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23/03/2023 | FRANCE | N°21/00647

France | France, Cour d'appel de Caen, 2ème chambre sociale, 23 mars 2023, 21/00647


AFFAIRE : N° RG 21/00647

N° Portalis DBVC-V-B7F-GWN5

 Code Aff. :



ARRET N°



C.P





ORIGINE : Décision du Pôle social du Tribunal Judiciaire de CAEN en date du 02 Février 2021 - RG n° 17/00796











COUR D'APPEL DE CAEN

2ème chambre sociale

ARRÊT DU 23 MARS 2023





APPELANTE :



S.A.S. [8] agissant poursuites et diligences de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège.

[Adresse 2]

[Loc

alité 1]



Représentée par Me Jérémie PAJEOT, substitué par Me MINET, avocats au barreau de CAEN



INTIMEE :



URSSAF DE NORMANDIE, venant aux droits de l'Urssaf de Basse-Normandie

[Adresse 3]

[Adress...

AFFAIRE : N° RG 21/00647

N° Portalis DBVC-V-B7F-GWN5

 Code Aff. :

ARRET N°

C.P

ORIGINE : Décision du Pôle social du Tribunal Judiciaire de CAEN en date du 02 Février 2021 - RG n° 17/00796

COUR D'APPEL DE CAEN

2ème chambre sociale

ARRÊT DU 23 MARS 2023

APPELANTE :

S.A.S. [8] agissant poursuites et diligences de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège.

[Adresse 2]

[Localité 1]

Représentée par Me Jérémie PAJEOT, substitué par Me MINET, avocats au barreau de CAEN

INTIMEE :

URSSAF DE NORMANDIE, venant aux droits de l'Urssaf de Basse-Normandie

[Adresse 3]

[Adresse 5]

[Localité 4]

Représentée par Mme [I], mandatée

DEBATS : A l'audience publique du 19 janvier 2023 , tenue par M. LE BOURVELLEC, Conseiller , magistrat chargé d'instruire l'affaire lequel a, les parties ne s'y étant pas opposées, siégé en présence de M. GANCE, Conseiller, pour entendre les plaidoiries et en rendre compte à la Cour dans son délibéré .

GREFFIER : Mme GUIBERT

COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ :

Mme CHAUX, Présidente de chambre,

M. LE BOURVELLEC, Conseiller,

M. GANCE, Conseiller,

ARRÊT prononcé publiquement le 23 mars 2023 à 14h00 par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile et signé par Mme CHAUX, présidente, et Mme GOULARD, greffier

La cour statue sur l'appel régulièrement interjeté par la société [8] d'un jugement rendu le 2 février 2021 par le tribunal judiciaire de Caen dans un litige l'opposant à l'Urssaf Normandie, venant aux droits de l'Urssaf de Basse-Normandie.

FAITS et PROCEDURE

La société [8] ('la société') a fait l'objet d'un contrôle de l'application des législations de sécurité sociale, de l'assurance chômage et de la garantie des salaires pour la période du 1er janvier 2014 au 31 décembre 2016.

A l'issue de ce contrôle, les inspecteurs du recouvrement de l'Urssaf de Basse-Normandie ('l'Urssaf') ont adressé à la société une lettre d'observations en date du 25 avril 2017 notifiant un redressement d'un montant total de 179 367 euros.

Par courrier du 24 mai 2017, la société a fait valoir ses observations.

Par courrier du 26 juillet 2017, l'inspecteur du recouvrement a maintenu le redressement notifié.

Des observations n'ayant pas donné lieu à redressement ont été formulées pour l'avenir par courrier du 14 mars 2019.

Le 9 août 2017, l'Urssaf a adressé à la société une mise en demeure de payer 192 042 euros de cotisations et 24 790 euros de majorations de retard, dont à déduire 12 675 euros, soit la somme totale de 204 157 euros.

Le 25 septembre 2017, la société a saisi la commission de recours amiable aux fins de contester le chef de redressement n° 4 (cotisations - rupture non forcée du contrat de travail : assujettissement (démission, départ volontaire à la retraite - 25 388 euros).

