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23/03/2023 | FRANCE | N°21/01405

France | France, Cour d'appel de Caen, 2ème chambre civile, 23 mars 2023, 21/01405


AFFAIRE : N° RG 21/01405 -

N° Portalis DBVC-V-B7F-GYCH

 



ARRÊT N°



JB.





ORIGINE : DECISION du Tribunal de Commerce de LISIEUX en date du 05 Mars 2021

RG n° 2019.1610





COUR D'APPEL DE CAEN

DEUXIEME CHAMBRE CIVILE ET COMMERCIALE

ARRÊT DU 23 MARS 2023









APPELANTS :



Monsieur [C] [T]

né le [Date naissance 3] 1970 à [Localité 7]

[Adresse 8]

[Adresse 8]

[Localité 1]





Mada

me [O] [W] épouse [T]

née le [Date naissance 4] 1971 à [Localité 6]

[Adresse 8]

[Adresse 8]

[Localité 1]



représentés et assistés de Me Stéphane PIEUCHOT, substitué par Me TRUQUET, avocats au barreau de CAEN







INTIMEE :
...

AFFAIRE : N° RG 21/01405 -

N° Portalis DBVC-V-B7F-GYCH

 

ARRÊT N°

JB.

ORIGINE : DECISION du Tribunal de Commerce de LISIEUX en date du 05 Mars 2021

RG n° 2019.1610

COUR D'APPEL DE CAEN

DEUXIEME CHAMBRE CIVILE ET COMMERCIALE

ARRÊT DU 23 MARS 2023

APPELANTS :

Monsieur [C] [T]

né le [Date naissance 3] 1970 à [Localité 7]

[Adresse 8]

[Adresse 8]

[Localité 1]

Madame [O] [W] épouse [T]

née le [Date naissance 4] 1971 à [Localité 6]

[Adresse 8]

[Adresse 8]

[Localité 1]

représentés et assistés de Me Stéphane PIEUCHOT, substitué par Me TRUQUET, avocats au barreau de CAEN

INTIMEE :

S.A. CAISSE D'EPARGNE ET DE PREVOYANCE NORMANDIE

N° SIRET : 384 353 413

[Adresse 2]

[Localité 5]

prise en la personne de son représentant légal

représentée et assistée de Me Marc REYNAUD, avocat au barreau de LISIEUX

DEBATS : A l'audience publique du 16 janvier 2023, sans opposition du ou des avocats, Mme COURTADE, Conseillère, a entendu seule les plaidoiries et en a rendu compte à la cour dans son délibéré

GREFFIER : Mme LE GALL, greffier

COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ :

Mme EMILY, Président de Chambre,

Mme COURTADE, Conseillère,

M. GOUARIN, Conseiller,

ARRÊT prononcé publiquement le 23 mars 2023 à 14h00 par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile et signé par Madame EMILY, président, et Mme LE GALL, greffier

* * *

Par acte sous seing privé en date du 17 mai 2017, la CAISSE D'EPARGNE ET DE PREVOYANCE DE NORMANDIE a consenti à la SARL [T] un prêt de 220 000€ destiné à financer l'acquisition d'une branche de fonds de commerce de restauration brasserie et des travaux.

Le même jour, M. [C] [T] et Mme [O] [W] épouse [T], associés et co-gérants, se sont portés cautions solidaires de ladite SARL chacun dans la limite de 71 500€ couvrant le paiement du principal, des intérêts, pénalités ou intérêts de retard et pour la durée de 120 mois.

Le 27 juin 2018, la SARL [T] a fait l'objet d'une procédure de liquidation judiciaire.

La CAISSE D'EPARGNE a déclaré sa créance qui par ordonnance du juge-commissaire du 21 mai 2019 a été admise à titre privilégié et définitif pour la somme de :

- 202 104,44€ au titre du capital restant dû au 5 juin 2018 avec intérêts de retard du 5 au 27 juin 2018 au taux de 0,01%

- 1€ au titre de l'indemnité d'exigibilité.

Par acte d'huissier du 13 mai 2019, la CAISSE D'EPARGNE fait assigner M. et Mme [T] devant le tribunal de commerce de Lisieux en paiement en leur qualité de caution.

