine de mises en danger et de comportements inadaptés.

Le patient a toujours nié la réalité des troubles qu'il présente, et n'a jamais adhéré à la nécessité des soins, qu'il n'a accepté que passivement et sous contrainte.

Dans ce contexte, une première hospitalisation, ayant nécessité le placement en service protégé, a permis la mise en place d'un traitement permettant l'amorce d'une amélioration sur le plan comportemental, sans amélioration sur le plan psychique comme il est courant dans ce type de pathologie, qui nécessite un traitement long et adapté.

Une première mainlevée judiciaire a décidé de la sortie d'hospitalisation du patient pour un retour au domicile de sa mère avec un suivi ambulatoire en programme de soins, au motif 'que le trouble ayant justifié l'hospitalisation avait cessé'.

Durant cette sortie, les troubles se sont à nouveau accentués, entraînant une réduction du temps de sommeil et réapparition des comportements inadaptés et agressifs, ceci, en lien avec l'arrêt de certains traitements par le patient.

Cette situation a nécessité une réintégration dans le service, 3 semaines, après sa sortie d'hospitalisation.

Une seconde mainlevée judiciaire a de nouveau décidé de la sortie d 'hospitalisation du patient pour un retour au domicile avec programme de soins ambulatoires, au motif de la non-présentation des certificats de 24H et 72H, habituellement non requis en cas de réintégration en hospitalisation d'un patient en programme de soins ambulatoires.

Nous demandons la réintégration du patient en raison de la persistance de ses troubles secondaires à une pathologie psychiatrique, à type d'excitation psychique et distorsion cognitive dans l'appréhension de la réalité, surestime de soi et sentiment d'invulnérabilité, à l'origine de risque de mise en danger.

Cette hospitalisation est nécessaire pour assurer la sécurité du patient.

Le déni du patient dans la reconnaissance des troubles, comme en témoignent tous les certificats établis par les differents psychiatres ayant examiné Mr [D], nécessite de poursuivre la mesure de contrainte, en raison du risque élevé d'arrêt des traitements.'

Dans ses réquisitions écrites en date du 21 avril 2023, Monsieur le procureur général requiert l'infirmation de l'ordonnance entreprise et le maintien de la mesure.

***

[T] [D] a fait l'objet d'une décision portant réadmission en hospitalisation complète prise le 13 avril 2023 par le directeur du CPO , au vu d'un certificat médical établi le même jour par un psychiatre de l'établissement sur le fondement de l'article L 3211-11 du code de la santé publique qui dispose :

'Le psychiatre qui participe à la prise en charge du patient peut proposer à tout moment de modifier la forme de la prise en charge mentionnée à l'article L. 3211-2-1 pour tenir compte de l'évolution de l'état de la personne. Il établit en ce sens un certificat médical circonstancié.

Le psychiatre qui participe à la prise en charge du patient transmet immédiatement au directeur de l'établissement d'accueil un certificat médical circonstancié proposant une hospitalisation complète lorsqu'il constate que la prise en charge de la personne décidée sous une autre forme ne permet plus, notamment du fait du comportement de la personne, de dispenser les soins nécessaires à son état. Lorsqu'il ne peut être procédé à l'examen du patient, il transmet un avis établi sur la base du dossier médical de la personne.'

Cette décision a été prise alors que [T] [D] faisait déjà l'objet d'une décision d'admission en soins psychiatriques, sous la forme initiale d'une hospitalisation complète, qui avait été prise par le directeur du CPO le 7 mars 2023, en application du chapitre 2 du titre 1er du livre deuxième du code de la santé publique relatif à la lutte contre les maladies mentales.

L'article L 3211-2-2 du code de la santé publique dispose :

' Lorsqu'une personne est admise en soins psychiatriques en application des chapitres II ou III du présent titre, elle fait l'objet d'une période d'observation et de soins initiale sous la forme d'une hospitalisation complète.

