AFFAIRE : N° RG 20/02925
N° Portalis DBVC-V-B7E-GU4L
Code Aff. :
ARRET N°
C.P
ORIGINE : Décision du Pôle social du Tribunal Judiciaire de CAEN en date du 24 Novembre 2020 - RG n° 18/00618
COUR D'APPEL DE CAEN
2ème chambre sociale
ARRET DU 23 MARS 2023
APPELANTE :
Madame [R] [X]
[Adresse 2]
[Localité 4]
Représentée par Me Catherine FOUET, avocat au barreau de CAEN
INTIMEES :
L'UNA DU CALVADOS
[Adresse 5]
[Localité 3]
Représentées par Me Constance CHALLE - LE MARESCHAL, avocat au barreau de ROUEN
Caisse Primaire d'Assurance Maladie du Calvados prise en la personne de son représentant légal
[Adresse 1]
[Localité 3]
Représentée par Mme [J], mandatée
DEBATS : A l'audience publique du 19 janvier 2023, tenue par M.LE BOURVELLEC, Conseiller, Magistrat chargé d'instruire l'affaire lequel a, les parties ne s'y étant opposées, siégé en présence de M. GANCE, Conseiller, pour entendre les plaidoiries et en rendre compte à la Cour dans son délibéré
GREFFIER : Mme GUIBERT
COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DELIBERE :
Mme CHAUX, Présidente de chambre,
M. LE BOURVELLEC, Conseiller,
M. GANCE, Conseiller,
ARRET prononcé publiquement le 23 mars 2023 à 14h00 par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile et signé par Mme CHAUX, présidente, et Mme GOULARD, greffier
La cour statue sur l'appel régulièrement interjeté par Mme [R] [X] d'un jugement rendu le 24 novembre 2020 par le tribunal judiciaire de Caen dans un litige l'opposant à l'association [6] (l'association) et la caisse primaire d'assurance maladie du Calvados (la caisse).
FAITS et PROCEDURE
Mme [X] a été embauchée par l'association [6] dans le cadre d'un contrat à durée déterminée à compter du 23 avril 2005, puis dans le cadre d'un contrat à durée indéterminée à compter du 1er juin 2005 en qualité d'employée à domicile.
Le 17 décembre 2015, l'association a établi une déclaration d'accident du travail dans les termes suivants : le 16 décembre 2015 à 16 heures 10, 'en aidant le bénéficiaire tombé à se relever a ressenti douleur dans le bas du dos'.
Le certificat médical initial du 16 décembre 2015 mentionne une 'lombalgie aiguë très basse sacrée postérieure droite'.
Par décision du 22 décembre 2015, la caisse a pris en charge cet accident au titre de la législation professionnelle.
Mme [X] a été déclarée consolidée le 2 avril 2017 avec un taux d'incapacité permanente partielle de 6 %.
Elle a saisi la caisse le 5 décembre 2017 afin de voir reconnaître la faute inexcusable de son employeur en application des articles L 452-1 et suivants du code de la sécurité sociale.
Aucune conciliation n'ayant pu aboutir, Mme [X] a saisi le tribunal des affaires de sécurité sociale du Calvados le 4 août 2018 aux fins de voir reconnaître la faute inexcusable de son employeur.
Selon jugement du 24 novembre 2020, le tribunal judiciaire de Caen, auquel a été transféré le contentieux de la sécurité sociale à compter du 1er janvier 2019, a :
- dit que l'accident de Mme [X] du 16 décembre 2015, à savoir une lombalgie aiguë très basse sacrée postérieure droite, présente un caractère professionnel
- dit que l'accident de Mme [X] du 16 décembre 2015, à savoir une lombalgie aiguë très basse sacrée postérieure droite, pris en charge par la caisse, par décision du 22 décembre 2015, n'a pas pour cause la faute inexcusable de l'association
- débouté Mme [X] de ses demandes
- débouté Mme [X] de sa demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile
- condamné Mme [X] aux éventuels dépens.
Mme [X] a formé appel de ce jugement par déclaration du 23 décembre 2020.
Aux termes de ses conclusions reçues au greffe le 10 janvier 2023 et soutenues oralement à l'audience, Mme [X] demande à la cour de :
- infirmer le jugement déféré en ce qu'il n'a pas reconnu la faute inexcusable de l'employeur
- dire que l'accident du travail de Mme [X] est dû la faute inexcusable de son employeur
- ordonner le doublement du capital ou de la rente versée à Mme [X] au titre de l'accident dont elle a été victime
- avant dire droit, ordonner une expertise médicale
- allouer à Mme [X] la somme de 10 000 euros à titre de provision à valoir sur ses préjudices corporels et dire que la caisse devra en faire l'avance
- condamner l'association à payer à Mme [X] la somme de 2000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile
- dire la décision opposable à la caisse
- confirmer le jugement en ce qu'il a reconnu le caractère professionnel de l'accident
- débouter l'association de sa demande au titre des frais irrépétibles.
