AFFAIRE : N° RG 21/01081 -
N° Portalis DBVC-V-B7F-GXMB
ARRÊT N°
JB.
ORIGINE : DECISION du TJ hors JAF, JEX, JLD, J. EXPRO, JCP de CAEN en date du 22 Juin 2020 et du 19 Février 2021 - RG n° 14/00987
COUR D'APPEL DE CAEN
DEUXIEME CHAMBRE CIVILE ET COMMERCIALE
ARRÊT DU 23 FEVRIER 2023
APPELANTS :
Monsieur [X] [P]
né le [Date naissance 1] 1944 à [Localité 13]
[Adresse 9]
[Localité 6]
Madame [H] [D] épouse [P]
née le [Date naissance 8] 1945 à [Localité 17]
[Adresse 9]
[Localité 6]
Monsieur [M] [P]
né le [Date naissance 10] 1964 à [Localité 16]
[Adresse 12]
[Localité 5]
Madame [V] [S] épouse [P]
née le [Date naissance 2] 1968 à [Localité 21]
[Adresse 9]
[Localité 6]
Madame [F] [P]
née le [Date naissance 11] 1971 à [Localité 15]
[Adresse 14]
[Localité 6]
S.C.I. LA NEUVILLE
N° SIRET : 441 693 538
[Adresse 18]
[Localité 4]
prise en la personne de son représentant légal
S.C.I. MAES
N° SIRET : 414 466 607
[Adresse 20]
[Localité 4]
prise en la personne de son représentant légal
Tous représentés par Me Anne-Laure BOILEAU, avocat au barreau de CAEN,
Tous assistés de Me Eva DUBOIS, avocat au barreau de RENNES
INTIMEE :
S.C. CAISSE REGIONALE DE CREDIT AGRICOLE MUTUEL DE NORMANDIE
N° SIRET : 478 834 930 00016
[Adresse 7]
[Localité 3]
prise en la personne de son représentant légal
représentée par Me Jean-Michel DELCOURT, avocat au barreau de CAEN,
assistée de Me Nolwenn PENNEC, avocat au barreau de BREST
DEBATS : A l'audience publique du 08 décembre 2022, sans opposition du ou des avocats, Mme EMILY, Président de Chambre et M. GOUARIN, Conseiller, ont entendu les plaidoiries et en ont rendu compte à la cour dans son délibéré
GREFFIER : Mme LE GALL, greffier
COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ :
Mme EMILY, Président de Chambre,
Mme VELMANS, Conseillère,
M. GOUARIN, Conseiller,
ARRÊT prononcé publiquement le 23 février 2023 à 14h00 par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile et signé par Madame EMILY, président, et Mme COLLET, greffier
* * *
M. [X] [P], son épouse, Mme [H] [D] épouse [P] et leurs enfants, M. [M] [P], Mme [F] [P] épouse [I] et Mme [V] [P] épouse [S] sont les associés de la SARL IGM-immobilière groupe, ayant comme objet l'acquisition des terrains à bâtir, toutes opérations de construction, de location et de vente de biens immobiliers et toutes opérations de marchands de biens, et de deux autres sociétés immobilières, la SCI La Neuville et la SCI Maes, destinées à l'acquisition des immeubles locatifs.
Dans le cadre de leurs opérations d'investissement locatifs, les SCI Maes et La Neuville ont souscrit plusieurs prêts auprès de la Caisse régionale de crédit agricole mutuel de Normandie (CRCAM de Normandie).
Suivant acte du 28 janvier 2005, la CRCAM de Normandie a consenti à la SCI Maes :
- un prêt n°09561501803 (prêt n°803) d'un montant de 1.500.000 euros, remboursable en 240 mensualités avec intérêts au taux annuel proportionnel révisable de 3,80%,
- un prêt n°09561501804 5 (prêt n°804) d'un montant de 100.000 euros remboursable en 300 mensualités avec intérêts au taux annuel proportionnel révisable de 3,80%,
les deux prêts étant garantis par une inscription de privilège de prêteur de deniers, une hypothèque conventionnelle et le cautionnement des époux [P].
Suivant acte authentique du 4 juillet 2006, la CRCAM de Normandie a consenti à la SCI Maes un prêt n°00010316477 ( prêt n° 477) d'un montant de 450 000 eurosremboursable en 300 mensualités avec intérêts au taux annule révisable de 3,75%, prêt garanti par une inscription de privilège de prêteur de deniers et une hypothèque conventionnelle ainsi que par le cautionnement des époux [P] et de leurs trois enfants dasn la limite de la somme de 585 000 euros.
Suivant acte authentique du 11 juillet 2006, la CRCAM de Normandie a consenti à la SCI La Neuville un prêt n°00010315451 (prêt n°451) d'un montant de 495.000 euros remboursable en 300 mensualités au taux conventionnel de 1,11% l'an, garanti par le cautionnement donné le 30 juin 2006 par M. [X] [P], Mme [H] [D] épouse [P], M. [M] [P] et Mme [V] [P] épouse [S], dans la limite de la somme de 643.500 euros.
A la suite de plusieurs impayés, par lettre recommandée avec accusé de réception en date du 29 août 2013, la CRCAM de Normandie a prononcé la déchéance du terme de l'ensemble de ces prêts.
Par acte du 11 octobre 2013, la CRCAM de Normandie a fait délivrer un commandement de payer aux fins de saisie immobilière en règlement des trois prêts pour un montant total de 1.603.233,86 euros arrêté au 29 août 2013.
Suivant acte sous seing privé en date du 27 décembre 2013, la CRCAM de Normandie a consenti à la SCI Maes un prêt n°10000050473 (prêt n°473) d'un montant de 42.500 euros au taux conventionnel de 0% remboursable en une échéance à l'issue d'un délai de deux ans.
La procédure de saisie immobilière a abouti à l'adjudication d'un immeuble appartenant à la SCI Maes sis à [Adresse 19] au prix de 725.000 euros.
Par la suite, suivant exploits d'huissier de justice en dates des 30 janvier et 5 février 2014, la CRCAM de Normandie a assigné M. [X] [P], Mme [H] [D] épouse [P], M. [M] [P] et Mme [V] [P] épouse [S], devant le tribunal de grande instance de Caen aux fins de condamnation en paiement au titre de leurs engagement de caution.
Par acte d'huissier de justice en date du 19 janvier 2016, la SCI La Neuville, la SCI Maes et les consorts [P] ont assigné la CRCAM de Normandie devant le tribunal de grande instance de Caen aux fins de voir engager sa responsabilité et en paiement de dommages et intérêts.
Les deux instances ont été jointes.
Suivant exploit d'huissier de justice en date du 23 novembre 2017, la CRCAM de Normandie a assigné en intervention forcée Mme [F] [P].
