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13/04/2023 | FRANCE | N°22/00819

France | France, Cour d'appel de Caen, 3ème chambre civile, 13 avril 2023, 22/00819


AFFAIRE : N° RG 22/00819 - N° Portalis DBVC-V-B7G-G6US



ARRET N°



AB





ORIGINE : Décision du Juge aux affaires familiales d'ARGENTAN du 13 janvier 2022

RG n° 21/00209









COUR D'APPEL DE CAEN

TROISIEME CHAMBRE CIVILE

ARRET DU 13 AVRIL 2023





APPELANTE :



Madame [R] [S]

née le 23 Mai 1978 à [Localité 8] (22)

[Adresse 9]

[Localité 3]



Représentée et assistée de Me Jean-François CHAPPE, avocat au barreau d'ARG

ENTAN

(bénéficie d'une aide juridictionnelle Partielle numéro 141180022022001793 du 17/03/2022 accordée par le bureau d'aide juridictionnelle de CAEN)





INTIME :



Monsieur [Y] [H]

né le 11 Août 1956 à [...

AFFAIRE : N° RG 22/00819 - N° Portalis DBVC-V-B7G-G6US

ARRET N°

AB

ORIGINE : Décision du Juge aux affaires familiales d'ARGENTAN du 13 janvier 2022

RG n° 21/00209

COUR D'APPEL DE CAEN

TROISIEME CHAMBRE CIVILE

ARRET DU 13 AVRIL 2023

APPELANTE :

Madame [R] [S]

née le 23 Mai 1978 à [Localité 8] (22)

[Adresse 9]

[Localité 3]

Représentée et assistée de Me Jean-François CHAPPE, avocat au barreau d'ARGENTAN

(bénéficie d'une aide juridictionnelle Partielle numéro 141180022022001793 du 17/03/2022 accordée par le bureau d'aide juridictionnelle de CAEN)

INTIME :

Monsieur [Y] [H]

né le 11 Août 1956 à [Localité 5] (92)

[Adresse 1]

[Localité 2]

Représenté et assisté de Me Laurence D'OLIVEIRA, avocat au barreau de CAEN

(bénéficie d'une aide juridictionnelle Totale numéro 141180022022002801 du 12/05/2022 accordée par le bureau d'aide juridictionnelle de CAEN)

DEBATS : A l'audience du 14 mars 2023 prise en chambre du conseil, sans opposition du ou des avocats, Mme LEON, Présidente de chambre, a entendu seule les observations des parties sans opposition de la part des avocats et en a rendu compte à la Cour dans son délibéré

GREFFIERE : Mme GUIBERT

COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ :

Mme LEON, Présidente de chambre,

Mme DE CROUZET, Conseillère,

Mme LOUGUET, Conseillère,

ARRET prononcé publiquement le 13 avril 2023 à 14h00 par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour et signé par Mme LEON, présidente, et Madame SALLES, greffière

******

Monsieur [Y] [H] et Madame [R] [S] ont acquis en indivision, le 8 août 2013, un bien immobilier situé a [Localité 6], chacun pour moitié.

M. [H] et Mme [S] ont conclu un pacte civil de solidarité le 17 février 2014.

Le bien immobilier a été vendu le 9 septembre 2017 au prix de 144.000 euros.

Compte tenu d'un prorata d'impôts fonciers, le prix à partager était de 144.116,75 €.

A la suite de la séparation du couple et de la rupture du pacte civil de solidarité le 17 novembre 2020, M. [H] a souhaité qu'il soit procédé à la liquidation de leur indivision.

Par acte d'huissier de justice du 31 mars 2021, M. [H] a fait assigner Mme [S] devant le juge aux affaires familiales du tribunal judiciaire d'Argentan afin d'obtenir sa condamnation à lui payer la somme de 61.475,62 € correspondant à la moitié du prix de vente ainsi que la restitution d'un chien, dénommé Nabilla.

