AFFAIRE : N° RG 21/02163 -
N° Portalis DBVC-V-B7F-GZTN
ARRÊT N°
JB.
ORIGINE : DECISION du Tribunal de Commerce de CAEN en date du 30 Juin 2021
RG n° 2020005708
COUR D'APPEL DE CAEN
DEUXIEME CHAMBRE CIVILE ET COMMERCIALE
ARRÊT DU 23 FEVRIER 2023
APPELANTE :
S.A.R.L. CARROSSERIE D'ETERVILLE
N° SIRET : 834 193 765
[Adresse 4]
[Localité 1]
prise en la personne de son représentant légal
représentée et assistée de Me Bernard HOYE, avocat au barreau de LISIEUX
INTIMEE :
S.A. EUROPA
N° SIRET : 324 769 231
[Adresse 2]
[Localité 3]
prise en la personne de son représentant légal
représentée et assistée de Me Brigitte JUSSEAUME, avocat au barreau de CAEN
DEBATS : A l'audience publique du 08 décembre 2022, sans opposition du ou des avocats, Mme EMILY, Président de Chambre et M. GOUARIN, Conseiller, ont entendu les plaidoiries et en ont rendu compte à la cour dans son délibéré
GREFFIER : Mme LE GALL, greffier
COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ :
Mme EMILY, Président de Chambre,
Mme VELMANS, Conseillère,
M. GOUARIN, Conseiller,
ARRÊT prononcé publiquement le 23 février 2023 à 14h00 par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile et signé par Madame EMILY, président, et Mme COLLET, greffier
* * *
EXPOSE DES FAITS, DE LA PROCEDURE ET DES PRETENTIONS
La société Carrosserie d'Eterville, créée le 26 décembre 2017, est spécialisée dans les travaux de carrosserie et de peinture automobiles.
Selon devis accepté le 27 novembre 2017, la société Carrosserie d'Eterville avait commandé à la société Europa la fourniture et la pose d'une cabine de peinture « La Différente » ainsi que d'un laboratoire de peinture, moyennant un prix de 39.000 euros HT, soit 46.846,80 euros TTC.
Selon ce devis, restaient notamment à la charge de la société Carrosserie d'Eterville les travaux de génie civil, d'amenée et de de raccordements d'électricité, de gaz et d'air comprimé, de percement et d'étanchéité de la toiture ou du mur, des sorties de cheminées et de pose de celles-ci au-dessus de la toiture ainsi que le déchargement du matériel.
Initialement fixée au 8 janvier 2018, la livraison a été repoussée au 22 janvier puis au 1er février suivant.
La cabine et le laboratoire de peinture ont finalement été livrés, installés et mis en service le 20 février 2018.
Sur le prix total de 46.846,80 euros TTC, la société Carrosserie d'Eterville a réglé la somme de 37.477,44 euros le 24 janvier 2018.
Par lettre recommandée avec demande d'avis de réception du 12 avril 2018, la société Europa a mis en demeure la société Carrosserie d'Eterville de lui régler la somme de 9.369,36 euros TTC.
Par ordonnance du 26 décembre 2019, le président du tribunal de commerce de Caen a enjoint à la société Carrosserie d'Eterville de payer à la société Europa les sommes de 9.369,36 euros majorée des intérêts contractuels pour un montant de 459,45 euros, de 40 euros au titre de l'indemnité forfaitaire, de 5,25 euros au titre des frais de mise en demeure et de 200 euros au titre des frais irrépétibles.
Cette ordonnance a été signifiée les 21 janvier et 19 février 2020. la société Carrosserie d'Eterville a formé opposition. La société Europa n'a pas provisionné le greffe du tribunal de commerce. La caducité de cette ordonnance a été constatée le 4 septembre 2020.
Suivant acte d'huissier du 3 septembre 2020, la société Europa a fait assigner la société Carrosserie d'Eterville devant le tribunal de commerce de Caen aux fins, notamment, de voir condamner cette dernière au paiement de la somme de 9.369,36 euros, outre les intérêts au taux contractuel à compter du 12 avril 2018 et la somme de 40 euros à titre d'indemnité forfaitaire de recouvrement.
