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06/04/2023 | FRANCE | N°21/00089

France | France, Cour d'appel de Caen, 2ème chambre sociale, 06 avril 2023, 21/00089


AFFAIRE : N° RG N° RG 21/00089 - N° Portalis DBVC-V-B7F-GVGH

 Code Aff. :



ARRET N°



E.G





ORIGINE : Décision du Pole social du Tribunal judiciaire de COUTANCES en date du 22 Décembre 2020 - RG n° 17/00335











COUR D'APPEL DE CAEN

2ème chambre sociale

ARRÊT DU 06 AVRIL 2023





APPELANT :



Monsieur [W] [J]

[Adresse 4]

[Adresse 4]



Comparant et assisté de Me Cécile LABRUNIE, avocat au barreau de PARISr>






INTIME :



AGENT JUDICIAIRE DE L'ETAT

[Adresse 1],

[Adresse 1]

[Adresse 1]



Représentée par Me Jérémie PAJEOT, avocat au barreau de CAEN





En l'absence de Monsieur le représentant de la D.R.A.S....

AFFAIRE : N° RG N° RG 21/00089 - N° Portalis DBVC-V-B7F-GVGH

 Code Aff. :

ARRET N°

E.G

ORIGINE : Décision du Pole social du Tribunal judiciaire de COUTANCES en date du 22 Décembre 2020 - RG n° 17/00335

COUR D'APPEL DE CAEN

2ème chambre sociale

ARRÊT DU 06 AVRIL 2023

APPELANT :

Monsieur [W] [J]

[Adresse 4]

[Adresse 4]

Comparant et assisté de Me Cécile LABRUNIE, avocat au barreau de PARIS

INTIME :

AGENT JUDICIAIRE DE L'ETAT

[Adresse 1],

[Adresse 1]

[Adresse 1]

Représentée par Me Jérémie PAJEOT, avocat au barreau de CAEN

En l'absence de Monsieur le représentant de la D.R.A.S.S régulièrement avisé selon l'article R 142-29 du code de la sécurité sociale

COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DÉBATS ET DU DÉLIBÉRÉ :

Mme CHAUX, Président de chambre,

Monsieur LE BOURVELLEC, Conseiller,

M. GANCE, Conseiller,

DEBATS : A l'audience publique du 02 février 2023

GREFFIER : Mme GOULARD

ARRÊT prononcé publiquement le 06 avril 2023 à 14h00 par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile et signé par Mme CHAUX, président, et Mme GOULARD, greffier

La cour statue sur l'appel régulièrement interjeté par M. [J] d'un jugement rendu le 22 décembre 2020 par le tribunal judiciaire de Coutances dans un litige l'opposant à l'agent judiciaire de l'Etat , représentant le ministère de la défense - direction des constructions navales à [Localité 2].

FAITS et PROCEDURE

Les faits de la cause ont été exactement exposés dans la décision déférée à laquelle il est fait expressément référence à cet égard .

Il suffit de rappeler que M. [J], employé par la [3] ([3]) à [Localité 2] de 1984 à 2007 en qualité de mécanicien monteur, a établi le 13 février 2017 une déclaration de maladie professionnelle au titre du tableau 30 C des maladies professionnelles pour un adénocarcinome bronchique primitif, sur la base d'un certificat médical initial du 16 janvier 2017.

Par courrier du 5 juillet 2017, le ministère des armées a indiqué à M. [J] que :

- par décision du 13 mai 2004, il avait été bénéficiaire d'un capital majoré dû au titre de la maladie professionnelle n° 30 déclarée le 18 février 2003. Son taux d'incapacité permanente partielle (IPP) avait été fixé à 5 % à compter du 18 février 2003, date de la déclaration de la maladie.

- au vu des pièces médico-administratives figurant au dossier et après avis du médecin conseil, son taux d'IPP a été porté de 5 à 80 % à compter du 8 décembre 2016.

- l'aggravation qui lui est reconnue entraîne une revalorisation conjointe de l'indemnisation de la maladie professionnelle et de la faute inexcusable de l'employeur.

- la majoration du taux d'IPP à 80 % entraîne un complément d'indemnisation des préjudices extra patrimoniaux subis d'un montant de 64 233,66 euros, soit 85 728,91 euros à percevoir - 21 495,25 euros perçu à 5 %.

Par courrier du 4 septembre 2017, M. [J] a saisi le tribunal des affaires de sécurité sociale de la Manche pour contester le montant qui lui avait été ainsi alloué en réparation de ses préjudices. Le même jour, il a contesté, auprès de la sous-direction des pensions, Bureau des invalidités, des réversions et du contentieux, la prise en charge de sa maladie au titre de l'aggravation de sa première maladie professionnelle.

En l'absence de réponse de l'administration, M. [J] a saisi le tribunal des affaires de sécurité sociale de la Manche par courrier du 31 octobre 2017 pour contester la décision implicite de rejet.