Par jugement du 13 janvier 2022, le juge aux affaires familiales près le tribunal judiciaire d'Argentan a :

- Déclaré recevable la demande en partage ;

- Débouté M. [H] de sa demande en paiement à l'égard de Mme [S];

- Condamné Mme [S] à restituer à M. [H] le chien Nabilla, sous astreinte provisoire de 50 euros par jour de retard pendant une durée de 90 jours, passé un délai de 10 jours après la signification de la présente décision ;

- Débouté Mme [S] de sa demande reconventionnelle en paiement ;

- Dit n'y avoir lieu à l'application des dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile ;

- Dit que chacune des parties conservera la charge de ses propres dépens.

Par déclaration du 1er avril 2022, Mme [S] a interjeté appel limité de ce jugement critiquant ses dispositions relatives à la restitution du chien.

Mme [S] a fait signifier à M. [H] sa déclaration d'appel, ses conclusions et pièces suivant exploit d'huissier du 30 mai 2022.

M. [H] a constitué avocat le 7 juin 2022.

Par déclaration du 7 juin 2022, M. [H] a lui-même interjeté appel du jugement critiquant ses dispositions relatives au rejet de sa demande en paiement à l'égard de Mme [S], à l'application de l'article 700 du code de procédure civile et à la charge des dépens.

Mme [S] a constitué avocat le 16 juin 2022.

Par ordonnance du 9 novembre 2022, la jonction des deux procédures a été prononcée, la procédure devant se poursuivre sous le seul numéro RG 22/00819.

Par ses dernières écritures en date du 23 février 2023, Mme [S] conclut en ces termes :

- Réformer le jugement du 13 janvier 2022 en ce qu'il a condamné Mme [S] à restituer à M. [H] le chien Nabilla, sous astreinte provisoire de 50 € par jour de retard pendant une durée de 90 jours, passé un délai de 10 jours après la signification de la présente décision ;

Statuant à nouveau

- Dire et juger que Mme [S] est propriétaire du chien Nabilla,

- Condamner M. [H] à restituer à Mme [S] le chien Nabilla, sous astreinte provisoire de 50 € par jour de retard passé un délai de 10 jours après la signification de la présente décision ;

- Condamner M. [H] à payer à Mme [S] la somme de 4.000 € au titre de l'article 700 du CPC ;

- Condamner M. [H] aux entiers dépens.

Par ses dernières écritures en date du 28 février 2023, M. [H] conclut en ces termes :

- Dire recevable et bien fondé, l'appel interjeté par le concluant à l'encontre du jugement rendu le 13 janvier 2022 par le Juge aux affaires familiales d'Argentan,

Y faisant droit,

- Confirmer le jugement en ce qu'il a déclaré recevable la demande en partage, condamné Mme [S] à restituer à M. [H] le chien Nabilla sous astreinte et débouté Mme [S] de sa demande reconventionnelle en paiement ;

- Réformer le jugement en ce qu'il a débouté M. [H] de sa demande en paiement à l'égard de Mme [S], dit n'y avoir lieu à l'application des dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile et que chacune des parties conservera la charge de ses propres dépens ;

En tout état de cause,

- Ecarter des débats les pièces et conclusions produites par Mme [S] le 23 février 2023 en violation des articles 16, 165 et 202 du code de procédure civile;

- Débouter Mme [S] de toutes demandes, fins et conclusions plus amples ou contraires ;

- Condamner Mme [S] à payer à M. [H] la somme de 61.475,62 € au titre de la quote-part qui lui revient dans le cadre du partage de l'indivision ;

- La condamner à verser au concluant la somme de 1.000 € sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile, en remboursement des frais irrépétibles,

- La condamner aux entiers dépens de première Instance et d'appel, lesquels seront recouvrés conformément à la loi sur l'aide juridictionnelle, sauf à accorder à la SELARL LEXAVOUE NORMANDIE, Société d'avocats inter-barreaux, le bénéfice de l'article 699 du CPC, pour le cas où elle renoncerait à l'émolument de l'Aide Juridictionnelle, conformément à l'article 108 du décret du 19 décembre 1991.

En application de l'article 455 du code de procédure civile, la cour se réfère, pour un plus ample exposé des prétentions et des moyens des parties, à leurs dernières conclusions sus-visées.

L'ordonnance de clôture a été prononcée le 1er mars 2023 avant l'ouverture des débats à l'audience du 14 mars 2023.

