AFFAIRE : N° RG 21/00450
N° Portalis DBVC-V-B7F-GV7X
Code Aff. :
ARRET N°
C.P
ORIGINE : Décision du Pôle social du Tribunal Judiciaire d'ALENCON en date du 29 Janvier 2021 - RG n° 18/00064
COUR D'APPEL DE CAEN
2ème chambre sociale
ARRET DU 06 AVRIL 2023
APPELANTE :
S.A.S. [3]
[Adresse 4]
[Adresse 4]
[Adresse 4]
Représentée par Me Anne-Laure DENIZE, substitué par Me BODSON, avocats au barreau de PARIS
INTIMEE :
CAISSE PRIMAIRE D'ASSURANCE MALADIE DE [Localité 2]
[Adresse 1]
[Adresse 1]
Représentée par Mme DESLANDES, mandatée
DEBATS : A l'audience publique du 06 février 2023, tenue par M. GANCE, Conseiller, Magistrat chargé d'instruire l'affaire lequel a, les parties ne s'y étant opposées, siégé seul, pour entendre les plaidoiries et en rendre compte à la Cour dans son délibéré
GREFFIER : Mme GOULARD
COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DELIBERE :
Mme CHAUX, Présidente de Chambre,
M. LE BOURVELLEC, Conseiller,
M. GANCE, Conseiller,
ARRET prononcé publiquement le 06 avril 2023 à 14h00 par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile et signé par Mme CHAUX, présidente, et Mme GOULARD, greffier
La cour statue sur l'appel régulièrement interjeté par la société [3] (la société) d'un jugement rendu le 29 janvier 2021 par le tribunal judiciaire d'Alençon dans un litige l'opposant à la caisse primaire d'assurance maladie de [Localité 2] (la caisse).
FAITS et PROCEDURE
Le 17 février 2016, la société [3] a rédigé une déclaration d'accident du travail concernant son salarié, M. [T] [P], dans les termes suivants : le 16 février 2016 , à 10 heures 15 'a glissé dans un camion frigorifique', lésions : 'douleur' 'rachis lombaire gauche'.
Le certificat médical initial du 17 février 2016, mentionne une 'lombalgie gauche' 'gonalgie gauche'.
Par décision du 4 mars 2016, la caisse a pris en charge l'accident de M. [P] au titre de la législation sur les risques professionnels.
M. [P] a bénéficié de soins et arrêts de travail jusqu'au 25 mai 2017, date à laquelle il a été déclaré en état de 'guérison apparente avec possibilité de rechute ultérieure'.
Par courrier du 7 novembre 2017, la société a contesté devant la commission de recours amiable de la caisse l'imputabilité des soins et arrêts de travail à l'accident du travail du 16 février 2016.
En l'absence de décision explicite de la commission, la société a contesté la décision implicite de rejet de son recours devant le tribunal des affaires de sécurité sociale de l'Orne par courrier recommandé avec accusé de réception du 27 février 2018.
Suivant jugement du 29 janvier 2021, le tribunal judiciaire d'Alençon auquel le contentieux de la sécurité sociale a été transféré à compter du 1er janvier 2019, a :
- débouté la société de ses demandes
- confirmé la décision implicite de rejet de la commission de recours amiable de [Localité 2]
- déclaré opposable à la société la prise en charge par la caisse au titre de la législation professionnelle des soins et arrêts de travail consécutifs à l'accident du travail de M. [P] du 16 février 2016
- condamné la société aux dépens.
Par déclaration du 25 septembre 2021, la société a formé appel du jugement.