Par jugement mixte en date du 22 juin 2020, le tribunal judiciaire de Caen a :
- rejeté la fin de non-recevoir tirée de la prescription de l'action en responsabilité contractuelle pour manquement au devoir de mise en garde ;
- débouté la SCI Maes, la SCI La Neuville et les consorts [P] de leur action en responsabilité contractuelle à l'encontre de la Caisse régionale de crédit agricole mutuel de Normandie en sa qualité de co-contractant des prêts souscrits par les SCI Maes et La Neuville ;
- condamné la SCI Maes à payer à la Caisse régionale de crédit agricole mutuel de Normandie en exécution du contrat de prêt n°10000050473 la somme de 42 500 euros avec intérêts conventionnels de 3% l'an à compter du 16 janvier 2016 outre la somme de 2 975 euros au titre de l'indemnité forfaitaire ;
- ordonné la capitalisation des intérêts échus depuis plus d'un an, conformément aux
dispositions de l'article 1154 ancien du code civil ;
- prononcé la déchéance du droit aux intérêts de la Caisse régionale de crédit agricole mutuel de Normandie au titre des cautionnements suivants :
* pour le prêt n°09561501803 et le prêt n°09561501804 :
- cautionnement de M. [X] [P] pour les intérêts échus entre le 28 janvier 2005 et le 7 février 2014 puis à compter du 16 février 2018 ;
- cautionnement de Madame [H] [D] épouse [P] pour les intérêts échus entre le 28 janvier 2005 et le 7 février 2014, puis à compter du 16 février 2018 ;
*pour le prêt n°00010316477 :
- cautionnement de Mme [H] [D] épouse [P] pour les intérêts échus entre le 4 juillet 2006 et le 7 février 2014 puis à compter du 16 février 2018 ;
- cautionnement de Mme [F] [P] épouse [I] pour les intérêts échus entre le 4 juillet 2006 et le 7 février 2014 puis à compter du 16 février 2018 ;
- cautionnement de M. [M] [P] pour les intérêts échus
entre le 4 juillet 2006 et le 7 février 2014 puis à compter du 16 février 2018 ;
- cautionnement de Mme [V] [P] épouse [S] pour les intérêts échus entre le 4 juillet 2006 et le 7 février 2014 puis à compter du 16 février 2018 ;
*pour le prêt n°00010315451 :
- cautionnement de M. [X] [P] pour les intérêts échus entre le 11 juillet 2006 et le 7 février 2014 puis à compter du 16 février 2018 ;
- cautionnement de Mme [H] [D] épouse [P] pour les intérêts échus entre le 11 juillet 2006 et le 7 février 2014 puis à compter du 16 février 2018 ;
- cautionnement de M. [M] [P] pour les intérêts échus entre le 11 juillet 2006 et le 7 février 2014 puis à compter du 16 février 2018 ;
- cautionnement de Mme [V] [P] épouse [S] pour les intérêts échus entre le 11 juillet 2006 et le 7 février 2014 puis à compter du 16 février 2018 ;
- dit que les paiements effectués par la SCI Maes et la SCI La Neuville directement ou indirectement par l'intermédiaire de la mise en place de voies d'exécution forcée (saisie-attribution saisie immobilière, etc') dans les rapports entre les consorts [P] et la Caisse régionale de crédit agricole mutuel de Normandie sont réputés affectés prioritairement au règlement du principal de la dette de chacun des prêts cautionnés;
- sursis à statuer sur la demande de condamnation en paiement présentée par la Caisse régionale de crédit agricole mutuel de Normandie à l'encontre des consorts [P] au titre de leurs engagements de caution ainsi que sur la demande reconventionnelle d'octroi de délais de paiement et les demandes accessoires présentées au titre des frais irrépétibles et des dépens.
Par déclaration en date du 16 avril 2021, les consorts [P], la SCI Maes et la SCI La Neuville ont fait appel de ce jugement.
Par jugement en date du 19 février 2021, le tribunal judiciaire de Caen a :
- rejeté la demande de rectification d'erreur matérielle portant sur la mention de [F] [P] au titre de la déchéance du droit aux intérêts portant sur le prêt n°00010315451 ;
- constaté que le dispositif du jugement rendu le 22 juin 2020 a omis de statuer sur la déchéance du droit aux intérêts concernant le prêt n°00010316477 à l'égard de M. [X] [P] ;
- complété le dispositif du jugement comme suit :
'Prononce la déchéance du droit aux intérêts de la Caisse régionale de crédit agricole mutuel de Normandie au titre des cautionnements suivants :
*Pour le prêt n°00010316477 :
- cautionnement de M. [X] [P] pour les intérêts échus entre le 4 juillet 2006 et le 7 février 2014 puis à compter du 16 février 2018",
- déclaré irrecevable la demande reconventionnelle des défendeurs tendant à obtenir la condamnation de la Caisse régionale de crédit agricole mutuel de Normandie à payer à la SCI MAES la somme de 179.503,42 euros ;
- condamné solidairement M. [X] [P], Mme [H] [D] épouse [P], M. [M] [P] et Mme [V] [P] épouse [S] à payer à la Caisse régionale de crédit agricole mutuel de Normandie la somme de 255.411,57 euros, outre les intérêts au taux légal à compter du 13 novembre 2020, avec capitalisation des intérêts échus depuis plus d'un an, le tout dans la limite de la somme de 643.500 euros au titre de leur engagement de caution du prêt n°00010315451 ;
- constaté que la Caisse régionale de crédit agricole mutuel de Normandie ne présente plus de demande au titre de l'exécution des cautionnements souscrits par les époux [P] pour garantir les prêts n°09561501803 et n°09561501804 ;
- condamné solidairement M. [X] [P], Mme [H] [D] épouse [P], M. [M] [P], Madame [F] [P] épouse [I] et Mme [V] [P] épouse [S] à payer à la Caisse régionale de crédit agricole mutuel de Normandie la somme de 279.105,34 euros, outre les intérêts au taux légal à compter du 24 août 2020, avec capitalisation des intérêts échus depuis plus d'un an, le tout dans la limite de la somme de 585 000 euros au titre de leur engagement de caution du prêt n°00010316477 ;
- débouté les consorts [P] de leur demande de délais de paiement ;
- condamné solidairement la SCI Maes, la SCI La Neuville, M. [X] [P], Mme [H] [D] épouse [P], M. [M] [P], Madame [F] [P] épouse [I] et Mme [V] [P] épouse [S] aux dépens ;
- condamné solidairement la SCI Maes, la SCI La Neuville, M. [X] [P], Mme [H] [D] épouse [P], M. [M] [P], Madame [F] [P] épouse [I] et Mme [V] [P] épouse [S] à payer à la Caisse régionale de crédit agricole mutuel de Normandie la somme de 4.000 euros sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ;
- ordonné l'exécution provisoire du jugement entrepris ;
- rejeté toute demande plus ample ou contraire.
Par déclaration en date du 16 avril 2021, les consorts [P], la SCI Maes et la SCI La Neuville ont relevé appel de ce jugement.
Par avis de jonction en date du 8 avril 2022 prenant la forme d'une mention au dossier de la procédure ces deux affaires ont été jointes.