Par courrier du 9 octobre 2017, la société a saisi à nouveau la commission de recours amiable pour contester d'autres chefs de redressement (n° 2, 4, 5 et 10).

Le 18 décembre 2017, la société a saisi le tribunal des affaires de sécurité sociale du Calvados en contestation de la décision implicite de rejet de la commission de recours amiable.

Celle-ci a rendu une décision le 27 mars 2018.

La société a saisi une nouvelle fois le tribunal des affaires de sécurité sociale du Calvados en contestation de la décision de la commission de recours amiable.

Par jugement du 2 février 2021,le tribunal judiciaire de Caen, auquel a été transféré le contentieux de la sécurité sociale à compter du 1er janvier 2019, a :

- ordonné la jonction de l'affaire portant le numéro de rôle 2017-0796 à celle portant le numéro de rôle 2018-0388,

- annulé partiellement le redressement opéré par l'Urssaf, portant sur la période allant du 1er janvier 2014 au 31 décembre 2016 à l'encontre de la société suivant la lettre d'observations du 25 avril 2017, partiellement confirmé par la décision de la commission de recours amiable prise lors de sa séance du 27 mars 2018, pour ce qui concerne le chef de redressement n° 5 : indemnité transactionnelle versée suite à un licenciement pour faute grave pour un montant de 5 .967 euros, outre les majorations de retard correspondant à ce chef de redressement,

- confirmé pour le surplus le redressement opéré par l'Urssaf à l'encontre de la société suivant la lettre d'observations du 25 avril 2017, partiellement confirmé par la décision de la commission de recours amiable prise lors de sa séance du 27 mars 2018,

- débouté les parties de toutes autres demandes,

- dit que chacune des parties conservera la charge de ses dépens.

Par déclaration du 4 mars 2021, la société a interjeté appel de ce jugement.

Aux termes de ses conclusions déposées le 26 octobre 2022, soutenues oralement par son conseil, la société demande à la cour de :

- infirmer le jugement déféré en ce qu'il a débouté la société de sa demande d'annulation du redressement issu de la lettre d'observations du 25 avril 2017 dans son intégralité,

- infirmer le jugement déféré en ce qu'il a débouté la société de sa demande d'annulation des chefs de redressement n° 4, 8 et 10,

- infirmer le jugement déféré en ce qu'il a débouté la société de sa demande de remise de majorations de retard,

- infirmer le jugement déféré en ce qu'il a débouté la société de sa demande de dommages et intérêts,

- infirmer le jugement déféré en ce qu'il a débouté la société de sa demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile et des dépens,

- confirmer pour le surplus,

En conséquence,

A titre principal,

- annuler l'intégralité du redressement notifié à la société par mise en demeure du 9 août 2017,

- ordonner à l'Urssaf Normandie de rembourser à la société la somme de 204 157 euros, majorée des intérêts au taux légal,

A titre subsidiaire,

- annuler le chef de redressement n° 4 (indemnité transactionnelle versée à M. [Y] et indemnité de retraite versée à Mme [N]),

- annuler le chef de redressement n° 8 (SMIC réduction générale des cotisations sociales)

- annuler le chef n° 10 (tarif préférentiel)

- ordonner à l'Urssaf de rembourser à la société les cotisations et majorations réglées par la société pour les chefs de redressement annulés, majorés des intérêts au taux légal,

A titre infiniment subsidiaire,

- déclarer que le refus de remise des majorations de retard est injustifié,

- en conséquence, ordonner à l'Urssaf de rembourser à la société les majorations réglées,

En tout état de cause,

- condamner l'Urssaf au paiement de la somme de 3 000 euros pour la première instance et 3 000 euros pour la procédure d'appel au titre de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'aux dépens de l'instance,

- condamner l'Urssaf au paiement de la somme de 1 500 euros au titre de dommages et intérêts.

