AFFAIRE : N° RG 21/01365 -
N° Portalis DBVC-V-B7F-GX7T
ARRÊT N°
JB.
ORIGINE : DECISION du TJ hors JAF, JEX, JLD, J. EXPRO, JCP d'ARGENTAN
en date du 18 Mars 2021 - RG n° 19/00797
COUR D'APPEL DE CAEN
DEUXIEME CHAMBRE CIVILE ET COMMERCIALE
ARRÊT DU 23 FEVRIER 2023
APPELANT :
Monsieur [E] [W]
né le [Date naissance 1] 1968 à [Localité 6]
[Adresse 5]
[Localité 4]
représenté et assisté de Me Stéphane PIEUCHOT, substitué par Me BOURDIN, avocats au barreau de CAEN
INTIMEE :
S.A. BANQUE CIC NORD OUEST
N° SIRET : 455 502 096
[Adresse 2]
[Localité 3]
prise en la personne de son représentant légal
représentée et assistée de Me Didier LEFEVRE, avocat au barreau D'ALENCON
DEBATS : A l'audience publique du 08 décembre 2022, sans opposition du ou des avocats, Mme EMILY, Président de Chambre et M. GOUARIN, Conseiller, ont entendu les plaidoiries et en ont rendu compte à la cour dans son délibéré
GREFFIER : Mme LE GALL, greffier
COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ :
Mme EMILY, Président de Chambre,
Mme VELMANS, Conseillère,
M. GOUARIN, Conseiller,
ARRÊT prononcé publiquement le 23 février 2023 à 14h00 par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile et signé par Madame EMILY, président, et Mme COLLET, greffier
* * *
EXPOSE DES FAITS, DE LA PROCEDURE ET DES PRETENTIONS
Selon acte sous seing privé du 20 janvier 2012, le CIC nord ouest (la banque) a consenti à la société Le globe cooker un prêt d'un montant de 480.000 euros, au taux d'intérêt de 4,25 % l'an, remboursable sur une période de 84 mois, destiné à financer l'acquisition d'un fonds de commerce de bar, brasserie, restauration situé au Havre, des travaux d'aménagement et l'acquisition de matériels.
Par ce même acte, M. [E] [W], gérant de la société holding CD PR investissements détenant l'intégralité des parts sociales de la société Le globe cooker, s'est porté caution solidaire du remboursement de ce prêt dans la limite de la somme de 240.000 euros et pour une durée de neuf ans, Mme [C] [W], son épouse, ayant donné son accord à ce cautionnement.
Le remboursement de ce prêt est également garanti par un nantissement inscrit sur ledit fonds de commerce et le cautionnement consenti par M. [V] [R].
Par jugement du 19 mai 2014, le tribunal de commerce d'Alençon a ouvert une procédure de redressement judiciaire à l'égard de la société Le globe cooker, devenue Le globe gourmand, laquelle a été convertie en liquidation judiciaire par arrêt de cette cour du 3 décembre 2015.
Le 17 septembre 2018, cette procédure de liquidation judiciaire a été clôturée pour insuffisance d'actif.
Le CIC nord ouest a déclaré sa créance auprès des organes de la procédure collective, laquelle a été fixée à titre privilégié à la somme de 401.244,38 euros au titre du prêt en cause par arrêt irrévocable de cette cour en date du 24 mai 2018.
Suivant lettre recommandée avec demande d'avis de réception du 8 mars 2019, retournée avec la mention « pli avisé et non réclamé », la banque a mis en demeure M. [W] de lui payer la somme de 240.000 euros en sa qualité de caution.
Par acte d'huissier du 19 juin 2019, la banque a fait assigner M. [W] devant le tribunal judiciaire d'Argentan aux fins, notamment, de voir condamner celui-ci au paiement des sommes dues en vertu de son engagement de caution.
Par jugement du 18 mars 2021, le tribunal judiciaire d'Argentan a :
- déclaré recevable la demande en nullité de M. [W],
- débouté celui-ci de sa demande tendant à voir annuler son cautionnement du 20 janvier 2012,
- condamné M. [W] à payer à la banque la somme de 240.000 euros, outre intérêts légaux à compter de la signification de sa décision,
- condamné M. [W] à payer à la banque la somme de 1.200 euros à titre d'indemnité de procédure ainsi qu'aux dépens avec recouvrement direct au profit de Me Didier Lefevre,
- débouté les parties de leurs demandes plus amples ou contraires,
- ordonné l'exécution provisoire de sa décision.
Selon déclaration du 12 mai 2021, M. [W] a interjeté appel de cette décision.