Par jugement du 5 mars 2021, le tribunal a :

- Condamné Monsieur [C] [T] à payer à la CAISSE D'EPARGNE ET DE PREVOYANCE NORMANDIE en sa qualité de caution la somme de 71 500 euros avec intérêts au taux légal à compter de l'assignation introductive d'instance jusqu'à parfait paiement

- Condamné Madame [O] [T] à payer à la CAISSE D'EPARGNE ET DE PREVOYANCE NORMANDIE en sa qualité de caution la somme de 71 500 euros avec intérêts au taux légal à compter de l'assignation introductive d'instance jusqu'à parfait paiement

- Prononcé la déchéance des intérêts au taux conventionnel et dit que les paiements effectués par la SARL [T] doivent être imputés à la dette principale

- Condamné solidairement Monsieur [C] [T] et Madame [O] [T] à payer à la CAISSE D'EPARGNE ET DE PREVOYANCE NORMANDIE la somme de 1 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile

- Condamné solidairement Monsieur et Madame [T] aux entiers dépens et liquidé les frais de greffe à la somme de 94,34€.

Par déclaration du 18 mai 2021, M. et Mme [T] ont interjeté appel de cette décision.

Aux termes de leurs dernières conclusions déposées le 15 février 2022, M. et Mme [T] demandent de :

- Déclarer Monsieur et Madame [T] recevables et bien fondés en leur appel

A titre principal,

- Infirmer le jugement entrepris en toutes ses dispositions

Statuant à nouveau,

Vu les articles 133, 134, 138, 139 et 142 du Code de Procédure Civile,

- Condamner la CAISSE D'EPARGNE ET DE PREVOYANCE NORMANDIE à verser aux débats le(s) dossier(s) interne(s) de financement constitué(s) lors de la conclusion des contrats de prêt successifs conclus avec la société [T], accompagné de(s) l'avis du Comité de crédit et du directeur d'agence, le tout sous astreinte de 200,00 € par jour de retard, laquelle astreinte devra courir à l'expiration d'un délai de quinze jours suivant l'accomplissement des formalités de signification de la décision à intervenir.

- renvoyer en ce cas le dossier à la mise en état pour qu'il soit ultérieurement conclu, plus amplement, après production des pièces litigieuses

- Débouter la CAISSE D'EPARGNE ET DE PREVOYANCE NORMANDIE de l'intégralité de ses demandes.

- Constater que la CAISSE D'EPARGNE ET DE PREVOYANCE NORMANDIE ne justifie pas avoir respecté son devoir de mise en garde à l'égard de Madame et Monsieur [C] [T],

- Constater que la CAISSE D'EPARGNE ET DE PREVOYANCE NORMANDIE ne justifie pas avoir vérifié que les biens et revenus de Monsieur et Madame [C] [T] étaient proportionnés à leurs engagements de caution.

En conséquence,

- Prononcer la caducité de l'engagement de Madame et Monsieur [C] [T]

- Déclarer irrecevables et mal fondées les demandes formées par la CAISSE D'EPARGNE ET DE PREVOYANCE NORMANDIE à leur encontre

A titre subsidiaire,

* Vu les articles 1103 et 1104 du Code civil,

- Dire et juger que les engagements de caution souscrits par Monsieur et Madame [T] doivent être limités à la somme de 56.738,62 euros,

* Vu l'article L 313-22 du Code Monétaire et Financier,

- Prononcer la déchéance des intérêts au taux conventionnel, Dire que les paiements effectués par la SARL [T] doivent être imputés sur la dette principale, Confirmer à ce double titre le jugement entrepris et l'Infirmer pour le surplus

- A défaut pour la CAISSE D'EPARGNE ET DE PREVOYANCE NORMANDIE de produire un nouveau décompte de sa créance conforme, la Débouter de l'intégralité de ses demandes, fins et prétentions,

A titre très subsidiaire,

Vu l'article 2290 du Code civil

- Dire et juger que la CAISSE D'EPARGNE ET DE PREVOYANCE NORMANDIE ne peut réclamer à Monsieur et Madame [C] [T] les intérêts contractuels au titre desquels aucune admission n'a été prononcée au passif du débiteur principal, ni les intérêts moratoires à un taux supérieur à 0,01 %

- La Débouter de ses demandes présentées à ce titre

En toute hypothèse,

- Condamner la CAISSE D'EPARGNE ET DE PREVOYANCE NORMANDIE à payer à Madame et Monsieur [C] [T] une indemnité de 6.000 € appréciée sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens.