Par conclusions déposées le 11 janvier 2023, soutenues oralement par son conseil, l'Urssaf Normandie, venant aux droits de l'Urssaf de Basse-Normandie, demande à la cour de :

A titre principal,

- constater l'irrecevabilité de l'appel de la société,

A titre subsidiaire,

- constater que l'Urssaf renonce expressément à la reconstitution en brut du chef de redressement n° 4,

- confirmer pour le surplus le jugement déféré en toutes ses dispositions,

- rejeter les entières demandes et contestations de la société,

En tout état de cause,

- condamner la société au paiement de la somme de 2 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamner la société aux dépens.

Il est fait référence aux écritures ainsi déposées de part et d'autre pour un plus ample exposé des moyens proposés par les parties au soutien de leurs prétentions.

SUR CE, LA COUR

- Sur la recevabilité de l'appel

L'Urssaf fait valoir que le jugement entrepris a été rendu le 2 février 2021, qu'il a été notifié le 2 février 2021 par courrier recommandé avec accusé de réception, et que la société disposait d'un délai jusqu'au 2 mars 2021 pour interjeter appel. L'appel ayant été interjeté le 4 mars 2021, elle considère que celui-ci est irrecevable.

C'est à tort que l'Urssaf soutient que le jugement a été notifié le 2 février 2021 à la société puisque cette date correspond à celle à laquelle le greffe a envoyé le courrier de notification à la société.

L'Urssaf ne produit aucune pièce établissant la date à laquelle le jugement a été notifié à la société, date constituant le point de départ du délai d'appel.

En conséquence, l'appel de la société sera déclaré recevable.

- Sur la régularité du contrôle

L'article R.243-59 du code de sécurité sociale, dans sa version applicable, dispose notamment que lorsque la personne contrôlée répond avant la fin du délai imparti, l'agent chargé du contrôle est tenu de répondre. Chaque observation exprimée de manière circonstanciée par la personne contrôlée fait l'objet d'une réponse motivée. Cette réponse détaille, par motif de redressement, les montants qui, le cas échéant, ne sont pas retenus et les redressements qui demeurent envisagés.

La société fait valoir que la réponse apportée par l'inspecteur de l'Urssaf à ses observations ne respecte pas les prescriptions légales applicables.

En particulier, elle indique que la réponse de l'Urssaf portait sur les chefs de redressement 1, 2, 4, 5, 8, 9 et 10, pour un total de 184 319 euros, alors que la lettre d'observations initiale portait sur un total de 179 367 euros. Elle estime que cette réponse fait naître une incertitude quant aux sommes dues par la société.

L'Urssaf réplique que l'inspecteur, dans sa réponse aux observations de la société, a répondu uniquement aux points soulevés par celle-ci et qu'il était conclu dans le courrier que tous les points abordés ont fait l'objet d'un 'maintien de la totalité du rappel de cotisations et contributions'.

Les parties s'accordent sur les chefs de redressement qui ont fait l'objet d'observations par la société, de sorte que la circonstance que le courrier de celle-ci ne soit pas produit aux débats est sans conséquences sur son argumentation.

La lecture de la lettre d'observations du 25 avril 2017 mentionne un rappel de cotisations et contributions de sécurité sociale, d'assurance chômage et d'AGS d'un montant total de 179 367 euros.

Ce montant résulte de l'addition des chefs de redressement 2, 4, 5, 6, 7, 8, 9 , 10, soit 202 335 euros, puis de la soustraction des chefs de redressement 1 et 3 (qui retiennent des régularisations en faveur de la société), soit 22 968 euros (16 452 + 6516).

Dans ces conditions, lorsque l'inspecteur de l'Urssaf indique, dans sa réponse, qu'il maintient dans son intégralité le redressement pour la somme de 179 367 euros, il répond d'une part de manière détaillée aux observations de la société sur les chefs de redressement soulevés par celle-ci, et d'autre part, il reprend le total du redressement initial, comprenant les chefs non contestés par la société.

Il en résulte que l'Urssaf a respecté les prescriptions de l'article R.243-59 du code de sécurité sociale. Le jugement doit être confirmé à ce titre.

- Au fond

Le jugement entrepris n'est pas critiqué en ce qu'il a :

- confirmé notamment le chef de redressement n° 2 (CSG/RDS : régularisation participation et règles d'assujettissement), en notant que la commission de recours amiable a fait droit à la demande de remboursement formulée par la société qui ne formule plus aucune demande à ce titre ;

- annulé le chef de redressement n° 5 (indemnité transactionnelle versée suite à un licenciement pour faute grave).