Par dernières conclusions du 8 novembre 2022, les consorts [P], la SCI Maes et la SCI La Neuville, outre des demandes de dire et de juger qui ne sont pas des prétentions sur lesquelles il y a lieu de statuer, demandent à la cour de :
- Infirmer le jugement rendu le 19 février 2021, en ce qu'il a :
*déclaré irrecevable la demande reconventionnelle des défendeurs tendant à obtenir la condamnation de la Caisse régionale de crédit agricole mutuel de Normandie à payer à la SCI MAES la somme de 179.503,42 euros ;
*condamné solidairement M. [X] [P], Mme [H] [D] épouse [P], M. [M] [P] et Mme [V] [P] épouse [S] à payer à la Caisse régionale de crédit agricole mutuel de Normandie la somme de 255.411,57 euros, outre les intérêts au taux légal à compter du 13 novembre 2020, avec capitalisation des intérêts échus depuis plus d'un an, le tout dans la limite de la somme de 643.500 euros au titre de leur engagement de caution du prêt n°00010315451 ;
*condamné solidairement M. [X] [P], Mme [H] [D] épouse [P], M. [M] [P], Madame [F] [P] épouse [I] et Mme [V] [P] épouse [S] à payer à la Caisse régionale de crédit agricole mutuel de Normandie la somme de 279.105,34 euros, outre les intérêts au taux légal à compter du 24 août 2020, avec capitalisation des intérêts échus depuis plus d'un an, le tout dans la limite de la somme de 585 000 euros au titre de leur engagement de caution du prêt n°00010316477 ;
*débouté les consorts [P] de leur demande de délais de paiement ;
*condamné solidairement la SCI Maes, la SCI La Neuville, M. [X] [P], Mme [H] [D] épouse [P], M. [M] [P], Madame [F] [P] épouse [I] et Mme [V] [P] épouse [S] aux dépens ;
*condamné solidairement la SCI Maes, la SCI La Neuville, M. [X] [P], Mme [H] [D] épouse [P], M. [M] [P], Madame [F] [P] épouse [I] et Mme [V] [P] épouse [S] à payer à la Caisse régionale de crédit agricole mutuel de Normandie la somme de 4 000 euros sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ;
- Infirmer le jugement rendu le 22 juin 2020, en ce qu'il a :
*débouté la SCI Maes, la SCI La Neuville et les consorts [P] de leur action en responsabilité contractuelle à l'encontre de la Caisse régionale de crédit agricole mutuel de Normandie en sa qualité de co-contractant des prêts souscrits par les SCI Maes et La Neuville,
*débouté les consorts [P] de leurs demandes fondées sur la disproportion des engagements de caution,
*condamné la SCI Maes à payer à la Caisse régionale de crédit agricole mutuel de Normandie en exécution du contrat de prêt n°10000050473 la somme de 42 500 euros avec intérêts conventionnels de 3% l'an à compter du 16 janvier 2016 outre la somme de 2 975 euros au titre de l'indemnité forfaitaire ;
*ordonné la capitalisation des intérêts échus depuis plus d'un an, conformément aux dispositions de l'article 1154 ancien du code civil ;
*prononcé la déchéance du droit aux intérêts de la Caisse régionale de crédit agricole mutuel de Normandie au titre des cautionnements ;
*dit que les paiements effectués par la SCI Maes et la SCI La Neuville directement ou indirectement par l'intermédiaire de la mise en place de voies d'exécution forcée (saisie-attribution saisie immobilière, etc') dans les rapports entre les consorts [P] et la Caisse régionale de crédit agricole mutuel de Normandie sont réputés affectés prioritairement au règlement du principal de la dette de chacun des prêts cautionnés ;
Et, statuant à nouveau,
Concernant les prêts,
A titre principal,
- Confirmer le jugement rendu le 22 juin 2020, en ce qu'il a rejeté la fin de non-recevoir tirée de la prescription de l'action en responsabilité contractuelle pour manquement au devoir de mise en garde,
- Déclarer que l'action pour manquement au devoir de mise en garde de la SCI Maes et de la SCI La Neuville à l'encontre de la Caisse régionale de crédit agricole mutuel de Normandie n'est pas prescrite,
-Condamner la Caisse régionale de crédit agricole mutuel de Normandie à indemniser le préjudice causé aux SCI Maes et La Neuville et à M. [X] [P], Mme [H] [P] née [D], M. [M] [P], Mme [V] [S] née [P] et Mme [F] [P], et allouer :
- 972.577,97 euros à la SCI Maes,
- 186.196,84 euros à la SCI La Neuville,
- 30.000 euros à M. [X] [P] au titre de son préjudice moral,
- 30.000 euros à Mme [H] [P] née [D] au titre de son préjudice moral,
- 30.000 euros à M. [M] [P] au titre de son préjudice moral,
- 30.000 euros à Mme [V] [S] née [P] au titre de son préjudice moral,
- 30.000 euros à Mme [F] [P] au titre de son préjudice moral,
A titre subsidiaire,
- Condamner la Caisse régionale de crédit agricole mutuel de Normandie à verser, à titre de dommages-intérêts au titre de ses manquements à son obligation de conseil et à son devoir de mise en garde :
- 648 330,62 euros à la SCI Maes,
- 300 522 euros à la SCI La Neuville,
Concernant les cautionnements,
- Débouter la Caisse régionale de crédit agricole mutuel de Normandie de l'intégralité de ses prétentions,
- Décharger M. [X] [P], Mme [H] [P] née [D], M. [M] [P], Mme [V] [S] née [P] et Mme [F] [P], de la totalité de leurs engagements de caution, au titre des prêts des prêts 803, 804, 451 et 477, compte-tenu de la disproportion des cautionnements ;
- Juger que les cautionnements souscrits par M. [X] [P], Mme [H] [P] née [D], M. [M] [P], Mme [V] [S] née [P] et Mme [F] [P] auprès de la Caisse régionale de crédit agricole mutuel de Normandie sont nuls et que, par conséquent, ils doivent être déchargés de leurs engagements ;
- Déclarer recevable la demande d'annulation des cautionnements formée par les consorts [P], fondée sur le dol,
A titre subsidiaire, vu le manquement de la banque à son obligation de conseil et de mise en garde vis à vis des cautions,
- la condamner à payer la somme de 1.574.250 euros à M. [X] [P],
- la condamner à payer la somme de 1.574.250 euros à Mme [H] [P],
- la condamner à payer la somme de 614 250 euros à Monsieur [M] [P],
- la condamner à payer la somme de 614 250 euros à Madame [V] [P] épouse [S],
- la condamner à payer la somme de 614 250 euros à Madame [F] [P],
A titre infiniment subsidiaire,
-Prononcer la déchéance du droit aux intérêts conventionnels, intérêts de retard et pénalités, comprenant l'indemnité forfaitaire de 7%, à compter de la date de signature de chaque cautionnement de M. [X] [P], Mme [H] [P] née [D], M. [M] [P], Mme [V] [S] née [P] et Mme [F] [P] et jusqu'à ce jour, et plus précisément :
o Pour le prêt n°803 à compter du 28 janvier 2005,
o Pour le prêt n°804 à compter du 28 janvier 2005,
o Pour le prêt n°451 à compter du 11 juillet 2006,
o Pour le prêt n°477 à compter du 4 juillet 2006,
o Pour le prêt n°473 à compter du 16 janvier 2014,
A titre très infiniment subsidiaire,
- Accorder à M. [X] [P], Mme [H] [P] née [D], M. [M] [P], Mme [V] [S] née [P] et Mme [F] [P] , des délais de paiement et reporter le paiement de leur dette de 24 mois,
En toute hypothèse,
- Décerner acte à la Caisse régionale de crédit agricole mutuel de Normandie de ce qu'elle sollicite la confirmation du jugement attaqué concernant le prononcé de la déchéance du droit aux intérêts et pénalités de retard,
- Débouter la Caisse régionale de crédit agricole mutuel de Normandie de l'intégralité de ses demandes,
- Condamner la Caisse régionale de crédit agricole mutuel de Normandie à payer à la SCI Maes, la SCI La Neuville, M. [X] [P], Mme [H] [P] née [D], M. [M] [P], Mme [V] [S] née [P] et Mme [F] [P], chacun, la somme de 10 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile,
- Condamner la Caisse régionale de crédit agricole mutuel de Normandie aux entiers dépens qui seront recouvrés conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.