- Accorder à Maître [X] [S] le bénéfice du droit de recouvrement direct instauré par l'article 699 du Code de Procédure Civile.

Aux termes de ses dernières conclusions déposées le 7 novembre 2022, la CAISSE D'EPARGNE ET DE PREVOYANCE DE NORMANDIE demande de :

- Débouter Monsieur et Madame [T] de l'intégralité de leurs demandes, fins et conclusions

- Confirmer le jugement entrepris en toutes ses dispositions sauf en ce qu'il a prononcé la déchéance des intérêts au taux conventionnel et dit que les paiements effectués par la SARL [T] doivent être imputés à la dette principale

Statuant de nouveau :

- Condamner Monsieur [C] [T] à lui payer, en sa qualité de caution, la somme de 71 500,00 € outre intérêts au taux de 3,75 % l'an à compter de l'assignation introductive d'instance jusqu'à parfait paiement

- Condamner Madame [O] [T] à lui payer, en sa qualité de caution, la somme de 71 500,00 € outre intérêts au taux de 3,75 % l'an à compter de l'assignation introductive d'instance jusqu'à parfait paiement

Y additant :

- Condamner Monsieur et Madame [T] à lui verser la somme de 3.000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile au titre des frais irrépétibles engagés en appel

- Condamner Monsieur et Madame [T] aux entiers dépens de première instance et d'appel

L'ordonnance de clôture a été prononcée le 14 décembre 2022.

Il est expressément renvoyé aux écritures précitées pour un plus ample exposé des prétentions et moyens des parties.

MOTIFS

I. Sur la communication de pièces

La cour fait sienne l'analyse du tribunal qui, après avoir rappelé que la CAISSE D'EPARGNE a produit la fiche patrimoniale des cautions, a jugé que les documents réclamés par les époux [T] (dossier interne de financement et avis du comité de crédit et du directeur d'agence) ne sont ni obligatoires ni nécessaires à la solution du litige et par conséquent écarté leur demande de production de ces pièces sous astreinte.

Le jugement est confirmé sur ce point.

II. Sur le devoir de mise en garde

En application de l'article 1147 ancien du code civil, la banque est tenue à un devoir de mise en garde à l'égard d'une caution non avertie lorsque, au jour de son engagement, celui-ci n'est pas adapté aux capacités financières de la caution ou il existe un risque d'endettement né de l'octroi du prêt garanti, lequel résulte de l'inadaptation du prêt aux capacités financières de l'emprunteur.

Le banquier prêteur n'a d'obligation de mise en garde qu'en cas d'engagement excessif de la caution par rapport à ses facultés financières ou d'un risque d'endettement résultant du prêt consenti, dont la preuve incombe à la caution.

Le tribunal a, au vu de la fiche de renseignements remplie et signée le 20 avril 2017 par M. et Mme [T] relative à leur situation financière et patrimoniale, estimé à juste titre que leur engagement de caution n'était pas disproportionné par rapport à leurs biens et revenus à la date où il a été souscrit.

Le risque d'un endettement né de l'octroi du prêt n'est pas invoqué.

Il résulte de ces observations que la CAISSE D'EPARGNE n'était pas tenue à un devoir de mise en garde à l'égard des appelants de sorte que le jugement doit être confirmé en ce qu'il a écarté toute demande de ce chef.

III. Sur le montant de l'engagement de caution

M. et Mme [T] font valoir qu'aux termes du contrat de prêt, ils se sont engagés à hauteur de 25% du montant de celui-ci outre intérêts, frais et accessoires, représentant la somme de 56 738,62€, et que le montant de 71 500€ mentionné dans leurs engagements de caution qui forment un tout indivisible avec l'acte de crédit, résulte d'une erreur matérielle de la banque.

Ce moyen est infondé.

En effet, ce n'est pas l'acte de prêt souscrit par la SARL [T] mais l'acte d'engagement de caution signé par chacun des époux qui fonde le montant de leur cautionnement.

M. et Mme [T] se sont de manière claire et précise et, sans aucun ambiguïté possible, engagés chacun à hauteur de 71 500€ couvrant le paiement du principal, des intérêts, pénalités ou intérêts de retard ainsi qu'il résulte des mentions manuscrites.