Ces dispositions sont donc acquises.

- Sur le chef de redressement n° 4 : Rupture non forcée du contrat de travail : assujettissement (démission, départ volontaire à la retraite)

La lettre d'observations mentionne que l'examen des documents sociaux a permis de constater deux situations de rupture à l'initiative du salarié pour lesquelles les indemnités versées n'ont pas respecté le régime social applicable, à savoir les situations de Mme [N] et M. [Y].

La société explique avoir conclu un accord transactionnel avec M. [Y] le 31 décembre 2016 pour mettre un terme au litige qui les opposait. Elle précise lui avoir versé une somme forfaitaire de 48 000 euros à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice moral du salarié.

L'Urssaf rétorque que M. [Y] a démissionné de ses fonctions pour des raisons personnelles et que son préjudice repose pour l'essentiel sur des préoccupations financières, de nature salariale.

Il convient de noter que, contrairement à ce qu'indique la société, l'Urssaf a mentionné dans la lettre d'observations les considérations de droit et de fait sur lesquelles elle s'est appuyée pour notifier ce chef de redressement.

Il résulte des dispositions du premier alinéa de l'article L. 242-1 du code de la sécurité sociale que les sommes versées au salarié lors de la rupture du contrat de travail autres que les indemnités mentionnées au dixième alinéa, dans sa rédaction applicable à la date d'exigibilité des cotisations litigieuses, sont comprises dans l'assiette de cotisations de sécurité sociale et d'allocations familiales, à moins que l'employeur rapporte la preuve qu'elles concourent, pour tout ou partie de leur montant, à l'indemnisation d'un préjudice.

L'article 80 duodecies du code général des impôts, modifié à plusieurs reprises, détermine le caractère imposable des indemnités versées à l'occasion de la rupture du contrat de travail en posant un principe, puis en déterminant des exceptions, totales ou partielles.

Il en résulte substantiellement que toute indemnité versée à l'occasion de la rupture du contrat de travail constitue une rémunération imposable à l'exception des dommages-intérêts dus en cas de licenciement pour motif économique nul, de non respect de la procédure de licenciement, de licenciement sans cause réelle et sérieuse, des indemnités de licenciement ou de départ volontaire versées dans le cadre d'un plan de sauvegarde de l'emploi, d'une fraction des indemnités de licenciement versées en dehors du cadre d'un plan de sauvegarde de l'emploi, d'une fraction des indemnités de mise à la retraite.

Par courrier du 29 octobre 2016, M. [Y] a écrit 'ayant été promu à de nouvelles fonctions au sein de [6] à [Localité 7], je vous informe de ma volonté de démissionner de l'emploi de commercial/hôtesse d'accueil que j'occupe au sein de votre société'.

Le protocole d'accord transactionnel conclu entre la société et M. [Y] le 31 décembre 2016 mentionne en page 2 :

'M. [Y] a démissionné de son emploi au sein de la société [8] le 29 octobre 2016 avec effet au 31 décembre 2016.

Cependant suite à sa démission, M. [Y] a contesté auprès de son employeur les modalités d'exécution de son contrat de travail. Il estime que bien que n'ayant à aucun moment eu d'entrave à l'exécution de ses différents mandats syndicaux et autres, n'exécutant dans les faits plus son emploi au sein de l'entreprise depuis plusieurs années, n'avoir toutefois pas obtenu l'évolution professionnelle qu'il aurait pu espérer du fait de son ancienneté, n'avoir pas bénéficié des primes annuelles, heures supplémentaires et autres accessoires de son contrat de travail, telles que prévues par les conventions collectives qui se sont appliquées successivement et les dispositions légales, depuis 1988. Il estime que son préjudice est tant financier, professionnel que moral.

[...]