Par jugement du 30 juin 2021, le tribunal de commerce de Caen a :
- débouté la société Carrosserie d'Eterville de toutes ses demandes,
- condamné celle-ci à payer à la société Europa la somme de 9.369,36 euros majorée des intérêts au taux contractuel à compter du 16 avril 2018, celle de 40 euros à titre d'indemnité forfaitaire de recouvrement,
- ordonné l'exécution provisoire,
- condamné la société Carrosserie d'Eterville à payer à la société Europa la somme de 1.500 euros à titre d'indemnité de procédure ainsi qu'aux dépens comprenant les frais de greffe liquidés à la somme de 65,93 euros TTC.
Selon déclaration du 21 juillet 2021, la société Carrosserie d'Eterville a interjeté appel de cette décision.
Par dernières conclusions du 26 novembre 2021, l'appelante demande à la cour de la déclarer recevable et bien fondée en son appel, de réformer le jugement attaqué en toutes ses dispositions, statuant à nouveau, à titre principal de débouter la société Europa de toutes ses demandes.
Subsidiairement, « si la cour n'était pas convaincue par l'importance des désordres et malfaçons », elle demande à la cour d'ordonner une expertise judiciaire avec notamment pour mission de décrire les désordres, malfaçons et inachèvements affectant l'ouvrage litigieux, d'en déterminer les causes et les responsables, d'en indiquer les conséquences, de lui donner acte de ce qu'elle propose de régler la consignation à valoir sur les honoraires de l'expert désigné, de condamner la société Europa, sous astreinte de 100 euros par jour à compter de la signification du « jugement » à intervenir, à lui remettre le programme automate, le programme afficheur tactile HMI, en original avec mnémoniques (commentaires) liés à la cabine et au laboratoire de peinture vendus et de condamner l'intimée à lui verser la somme de 2.000 euros à titre d'indemnité de procédure ainsi qu'aux entiers dépens.
Par dernières conclusions du 26 novembre 2021, la société Europa poursuit la confirmation du jugement attaqué en toutes ses dispositions et demande à la cour de condamner l'appelante au paiement de la somme de 1.500 euros à titre d'indemnité de procédure ainsi qu'aux entiers dépens.
La mise en état a été clôturée le 26 octobre 2022.
Pour plus ample exposé des prétentions et moyens, il est référé aux dernières écritures des parties.
MOTIFS DE LA DECISION
1. Sur l'étendue de la saisine de la cour
La société Europa se bornant à solliciter la confirmation du jugement entrepris en toutes ses dispositions, lequel a notamment, dans son dispositif seul revêtu de l'autorité de la chose jugée, débouté la société Carrosserie d'Eterville de toutes ses demandes et non déclaré irrecevables celles-ci, la cour ne se trouve pas saisie de l'irrecevabilité éventuelle des prétentions de la société Carrosserie d'Eterville pour prescription ou forclusion.
2. Sur les demandes principales
Selon l'article 1582 du code civil, la vente est une convention par laquelle l'un s'oblige à livrer une chose et l'autre à la payer.
Il résulte de ces dispositions que le contrat par lequel une personne fournit à la fois son travail et des objets mobiliers doit être analysé comme une vente dès lors que le travail en constitue l'accessoire.
Il y a contrat d'entreprise et non vente lorsque le contrat porte, non sur des choses déterminées à l'avance, mais sur un travail spécifique destiné à répondre aux besoins particuliers du donneur d'ordre.
En l'espèce, le contrat conclu entre les parties porte sur la fourniture et la pose d'une cabine de peinture « La différente » et d'un laboratoire de peinture sans comporter de travail de conception spécifique destiné à répondre à des besoins particuliers de la société Carrosserie d'Eterville, de sorte que ce contrat a été exactement qualifié de contrat de vente par le tribunal.
Selon l'article 1603 du code civil, le vendeur a deux obligations principales, celle de délivrer et celle de garantir la chose qu'il vend.