Par dernières conclusions du 21 novembre 2022, la CRCAM de Normandie demande à la cour de :
A titre principal,
- Déclarer irrecevable comme nouvelle en cause d'appel la demande de la SCI Maes, de la SCI La Neuville et de M. [X] [P], Mme [H] [P] née [D], M. [M] [P], Mme [V] [S] née [P] et Mme [F] [P] tendant à voir prononcer la nullité des actes de cautionnements pour réticence dolosive ;
Concernant le jugement en date du 22 juin 2020,
- Confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a :
*condamné la SCI MAES au paiement à la CRCAM de Normandie en exécution du contrat de prêt n°10000050473 de la somme de 42 500 euros outre les intérêts conventionnels au taux de 3% l'an à compter du 16 janvier 2016 outre la somme de 2.975 euros au titre de l'indemnité forfaitaire ;
*ordonné la capitalisation des intérêts échus depuis plus d'un an ;
*débouté la SCI Maes, la SCI La Neuville et les consorts [P] de leur action en responsabilité contractuelle à l'encontre de la CRCAM de Normandie en sa qualité de co-contractant des prêts souscrits par les SCI Maes et La Neuville ;
*prononcé la déchéance du droit aux intérêts de la CRCAM de Normandie au titre des cautionnements ;
*Rejeté toute demande plus ample ou contraire et notamment débouté les consorts [P] de leur moyen tiré d'une prétendue disproportion ;
- Déclarer recevable l'appel incident formé par la CRCAM de Normandie ;
En conséquence,
- Infirmer le jugement 22 juin 2020 entrepris en ce qu'il a :
*rejeté la fin de non-recevoir tirée de la prescription de l'action en responsabilité contractuelle pour manquement au devoir de mise en garde ;
Statuant à nouveau,
- Déclarer irrecevable comme prescrite la demande de la SCI Maes, de la SCI La Neuville et des consorts [P] tendant à engager la responsabilité contractuelle de la CRCAM de Normandie au titre d'un manquement au devoir de mise en garde,
Concernant le jugement en date du 19 février 2021
- Confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a :
*déclaré irrecevable la demande reconventionnelle des défendeurs tendant à obtenir la condamnation de la Caisse régionale de crédit agricole mutuel de Normandie à payer à la SCI MAES la somme de 179.503,42 euros ;
*constaté que la Caisse régionale de crédit agricole mutuel de Normandie ne présente plus de demande au titre de l'exécution des cautionnements souscrits par les époux [P] pour garantir les prêts n°09561501803 et n°09561501804 ;
*constaté que le dispositif du jugement rendu le 22 juin 2020 a omis de statuer sur la déchéance du droit aux intérêts concernant le prêt n°00010316477 à l'égard de M. [X] [P];
*complété le dispositif du jugement et prononcé la déchéance du droit aux intérêts de la Caisse régionale de crédit agricole mutuel de Normandie au titre du cautionnement de M. [X] [P] pour les intérêts échus entre le 4 juillet 2006 et le 7 février 2014 puis à compter du 16 février 2018" ;
*condamné solidairement M. [X] [P], Mme [H] [D] épouse [P], M. [M] [P], Madame [F] [P] épouse [I] et Mme [V] [P] épouse [S] à payer à la Caisse régionale de crédit agricole mutuel de Normandie la somme de 279.105,34 euros, outre les intérêts au taux légal à compter du 24 août 2020, avec capitalisation des intérêts échus depuis plus d'un an, le tout dans la limite de la somme de 585.000 euros au titre de leur engagement de caution du prêt n°00010316477 ; actualisant la condamnation à la somme de 281.469,51 euros arrêtée au 8 octobre 2021, outre les intérêts au taux légal à compter de cette date, calculés sur la somme en principal de 264.310,63 euros, et jusqu'à parfait paiement, avec capitalisation des intérêts ;
*débouté les consorts [P] de leur demande de délais de paiement ;
*condamné solidairement la SCI Maes, la SCI La Neuville, M. [X] [P], Mme [H] [D] épouse [P], M. [M] [P], Madame [F] [P] épouse [I] et Mme [V] [P] épouse [S] aux dépens ;
*condamné solidairement la SCI Maes, la SCI La Neuville, M. [X] [P], Mme [H] [D] épouse [P], M. [M] [P], Madame [F] [P] épouse [I] et Mme [V] [P] épouse [S] à payer à la Caisse régionale de crédit agricole mutuel de Normandie la somme de 4.000 euros sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ;
- Constater que la CRCAM de Normandie ne présente plus de demandes à l'encontre des cautions en exécution de leurs engagements souscrits en garantie du prêt n°00010315451 ;
Subsidiairement,
- Débouter la SCI Maes, de la SCI La Neuville et M. [X] [P], Mme [H] [D] épouse [P], M. [M] [P], Mme [V] [P] épouse [S] et Mme [F] [P] de leur demande tendant à voir prononcer la nullité des actes de cautionnements pour réticence dolosive,
- Confirmer le jugement du 22 juin 2020 entrepris en ce qu'il a :
*débouté la SCI Maes, la SCI La Neuville et les consorts [P] de leur action en responsabilité contractuelle à l'encontre de la CRCAM de Normandie en sa qualité de co-contractant des prêts souscrits par les SCI Maes et La Neuville ;
En toutes hypothèses,
- Débouter la SCI Maes, la SCI La Neuville et les consorts [P] de l'ensemble de leurs demandes, fins et conclusions ;
- Condamner solidairement SCI Maes, de la SCI La Neuville et M. [X] [P], Mme [H] [D] épouse [P], M. [M] [P], Mme [V] [P] épouse [S] et Mme [F] [P] au paiement d'une somme de 6.000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile au titre des frais exposés en cause d'appel ;
- Condamner solidairement SCI Maes, de la SCI La Neuville et M. [X] [P], Mme [H] [D] épouse [P], M. [M] [P], Mme [V] [P] épouse [S] et Mme [F] [P] aux entiers dépens de première instance et d'appel, en ce compris les émoluments dus aux huissiers de justice en cas d'exécution forcée sur le fondement de l'article A. 444-32 du Code de commerce, dont distraction au bénéfice de Me Jean-Michel Delcourt, avocat au barreau de Caen conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.