Par jugement du 22 décembre 2020, le tribunal judiciaire de Coutances, auquel a été transféré le contentieux de la sécurité sociale à compter du 1er janvier 2019, a :

- ordonné la jonction des procédures enregistrées sous les numéros 17/00335 et 17/00424, désormais enregistrées sous le numéro 17/00335,

- dit que la maladie déclarée par M. [J] le 13 février 2017 et constatée par certificat médical du 16 janvier 2017 doit être prise en charge au titre de la législation professionnelle au titre du tableau 30 C des maladies professionnelles,

- dit que la maladie professionnelle déclarée le 13 février 2017 par M. [J] sur la base du certificat médical initial du 16 janvier 2017 est la conséquence de la faute inexcusable de la direction des constructions navales, représentée par l'Etat français, lui-même représenté par l'agent judiciaire de l'Etat,

En conséquence,

- dit que la rente servie à M. [J] devra être majorée au maximum légal,

- fixé l'indemnisation des préjudices extra-patrimoniaux subis par M. [J] comme suit :

- déficit fonctionnel temporaire 3 420 euros

- souffrances morales 50 000 euros

- souffrances physiques 20 000 euros

soit une somme totale de 73 420 euros

- débouté M. [J] de ses demandes formées au titre du préjudice d'agrément et du préjudice esthétique,

- dit que lesdites indemnisations devront être versées par l'Etat français - service des pensions du ministère de la défense, représenté par l'agent judiciaire de l'Etat directement à M. [J],

- condamné l'Etat français - service des pensions du ministère de la défense, représenté par l'agent judiciaire de l'Etat, à verser à M. [J] la somme de 1 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

-2-

- ordonné l'exécution provisoire du jugement,

- condamné l'Etat français - services des pensions du ministère de la défense, représenté par l'agent judiciaire de l'Etat, aux dépens de l'instance.

M. [J] a interjeté appel du jugement par déclaration du 12 janvier 2021.

Par conclusions déposées le 7 novembre 2022, soutenues oralement par son conseil, M. [J] demande à la cour de :

- infirmer le jugement en ce qu'il l'a débouté de ses demandes formées au titre du préjudice d'agrément et du préjudice esthétique,

- statuant à nouveau,

- fixer la réparation de ses préjudices de la façon suivante :

- en réparation du préjudice d'agrément 40 000 euros

- en réparation du préjudice esthétique 10 000 euros

- confirmer le jugement quant au surplus,

- y ajoutant,

- condamner l'Etat, représenté par l'agent judiciaire de l'Etat ès-qualités, à verser à M. [J] la somme de 3 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile en cause d'appel.

Par écritures déposées le 6 janvier 2023,soutenues oralement à l'audience, l'agent judiciaire de l'Etat demande à la cour de :

A titre principal,

- confirmer le jugement déféré,

- débouter M. [J] de l'ensemble de ses demandes,

A titre subsidiaire,

- limiter l'indemnisation au titre du préjudice esthétique à de plus justes proportions,

- débouter M. [J] du surplus de ses demandes,

En tout état de cause,

- dire que chaque partie conservera la charge de ses frais irrépétibles et de ses dépens.

Il est fait référence aux écritures ainsi déposées de part et d'autre pour un plus ample exposé des moyens proposés par les parties au soutien de leurs prétentions.

SUR CE , LA COUR

Le jugement déféré n'est pas contesté en ce qu'il a :

- ordonné la jonction des procédures enregistrées sous les numéros 17/00335 et 17/00424, désormais enregistrées sous le numéro 17/00335,

- dit que la maladie déclarée par M. [J] le 13 février 2017 et constatée par certificat médical du 16 janvier 2017 doit être prise en charge au titre de la législation professionnelle au titre du tableau 30 C des maladies professionnelles,

- dit que la maladie professionnelle déclarée le 13 février 2017 par M. [J] sur la base du certificat médical initial du 16 janvier 2017 est la conséquence de la faute inexcusable de la direction des constructions navales, représentée par l'Etat français, lui-même représenté par l'agent judiciaire de l'Etat,

En conséquence,

- dit que la rente servie à M. [J] devra être majorée au maximum légal,

- fixé l'indemnisation des préjudices extra-patrimoniaux subis par M. [J] comme suit :

- déficit fonctionnel temporaire 3 420 euros

- souffrances morales 50 000 euros

- souffrances physiques 20 000 euros

soit une somme totale de 73 420 euros

- dit que lesdites indemnisations devront être versées par l'Etat français - services des pensions du ministère de la défense, représenté par l'agent judiciaire de l'Etat directement à M. [J],

- condamné l'Etat français - services des pensions du ministère de la défense, représenté par l'agent judiciaire de l'Etat, à verser à M. [J] la somme de 1 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- ordonné l'exécution provisoire du jugement,

- condamné l'Etat français - services des pensions du ministère de la défense, représenté par l'agent judiciaire de l'Etat, aux dépens de l'instance.

Ces dispositions sont donc acquises.