Aux termes de ses conclusions reçues au greffe le 11 janvier 2023 soutenues oralement à l'audience, la société demande à la cour de :
- déclarer recevable et bien-fondée la société en son appel
y faisant droit,
- constater que la caisse ne peut se prévaloir de la présomption d'imputabilité à défaut de justifier d'une continuité des symptômes et soins au titre de l'accident du 16 février 2016
- constater qu'il existe un différend d'ordre médical portant sur l'imputabilité des lésions, prestations, soins et arrêts de travail indemnisés au titre de l'accident du 16 février 2016 et la date de consolidation de cet accident
en conséquence,
- infirmer le jugement du 29 janvier 2021 et statuant à nouveau :
- ordonner avant-dire droit, une expertise médicale judiciaire, afin de vérifier la justification des lésions, prestations, soins et arrêts de travail pris en charge par la caisse au titre de l'accident du 16 février 2016
- enjoindre à la caisse ou à son service médical de communiquer l'ensemble du dossier médical de M. [P] au titre de l'accident du 16 février 2016
- dire que l'expert aura notamment pour mission de :
* fixer la durée des arrêts de travail, prestations et soins en relation directe et exclusive avec l'accident du travail du 16 février 2016
* dire notamment si pour certains soins et arrêts de travail, il s'agit d'un état pathologique indépendant de cet accident ou d'une pathologie indépendante évoluant pour son propre compte
* fixer la date de consolidation de l'accident du travail du 16 février 2016 à l'exclusion de tout état pathologique indépendant
- renvoyer l'affaire à une prochaine audience afin qu'il soit débattu du rapport d'expertise.
Selon conclusions reçues au greffe le 24 janvier 2023 et soutenues oralement à l'audience, la caisse demande à la cour de :
- dire que les arrêts de travail et soins prescrits à M. [P] des suites de son accident du 16 février 2016 bénéficient de la présomption d'imputabilité
- constater que la société ne justifie pas de la nécessité de mettre en oeuvre une expertise médicale
en conséquence,
- confirmer le jugement déféré
- déclarer opposable à la société la prise en charge des soins et arrêts de travail au titre de l'accident du travail dont a été victime M. [P] le 16 février 2016
- rejeter la demande d'expertise
- débouter la société de l'ensemble de ses demandes.
Pour l'exposé complet des moyens et prétentions des parties, il est expressément renvoyé aux conclusions écrites des parties conformément à l'article 455 du code de procédure civile.
SUR CE, LA COUR
En application de l'article L 411-1 du code de la sécurité sociale, la présomption d'imputabilité au travail des lésions apparues à la suite d'un accident du travail ou d'une maladie professionnelle, dés lors qu'un arrêt de travail a été initialement prescrit ou que le certificat médical initial d'accident du travail est assorti d'un arrêt de travail s'étend à toute la durée d'incapacité de travail précédant soit la guérison complète, soit la consolidation de l'état de la victime.
Il appartient à l'employeur qui conteste cette présomption d'apporter la preuve contraire.
À ce titre, les motifs tirés de l'absence de continuité des symptômes et soins sont impropres à écarter cette présomption.
En l'espèce, la société [3] a rédigé une déclaration d'accident du travail le 17 février 2016 concernant son salarié, M. [T] [P], dans les termes suivants : le 16 février 2022, à 10 heures 15 'a glissé dans un camion frigorifique', lésions : 'douleur' 'rachis lombaire gauche'.
Le certificat médical initial du 17 février 2016, mentionne une 'lombalgie gauche' 'gonalgie gauche'.
Par décision du 4 mars 2016, la caisse a pris en charge l'accident de M. [P] au titre de la législation sur les risques professionnels.
M. [P] a bénéficié de soins et arrêts de travail jusqu'au 25 mai 2017, date à laquelle il a été déclaré en état de 'guérison apparente avec possibilité de rechute ultérieure'.
La société conteste l'imputabilité des soins et arrêts de travail à l'accident du 16 février 2016 et sollicite une expertise afin de déterminer s'il existe une relation directe et exclusive entre ces soins et arrêts, et l'accident du travail.
En premier lieu, elle soutient que la caisse ne peut se prévaloir de la présomption d'imputabilité de l'article L. 411-1 au motif qu'elle ne justifie pas de la continuité des soins et arrêts de travail prescrits à M. [P].
Toutefois comme rappelé précédemment, les motifs tirés de l'absence de continuité des symptômes et soins sont impropres à écarter cette présomption.
La caisse est donc bien fondée à se prévaloir de la présomption d'imputabilité à l'accident du 16 février 2016 des soins et arrêts prescrits à M. [P] jusqu'à sa date de guérison fixée au 25 mai 2017.