Il résulte de ces dispositions que la non-conformité de la chose vendue aux spécifications contractuelles constitue un manquement à l'obligation de délivrance conforme, tandis que la non-conformité de la chose à sa destination normale est constitutive d'un vice caché.
En l'espèce, la société Carrosserie d'Eterville soutient que les désordres et malfaçons mentionnés sur la fiche d'intervention du 20 février 2018 et dans le procès-verbal de constat d'huissier de justice établi le 16 janvier 2020 démontrent que la société Europa n'a pas terminé l'installation prévue contractuellement, que le matériel délivré n'est pas en bon état et que ses prestations n'ont pas été réalisées dans les règles de l'art.
La fiche d'intervention établie le 20 février 2018 comporte les observations suivantes émises par la société Carrosserie d'Eterville :
- rayure sur porte de façade et sur l'ensemble,
- étanchéité du sol,
- cheminée d'extraction cabossée,
- joint de paroi à revoir,
- vis auto-foreuse apparente,
- barre de renfort cachant le phare,
- souhaite obtenir le programme automate,
- mise en service OK,
- fin de chantier pas définitive, plusieurs points relevés par technicien donc à corriger pour valider la fin.
Les 9 et 17 avril 2018, la société Carrosserie d'Eterville a adressé par courriels à la société Europa des photographies de « points à corriger » constatés par ses soins, indiquant au vendeur « reste à vous de juger ! ».
Le 6 juin 2018, la société Europa a livré à la société Carrosserie d'Eterville des panneaux de doublage et une pompe à mastic.
Par lettre du 26 juin 2018, la société Europa a, d'une part, exigé le paiement de la somme de 9.000 euros, d'autre part, indiqué que la société Carrosserie d'Eterville ne répondait pas aux messages adressés par son monteur chargé des travaux de changement de panneaux sur la cheminée d'extraction et lui a demandé de convenir d'un rendez-vous avec ce dernier dans les 48 heures.
Le procès-verbal de constat d'huissier de justice établi le 16 janvier 2020 à la demande de la société Carrosserie d'Eterville mentionne l'existence de rayures sur la cheminée d'extraction, la présence de vis apparentes, le caractère grossier ou défectueux des joints, l'absence de deux plaques de paroi extérieure, une hauteur utile de la porte d'accès à la cabine de 2,41 m et une hauteur totale de 2,47 m, alors que le bon de commande mentionne une hauteur de 2,48 m, une largeur utile de cette porte de 3,89 m, alors qu'il est indiqué une largeur de 4,10 m sur le bon de commande. L'huissier instrumentaire relève également que le gérant de la société Carrosserie d'Eterville indique qu'il n'a pas obtenu les programmes d'automates de l'afficheur et que celui-ci s'interroge sur les mesures de vitesse d'air de la cabine, établies à 0,30 m/s en moyenne par la société Europa lors de l'installation, à 0,40 m/s dans le rapport de mise en service de cette même société et à 0,39 m/s en moyenne par une autre entreprise sollicitée par l'appelante.
La société Carrosserie d'Eterville a elle-même indiqué sur la fiche d'intervention du 20 février 2018 que la cabine et le laboratoire de peinture fournis et installés avaient été mis en service sans difficulté. Elle ne soutient pas que les installations fournies ne sont pas conformes à leur destination ou qu'elles ne fonctionnent pas depuis leur mise en service.
Il s'ensuit que les défauts invoqués par la société Carrosserie d'Eterville, qui sont apparents, concernent des manquements à l'obligation de délivrance conforme et non la garantie des vices cachés.
Il résulte des dispositions de l'article 1604 du code civil qu'il incombe au vendeur de prouver qu'il a délivré la chose vendue tandis qu'il appartient à l'acheteur de prouver la non-conformité de celle-ci.
La commande d'une chose neuve s'entend d'une chose dépourvue de défauts.
Les défauts esthétiques affectant la chose vendue constituent un défaut de conformité engageant la responsabilité du vendeur pour manquement à son obligation de délivrance conforme.
