AFFAIRE : N° RG 21/01094
N° Portalis DBVC-V-B7F-GXM5
Code Aff. :
ARRET N°
C.P
ORIGINE : Décision du Pôle social du Tribunal Judiciaire d'ALENCON en date du 19 Mars 2021 - RG n° 21/00076
COUR D'APPEL DE CAEN
2ème chambre sociale
ARRET DU 09 MARS 2023
APPELANT :
Monsieur [H] [K]
[Adresse 1]
[Adresse 1]
Représenté par Me Serge DESDOITS, avocat au barreau d'ARGENTAN, substitué par Me LEGRAIN, avocat au barreau de CAEN
INTIMEE :
Caisse Primaire d'Assurance Maladie de l'Orne
Département juridique - [Adresse 2]
[Adresse 2]
Représentée par Mme DESLANDES, mandatée
DEBATS : A l'audience publique du 12 janvier 2023, tenue par Monsieur LE BOURVELLEC, Conseiller, Magistrat chargé d'instruire l'affaire lequel a, les parties ne s'y étant opposées, siégé seul, pour entendre les plaidoiries et en rendre compte à la Cour dans son délibéré
GREFFIER : Mme GOULARD
COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DELIBERE :
Mme CHAUX, Présidente de Chambre,
M. LE BOURVELLEC, Conseiller,
M. GANCE, Conseiller,
ARRET prononcé publiquement le 09 mars 2023 à 14h00 par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile et signé par Mme CHAUX, présidente, et Mme GOULARD, greffier
La cour statue sur l'appel régulièrement interjeté par M. [K] d'un jugement rendu le 19 mars 2021 par le tribunal judiciaire d'Alençon dans un litige l'opposant à la caisse primaire d'assurance maladie de l'Orne.
FAITS ET PROCEDURE
M. [K] a été salarié de la société [3] en qualité de désosseur.
Il a complété une déclaration de maladie professionnelle le 11 mars 2016, sur la base d'un certificat médical initial du 28 janvier 2016 faisant état d'une 'existence d'un canal cervical étroit C2 C5 nécessitant une intervention chirurgicale le 22.02.2016 en rapport avec sa profession de désosseur, en invalidité depuis 1990 et arrêté depuis 1996".
Le médecin conseil de la caisse primaire d'assurance maladie de l'Orne ('la caisse') ayant considéré que la maladie ne faisait pas partie d'un des tableaux des maladies professionnelles, le dossier de M. [K] a été transmis au comité régional de reconnaissance des maladies professionnelles (CRRMP) de Normandie.
Par avis défavorable du 26 juin 2017, le CRRMP n'a pas reconnu le lien entre la pathologie déclarée et l'activité professionnelle de M. [K].
Le 21 août 2017, la caisse a notifié à M. [K] sa décision de ne pas prendre en charge la maladie au titre de la législation professionnelle.
M. [K] a saisi la commission de recours amiable d'un recours contre cette décision, recours rejeté le 13 décembre 2017.
Il a ensuite saisi le tribunal des affaires de sécurité sociale de l'Orne d'une contestation de la décision de la commission de recours amiable.
Par jugement avant-dire-droit du 21 décembre 2018, le tribunal des affaires de sécurité sociale a désigné le CRRMP de Bretagne.
Par jugement du 19 mars 2021, le tribunal judiciaire d'Alençon, auquel le contentieux de la sécurité sociale a été transféré à compter du 1er janvier 2019, a :
- débouté M. [K] de son recours,
- entériné l'avis du CRRMP de [Localité 4] en date du 13 décembre 2019,
- condamné M. [K] aux dépens en vertu des dispositions de l'article 696 du code de procédure civile.
Par acte du 4 mai 2021, M. [K] a interjeté appel de ce jugement.
Par conclusions déposées le 30 août 2021, soutenues oralement par son conseil, M. [K] demande à la cour de :
- réformer le jugement déféré,
- rapporter et annuler la décision rendue par la commission de recours amiable de la caisse le 13 décembre 2017,
- reconnaître le caractère professionnel de la maladie dont souffre M. [K] du 28 janvier 2016,
A titre subsidiaire,
- ordonner une expertise médicale avec notamment mission confiée à l'expert de dire si les pathologies décrites et signées par les médecins qui s'occupent de M. [K] sont la conséquence ou en lien direct ou indirect avec son activité de désosseur,
- condamner la caisse aux dépens.
Par écritures déposées le 14 décembre 2022, soutenues oralement par sa représentante, la caisse demande à la cour de :
- confirmer le jugement déféré en toutes ses dispositions,
- confirmer la décision de refus de prise en charge au titre de la législation professionnelle,
- rejeter la demande d'expertise médicale,
- débouter M. [K] de l'ensemble de ses demandes.
Il est fait référence aux écritures ainsi déposées de part et d'autre pour un plus ample exposé des moyens proposés par les parties au soutien de leurs prétentions.
SUR CE, LA COUR,
Aux termes de l'article L.461-1 du code de sécurité sociale, dans sa version applicable :
Est présumée d'origine professionnelle toute maladie désignée dans un tableau de maladies professionnelles et contractée dans les conditions mentionnées à ce tableau.
Si une ou plusieurs conditions tenant au délai de prise en charge, à la durée d'exposition ou à la liste limitative des travaux ne sont pas remplies, la maladie telle qu'elle est désignée dans un tableau de maladies professionnelles peut être reconnue d'origine professionnelle lorsqu'il est établi qu'elle est directement causée par le travail habituel de la victime.