L'ordonnance de clôture est intervenue le 23 novembre 2022.
Pour un plus ample exposé des prétentions et moyens des parties, il est renvoyé à leurs dernières conclusions visées supra.
SUR CE, LA COUR
Les appelantes ont déposé des conclusions après l'ordonnance de clôture pour solliciter la révocation de l'ordonnance de clôture et la réouverture des débats afin de permettre la signification des conclusions récapitulatives n°3 , signifiées par erreur le 22 novembre 2022 dans un autre dossier à savoir sous le n° RG de l'un des dossiers avant jonction.
Il n'est formulé dans les conclusions n° 3 des appelants aucune nouvelle demande, ni aucune nouvelle pièce.
Les modifications apportées portent sur des références à des arrêts de la cour de cassation en matière de disproportion des engagements des cautions.
En tout état de cause, il n'est pas justifié d'une cause grave survenue depuis l'ordonnance de clôture et permettant la révocation de celle-ci.
La demande sera rejetée.
- Sur les fautes de la banque
Sur le fondement des articles 1103 et 1231-1 du code civil, les appelants font valoir que la banque a engagé sa responsabilité en prononçant la déchéance du terme des prêts de façon injustifiée en ne respectant pas son engagement de renoncer à celle-ci et violant ainsi l'accord intervenu avec les SCI, qu'elle poursuit donc indûment le recouvrement du solde des prêts et qu'elle a engagé des procédures de saisie immobilière infondées.
Les appelants soutiennent également que la banque a géré les comptes bancaires des SCI 'de manière catastrophique' et généré en réalité des incidents de paiement destabilisant ainsi la trésorerie de celles-ci.
La CRCAM de Normandie soutient que les déchéances des termes des prêts ont été régulièrement prononcées et que si elle a maintenu un dialogue avec les SCI, aucun engagement transactionnel n'est intervenu dès lors que l'accord portant sur une régularisation des retard et sur le règlement des échéances courantes n'a jamais été tenu par les SCI et que du fait du non paiement des échéances courantes, les procédures contentieuses se sont poursuivies.
Le tribunal a justement retenu concernant la SCI Maes :
- que les contrats de prêts contenaient des clauses de déchéance du terme 8 jours après la réception d'une lettre recommandée avec avis de réception en cas de non paiement à la date de leur échéance des sommes exigibles au titre tant du prêt concerné par ledit contrat que de tout autre prêt consenti par le préteur ;
- qu'après l'envoi de deux mises en demeure à la SCI Maes, par lettre recommandée en date du 29 août 2013, la banque a signifié à celle-ci qu'elle entendait prononcer la déchéance du terme des trois prêts contractés au vu du retard dans le paiement des échéances sur les prêts n° 803( un an d'échéance en retard) et n° 477(7 mois d'échéance en retard) ;
- qu'au vu de cette situation le prononcé de la déchéance du terme était justifiée.
Le tribunal a également justement retenu concernant la SCI La Neuville (prêt n°451), l'envoi d'une mise en demeure de régulariser des arriérés le 21 mars 2021 et l'envoi d'une lettre recommandée avec accusé de réception signé le 26 juillet 2013 prononçant la déchéance du terme à défaut de régularisation des arriérés depuis le 20 février 2023.
La déchéance du terme était également justifiée pour cette SCI.
Il sera relevé que la déchéance du terme concernant le prêt contracté par la SCI La Neuville a été prononcée antérieurement à celle prononcée concernant les prêts contractés par la SCI Maes et que c'est donc faussement que les appelants soutiennent que la CRCAM a étendu la déchéance du terme des prêts de la SCI Maes à la SCI La Neuville.
La banque indique que s'il y a eu des discussions par la suite pour trouver un accord pour le règlement des sommes dues, elle n'a jamais renoncé à la déchéance des termes et que les SCI n'ont pas pu respecter leur engagement de régler le passif et de reprendre le paiement des échéances courantes malgré l'octroi à la SCI Maes d'un prêt de 42500 euros destiné à apurer les échéances impayées restant dues en octobre 2013.
Il n'a été formalisé aucun accord de renonciation à la déchéance du terme des prêts avec reprise des paiements des échéances et il ne résulte des pièces communiquées aucun engagement de la banque à ce titre, celle-ci acceptant manifestement de discuter pour trouver un accord de règlement mais ne voulant pas renoncer au bénéfice des procédures déjà engagées.
Les mails de la CRCAM de Normandie du 6 novembre 2013 et 22 mai 2014 (pièces 21 et 22 de la CRCAM) font état d'un accord avec M. [P] pour reprendre le paiement des échéances courantes des quatre prêts consentis.
Il est mentionné une volonté de la banque de régler amiablement le dossier si ses clients lui proposent un échéancier concret de règlement mais la volonté de ne pas perdre le bénéfice des procédures engagées.
Le mail du 17 décembre 2013 ne contient aucune renonciation de la banque à la déchéance des termes mais un engagement à interrompre les procédures en cours.
Cet engagement sous-entendait nécessairement que les SCI résorbent leur passif et reprennent les échéances courantes.
Il est établi qu'à compter d'octobre 2013, les SCI n'ont pas pu reprendre le paiement des échéances et que la banque a poursuivi les procédures judiciaires engagées et notamment la procédure de saisie immobilière.
Le décompte des sommes dues au 20 février 2014 fait état concernant le prêt n° 451 de la SCI La Neuville d'un retard de 13 064,75 euros et d'une somme à échoir d'un montant de 418 501,07 euros.
Concernant les prêts de la SCI Maes n°803 et 804 , il fait état de retards respectifs de 13 199,87 euros et de 1067,12 euros et de sommes à échoir d'un montant de 944 956,55 euros pour le prêt n° 803 et de 63 771,92 euros pour le prêt n° 804.
Au vu de ces éléments, c'est à bon droit que le tribunal n'a pas retenu que la banque avait violé un accord conclu avec les SCI prévoyant une renonciation aux déchéances du terme des prêts et qu'elle n'avait donc pas engagé sa responsabilité en poursuivant des voies d'exécution forcée.
Sur la mauvaise gestion des comptes, les appelants soutiennent que la CRCAM de Normandie n'a pas respecté les instructions données par les SCI pour les imputations des paiements, a prélevé des montants supérieurs aux sommes dues, a prélevé en retard les échéances du prêt n° 801 alors que le compte était approvisionné, a indûment prélevé une somme de 7401,10 euros, a empêché le paiement des cotisations d'assurance APRIL en prélevant régulièrement des sommes sur les comptes des SCI.