Dans les vingt-quatre heures suivant l'admission, un médecin réalise un examen somatique complet de la personne et un psychiatre de l'établissement d'accueil établit un certificat médical constatant son état mental et confirmant ou non la nécessité de maintenir les soins psychiatriques au regard des conditions d'admission définies aux articles L. 3212-1 ou L. 3213-1. Ce psychiatre ne peut être l'auteur du certificat médical ou d'un des deux certificats médicaux sur la base desquels la décision d'admission a été prononcée.

Dans les soixante-douze heures suivant l'admission, un nouveau certificat médical est établi dans les mêmes conditions que celles prévues au deuxième alinéa du présent article.

Lorsque les deux certificats médicaux ont conclu à la nécessité de maintenir les soins psychiatriques, le psychiatre propose dans le certificat mentionné au troisième alinéa du présent article la forme de la prise en charge mentionnée aux 1° et 2° du I de l'article L. 3211-2-1 et, le cas échéant, le programme de soins. Cette proposition est motivée au regard de l'état de santé du patient et de l'expression de ses troubles mentaux.'

Il résulte de ces dispositions que l'établissement des certificats médicaux, dans les 24 h , puis dans les 72h suivant l'admission, n'est exigé qu'au moment de l'admission initiale en soins psychiatriques sans consentement au sens de l'article L 3211-2-1 du code de la santé publique puisque le patient fait alors l'objet d'une période d'observation afin de déterminer s'il va continuer à être pris en charge sous la forme d'une hospitalisation complète, ou sous la forme d'un programme de soins.

Ces dispositions ne sont en aucun cas applicables en cas de décision de réadmission en hospitalisation complète d'une personne faisant l'objet de soins psychiatriques

C'est donc à tort que le juge des libertés et de la détention du tribunal judiciaire d'Alençon a estimé que la procédure était irrégulière.

***

Il résulte de l'ensemble des certificats et avis médicaux au dossier que [T] [D] est atteint de troubles mentaux dont le symptômes sont décrits, en particulier dans les derniers certificats médicaux en date des 17 avril, 19 avril et 24 avril 2023 : difficultés de contact, discours logorrhéique, tachypsychie, fuite des idées, saut du coq à l'âne, relâchement des associations idéiques, idées de grandeur, de toute puissance, sentiment d'invulnérabilité, surestimation de soi, troubles du sommeil,surexcitation psychomotrice, distorsion cogntitive dans l'appréhension de la réalité, comportements inadaptés et agressifs.

Il en résulte également que ces troubles nécessitent des soins sans lesquels ce patient risque de se mettre en danger ou de mettre en danger autrui.

Il en résulte enfin que [T] [D] nie la réalité de ces troubles, est dans le déni total de sa pathologie.

En conséquence, les conditions de l'article L 3212-1 du code de la santé publique demeurent réunies de telle sorte qu'il convient d'infirmer la décision du juge des libertés et de la détention en date du 19 avril 2023 et de dire que les soins psychiatriques dont fait l'objet [T] [D] peuvent se poursuivre sous la forme d'une hospitalisation complète.

PAR CES MOTIFS :

Statuant publiquement par ordonnance,

Déclarons l'appel du directeur du Centre psychothérapeutique de l'Orne recevable ;

Infirmons l'ordonnance entreprise, et, statuant à nouveau :

Disons que les soins psychiatriques dont fait l'objet [T] [D] peuvent se poursuivre sous la forme d'une hospitalisation complète.

Disons que la présente ordonnance sera notifiée à toutes les parties.

Disons que la présente décision sera communiquée au ministère public ;

Laissons les dépens à la charge de l'Etat.

LE GREFFIER

Emilie SALLES

LE PRESIDENT

Agnès QUANTIN


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Caen
Formation : Recours soins psychiatriq
Numéro d'arrêt : 23/00923
Date de la décision : 27/04/2023

Origine de la décision
Date de l'import : 26/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2023-04-27;23.00923 ?
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