MOTIFS DE LA DECISION

Sur l'étendue de la saisine de la cour :

Aux termes des déclarations d'appel et des dernières conclusions des parties, l'appel est limité à :

- la demande de rejet des pièces et conclusions produites par Mme [S] le 23 février 2023,

- la restitution du chien Nabilla,

- le paiement d'une partie du prix de vente du bien immobilier.

En conséquence, les autres dispositions du jugement, non critiquées, ont d'ores et déjà acquis force de chose jugée.

Sur la demande visant à voir écarter des débats les pièces et conclusions produites par Mme [S] le 23 février 2023 :

M. [H] reproche à Mme [S] d'avoir volontairement attendu le 23 février 2023, c'est-à-dire la veille de la clôture, pour produire des pièces qu'elle détenait depuis de très nombreux mois et sollicite, compte tenu de leur production tardive, qu'elles soient écartées des débats par application des articles 16 et 135 du code de procédure civile, dès lors qu'il n'a pas eu le temps de vérifier leur contenu d'autant qu'il a quitté la région. Il expose en outre que ces attestations sont non conformes aux dispositions de l'article 202 du code procédure civile, les prétendus témoins n'y indiquant pas savoir que leur attestation est destinée à être produite en justice et être informés des peines du faux témoignage.Il ajoute en outre que leurs attestations se limitent à des généralités sans faire état de faits précis.

- Sur le respect du principe du contradictoire :

En vertu des articles 16 et 135 du code de procédure civile, le juge doit, en toutes circonstances, faire observer et observer lui-même le principe de la contradiction. Il ne peut retenir, dans sa décision, les moyens, les explications et les documents invoqués ou produits par les parties que si celles-ci ont été à même d'en débattre contradictoirement. Le juge peut écarter du débat les pièces qui n'ont pas été communiquées en temps utile.

En l'espèce, force est de constater que Mme [S] a communiqué ses dernières écritures accompagnées de 12 nouvelles pièces le 23 février 2023, alors que la clôture était fixée au 1er mars suivant et que les dernières écritures de M. [H] avaient été déposées le 27 juillet 2023, soit plusieurs mois avant.

Si une telle communication quelques jours avant la clôture est regrettable, force est néanmoins de constater que les modifications apportées par Mme [S] par rapport à ses précédentes écritures - clairement apparentes pour avoir été soulignées dans la marge - sont très limitées, celle-ci se contentant d'y ajouter qu'elle ne contestait pas le jugement qui avait débouté M. [H] de sa demande en paiement reprenant à son compte les motifs de ce jugement et, s'agissant du chien, précisant seulement que seule elle s'en occupait et que les factures vétérinaires étaient à son seul nom.

De même, les douze nouvelles pièces communiquées par Mme [S] consistent pour neuf d'entre elles en de courtes attestations indiquant que celle-ci s'occupait bien de son chien, d'une facture de vétérinaire relative à la stérilisation de l'animal et de deux documents liés à son identification venant seulement compléter sa première pièce qui avait été transmise dès le début de la procédure.

En outre et surtout, il apparaît que M. [H] a pu par ses écritures communiquées le 28 février 2023 répondre à ces conclusions et faire part de ses observations et critiques sur les pièces communiquées par Mme [S] avant le prononcé de la clôture, de sorte que celles-ci ont pu faire l'objet d'un débat contradictoire.

A titre surabondant, il est relevé que M. [H] n'a pas sollicité de report de clôture alors que l'audience était fixée 14 jours plus tard.

- Sur la non-conformité des attestations à l'article 202 du code de procédure civile :

Les règles de forme édictées par l'article 202 du code de procédure civile n'étant pas prescrites à peine de nullité, la cour appréciera si lesdites attestations, bien que non conformes aux exigences du texte, présentent cependant des garanties suffisantes pour entraîner sa conviction.

Leur force probante est appréciée en fonction du respect des critères énoncés à l'article 202 du code de procédure civile pour constituer des attestations en bonne et due forme.

Ainsi en l'espèce, l'absence des mentions relatives à leur production en justice et aux peines encourues en cas de fausses attestations ainsi que la circonstance que plusieurs d'entre elles soient très générales ne sauraient entraîner leur rejet .