La CRCAM de Normandie reprend les motifs du jugement et fait valoir que les appelants ne justifient ni de fautes de sa part, ni d'un préjudice, que les débiteurs ont comme obligation première de procéder au règlement de leurs échéances, qu'elle-même n'a fait que mettre en oeuvre les remboursements qui lui étaient dus et que les SCI ne justifient d'aucun préjudice financier.
Il résulte des pièces versées aux débats que les sommes de 70 000 euros et de 536,51 euros déposées sur les comptes de la SCI MAES le 3 octobre 2013 ont été prélevées pour le remboursement du prêt de celle-ci. Il n'est pas justifié d'instructions particulières des emprunteurs sur l'imputation de sommes déposées sur les comptes qui n'auraient pas été respectées.
Aucun élément du dossier ne permet de retenir que la banque a prélevé des sommes qui ne lui étaient pas dues au titre des échéances des prêts et le non paiement des primes d'assurance ne peut lui être imputé. Il n'est pas non plus soutenu de ce que la banque n'avait pas d'autorisation de prélèvement sur les comptes.
Par ailleurs, comme l'a relevé le tribunal,pour établir des fautes de gestion des comptes des SCI par la banque, les appelants produisent aux débats des courriers qu'ils ont rédigés eux-mêmes dans lesquels ils se plaignent des agissements de l'intimée mais qui sont insuffisants à établir la preuve des faits allégués.
Il est par ailleurs indiqué que la banque s'immisçait dans la gestion des SCI sans que cette affirmation ne soit étayée par aucune pièce du dossier.
Au vu de ces éléments, la responsabilité de la banque ne peut être retenue pour violation d'un accord conclu entre les parties ou encore pour une gestion fautive des comptes bancaires des SCI.
Le jugement sera confirmé en ce qu'il a rejeté la demande de dommages et intérêts faite à ce titre.
- Sur le manquement au devoir de mise en garde
La CRCAM de Normandie invoque la prescription de l'action considérant que le point de départ du délai de prescription court à compter de la date de conclusion des contrats de prêt.
Les appelants contestent cette analyse et soutiennent que le point de départ du délai de precription est le premier incident de paiement majeur qui en l'espèce est intervenu en août 2012.
Aux termes de l'artilce 2224 du code civil, les actions personnelles ou mobilières se prescrivent par cinq ans à compter du jour où le titulaire d'un droit a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant de l'exercer.
Il résulte de ce texte que l'action en responsabilité de l'emprunteur non averti à l'encontre du prêteur au titre d'un manquement à son devoir de mise en garde se prescrit par cinq ans à compter du jour du premier incident de paiement, permettant à l'emprunteur d'appréhender l'existence et les conséquences éventuelles d'un tel manquement.
C'est donc par des motifs pertinents, que la cour adopte, que le tribunal a jugé que l'action n'était pas prescrite alors que les premiers impayés relatifs au prêt n°803 datent du mois d'août 2012 et que l'action en responsabilité a été engagée le 16 janvier 2016. Ce n'est en effet qu'à partir des premiers incidents liés à la défaillance de locataires plusieurs années après la conclusion des prêts, que l'impossibilité de faire face aux remboursements des prêts est apparue et que les emprunteurs ont pu prendre conscience des conséquences d'un éventuel manquement de la banque à son devoir de mise en garde.
Les appelants soutiennent que les deux SCI ont emprunté en qualité de profane n'exerçant aucune activité commerciale et que l'intention des consorts [P] était d'acquérir des biens via leurs SCI afin de faire fructifier le patrimoine familial, les opérations financées étant destinées à des investissements locatifs permettant le remboursement des emprunts grâce aux loyers perçus, montage classique mais présentant un risque spécial en l'espèce au vu des montants empruntés et du nombre de biens mis en location.
La CRCAM de Normandie expose qu'elle se trouvait en présence d'interlocuteurs qui ont multiplié les investissements locatifs tant à titre personnel que via des SCI ou des sociétés commerciales, rompus aux mécanismes de financement de leurs acquisitions immobilières et à l'octroi des prêts immobiliers, les participations des consorts [P] dans leurs différentes sociétés ayant été évaluées à la somme totale de 15 000 000 d'euros, ceux-ci assurant la gestion d'au moins 58 biens immobiliers.
La CRCAM de Normandie précise que les emprunts ont été remboursés plusieurs années sans difficultés et que les appelants ne démontrent pas la disproportion des engagements pris au regard des facultés financières des SCI ou d'un risque particulier d'endettement.
Le devoir de mise en garde consiste pour un établissement de crédit à alerter l'emprunteur au regard de ses capacités financières et du risque d'endettement né de l'octroi du prêt.
Le devoir de mise en garde n'existe qu'envers les emprunteurs non avertis.
Concernant les personnes morales, la qualité d'averti s'apprécie dans la personne de son dirigeant.
Il ressort des pièces communiquées que M. [X] [P] était le gérant des deux SCI.
Celui-ci a déclaré dans la fiche de renseignements sur la caution du 29 octobre 2004 qu'il était directeur de sociétés et que la 'valeur approximative' des parts sociales qu'il détenait dans les différentes SCI et sociétés du groupe MAES se situait autour de 15 millions d'euros.
Il déclarait un groupe constitué de neuf SCI dont sept ayant déjà emprunté, pour un patrimoine constitué de 48 maisons.
Le document 'analyse sommaire du patrimoine le 27 septembre 2004" établit que les SCI avaient déjà emprunté à cette date 2 400 158 euros pour de l'investissement locatif.
C'est donc justement que la banque fait valoir que M. [P] était rompu aux affaires.
Il est établi que celui-ci avait les compétences et l'expérience nécessaires pour apprécier le contenu, la portée et les risques liés aux concours consentis qui ne présentaient pas de complexité particulière, M. [P] ne pouvant ignorer les risques pris en cas de défaillance de locataires dans le règlement des loyers.
Au vu de ces éléments, c'est à bon droit que le tribunal a retenu que les SCI étaient des emprunteuses averties.
Par ailleurs, il n'est pas justifié ni même soutenu que la CRCAM de Normandie disposait sur les revenus et le patrimoine des SCI ou sur leurs facultés de remboursement raisonnablement prévisibles des informations qu'elles-mêmes ignoraient.
Il n'est donc pas démontré que la banque était tenue à un devoir de mise en garde et qu'elle a engagé sa responsabilité de ce chef.
Le jugement sera confirmé en ce qu'il a rejeté la demande de dommages et intérêts faite à ce titre.
- Sur la demande en paiement du prêt n°10000050473
Les appelants demandent l'infirmation sur la condamnation à paiement prononcée à ce titre sans articuler aucun moyen au soutien de leur demande.
Le jugement sera confirmé y compris en ce qu'il a ordonné la capitalisation des intérêts échus depuis plus d'un an.
- Sur la demande d'annulation des actes de cautionnement
Les appelants forment une demande d'annulation des actes de cautionnement au motif que leurs consentements auraient été viciés du fait d'une réticence dolosive de la part de la CRCAM de Normandie.
La CRCAM de Normandie fait valoir que cette demande est nouvelle et qu'elle est irrecevable.