Par dernières conclusions du 7 février 2022, l'appelant demande à la cour de prononcer l'irrecevabilité de la prétention nouvelle formée par la banque au titre de son prétendu défaut de qualité à agir en nullité de l'engagement de caution de M. [R] et de l'en débouter, de déclarer son appel recevable et bien fondé, d'infirmer le jugement attaqué sauf en ce qu'il a déclaré recevable sa demande en nullité, statuant à nouveau, à titre principal de prononcer la nullité de son cautionnement.
Subsidiairement, il demande à la cour de débouter la banque de sa demande de paiement au titre des intérêts majorés et des frais accessoires.
Plus subsidiairement, M. [W] demande à la cour de dire que les condamnations ne pourront intervenir qu'en deniers ou quittances.
En toute hypothèse, il demande à la cour de débouter la banque de toutes ses prétentions et de condamner celle-ci à lui verser la somme de 6.000 euros à titre d'indemnité de procédure ainsi qu'aux entiers dépens avec droit de recouvrement direct au profit de son conseil.
Par dernières conclusions du 27 avril 2022, la banque demande à la cour de rejeter les demandes de l'appelant tendant à voir déclarer irrecevable sa prétention au titre du défaut de qualité à agir de M. [W], confirmer le jugement attaqué sauf en ce qu'il a déclaré M. [W] recevable en sa demande de nullité du cautionnement souscrit par M. [R], statuant à nouveau de ce chef, de déclarer l'appelant irrecevable en sa demande de voir prononcer la nullité du cautionnement souscrit par M. [R] et de condamner M. [W] au paiement de la somme de 2.500 euros à titre d'indemnité de procédure ainsi qu'aux entiers dépens dont distraction au profit de son conseil.
La mise en état a été clôturée le 26 octobre 2022.
Pour plus ample exposé des prétentions et moyens, il est référé aux dernières écritures des parties.
MOTIFS DE LA DECISION
1. Sur la recevabilité de la demande tendant à voir déclarer irrecevable la demande de la banque tendant à voir déclarer irrecevable la demande de M. [W] d'annulation du cautionnement souscrit par M. [R]
M. [W] soutient que la demande de la banque tendant à voir déclarer irrecevable sa demande d'annulation du cautionnement souscrit par M. [R] est irrecevable au motif que cette prétention est nouvelle en appel.
Cependant, outre que cette prétention figurait dans les conclusions de la banque signifiées le 27 août 2020 devant le tribunal, les fins de non-recevoir sont recevables en tout état de cause en application de l'article 123 du code de procédure civile, de sorte que doit être déclarée recevable la demande de la banque tendant à voir déclarer irrecevable la prétention de M. [W] de voir annuler le cautionnement souscrit par M. [R].
2. Sur la recevabilité de la demande de M. [W] tendant à voir prononcer la nullité du cautionnement souscrit par M. [R]
M. [W] soutient que son cautionnement est nul au motif que celui souscrit par M. [R] n'est pas valable au regard de l'article L. 341-2 du code de la consommation dans sa rédaction applicable au litige, compte tenu de la contradiction existant entre la mention imprimée faisant référence à un engagement d'un montant de 240.000 euros et la mention manuscrite portant engagement pour un montant de 480.000 euros, et qu'il avait lui-même souscrit un cautionnement en considération de la présence de cette autre caution à ses côtés, si bien que son cautionnement se trouve vicié par l'erreur qu'il a commise.
L'appelant invoque la nullité du cautionnement consenti par M. [R] comme moyen de défense à l'appui de sa prétention tendant à voir annuler son propre engagement de caution, sans toutefois former de prétention tendant à l'annulation du cautionnement de M. [R] au dispositif de ses dernières conclusions qui seul saisit la cour.
Il s'ensuit que se trouve dépourvue d'objet la demande de la banque tendant à voir déclarer irrecevable la demande d'annulation du cautionnement de M. [R] formée par M. [W].
La recevabilité de la demande d'annulation de son engagement de caution formée par M. [W] n'est pas discutée.
3. Sur la validité du cautionnement de M. [W]
Au visa des articles L. 341-2 ancien du code de la consommation, 1109 et suivants du code civil, M. [W] fait valoir qu'au regard de l'importance de son engagement de caution il l'a souscrit en considération du cautionnement également consenti par M. [R], que celui-ci est nul compte tenu de la distorsion existant entre la mention imprimée faisant référence à un engagement d'un montant de 240.000 euros et la mention manuscrite portant engagement pour un montant de 480.000 euros, de sorte que son propre cautionnement se trouve vicié par l'erreur qu'il a commise.