M. [Y] ne souhaitait en aucune manière accepter les arguments de la société [8] et maintenait sa position.

Il reconnaissait toutefois, après avoir obtenu toute réponse de la société [8], avoir en effet été réglé de l'ensemble des sommes dues au titre de son contrat de travail depuis 1988, notamment primes annuelles et heures supplémentaires et autres accessoires du salaire, mais estimait avoir subi un préjudice moral du fait du manque d'évolution de sa carrière au sein de l'entreprise.

[...]

M. [Y] [...] confirmait qu'il estimait avoir subi un préjudice moral important du fait de n'avoir pas bénéficié d'évolution professionnelle au sein de l'entreprise.

[...]

Article 2

En contrepartie de la renonciation définitive de M. [Y] à exercer à l'encontre de la société [8] une quelconque instance prud'homale et/ou action judiciaire ou autre ayant pour objet tout chef de demande issu de la formation et/ou de l'exécution de travail auquel il a été volontairement mis fin par M. [Y], la société [8] accepte :

de verser à M. [Y] qui l'accepte et la considère comme totalement satisfaisante pour solde définitif de tout compte, la somme forfaitaire nette de 48 000 euros à titre de dommages et intérêts.'

Il convient de relever que, contrairement à ce qu'affirme la société, c'est à elle et non à l'Urssaf qu'il revient de prouver que les sommes versées au salarié lors de la rupture du contrat de travail concourent, pour tout ou partie de leur montant, à l'indemnisation d'un préjudice.

Il apparaît à la lecture du protocole transactionnel que les revendications de M. [Y] étaient de nature salariale, puisqu'il déplore en page 2 ne pas avoir bénéficié de l'évolution professionnelle attendue du fait de son ancienneté et n'avoir pas, par conséquent, perçu les primes et autres avantages financiers afférents à l'évolution à laquelle il estimait avoir droit.

M. [Y] reconnaît certes, dans la suite du protocole, avoir reçu les sommes dues en exécution de son contrat de travail depuis 1988, tout en continuant à revendiquer le défaut d'évolution de carrière dans l'entreprise. Ainsi, et quoique M. [Y] qualifie dans un second temps son préjudice comme moral, il caractérise toujours celui-ci de la même manière, avec la même conséquence selon lui de perte de primes et des avantages financiers accessoires à son contrat de travail.

L'analyse de l'accord transactionnel ne révèle pas le caractère indemnitaire de la transaction et n'explique pas la cause du versement de l'indemnité. La somme litigieuse n'était donc pas au nombre de celles limitativement énumérées par l'article 80 duodecies du code général des impôts auquel renvoie l'article L.242-1 du code de la sécurité sociale, de sorte qu'elle entrait dans l'assiette des cotisations sociales.

La société critique ensuite le redressement en ce qu'il a reconstitué en brut le montant de l'indemnité versée à M. [Y], pour aboutir à la somme de 60 423 euros.

L'Urssaf indique renoncer au bénéfice de la brutalisation des sommes querellées concernant M. [Y] et Mme [N], 'compte tenu du revirement de jurisprudence'. Elle demande à la cour de constater qu'elle ramène le rappel de cotisations à la somme de 18 648 euros pour les deux salariés, au lieu de 25 388 euros, de sorte qu'elle devra rembourser la somme de 6 740 euros correspondant à la différence entre les deux montants.

Il convient par conséquent de confirmer le jugement en ce qu'il a confirmé le chef de redressement n° 4, mais d'y ajouter les montants actualisés résultant de la renonciation de l'Urssaf au bénéfice de la brutalisation des sommes concernant M. [Y] et Mme [N].

- Sur le chef de redressement n° 8 : réduction générale des cotisations : paramètre SMIC

La société indique :

- au titre de l'année 2014 :

Ne pas comprendre pourquoi les heures de nuit ne devraient-elles pas être prises en compte pour calculer le SMIC de référence,

Ne pas comprendre pourquoi les heures travaillées les jours fériés devraient venir diminuer le SMIC de référence,

Ne pas comprendre l'explication de l'Urssaf selon laquelle 'les indemnités complémentaires correspondant à un maintien total ou partiel de salaire en cas de maladie ou accident du travail n'ont pas été retenues dans les variables servant à déterminer le SMIC correspondant au mois de l'absence'.