Aux termes de l'article 564 du code de procédure civile, à peine d'irrecevabilité relevée d'office, les parties ne peuvent soumettre à la cour de nouvelles prétentions si ce n'est pour opposer compensation, faire écarter les prétentions adverses ou faire juger les questions nées de l'intervention d'un tiers, ou de la survenance ou de la révélation d'un fait.
L'article 564 du même code précise que les prétentions ne sont pas nouvelles dès lors qu'elles tendent aux mêmes fins que celles soumises au premier juge même si leur fondement juridique est différent.
La demande en annulation des actes de cautionnement n'a pas été présentée en première instance.
Il ne peut être soutenu qu'elle tend aux mêmes fins que la demande d'annulation des cautionnements fondée sur la disproportion dès lors que la disproportion des cautionnements n'a pas pour effet de rendre nuls les cautionnements mais d'empêcher l'établissement de crédit de s'en prévaloir, les appelants ne formulant d'ailleurs aucune demande en annulation des cautionnements sur le motif de la disproportion.
Cette demande sera jugée irrecevable.
- Sur l'existence des cautionnements
Les appelants soutiennent que la CRCAM de Normandie ne verse aux débats aucun acte de cautionnement relatif au prêt n° 451 consenti à la SCI de Neuville.
Il est relevé qu'il n'est plus formulé de demande en paiement contre les cautions à ce titre.
La banque fournit toutefois bien une copie de l'acte authentique du 11 juillet 2006, l'offre de prêt de 495 000 euros et les engagements de caution de M. [X] [P], Mme [H] [P], M. [M] [P] et Mme [V] [P], chacun dans la limite de 643 500 euros.
L'existence des autres cautionnements n'est plus contestée en cause d'appel.
- Sur la disproportion des cautionnements
Aux termes de l'article L341-4 ancien du code de la consommation applicable à la cause, un créancier professionnel ne peut se prévaloir d'un contrat de cautionnement conclu par une personne physique dont l'engagement était, lors de sa conclusion, manifestement disproportionné à ses biens et revenus, à moins que le patrimoine de cette caution, au moment où celle-ci est appelée, ne lui permette de faire face à son obligation.
Il convient de rappeler que le contrôle de proportionnalité de l'établissement de crédit repose sur les informations communiquées par les cautions sur la fiche patrimoniale.
Il appartient à la caution qui entend opposer à la banque créancière les dispositions de l'article L341-4 du code de la consommation, de rapporter la preuve du caractère disproportionné de son engagement de caution par rapport à ses biens et à ses revenus.
L'établissement bancaire n'est pas tenu de vérifier, en l'absence d'anomalies apparentes, l'exactitude des informations contenues dans la fiche de renseignement.
La communication des informations repose sur le principe de bonne foi, à charge pour les cautions de supporter les conséquences d'un comportement déloyal.
L'anomalie apparente dans la fiche de renseignement peut résulter d'éléments non déclarés par la caution mais dont la banque avait connaissance tels des engagements précédemment souscrits par la caution au profit de la même banque ou au profit d'un pool dont faisait partie la banque.
Il n'est pas imposé à la banque de se renseigner auprès d'autres organismes bancaires pour savoir si la caution est déjà engagée auprès de ces organismes en cette même qualité de caution.
Dans la fiche de renseignements, M. [X] [P] a déclaré un patrimoine évalué à 15 millions d'euros constitué des parts sociales détenues dans les diverses SCI existantes.
C'est la seule information portée sur la fiche de renseignements.
M. [X] [P] et son épouse ont déclaré en 2004 des revenus de 20 173 euros. Ils ne justifient pas de leurs revenus en 2005 et 2006.
Au vu de ces éléments, le montant des cautionnements de M. [P] n'est pas manifestement disproportionné même en tenant compte d'autres cautionnements dont il sera relevé qu'ils n'ont pas tous été souscrits au profit de l'intimée et que ces cautionnements souscrits auprès d'autres établissements de crédit n'ont pas été déclarés par M. [P] qui est donc mal fondé à s'en prévaloir.
Mme [H] [P] n'a pas rempli de fiches de renseignements.
Elle était au moment de ses engagements de caution associée dans plusieurs SCI.
Elle ne fournit aucun élément sur la valorisation de ses parts sociales.
Dès lors, il y a lieu de constater qu'elle ne rapporte pas la preuve qui lui incombe de la disproportion de ses engagements de caution.
De la même manière, M. [M] [P], Mmes [V] [P] et [F] [P] n'ont pas rempli de fiche de renseignements.
M. [M] [P] a déclaré en 2007 un revenu mensuel moyen de 2892 euros outre 3066 euros de revenus fonciers. Il ne justifie pas de ses revenus en 2006.
Mme [V] [P] a déclaré en 2006 un revenu mensuel moyen de 1100 euros et 29 309 euros de revenus fonciers avec son mari.
Mme [F] [P] a déclaré en 2006 un revenu mensuel moyen de 1043 euros, des pensions alimentaires à hauteur de 2352 euros pour l'année et des revenus fonciers de 14 338 euros.
M. [M] [P], Mmes [V] [P] et [F] [P] , associés dans plusieurs SCI mais également dans une SARL M.B., ne justifient pas de la valorisation de leurs parts sociales.
Ils ne rapportent dès lors pas la preuve qui leur incombe de la disproportion de leurs engagements de caution.
- Sur le défaut de mise en garde des cautions
Les neuf SCI et les deux SARL déclarées par M. [P] à l'appui de sa demande de prêt, sont toutes contrôlées par la famille [P] ( parents, enfants, petits enfants).
Chacune des cautions était déjà associée dans plusieurs SCI ou société au moment de son engagement, et dans des SCI ayant déjà contracté des emprunts.
Chacune des cautions était notamment associée dans la SCI Sainte Genevièvre qui possédait à elle seule 16 maisons évaluées par M. [X] [P] lui même en 2004 à 3 094 469 euros.
La participation des cautions dans plusieurs SCI mais également dans 2 SARL de promotion immobilière et l'ampleur des investissements réalisés par les SCI établissent que les cautions avaient les compétences et l'expérience nécessaires pour apprécier le contenu, la portée et les risques liés aux concours consentis qui ne présentaient pas de complexité particulière, les cautions ne pouvant ignorer le risque d'endettement en cas de défaillance des débiteurs principaux au vu des montants cautionnés et étant en mesure de comprendre la nature de leurs engagements.
Par ailleurs, il n'est pas justifié ni même soutenu que la CRCAM de Normandie disposait sur les revenus et le patrimoine des cautions ou sur leurs facultés de remboursement raisonnablement prévisibles des informations qu'elles-mêmes ignoraient.
Les consorts [P] doivent être considérés comme des cautions averties et la banque n'était pas tenue à un devoir de mise en garde à leur égard.
Le jugement sera confirmé en ce qu'il a rejeté la demande de dommages et intérêts faite à ce titre.
- Sur les sommes dues
Il sera constaté que la CRCAM de Normandie ne formule plus de demandes concernant les prêts n° 803, 804 et 451 qui ont été soldés.