IV. Sur l'information annuelle de la caution

L'article L 313-22 ancien du code monétaire et financier, dans sa version applicable au litige, énonce que 'les établissements de crédit ou les sociétés de financement ayant accordé un concours financier à une entreprise, sous la condition du cautionnement par une personne physique ou une personne morale, sont tenus au plus tard avant le 31 mars de chaque année de faire connaître à la caution le montant du principal et des intérêts, commissions, frais et accessoires restant à courir au 31 décembre de l'année précédente au titre de l'obligation bénéficiant de la caution, ainsi que le terme de cet engagement. Si l'engagement est à durée indéterminée, ils rappellent la faculté de révocation à tout moment et les conditions dans lesquelles celle-ci est exercée.

(...)

Le défaut d'accomplissement de la formalité prévue à l'alinéa précédent emporte, dans les rapports entre la caution et l'établissement tenu à cette formalité, déchéance des intérêts échus depuis la précédente information jusqu'à la date de communication de la nouvelle information. Les paiements effectués par le débiteur principal sont réputés, dans les rapports entre la caution et l'établissement, affectés prioritairement au règlement du principal de la dette.'

Il est de principe constant que l'information est due jusqu'à l'extinction de la dette, même après condamnation définitive de la caution ou après admission de la créance à la procédure collective du débiteur principal.

La CAISSE D'EPARGNE ne démontre pas plus en appel qu'en première instance que les lettres d'information des 12 mars 2018 et 13 mars 2019 qu'elle produit ont été effectivement adressées aux cautions, faute de justificatif de leur envoi.

Par suite, la sanction de la déchéance des intérêts conventionnels est confirmée.

* * *

L'admission par le juge-commissaire d'une créance au passif de la procédure collective du débiteur a, quant à son principe et son montant, autorité de la chose jugée à l'égard de la caution.

En l'espèce, la créance de la CAISSE D'EPARGNE a été admise pour la somme de 202 104,44€ au titre du capital restant dû au 5 juin 2018 avec intérêts de retard du 5 au 27 juin 2018 au taux de 0,01%.

Au vu du tableau d'amortissement et du très court laps de temps qui s'est écoulé entre l'octroi du prêt (17 mai 2017) et la déchéance du terme (5 juin 2018), il apparaît clairement que la créance de la banque, après imputation des règlements par priorité sur le capital, n'est que faiblement diminuée et reste supérieure aux engagements des cautions.

Par suite, la production d'un nouveau décompte de créance n'est pas nécessaire.

Il convient de confirmer le jugement en ce qu'il a condamné M. et Mme [T], chacun en sa qualité de caution, à payer à la CAISSE D'EPARGNE ET DE PREVOYANCE DE NORMANDIE la somme de 71 500€ avec intérêts au taux légal à compter de l'assignation du 13 mai 2019.

V. Sur les demandes accessoires

Les dispositions relatives aux dépens et frais irrépétibles sont confirmées.

M. et Mme [T] succombant, sont condamnés aux dépens de l'appel, à payer à la CAISSE D'EPARGNE ET DE PREVOYANCE DE NORMANDIE la somme complémentaire de 2500€ sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, et sont déboutés de leur demande formée à ce titre.

PAR CES MOTIFS

La cour, statuant publiquement, par arrêt contradictoire, mis à disposition au greffe, dans les limites de sa saisine,

CONFIRME le jugement entrepris

Y ajoutant,

CONDAMNE M. [C] [T] et Mme [O] [W] épouse [T] à payer à la CAISSE D'EPARGNE ET DE PREVOYANCE DE NORMANDIE la somme complémentaire de 2500€ sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;

DEBOUTE M. [C] [T] et Mme [O] [W] épouse [T] de leur demande formée à ce titre ;

CONDAMNE M. [C] [T] et Mme [O] [W] épouse [T] aux dépens de l'appel avec droit de recouvrement direct au profit des avocats constitués en la cause qui en ont fait la demande, conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile ;

DEBOUTE les parties de leurs demandes plus amples ou contraires.

LE GREFFIER LE PRÉSIDENT

N. LE GALL F. EMILY


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Caen
Formation : 2ème chambre civile
Numéro d'arrêt : 21/01405
Date de la décision : 23/03/2023

Origine de la décision
Date de l'import : 26/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2023-03-23;21.01405 ?
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