En revanche ces circonstances commandent de les appréhender avec une certaine prudence.

En conséquence, M. [H] sera débouté de sa demande de voir écarter les conclusions et pièces transmises par Mme [S] le 23 février 2023.

Sur la propriété du chien Nabilla :

Mme [S] expose que le chien Nabilla a été trouvé sur la voie publique, qu'elle l'a remis le 17 octobre 2019 à l'association Les Paniers du C'ur et qu'après le respect du délai de fourrière de sept jours, elle l'a adopté.

Elle relève que lors de la séparation, M. [H] est parti sans le chien et que, par la suite, il lui a adressé trois courriers recommandés aux termes desquels il revendiquait la restitution de mobilier ou d'argent mais n'évoquait jamais le chien, ce comportement établissant ainsi qu'il acquiescait à ce que sa propriété soit reconnue à son nom à elle.

Elle fait grief au premier juge de s'être fondé sur le passeport canin produit par M. [H] pour retenir sa qualité de propriétaire alors qu'il s'agit d'une photocopie qui ne comporte aucune date sur laquelle le numéro d'identification du chien n'apparaît pas. Elle se prévaut à l'inverse un document I CAD établi le 26 août 2020 qui la désigne comme détentrice du chien et du passeport européen de l'animal qui la mentionne comme son propriétaire. Elle affirme que si le passeport produit par l'intimé a été établi antérieurement à la date du 26 août 2020, il n'est plus d'actualité et qu'en vertu de l'article 2276 du code civil, elle doit être présumée propriétaire du chien en sa qualité de possesseur de bonne foi. Elle expose que M. [H] ne s'est jamais occupé de l'animal et qu'il ne le réclame que pour s'en servir de monnaie d'échange. Elle se prévaut d'une attestation de l'association Les paniers du Coeur qui indique n'avoir eu de rapports qu'avec elle et produit les factures du vétérinaire à son seul nom.

M. [H] sollicite la confirmation du jugement entrepris soulignant qu'après avoir rappelé que le régime juridique des animaux domestiques relevait de la présomption de l'article 2276 du code civil, laquelle peut être renversée par tout moyen, le premier juge avait retenu à juste titre qu'il démontrait sa propriété à l'égard de l'animal dès lors qu'il figurait comme propriétaire du chien sur son passeport européen d'identification. S'il reconnaît que Mme [S] a conservé la possession du chien lors de la séparation, il précise que cela n'indique en rien qu'il n'y était pas attaché et encore moins qu'il n'en était pas le véritable propriétaire. Il soutient que, comme l'a également relevé le premier juge, l'enregistrement I-CAD que Mme [S] a fait établir de façon douteuse à son nom ne constitue pas une preuve de la propriété d'un animal mais uniquement de sa détention.Il dénie enfin toute force probante aux attestations produites de manière tardive par Mme [S].

Le Code civil dispose en son article 515-14 que les animaux sont des êtres vivants doués de sensibilité et que, sous réserve des lois qui les protègent, les animaux sont soumis au régime des biens.

La preuve de leur propriété est libre, étant précisé que, comme pour les véhicules automobiles, les différents certificats d'identification ou d'immatriculation de l'animal ne sont pas déterminants en la matière et constituent simplement des éléments qui, corroborés par d'autres, peuvent emporter la conviction du juge sur la question de la propriété de l'animal.

L'article 515-5 du code civil relatif au pacte civil de solidarité prévoit :

Sauf dispositions contraires de la convention visée au troisième alinéa de l'article 515-3, chacun des partenaires conserve l'administration, la jouissance et la libre disposition de ses biens personnels. Chacun d'eux reste seul tenu des dettes personnelles nées avant ou pendant le pacte, hors le cas du dernier alinéa de l'article 515-4.

Chacun des partenaires peut prouver par tous les moyens, tant à l'égard de son partenaire que des tiers, qu'il a la propriété exclusive d'un bien. Les biens sur lesquels aucun des partenaires ne peut justifier d'une propriété exclusive sont réputés leur appartenir indivisément, à chacun pour moitié.

Le partenaire qui détient individuellement un bien meuble est réputé, à l'égard des tiers de bonne foi, avoir le pouvoir de faire seul sur ce bien tout acte d'administration, de jouissance ou de disposition.