Toutefois, comme l'a justement retenu le tribunal, nonobstant d'éventuelles irrégularités, le cautionnement consenti par M. [R] demeure valable faute pour ce dernier d'avoir fait prononcer la nullité relative de cet engagement.
En outre, l'importance du montant de l'engagement de caution souscrit par M. [W] ne saurait à lui seul démontrer que celui-ci s'est porté caution en considération de la caution souscrite par M. [R].
En effet, l'importance de cet engagement à hauteur de 240.000 euros doit être appréciée par rapport aux revenus et patrimoine de M. [W], dont l'actif net imposable au titre de l'impôt de solidarité sur la fortune pour l'année 2011 était de 1.472.692 euros.
Par ailleurs, aucune des pièces produites par l'appelant n'est de nature à rapporter la preuve, dont la charge lui incombe, de ce que l'engagement de caution de M. [R] était une condition déterminante de son propre engagement de caution, dès lors que le remboursement du prêt en cause était également garanti par un nantissement du fonds de commerce et un nantissement sur deux comptes bancaires rémunérés du débiteur principal.
Le jugement entrepris sera donc confirmé sur ce point.
4. Sur le montant des sommes dues
Selon l'article 2228 du code civil, celui qui se rend caution d'une obligation se soumet envers le créancier à satisfaire à cette obligation, si le débiteur n'y satisfait pas lui-même.
En vertu de l'article 2290, le cautionnement ne peut excéder ce qui est dû par le débiteur, ni être contracté sous des conditions plus onéreuses. Le cautionnement qui excède la dette ou qui est contracté sous des conditions plus onéreuses n'est point nul ; il est seulement réductible à la mesure de l'obligation principale.
Comme l'a retenu à juste titre le tribunal, la créance de la banque a été admise de manière définitive au passif de la société Le globe gourmand à hauteur de la somme de 401.244,38 euros, par un arrêt de cette cour du 24 mai 2018 revêtu de l'autorité de chose jugée.
Il ressort du compte rendu de fin de mission établi le 5 octobre 2018 par le liquidateur judiciaire ainsi que du décompte arrêté au 28 février 2020 produits par la banque que la somme restant due au titre de sa créance s'élève à 366.598,17 euros compte tenu des versements intervenus en cours de procédure collective, sans que M. [W] ne démontre l'existence d'autres versements.
Le prononcé d'une condamnation en deniers ou quittance n'est donc pas justifiée.
Il ressort des pièces produites par la banque que celle-ci n'a satisfait à son obligation d'information annuelle prévue à l'article L. 341-1 ancien du code de la consommation applicable au litige que par lettres recommandées avec demande d'avis de réception des 28 mai 2014, 9 mars 2017, 15 mars 2018 et 26 mars 2019.
Nonobstant la déchéance du droit aux intérêts de retard et pénalités échus encourue à raison de l'absence d'information de la caution dans le mois du premier incident de paiement intervenu le 25 février 2014 ainsi qu'en 2015 et 2016, il convient de relever que le montant du capital restant dû est supérieur au montant de l'engagement de caution de M. [W], de sorte que ce moyen est inopérant.
Non autrement contesté, le jugement entrepris sera confirmé.
5. Sur les demandes accessoires
Les dispositions du jugement entrepris relatives aux frais irrépétibles et aux dépens de première instance, fondées sur une exacte appréciation, seront confirmées.
M. [W], qui succombe, sera condamné aux dépens d'appel, débouté de sa demande d'indemnité de procédure et condamné à payer à la banque la somme de 2.500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.
PAR CES MOTIFS
La cour, statuant publiquement, par arrêt contradictoire mis à disposition au greffe,
Déclare recevable la demande du CIC nord ouest tendant à voir déclarer irrecevable la prétention de M. [E] [W] de voir annuler le cautionnement souscrit par M. [V] [R] ;
Déclare sans objet la demande du CIC nord ouest tendant à voir déclarer irrecevable la prétention de M. [E] [W] de voir annuler le cautionnement souscrit par M. [V] [R] ;
Confirme le jugement entrepris en toutes ses dispositions ;
Y ajoutant,
Condamne M. [E] [W] aux dépens d'appel, qui pourront être recouvrés selon les modalités prévues à l'article 699 du code de procédure civile par Me Didier Lefevre, avocat, et à payer au CIC nord ouest la somme de 2.500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;
Déboute M. [E] [W] de sa demande d'indemnité de procédure.
LE GREFFIER LE PRÉSIDENT
M. COLLET F. EMILY