Bien qu'établi près de deux ans après la livraison des choses vendues, le constat d'huissier de justice produit par la société Carrosserie d'Eterville a une valeur probante suffisante en ce qu'il confirme la réalité des défauts esthétiques ainsi que le caractère grossier des joints relevés par l'acquéreur sur la fiche de livraison du 20 février 2018 et en ce qu'il établit la non-conformité des dimensions de la porte de la cabine de peinture dont il n'est pas soutenu qu'elles ont été modifiées entre-temps par l'acheteur.
En revanche, le défaut de fourniture d'un régulateur de gaz 1bar5/300mn, du soft automate et du logiciel HMI ne sont pas établis dès lors que cet équipement et ces programmes ne figurent pas sur le bon de commande détaillant les spécificités de la cabine et du laboratoire de peinture vendus.
De même, l'absence de « filtre entrée de ventilation labo façade » et d'une « aire de préparation côté gauche cabine » n'est pas démontrée par la société Carrosserie d'Eterville, ces non-façons n'ayant fait l'objet d'aucune réserve émise par l'acquéreur lors de la livraison et n'ayant pas été constatées par l'huissier de justice mandaté par l'appelante.
Enfin, les défauts d'étanchéité évoqués dans le constat d'huissier de justice produit ne sont fondés sur aucune mesure, étant observé que le caractère fonctionnel des matériels vendus n'est pas discuté par l'acheteur. Quant à la vitesse de l'air dans la cabine, le caractère anormal des diverses mesures réalisées n'est pas établi, étant relevé que le bon de commande liant les parties ne comporte pas de mention relative à cette vitesse.
Ainsi, les pièces produites démontrent à suffisance, sans qu'il y ait lieu d'ordonner une expertise, l'existence de non-conformités de la chose vendue par la société Europa, consistant en des bosses sur la cheminée d'extraction, des rayures, un manque de panneaux d'habillage extérieur et des vis apparentes de constitutives défauts esthétiques ainsi qu'en une moindre hauteur et largeur de la porte de la cabine de peinture par rapport aux dimensions prévues au devis accepté.
Cependant, il résulte des dispositions de l'article 1604 du code civil que le juge ne peut modifier le prix de vente déterminé par les parties et que le préjudice résultant de l'inexécution par le vendeur de son obligation de délivrance ne peut être réparé que par l'allocation de dommages-intérêts (3° Civ, 10 mars 2015, n°13-27.660).
Or, en l'espèce, la société Carrosserie d'Eterville ne forme aucune demande de dommages-intérêts mais se borne à demander que la société Europa soit déboutée de ses prétentions, lesquelles consistent en une demande de condamnation au paiement du solde du prix convenu par les parties selon devis accepté du 27 novembre 2017 et non discuté, ce qui revient à solliciter une réduction du prix à laquelle la cour ne saurait faire droit.
Par ailleurs, « le programme automate, le programme afficheur tactile HMI, en original avec mnémoniques (commentaires) liés à la cabine et au laboratoire de peinture vendus » dont la société Carrosserie d'Eterville demande la communication sous astreinte ne figurent pas sur le devis accepté du 27 novembre 2017, de sorte que ces programmes ne sont pas compris dans le champ de l'obligation de délivrance de la société Europa et que le rejet de cette demande sera confirmé.
À ces motifs, le jugement entrepris sera donc confirmé.
3. Sur les demandes accessoires
Les dispositions du jugement entrepris relatives aux frais irrépétibles et aux dépens de première instance, fondées sur une exacte appréciation, seront confirmées.
La société Carrosserie d'Eterville, qui succombe, sera condamnée aux dépens d'appel.
Il n'y a pas lieu de prononcer à hauteur d'appel de condamnation sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.
PAR CES MOTIFS
La cour, statuant publiquement, par arrêt contradictoire mis à disposition au greffe,
Confirme le jugement entrepris en toutes ses dispositions ;
Y ajoutant,
Condamne la société Carrosserie d'Eterville aux dépens d'appel ;
Rejette les demandes formées sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.
LE GREFFIER LE PRÉSIDENT
M. COLLET F. EMILY