Selon l'article 2276 du même code, en matière de meubles, la possession vaut titre.

M. [H] et Mme [S] ont conclu un pacte civil de solidarité enregistré le 17 février 2014 auprès du tribunal d'instance, dont l'article 3, relatif à la propriété des biens, stipule que chacun des époux conserve l'administration, la jouissance et la libre disposition de ses biens personnels tant mobiliers qu'immobiliers et que les biens sur lesquels aucun des partenaires ne peut justifier d'une propriété exclusive, sont réputés leur appartenir en indivision.

S'agissant du chien Nabilla, il est constant que celui-ci n'a pas été acheté par l'un ou l'autre des partenaires mais a été trouvé sur le bord d'une route et qu'il a ensuite été recueilli au domicile des deux partenaires.

Mme [S] produit une attestation de Mme [F], Présidente de l'association Les Paniers du Coeur d'[Localité 4], dont il ressort qu'elle s'est présentée à ladite association avec la chienne le 17 octobre 2019 indiquant l'avoir trouvée sur le bord de la route et, qu'à l'issue du respect d'un délai de fourrière de 7 jours, elle a sollicité son adoption. La représentante de l'association précise avoir pris des nouvelles du chien qui avait été identifié et, plus généralement, n'avoir été en lien qu'avec Mme [S] s'agissant de cet animal.

Il ressort en outre d'une facture vétérinaire libellée au nom de Mme [R] [S] que cette dernière a fait stériliser l'animal le 27 octobre 2020, ce qui n'est pas contesté par M. [H] qui a simplement précisé lors de son dépôt de plainte du 9 décembre 2020 qu'il n'avait pas donné son autorisation à cette opération mais n'y était pas opposé.

Les autres documents d'identification produits par Mme [S] (carte ICAD, passeport européen) ne sauraient constituer des éléments de nature à soutenir son droit de propriété sur l'animal dès lors qu'ils ont été établis postérieurement et unilatéralement par Mme [S], peu de temps avant la rupture du couple ou après celle-ci.

Enfin, s'il n'est pas contesté que lors de son départ, M. [H] n'a pas pris avec lui le chien, cette seule circonstance ne permet pas d'en conclure qu'il n'en aurait pas été le propriétaire ou qu'il aurait alors transféré son droit de propriété à Mme [S]. Il est d'ailleurs relevé que ce dernier a porté plainte contre sa partenaire quelques jours après son départ pour falsification des papiers d'identification de l'animal qu'elle aurait mis à son nom.

Mme [S] dont la bonne foi peut être questionnée au regard de la falsification grossière du document d'identification de l'animal, ne peut en tout état de cause se prévaloir d'une possession non équivoque de l'animal pour solliciter le bénéfice de l'article 2276 du code civil dont l'application n'est pas exclue en matière de Pacs et sur lequel Mme [S] fonde ses prétentions.

Il est à l'inverse établi que le chien a initialement été identifié le 24 octobre 2019 au nom de M. [H], ce dernier produisant une copie du passeport de l'animal le désignant en qualité de propriétaire ainsi qu'une attestation du vétérinaire ayant procédé audit puçage. Dans le cadre de son dépôt de plainte précité, M. [H] déclarait à ce titre 'comme ma compagne avait déjà un malinois à son nom, nous avions décidé de mettre celui-là à mon nom'.

Au regard de ces différents éléments de preuve qui ne plaident pas de manière univoque dans le sens du droit de propriété personnel et exclusif de l'un ou de l'autre des anciens partenaires sur le chien Nabilla, il y a lieu de retenir qu'il appartient en indivision aux deux parties.

Le chien n'étant naturellement pas partageable, il convient de l'attribuer à un seul des deux indivisaires.

Eu égard aux circonstances de l'espèce selon lesquelles le chien a toujours vécu depuis son adoption dans l'habitation qu'occupe actuellement Mme [S], qu'il était habitué à y vivre avec Nikita, l'autre chien de Mme [S], et qu'il n'est pas démontré que cette dernière ne lui apporterait pas les soins nécessaires à son bien-être, il y a lieu de le lui attribuer et de condamner en conséquence M. [H] à le lui restituer sous astreinte de 50 € par jour de retard pendant une durée de 90 jours, passé un délai de 10 jours après la signification de la présente décision.