Peut être également reconnue d'origine professionnelle une maladie caractérisée non désignée dans un tableau de maladies professionnelles lorsqu'il est établi qu'elle est essentiellement et directement causée par le travail habituel de la victime et qu'elle entraîne le décès de celle-ci ou une incapacité permanente d'un taux évalué dans les conditions mentionnées à l'article L. 434-2 et au moins égal à un pourcentage déterminé.
Il est constant que le juge du contentieux général de la sécurité sociale n'est pas lié par les avis des CRRMP dont il apprécie souverainement la valeur et la portée.
M. [K] explique que la répétition des gestes, dans sa fonction de désosseur, a entraîné pour lui des conséquences que les médecins, qui le suivent et cherchent à le soigner, reconnaissent. Il fait état des témoignages de ses collègues de travail, indiquant qu'il était un désosseur hors norme et qu'il faisait de très gros tonnages.
La caisse rétorque que les deux CRRMP consultés ont conclu à l'absence de lien entre la maladie de M. [K] et son activité professionnelle.
Le CRRMP de Bretagne, dans son avis du 13 décembre 2019, a retenu :
- l'absence de données dans la littérature scientifique associant de manière significative la pathologie présentée par l'assuré et ses expositions professionnelles,
- l'absence d'éléments nouveaux apportés par l'assuré permettant d'infirmer l'avis du précédent CRRMP de Normandie en date du 27 juin 2017,
- le délai important entre la fin de l'exposition professionnelle et l'apparition de la maladie selon les éléments du dossier.
M. [K] affirme que la pathologie 'canal cervical étroit' dont il souffre est la conséquence des 14 années de travail au cours desquelles il a effectué des efforts répétitifs.
Il produit plusieurs compte-rendus d'examens médicaux, et de consultations médicales, de 1996 à 2018, desquels il ressort qu'il souffre de plusieurs pathologies.
Au plan médical, il souffre de cervicalgies depuis 1997.
Selon courrier du 20 mars 2018 du docteur [E], rhumatologue,M. [K], qui a été désosseur pendant 14 ans (1982 à 1996) présente trois pathologies, qui pourraient, selon le médecin, être en lien direct avec sa profession :
- une lombo-sciatique gauche avec hernie discale, maladie professionnelle du tableau n° 58,
- des cervico-brachialgies bilatérales en relation avec un canal cervical étroit, pathologie n'appartenant à aucun tableau des maladies professionnelles,
- une pathologie du coude droit (patient droitier) due à une ostéochondromatose synoviale et à une arthrose huméro-radiale et huméro-ulnaire, pathologie n'appartenant à aucun tableau des maladies professionnelles.
Dans un certificat du 14 mars 2018, le médecin généraliste estime que la souffrance et les lésions de M. [K] sont directement et essentiellement imputables à son activité professionnelle, très difficile et exigeante, même si elles ne paraissent pas pouvoir être caractérisées par un tableau de maladie professionnelle. Ce document évoque plusieurs lésions, avec référence notamment à une arthrose cervicale avec compression médullaire cervicale ayant nécessité une disectomie C4C5 et ostéoporose du plateau inférieur de C4 et cage manta le 22 février 2016.
Le courrier du docteur [D] du 29 mai 2020 mentionne des 'douleurs cervicales avec irradiation au membre supérieur droit plutôt de trajet C7 sachant que l'IRM cervicale retrouve un bloc somatique post-opératoire C4-C5". Le praticien ajoute ' à noter qu'il était désosseur ce qui a pu aggraver une partie de ses douleurs et notamment participer à la fissuration tendineuse'.
Dans un certificat du 28 février 2022, le docteur [D] indique que M. [K] a des douleurs cervicales en rapport avec une cervicarthrose, des douleurs de l'épaule droite en rapport avec une fissuration tendineuse, un syndrome du canal carpien à droite, une compression du nerf ulnaire droit. Elle ajoute que ces pathologies peuvent être en rapport avec son activité professionnelle ayant comporté des efforts répétitifs.
Il apparaît également que l'assuré a été suivi en consultation par un rhumatologue à compter du 22 avril 1996 et qu'il présentait un tableau de cervico-brachialgies bilatérales qui ont évolué sur un mode chronique avant une mise en invalidité.
Le même praticien relevait, le 15 mars 2016, que M. [K] présentait une 'saillie discale postéro-médiane en C4-C5 et paramédiane gauche en C5-C6 avec aspect de canal cervical étroit, notamment en C4-C5, C5-C6.
La réalité des efforts répétitifs réalisés par l'assuré pendant 14 ans est démontrée par les témoignages de ses anciens collègues de travail.
Ceux-ci indiquent que M. [K] était un désosseur hors-normes, qui réalisait un volume quotidien exceptionnel.
Cependant, il n'est précisé dans aucun des témoignages les gestes que M. [K] devait effectuer pour réaliser ses tâches de désosseur.
De la même façon, et alors même que les certificats médicaux produits sont nombreux et recouvrent une longue période de suivi médical du salarié, aucun élément ne décrit les gestes qui auraient été réalisés par M. [K] en sa qualité de désosseur, ni n'explique le lien entre ces gestes et la pathologie déclarée le 11 mars 2016.
C'est dès lors à bon droit que la caisse a refusé de prendre en charge celle-ci.
Le jugement mérite en conséquence confirmation en toutes ses dispositions, y compris celle faisant supporter la charge des dépens à M. [K].
Succombant, M. [K] sera condamné aux dépens d'appel.
PAR CES MOTIFS,
La cour,
Confirme le jugement déféré ;
Condamne M. [K] aux dépens d'appel.
LE GREFFIER LE PRESIDENT
E. GOULARD C. CHAUX