Elle soutient que l'Urssaf a par la suite, lorsqu'elle a répondu aux observations de la société, modifié ses explications pour justifier ce chef de redressement, et n'a détaillé le calcul de l'assiette de régularisation que pour un seul salarié. Elle en conclut que l'Urssaf ne lui a pas permis de comprendre et vérifier les éléments de calcul du redressement et n'a pas respecté le contradictoire, dès lors que le délai de trente jours pour faire valoir ses observations était expiré lorsqu'elle a reçu les nouvelles explications de l'Urssaf.

- au titre de l'année 2015 : elle fait valoir qu'elle ne comprend ni ne peut vérifier les éléments de calcul du redressement et considère que le contradictoire n'a pas été respecté.

- au titre de l'année 2016 : elle indique que seul le calcul du redressement concernant la rémunération de M. [K] a été clairement explicité, mais que la somme supplémentaire réclamée n'est pas expliquée et ne peut pas être vérifiée, de sorte que le contradictoire n'a pas été respecté.

L'Urssaf rappelle que la société n'a formulé aucune critique à l'égard de ce chef de redressement devant la commission de recours amiable, mentionnant dans son courrier de contestation du 9 octobre 2017 'à la lecture des explications nouvelles fournies par l'Urssaf dans sa réponse à nos observations, la société a désormais compris en quoi consistait le redressement relatif au calcul du SMIC pour l'application de la réduction dite Fillon. La société ne souhaite donc pas contester ce chef de redressement n° 8, ni le point n° 9 en découlant, devant la commission de recours amiable.

Elle considère avoir répondu de manière détaillée aux demandes d'explications de la société.

De fait, l'Urssaf a mentionné dans son courrier de réponse aux observations de la société les éléments d'explications suivants :

- heures de nuits : 'comme le prévoit la convention collective du commerce de détail et de gros à prédominance alimentaire, le travail de nuit ouvre droit au paiement de majorations salariales.

S'agissant de majorations salariales et non d'heures effectuées au-delà de la durée légale hebdomadaire de travail, le nombre d'heures inscrit dans ces rubriques de paie ne doit pas être retenu dans la valorisation du SMIC.'

- jours fériés : 'vous indiquez clairement dans votre courrier de réponse que les jours fériés sont travaillés lorsqu'ils tombent un jour habituellement travaillé.

Il en résulte qu'un salarié qui travaille 36,75 heures habituellement ne réalisera pas plus de 36,75 heures en ne chômant pas un jour férié. Dès lors, le paiement majoré des heures effectuées la nuit ou les jours fériés ne confère pas de fait la nature d'heures supplémentaires à ces heures'.

- indemnités complémentaires correspondant à un maintien total ou partiel de salaire en cas de maladie ou accident du travail :'lorsque le contrat de travail est suspendu avec maintien partiel ou sans maintien de salaire, la fraction du montant du SMIC correspondant au mois de l'absence est corrigée par le rapport entre la rémunération versée et celle qui aurait été versée si le salarié avait été présent tout le mois, hors éléments de rémunération qui ne sont pas affectés par l'absence. On ne tient pas compte dans le rapport (numérateur et dénominateur) des éléments de rémunération type primes ou heures supplémentaires qui ne sont pas affectés par l'absence'.

Il apparaît ainsi, comme l'ont relevé les premiers juges, que l'Urssaf a apporté à deux reprises les considérations, tant en droit qu'en fait, qui ont fondé ce chef de redressement. Les textes de référence ont été mentionnés et leur application au cas d'espèce a été explicitée.

Or, force est de constater d'une part, que la société n'avait pas cru devoir maintenir cette contestation devant la commission de recours amiable, d'autre part, qu'elle se contente d'invoquer son absence de compréhension des arguments de l'Urssaf, sans y opposer le moindre moyen. Non seulement le contradictoire a été respecté, mais encore la société avait la faculté de faire valoir ses éventuels arguments suite à la réponse apportée à ses propres observations devant la commission de recours amiable, ce dont elle s'est abstenue.