Sur la demande en partage du prix de vente du bien immobilier :

M. [H] fait grief au premier juge d'avoir inversé la charge de la preuve en présumant qu'il aurait fait don à Mme [S] de la moitié du prix de vente du bien immobilier acquis en indivision avec celle-ci, à charge pour lui de démontrer qu'il ne s'agissait que d'un prêt alors que, selon lui, c'était à Mme [S] de rapporter la preuve d'une éventuelle libéralité dont la validité est conditionnée par sa formalisation devant notaire comme le prévoit l'article 931 du Code civil. Il relève ainsi qu'aucun acte notarié de donation n'a été établi en l'espèce, ce que n'aurait pourtant pas manqué de faire Maître [P] si la volonté des parties avait été dans ce sens à la suite de la vente immobilière en 2017. Rappelant qu'il ne peut être tenu de rester dans l'indivision, il considère qu'il est bien fondé à demander la part du prix de vente qui lui revient par application des articles 815 et suivants du code civil

Mme [S] indique qu'elle ne conteste pas le jugement en ce qu'il a débouté M. [H] de sa demande en paiement de la somme de 61 475,62 € à son égard en considérant que l'article 1341 du Code civil pose le principe d'une preuve par écrit pour toute chose excédant 1.500 €, que l'article 1376 du Code civil pose le principe que la reconnaissance de dette doit être constatée dans un titre qui comporte la signature de celui qui souscrit et que l'article 2276 du Code civil pose le principe d'une présomption de dons manuels et qu'il appartient au demandeur d'apporter la preuve de l'engagement pris par le bénéficiaire des fonds de les lui restituer.

Il appartient au partenaire qui invoque l'existence d'une créance entre partenaires, et donc réclame l'exécution d'une obligation, de prouver celle-ci en application de l'article 1353 du code civil.

M. [H] et Mme [S] ont acquis, le 8 août 2013, chacun pour moitié indivise un bien immobilier dit [Adresse 7]) au prix de 130.000 €.

L'acte d'achat qui mentionne un paiement du prix comptant ne précise cependant pas l'origine des fonds (cf pièce n°2 de M. [H]).

Ils ont revendu le bien par acte authentique du 9 septembre 2017 à hauteur de 144.000 €.

Il ressort du décompte établi par le notaire, qu'après déduction de différents frais, la somme de 133.549 € devait faire l'objet d'un virement au 'vendeur', mention désignant M. [Y] [H] et Mme [S] dans l'acte de vente communiqué aux débats (cf pièces n°4 et 5 de M. [H]).

Bien qu'aucune pièce ne soit produite au dossier pour en justifier, force est de constater que M. [H] indique que la totalité de cette somme aurait été versée par le notaire à Mme [S] et cette dernière ne conteste pas avoir effectivement perçu la totalité du prix de vente.

Néanmoins, l'allégation de M. [H] selon laquelle le notaire aurait certainement viré la totalité du prix de vente sur le seul compte de Mme [S] par souci de simplification à charge pour les vendeurs de se répartir entre eux le prix de vente n'est étayée par aucune preuve et un tel procédé apparaît peu vraisemblable venant d'un notaire.

A l'inverse, le récapitulatif des faits réalisé par M. [H] et les récits de plusieurs attestants qu'il produit révèlent qu'il a en réalité lui-même procédé ou fait procéder par l'intermédiaire du notaire à la remise de la totalité des fonds à Mme [S].

Ainsi, il indiquait au sujet de la vente de la maison, 'comme la confiance entre madame [S] et moi est toujours installée cette fois-ci, on dépose l'argent sur son compte' (cf pièce n°15 de M. [H]) et les attestations qu'il produit mentionnent :

- 'Quand ils ont revendu cette maison pour en racheter une moins onéreuse en frais d'entretien, il avait tellement confiance en sa compagne, qu'en accord avec elle il a fait verser le fruit de la vente par le notaire à sa disposition temporairement afin de la protéger si M. [H] avait eu des problèmes' ( pièce n°20 de M. [H] ainsi que sa pièce n°24 rédigée dans le même sens),

- 'Concernant la maison 'La Briquetterie', M. [H] et Melle [S] avaient décidé de mettre la somme acquise sur le compte de Melle [S] afin de la protéger' (sa pièce n°21 - attestation de sa soeur),

- 'Ils l'ont vendu en 2017 et M. [H] m'avait confié que pour la protéger en cas de décès ou d'accident, l'argent avait été déposé sur le compte de Mme [S]' (sa pièce n°22).