Concernant le prêt n°477, les appelants font valoir un défaut d'information annuelle des cautions et un défaut d'information relatif au premier incident de paiement et demandent que la déchéance du droit aux intérêts soit prononcée à compter de la date de conclusion du contrat de prêt.
Selon l'article L313-22 ancien du code monétaire et financier applicable à la cause, les établissements de crédit ayant accordé un concours financier à une entreprise, sous la condition du cautionnement par une personne physique ou une personne morale, sont tenus au plus tard avant le 31 mars de chaque année de faire connaître à la caution le montant du principal et des intérêts, commissions, frais et accessoires restant à courir au 31 décembre de l'année précédente au titre de l'obligation bénéficiant de la caution, ainsi que le terme de cet engagement. Si l'engagement est à durée indéterminée, ils rappellent la faculté de révocation à tout moment et les conditions dans lesquelles celle-ci est exercée.
Le défaut d'accomplissement de la formalité prévue à l'alinéa précédent emporte, dans les rapports entre la caution et l'établissement tenu à cette formalité, déchéance des intérêts échus depuis la précédente information jusqu'à la date de communication de la nouvelle information. Les paiements effectués par le débiteur principal sont réputés, dans les rapports entre la caution et l'établissement, affectés prioritairement au règlement du principal de la dette.
Selon l'article L341-1 ancien du code de la consommation applicable à la cause, Sans préjudice des dispositions particulières, toute personne physique qui s'est portée caution est informée par le créancier professionnel de la défaillance du débiteur principal dès le premier incident de paiement non régularisé dans le mois de l'exigibilité de ce paiement. Si le créancier ne se conforme pas à cette obligation, la caution ne saurait être tenue au paiement des pénalités ou intérêts de retards échus entre la date de ce premier incident et celle à laquelle elle en a été informée.
Si la banque fournit en l'espèce des courriers d'information au nom des cautions à partir de 2014, il sera constaté que l'envoi de ces courriers n'est pas établi, les procès-verbaux de constat d'huissier communiqués, qui font état de prélévements aléatoires dans des bacs contenant les lettres destinées aux cautions, ne permettant pas de vérifier que les courriers destinés spécifiquement aux consorts [P] étaient bien dans ces bacs et ont bien été envoyés.
La banque ne justifie pas en outre avoir rempli son obligation d'information des cautions du premier incident de paiement non régularisé.
La déchéance du droit aux intérêts conventionnels sera donc prononcée dès la date de conclusion du contrat.
Le jugement sera infirmé en ce sens.
Il sera constaté que la banque ne demande pas d'indemnité de résiliation ou de pénalité de retard.
La créance de la banque est justifiée par l'acte authentique de vente du 4 juillet 2006 auquel est joint le contrat de prêt, par le tableau d'amortissement et l'historique des règlements intervenus.
Chacune des cautions s'est engagée dans la limite de la somme de 585 000 euros.
La banque précise que l'immeuble financé par ce prêt n'a pas été vendu, ce que ne contestent pas les appelants. Il n'est pas justifié que des sommes réglées dans le cadre de ce prêt n'ont pas été imputées sur les montants réclamés.
Au vu du décompte produit (pièce 94 de la CRCAM) et de la déchéance du droit aux intérêts conventionnels, les cautions seront solidairement condamnées au paiement de la somme de 264 310,63 euros (capital dû) avec intérêts au taux légal à compter du 30 janvier 2014 à l'égard de M [M] [P], à compter du 5 février 2014 à l'égard de Mme [H] [P] , de M. [X] [P], de Mme [V] [P] et à compter du 23 novembre 2017 à l'égard de Mme [F] [P], avec capitalisation des intérêts échus depuis plus d'un an , le tout dans la limite de la somme de 585 000 euros.
Le jugement sera infirmé en ce sens.
Il ne sera pas fait droit à la demande de délais de paiement, les appelants ayant déjà de fait bénéficier de larges délais et ne faisant aucune proposition de règlement.
Le jugement sera confirmé sur ce point.
- Sur les demandes accessoires
Les dispositions du jugement relatives aux dépens et aux frais irrépétibles, exactement appréciées , seront confirmées.
Les appelants, qui succombent en leurs demandes principales, seront solidairement condamnés aux dépens d'appel avec droit de recouvrement direct au profit de maître Delcourt, avocat au barreau de Caen, conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile, solidairement condamnés à payer à la CRCAM de Normandie la somme de 6000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile en cause d'appel et déboutés de leur demande formée à ce titre.
Il n'y a pas lieu d'inclure dans les dépens des frais non encore exposés.
PAR CES MOTIFS
LA COUR,
Statuant publiquement, par arrêt contradictoire, mis à disposition au greffe ;
REJETTE la demande de révocation de l'ordonnance de clôture ;
CONSTATE que la CRCAM de Normandie ne présente plus de demande en paiement à l'encontre des cautions en exécution des engagements souscrits en garantie du prêt n°00010315451 ;
CONFIRME les jugements déférés pour le surplus et dans la limite de l'appel sauf sur la limitation de la période de déchéance des intérêts et sur la condamnation prononcée à l'encontre de M. [X] [P], Mme [H] [P], M. [M] [P], Mme [V] [P] et Mme [F] [P] au titre de leur qualité de cautions au titre du prêt n° 00010316477 ;
Statuant à nouveau du chef des dispositions infirmées ;
PRONONCE la déchéance du droit aux intérêts au profit des cautions au titre de leur engagement relatif au prêt n° 00010316477, à compter du 4 juillet 2006 ;
CONDAMNE solidairement M. [X] [P], Mme [H] [P], M. [M] [P], Mme [V] [P] et Mme [F] [P] au paiement de la somme de 264 310,63 euros avec intérêts au taux légal à compter du 30 janvier 2014 à l'égard de M [M] [P], à compter du 5 février 2014 à l'égard de Mme [H] [P] , de M. [X] [P], de Mme [V] [P] et à compter du 23 novembre 2017 à l'égard de Mme [F] [P], avec capitalisation des intérêts échus depuis plus d'un an, le tout dans la limite de la somme de 585 000 euros, au titre du prêt n°00010316477 ;
Ajoutant au jugement ;
JUGE irrecevable la demande en nullité des actes de cautionnement formée par les appelants ;
CONDAMNE solidairement, la SCI MAES, la SCI La Neuville, M. [X] [P], Mme [H] [P], M. [M] [P], Mme [V] [P] et Mme [F] [P] à payer à la CRCAM de Normandie la somme de 6000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile en cause d'appel ;
CONDAMNE solidairement, la SCI MAES, la SCI La Neuville, M. [X] [P], Mme [H] [P], M. [M] [P], Mme [V] [P] et Mme [F] [P] aux dépens d'appel avec droit de recouvrement direct au profit de maître Delcourt, avocat au barreau de Caen, conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile ;
DEBOUTE les parties de leurs demandes plus amples ou contraires ;
LE GREFFIER LE PRÉSIDENT
M. COLLET F. EMILY