Suivant conclusions reçues au greffe le 12 janvier 2023 soutenues oralement à l'audience, l'association demande à la cour de :
- confirmer le jugement en ce qu'il a débouté Mme [X] de sa demande de reconnaissance de faute inexcusable
- en conséquence, débouter Mme [X] de ses demandes
subsidiairement pour le cas où la faute inexcusable serait retenue,
- débouter Mme [X] de sa demande de majoration de rente
- débouter Mme [X] de sa demande de majoration de capital
- débouter Mme [X] de sa demande de provision
- ordonner une expertise dans les termes des motifs afin d'évaluer les souffrances physiques et morales, le préjudice esthétique, l'éventuel préjudice d'agrément, l'éventuel déficit fonctionnel temporaire, et l'éventuel préjudice sexuel
- dire que le recours de la caisse ne pourra s'exercer que dans la limite du taux d'incapacité permanente partielle initial de 6 %
- débouter Mme [X] et la caisse de leurs demandes plus amples et contraires
- condamner Mme [X] à payer 2000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile
- condamner Mme [X] aux dépens.
Aux termes de conclusions reçues au greffe le 14 octobre 2022 soutenues oralement à l'audience, la caisse demande à la cour de :
- constater qu'elle s'en rapporte sur le principe de reconnaissance d'une faute inexcusable
- dire que la caisse pourra exercer son action récursoire et recouvrer auprès de l'employeur dont la faute inexcusable aura été reconnue ou de son assureur, l'intégralité des sommes dont elle est tenue de faire l'avance au titre de la faute inexcusable (majoration de rente, préjudices extra patrimoniaux et provision)
- réduire à de plus justes proportions le montant des préjudices sollicités tant au titre des préjudices extrapatrimoniaux que des préjudices personnels.
Pour l'exposé complet des moyens et prétentions des parties, il est expressément renvoyé à leurs écritures conformément à l'article 455 du code de procédure civile.
SUR CE, LA COUR
La disposition du jugement ayant dit que l'accident dont a été victime Mme [X] le 16 décembre 2015 à savoir une lombalgie aiguë très basse sacrée postérieure droite, présente un caractère professionnel, n'est pas remise en cause par les parties.
Cette disposition est donc définitive.
- Sur la faute inexcusable
Le manquement à l'obligation légale de sécurité et de protection de la santé à laquelle l'employeur est tenu envers le travailleur a le caractère d'une faute inexcusable lorsque l'employeur avait ou aurait dû avoir conscience du danger auquel était exposé le salarié et qu'il n'a pas pris les mesures nécessaires pour l'en préserver.
Il appartient à la victime de justifier que son employeur avait ou aurait dû avoir conscience du danger auquel était exposé son salarié et qu'il n'a pas pris les mesures nécessaires pour le préserver de ce danger.
La conscience du danger doit être appréciée objectivement par rapport à la connaissance de ses devoirs et obligations que doit avoir un employeur dans son secteur d'activité.
En l'espèce, Mme [X] a été embauchée par la société à compter du 23 avril 2005 en qualité d'employée à domicile à contrat à durée déterminée puis en contrat à durée indéterminée à compter du 1er juin 2005.
Le 17 décembre 2015, l'association a établi une déclaration d'accident du travail dans les termes suivants : le 16 décembre 2015 à 16 heures 10, 'en aidant le bénéficiaire tombé à se relever a ressenti douleur dans le bas du dos'.
Le certificat médical initial du 16 décembre 2015 mentionne une 'lombalgie aiguë très basse sacrée postérieure droite'.
Mme [X] prétend que cet accident du travail est la conséquence de la faute inexcusable de son employeur.
Elle précise que le jour de l'accident, elle travaillait chez M. [U] (bénéficiaire de l'aide) qui est tombé de son fauteuil roulant, et que c'est en voulant le relever qu'elle s'est blessée au niveau du dos.
Elle soutient que son employeur lui demandait d'accomplir des 'activités liées au statut d'auxiliaire de vie et des actes tels que la toilette ou des transferts, des manipulations physiques, tous actes qui nécessitaient des compétences particulières et qui correspondent au statut d'auxiliaire de vie' et qu'elle n'a jamais eu de formation pour la prévention aux risques professionnels et notamment aux risques de lombalgies liés à 'la manipulation' de personnes.
Plus précisément, elle reproche à son employeur de ne pas lui avoir fait bénéficier d'une formation aux gestes et postures nécessaires pour relever un bénéficiaire qui chute ou encore pour l'aider à faire sa toilette, et de ne pas avoir fourni de matériel adapté (lit médicalisé, verticalisateur, équipements).