En outre, il ressort de la réponse de l'Urssaf que celle-ci a détaillé le calcul de l'assiette de régularisation pour un seul salarié, 'à titre d'illustration', ce dont il devait se conclure que la même méthode de calcul s'appliquait à l'ensemble des salariés concernés par ce chef de redressement.

Concernant enfin le redressement réalisé pour le salarié [K], il convient de noter que la société n'en avait pas fait état dans son courrier d'observations du 24 mai 2017, qui faisait suite à la lettre d'observations du 25 avril 2017. Elle ne peut donc à présent invoquer un défaut de contradictoire puisqu'il lui était loisible de présenter ses observations dans le courrier du 24 mai 2017, ou encore lors de sa saisine du commission de recours amiable, ce dont elle s'est abstenue.

Elle se contente à présent d'invoquer son défaut de compréhension de ce redressement, tandis que l'Urssaf a expliqué le motif de ce dernier dans la lettre d'observations du 25 avril 2017.

C'est par conséquent à juste titre que les premiers juges ont retenu que le contradictoire avait été respecté, que le redressement avait été clairement expliqué et l'ont confirmé.

Le jugement sera donc confirmé à ce titre.

- Sur le chef de redressement n° 10 : la réintégration dans l'assiette des cotisations des tarifs préférentiels sur les produits de l'entreprise

Il résulte de l'article L.242-1 du code de sécurité sociale, dans sa version applicable, que tout avantage en argent ou en nature alloué en contrepartie ou à l'occasion du travail doit être soumis à cotisations.

Aux termes de l'article 2.4 de la circulaire DSS/SDFSS/5 B n° 2003-07 du 7 janvier 2003 relative à la mise en oeuvre de l'arrêté du 10 décembre 2002 relatif à l'évaluation des avantages en nature en vue du calcul des cotisations de sécurité sociale et de l'arrêté du 20 décembre 2002 relatif aux frais professionnels déductibles pour le calcul des cotisations de sécurité sociale :

Fourniture gratuite ou à tarif préférentiel dont bénéficient les salariés sur les produits et services réalisés ou vendus par l'entreprise :

Les fournitures de produits et services réalisés par l'entreprise à des conditions préférentielles ne constituent pas des avantages en nature dès lors que leurs réductions tarifaires n'excèdent pas 30 % du prix de vente public normal, toutes taxes comprises. L'évaluation doit être effectuée par référence au prix de vente toutes taxes comprises pratiqué par l'employeur pour le même produit ou le même service, à un consommateur non salarié de l'entreprise.

Lorsque la fourniture est gratuite ou lorsque la remise dépasse 30 % du prix de vente normal, il convient de réintégrer la totalité de l'avantage en nature dans l'assiette.

Le même principe trouve à s'appliquer en ce qui concerne les avantages spécifiques alloués au personnel des établissements de crédit.

Il convient de noter que cette tolérance concerne les biens ou services produits par l'entreprise qui emploie le salarié et exclut les produits ou services acquis par l'entreprise auprès d'un fournisseur ou d'une autre entreprise. Ainsi, le rabais obtenu par l'employeur, en raison de l'achat de biens en grosses quantités auprès d'un fournisseur, ne peut entrer dans le champ d'application de cette tolérance et est donc constitutif d'un avantage en nature.

La société explique que la 'remise anniversaire' de 20 % sur le caddie, accordée aux salariés de l'entreprise, transite par les cartes de fidélité et le comité d'entreprise pour plus de fluidité et de cohérence, mais que c'est bien la société qui finançait cette réduction, puisque le comité d'entreprise lui 'refacturait' le montant global résultant de cette remise. Elle en conclut que l'opération était neutre pour le comité d'entreprise, et que c'est bien la société qui accordait cette remise sur les produits qu'elle vendait, dans le respect de la limite de 30 % de réduction par rapport au prix public.

Il résulte du dossier que les salariés de la société bénéficiaient d'une remise de 20 %, limitée à 156 euros, créditée sur leur carte de fidélité pour les achats effectués dans le magasin la semaine de leur anniversaire.

Il est constant que la tolérance concernant les réductions tarifaires n'excédant pas 30 % du prix de vente normal TTC s'applique uniquement aux biens et services vendus ou produits par l'entreprise qui emploie le salarié.