Dès lors, il est établi que c'est bien volontairement que M. [H] a remis ou fait remettre à Mme [S] la totalité du prix de vente du bien immobilier indivis, et ce alors même qu'ils en étaient tous les deux propriétaires pour moitié.

En l'espèce M. [H] a vocation à percevoir la moitié des fonds indivis mais Mme [S] s'y oppose arguant d'un don.

Les dons manuels échappent aux règles de forme édictées par l'art. 931 pour la validité des donations entre vifs.

Le virement de fonds, opérant dessaisissement du donateur et tradition au bénéficiaire, permet d'accomplir un don manuel.

Le possesseur qui prétend avoir reçu une chose en don manuel bénéficie d'une présomption en ce sens; il appartient donc à celui qui revendique la chose de rapporter la preuve de l'absence d'un tel don, ou de prouver que la possession dont se prévaut le détenteur de la chose ne réunit pas les conditions légales pour être efficace.

Il convient de se placer au jour du prétendu don manuel pour déterminer si les qualités de la possession permettaient de présumer l'existence dudit don manuel.

En l'espèce il n'est pas contesté que les fonds litigieux ont été transférés sur un compte personnel ouvert au nom de Mme [S] auquel M. [H] n'avait pas accès.

Les attestations produites par M. [H] évoquent 'un dépôt' qualifié parfois de 'temporaire' des fonds sur le compte de Mme [S] mais indiquent de manière concordante qu'il était motivé par le souhait de M. [H] de protéger sa partenaire sur le plan matériel dans l'hypothèse où, compte tenu de leur grande différence d'âge, il aurait été malade ou aurait eu un accident, motivation qui tend au contraire à caractériser l'intention libérale de M. [H] envers Mme [S], ou à tout le moins sa renonciation à ces fonds destinés à garantir l'avenir de Mme [S].

De ces éléments il se déduit une décision non révocable de vouloir gratifier Mme [S] au jour du don, décision qui a mis fin à l'indivision dont la demande en partage s'avère sans objet.

Il convient en conséquence de confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a débouté M. [H] de sa demande en paiement à l'égard de Mme [S].

Sur les frais et dépens :

M. [H] succombant à l'appel, il devra prendre en charge la totalité des dépens de l'appel effectivement exposés par Mme [S] dans le cadre de la présente procédure d'appel.

L'équité ne justifie pas qu'il soit fait application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile en faveur de l'une ou de l'autre des parties.

PAR CES MOTIFS,

La Cour, statuant dans les limites de sa saisine, par décision contradictoire,

Confirme le jugement rendu le 13 janvier 2022 par le juge aux affaires familiales près le tribunal judiciaire d'Argentan en ce qu'il a débouté M. [H] de sa demande en paiement formée contre Mme [S],

L'infirme en ce qu'il a ordonné la restitution du chien dénommé Nabilla à M. [H],

Statuant à nouveau :

Attribue la propriété du chien Nabilla à Mme [S],

Condamne M. [H] à restituer à Mme [S] le chien Nabilla, sous astreinte de 50 € par jour de retard pendant une durée de 90 jours, passé un délai de 10 jours après la signification de la présente décision,

Déboute les parties de toutes autres demandes,

Dit n'y avoir lieu à application de l'article 700 du code de procédure civile,

Condamne M. [H] aux dépens effectivement exposés en appel par Mme [S].

LA GREFFIERE LA PRÉSIDENTE

Emilie SALLES C. LEON


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Caen
Formation : 3ème chambre civile
Numéro d'arrêt : 22/00819
Date de la décision : 13/04/2023

Origine de la décision
Date de l'import : 26/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2023-04-13;22.00819 ?
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