Il résulte de son contrat de travail que Mme [X] exerçait les fonctions d''employée à domicile' définies par la convention collective, par l'accord de branche du 29 mars 2002 et par ses avenants, et ce en secteur extérieur.
Ses bulletins de paie reprennent tous cette même qualification : 'employé à domicile, Cat B -283'.
Aux termes de la convention collective nationale de la branche de l'aide, de l'accompagnement, des soins et des services à domiciles du 21 mai 2010, les fonctions d'employé(e) à domicile (qui relèvent de la catégorie B) sont définies comme suit :
'Finalité :
- réalise et aide à l'accomplissement des activités domestiques et administratives essentiellement auprès de personnes ne pouvant plus faire en totale autonomie et/ou rencontrant des difficultés passagères;
- assiste et soulage les personnes qui ne peuvent faire seules les actes ordinaires de la vie courante.
Principales activités :
- aide les personnes dans les actes essentiels de la vie quotidienne;
- aide les personnes dans les activités de la vie quotidienne.'
Il résulte de la même convention que l'auxiliaire de vie sociale 'accompagne et aide les personnes dans les actes essentiels de la vie quotidienne (aide à la mobilité, aide à la toilette, aide à l'alimentation).'
Ainsi, les fonctions d'auxiliaire de vie se distinguent de celles d'employé(e) à domicile en ce qu'elles impliquent de manipuler les bénéficiaires de l'aide.
Mme [X] prétend que nonobstant les termes de son contrat de travail, elle accomplissait des tâches relevant des fonctions d'auxiliaire de vie (dont la manutention des bénéficiaires), précisant qu'elle s'en était déjà plainte 'à l'oral' auprès de son employeur.
Toutefois, elle ne fournit aucune pièce démontrant qu'elle s'est plainte de ses conditions de travail et en particulier des tâches lui incombant.
En effet, elle se réfère à une attestation listant les tâches qu'elle accomplissait.
Cependant, cette attestation a été rédigée par ses soins et n'a donc pas valeur de preuve.
Par ailleurs, il est prétendu que les cahiers de liaisons auraient permis de démontrer les fonctions réellement exercées en particulier chez M. [U].
Ces documents n'ont pas été versés aux débats, l'association affirmant qu'elle n'est plus en mesure de les produire puisque ces cahiers n'ont pas vocation à être conservés.
Aucun élément ne permet de remettre en cause cette affirmation dans la mesure où il n'existe aucune obligation légale de conserver de tels documents qui servent uniquement à faire la liaison entre les intervenants.
En outre, il n'est pas prouvé que les cahiers de liaison contiennent la liste des tâches accomplies par l'employée à domicile lors de ses interventions.
Ainsi, l'absence de production des cahiers de liaison est sans emport sur la solution du litige.
En conclusion, il n'est pas établi que Mme [X] devait accomplir des tâches relevant des fonctions d'auxiliaire de vie qui impliquent la manipulation des bénéficiaires.
Dés lors, il ne peut être reproché à l'employeur de ne pas avoir formé Mme [X] à la manipulation des bénéficiaires de l'aide puisque cette tâche ne relevait pas de ses attributions.
De même, l'employeur n'avait pas à fournir des matériels ou des équipements liés à la manipulation des bénéficiaires (lit médicalisé, verticalisateur).
Mme [X] est tout aussi mal fondée à invoquer l'absence de mention dans le document unique d'évaluation des risques, des dangers liés à la manutention des personnes, pour les employé(e)s à domicile, puisque la manutention des bénéficiaires ne fait pas partie de leurs attributions.
Compte tenu de ces observations, il n'est pas établi que l'association avait ou aurait dû avoir conscience du risque auquel était exposé Mme [X] et qu'elle n'a pas pris les mesures nécessaires pour l'en préserver.
Le jugement sera donc confirmé en ce qu'il a dit que l'accident du 16 décembre 2015 dont a été victime Mme [X] n'a pas pour cause la faute inexcusable de l'association et débouté en conséquence Mme [X] de ses demandes consécutives.
- Sur les dépens et frais irrépétibles
Le jugement étant confirmé sur le fond, il sera aussi confirmé sur les dépens et les frais irrépétibles.
Succombant, Mme [X] sera condamnée aux dépens et déboutée de sa demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
Il est équitable de débouter l'association de sa demande au titre des frais irrépétibles.
PAR CES MOTIFS
La cour,
Confirme le jugement déféré;
Y ajoutant,
Condamne Mme [X] aux dépens d'appel;
Déboute Mme [X] et l'association [6] de leurs demandes au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
LE GREFFIER LE PRESIDENT
E. GOULARD C. CHAUX