Il n'est pas contesté qu'en l'espèce, c'est le comité d'entreprise qui octroie et finance, sur ses fonds propres, l'avantage accordé aux salariés, en remboursant l'employeur sur la perte de chiffre d'affaires résultant de ces remises.

Il apparaît que le montant des remises globales accordées venant en déduction du chiffre d'affaires encaissé par le magasin est ensuite compensé par un règlement du comité d'entreprise établi à l'ordre du magasin, de sorte que la remise accordée aux salariés par le comité d'entreprise ne coûte rien à l'employeur, et contribue au contraire à augmenter son chiffre d'affaire en incitant les salariés à faire leurs courses dans le magasin la semaine de leur anniversaire, ainsi que les semaines qui suivent afin d'utiliser le crédit mis à leur disposition sur leurs cartes de fidélité.

Il convient de souligner que la société n'apporte aucun élément pour justifier du caractère neutre de cette opération pour le comité d'entreprise, et que cette pratique avait déjà fait l'objet d'un redressement lors d'un contrôle effectué en 2011.

S'agissant en conséquence non pas d'un avantage en nature mais d'un avantage en espèces du comité d'entreprise accordé aux salariés, c'est à bon droit que l'Urssaf a effectué un redressement de ce chef.

Le jugement mérite confirmation à ce titre.

- Sur la demande de remise des majorations de retard

La société sollicite la remise des majorations, arguant du règlement dans les trente jours de leur date d'exigibilité des sommes réclamées.

Il résulte cependant des dispositions de l'article R.243-20 du code de sécurité sociale que le directeur de l'organisme de recouvrement est seul compétent pour statuer sur les demandes gracieuses en remise totale ou partielle des majorations de retard critiquées.

Le jugement déféré doit donc être confirmé en ce que, retenant qu'il n'appartenait pas au tribunal d'accorder une remise des majorations de retard, il a débouté la société de cette demande.

Sur la demande formée au titre du préjudice financier de la société

La société fait valoir qu'elle a dû régler une somme de 204 157 euros au titre d'un redressement dont elle contestait la régularité et le bien-fondé, et en déduit l'existence d'un préjudice financier qui résulte de la perte des fruits que cette somme aurait pu générer en restant dans ses caisses.

Aucune faute n'ayant été commise par l'Urssaf, cette demande sera rejetée par voie de confirmation.

- Sur les demandes accessoires

Succombant, la société sera condamnée aux dépens d'appel, et à payer à l'Urssaf la somme de 1 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile, le jugement étant confirmé en ce qu'il a condamné la société aux dépens de première instance et débouté les parties de leurs demandes formées au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS,

La cour,

Déclare recevable l'appel de la société [8] ;

Confirme le jugement entrepris sauf en ce qu'il a validé le chef de redressement n° 4 pour un montant de 25 388 euros ;

Statuant à nouveau, y ajoutant,

Constate que l'Urssaf de Normandie, venant aux droits de l'Urssaf de Basse-Normandie renonce au bénéfice de la brutalisation des sommes réclamées concernant M. [Y] et Mme [N] au titre du chef de redressement n° 4 ;

Fixe le rappel de cotisations dûes par la société [8] au titre du chef de redressement n° 4 à la somme de 18 648 euros pour les deux salariés, au lieu de 25 388 euros, et dit que l'Urssaf de Normandie, venant aux droits de l'Urssaf de Basse-Normandie, devra rembourser à la société [8] la somme de 6 740 euros correspondant à la différence entre les deux montants ;

Condamne la société [8] à payer à l'Urssaf Normandie, venant aux droits de l'Urssaf de Basse-Normandie, la somme de 1 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile au titre des frais irrépétibles exposés en appel ;

Condamne la société [8] aux dépens d'appel.

LE GREFFIER LE PRESIDENT

E. GOULARD C. CHAUX


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Caen
Formation : 2ème chambre sociale
Numéro d'arrêt : 21/00647
Date de la décision : 23/03/2023

Origine de la décision
Date de l'import : 26/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2023-03-23;21.00647 ?
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