En deuxième lieu, la société prétend qu'elle justifie d'éléments justifiant qu'une expertise médicale soit ordonnée.
À ce titre elle se réfère à la durée anormalement longue des soins et arrêts prescrits, à la mention dans plusieurs certificats médicaux de pathologies distinctes de celles visées dans le certificat médical initial et enfin à l'existence d'indices lui faisant soupçonner que M. [P] a participé à l'activité professionnelle de son épouse et de sa belle-fille ce qui aurait contribué à retarder sa guérison ou à aggraver son état de santé.
Tout d'abord, la société se fonde sur le barème indicatif de la caisse pour affirmer que la durée des soins et arrêts prescrits à M. [P] est excessive au regard de la pathologie initialement constatée, ce dont elle déduit qu'il existe une autre cause à ces soins et arrêts de travail, sans lien avec l'accident du travail.
Cependant, le barème de la caisse rappelle qu'il est seulement indicatif et doit être adapté en fonction de la situation de chaque patient. Il est précisé que la durée de l'arrêt est à adapter selon l'âge et la condition physique du patient, le temps et le mode de transport et le poste de travail. En outre, la durée d'arrêt de travail de 5 jours (éventuellement renouvelable) qui est mentionnée, ne porte que sur la lombalgie alors que M. [P] présentait en outre une gonalgie.
La durée des soins et arrêts prescrits au regard du barème de la caisse ne constitue donc pas un élément pertinent pour remettre en cause la présomption d'imputabilité.
Ensuite, il est exact comme l'affirme la société que le certificat médical du 5 mars 2016 mentionne outre des douleurs lombaires 'une pointe ischiatique droite', que le certificat du 10 juin 2016 fait état de douleur lombaire 'avec fessalgie' et que le certificat du 24 mars 2017 évoque une lombalgie et dorsalgie gauche + 'bursite des ischio-jambiers'.
Toutefois, outre le fait que ces certificats médicaux font tous référence à des douleurs lombaires ou lombalgies, la société ne produit aucun document définissant les termes médicaux employés et/ou susceptibles d'établir qu'il s'agit de pathologies sans lien avec une chute sur le dos et/ou les fessiers.
Ces certificats médicaux sont eux aussi insuffisants pour remettre en cause la présomption d'imputabilité.
Enfin, il est exact comme le prétend la société, que l'épouse et la belle-fille de M. [P] ont créé respectivement les 11 mai et 8 juin 2016 une société d'élevage d'animaux et que le certificat médical du 2 septembre 2016 fait référence à des 'lombalgies récidivantes dès reprises d'effort'.
Cette mention est cependant insuffisante pour démontrer que M. [P] a participé à l'activité de sa belle-fille ou de son épouse. En effet, la mention 'dés reprises d'effort' peut se rapporter à toute activité de la vie quotidienne et non pas nécessairement à l'élevage allégué.
Par ailleurs, une expertise ne permettrait pas plus de rapporter la preuve d'une reprise d'activité de nature professionnelle dans le cadre de l'élevage d'animaux.
Compte-tenu de ces observations, la société ne justifie d'aucun commencement de preuve de l'existence d'un état antérieur préexistant évoluant pour son propre compte et/ou d'une cause des soins et arrêts totalement étrangère à l'accident du travail du 16 février 2016.
La société échoue donc à renverser la présomption d'imputabilité et à justifier de l'opportunité d'ordonner une mesure d'expertise médicale.
En conséquence, le jugement sera confirmé en ce qu'il a :
- débouté la société de sa demande d'expertise médicale
- confirmé la décision implicite de rejet de la commission de recours amiable de la caisse
- déclaré opposable à la société la prise en charge au titre de la législation professionnelle des soins et arrêts de travail prescrits à M. [P] consécutivement à l'accident du travail dont il a été victime le 16 février 2016.
Le jugement étant confirmé sur le principal, il sera aussi confirmé sur les dépens.
Succombant, la société sera condamnée aux dépens d'appel.
PAR CES MOTIFS
La cour,
Confirme le jugement déféré;
Y ajoutant,
Condamne la société [3] aux dépens d'appel.
LE GREFFIER LE PRESIDENT
E. GOULARD C. CHAUX