M. [J] fait valoir en ce qui concerne le préjudice d'agrément et le préjudice esthétique que le tribunal a statué en deçà des montants qui lui avaient été accordés par le service des pensions de l'Etat. Il souligne que ce service lui avait accordé une somme de 19 935,58 euros au titre du préjudice d'agrément.

Cependant, dès lors que M. [J] a contesté l'offre qui lui a été faite par le service des pensions du ministère de la défense, il appartenait aux premiers juges d'apprécier chaque poste de préjudice en fonction des éléments du dossier et non selon les montants proposés par les services de l'Etat. Et ce d'autant que devant les premiers juges, l'agent judiciaire de l'Etat a conclu au rejet des demandes de M. [J] et non à la confirmation de son offre.

Sur l'indemnisation du préjudice d'agrément et du préjudice esthétique

1° préjudice d'agrément

Le préjudice d'agrément réparable en application des dispositions de l'article L 452-3 du code de la sécurité sociale est constitué par l'impossibilité pour la victime de continuer à pratiquer régulièrement une activité spécifique sportive ou de loisirs. Ce poste de préjudice inclut la limitation de la pratique antérieure.

Il appartient à celle - ci de démontrer qu'elle pratiquait antérieurement et régulièrement une activité spécifique et qu'elle ne peut plus le faire depuis ou qu'elle est limitée dans cette activité

M. [J] fait valoir qu'il est affecté dans les gestes de la vie quotidienne et qu'il ne peut plus avoir d'activités de loisirs dans des conditions normales : bricolage, entretien des champs, des chevaux, randonnées pédestres.

Il produit le témoignage de son frère, M. [V] [J], qui indique que M. [J] n'a jamais retrouvé depuis son opération en 2016, ses capacités physiques antérieures. Il précise que M. [J] et lui s'entraidaient pour des activités d'entretien de prairies, de coupes de bois et que depuis l'intervention chirurgicale, son endurance a fortement diminué.

Son épouse écrit que M. [J] est passionné depuis l'enfance par la vie agricole, qu'il adore participer aux activités agricoles, les foins, l'ensilage, le nettoyage des routes après le passage d'un tracteur, la conduite de tracteurs, la corvée de bois ou couler une dalle. Elle ajoute que ces diverses activités constituaient pour lui son principal loisir, et que depuis son opération, il a dû considérablement diminuer sa participation à ces journées de travail, en raison de son essoufflement. Elle indique qu'il a également dû énormément réduire son activité d'entretien de leur maison, en particulier l'entretien de leurs hectares de terrain.

Ces éléments apportent la démonstration d'une limitation des activités de loisir spécifiques de M. [J] en lien direct avec la maladie professionnelle déclarée le 13 février 2017. Il convient par voie d'infirmation d'indemniser ce préjudice par l'allocation d'une somme de 10 000 euros.

2° préjudice esthétique

M. [J] explique que l'intervention chirurgicale du 8 décembre 2016 l'a marqué physiquement et qu'il en conserve une cicatrice de 15 centimètres dans le dos.

Il en justifie par la production d'une photographie qui caractérise l'existence du préjudice esthétique permanent invoqué par l'appelant.

Celui-ci sera indemnisé, par voie d'infirmation, par l'allocation d'une somme de 1 500 euros.

Il convient en conséquence de fixer l'indemnisation des préjudices extra-patrimoniaux subis par M. [J] comme suit :

- déficit fonctionnel temporaire 3 420 euros

- souffrances morales 50 000 euros

- souffrances physiques 20 000 euros

- préjudice d'agrément 10 000 euros

- préjudice esthétique 1 500 euros

soit une somme totale de 89 920 euros.

Sur l'article 700 du code de procédure civile et les dépens

L'équité commande d'allouer à M. [J] en cause d'appel la somme complémentaire de 1 500 euros en application de ces dispositions, dont le paiement sera mis à la charge de l'agent judiciaire de l'Etat.

L'agent judiciaire de l'Etat qui succombe sera condamné aux dépens d'appel.

PAR CES MOTIFS

La cour,

Confirme le jugement entrepris sauf en ce qu'il a débouté M. [J] de ses demandes présentées au titre du préjudice d'agrément et du préjudice esthétique ;

L'infirme sur ces points ;

Et statuant à nouveau ,

Fixe l'indemnisation des préjudices

- d'agrément à 10 000 euros

- esthétique à 1 500 euros

Rappelle que lesdites indemnisations devront être versées par l'Etat français - service des pensions du ministère de la défense, représenté par l'agent judiciaire de l'Etat directement à M. [J] ;

Condamne l'Etat français - service des pensions du ministère de la défense, représenté par l'agent judiciaire de l'Etat :

- à payer la somme complémentaire de 1 500 euros à M. [J] en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ;

- aux dépens d'appel.

LE GREFFIER LE PRESIDENT

E. GOULARD C. CHAUX


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Caen
Formation : 2ème chambre sociale
Numéro d'arrêt : 21/00089
Date de la décision : 06/04/2023

Origine de la décision
Date de l'import : 26/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2023-04-06;21.00089 ?
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