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16/02/2023 | FRANCE | N°21/02840

France | France, Cour d'appel de Caen, 2ème chambre civile, 16 février 2023, 21/02840


AFFAIRE :N° RG 21/02840 -

N° Portalis DBVC-V-B7F-G3IO

 



ARRÊT N°



JB.





ORIGINE : DECISION en date du 22 Septembre 2021 du Tribunal paritaire des baux ruraux

de LISIEUX - RG n° 51-19-0002





COUR D'APPEL DE CAEN

DEUXIEME CHAMBRE CIVILE ET COMMERCIALE

& BAUX RURAUX

ARRÊT DU 16 FEVRIER 2023









APPELANTS :



Monsieur [Z] [T]

né le 02 Février 1946 à CORMEILLES EN PARISIS (95240)

[Adresse 4]

[Locali

té 7]





Madame [C] [G] épouse [T]

née le 03 Mai 1956 à YANGYPONG (COREE DU SUD)

[Adresse 4]

[Localité 7]



représentés et assistés de Me Marie SOYER, avocat au barreau de PARIS, substituée par Me VERCASSON...

AFFAIRE :N° RG 21/02840 -

N° Portalis DBVC-V-B7F-G3IO

 

ARRÊT N°

JB.

ORIGINE : DECISION en date du 22 Septembre 2021 du Tribunal paritaire des baux ruraux

de LISIEUX - RG n° 51-19-0002

COUR D'APPEL DE CAEN

DEUXIEME CHAMBRE CIVILE ET COMMERCIALE

& BAUX RURAUX

ARRÊT DU 16 FEVRIER 2023

APPELANTS :

Monsieur [Z] [T]

né le 02 Février 1946 à CORMEILLES EN PARISIS (95240)

[Adresse 4]

[Localité 7]

Madame [C] [G] épouse [T]

née le 03 Mai 1956 à YANGYPONG (COREE DU SUD)

[Adresse 4]

[Localité 7]

représentés et assistés de Me Marie SOYER, avocat au barreau de PARIS, substituée par Me VERCASSON, avocat au barreau de BORDEAUX,

INTIMES :

Madame [O] [K]

née le 06 Février 1968 à CAEN (14000)

[Adresse 5]

[Localité 1]

représentée et assistée de Me Catherine ROUSSELOT, avocat au barreau de CAEN

Monsieur [E] [J]

né le 15 Septembre 2195 à LISIEUX (14100)

[Adresse 3]

[Localité 8]

Madame [S] [W] épouse [J]

née le 16 Mars 1957 à KITIMAT (CANADA)

[Adresse 3]

[Localité 8]

représentés et assistés de Me Pierre BLIN, avocat au barreau de LISIEUX

COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DÉBATS ET DU DÉLIBÉRÉ :

Mme EMILY, Président de Chambre,

Mme COURTADE, Conseillère,

M. GOUARIN, Conseiller,

DÉBATS : A l'audience publique du 01 décembre 2022

GREFFIER : Mme ANCEL, greffier

ARRÊT prononcé publiquement le 16 février 2023 à 14h00 par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile et signé par Madame EMILY, président, et Mme LE GALL, greffier

* * *

EXPOSE DU LITIGE

Suivant acte notarié en date du 5 septembre 2018, M. et Mme [T] ont cédé à M.et Mme [J] deux parcelles situées sur la commune [Localité 8], cadastrées section D n°[Cadastre 6] et [Cadastre 2] d'une contenance totale de 01ha 23a 06ca, pour un prix de 10.000 euros.

Se prévalant de l'existence d'un bail verbal portant sur lesdites parcelles, que M. [T] lui aurait consenti à compter de janvier 2016 moyennant le paiement d'un fermage annuel de 100 euros, Mme [K] a, par requête signifiée le 31 janvier 2019, saisi le tribunal paritaire des baux ruraux de Lisieux en reconnaissance d'un bail à ferme de 9 ans et en annulation de la vente conclue par les époux [T] en violation de son droit de préemption.

Un procès verbal de non-conciliation a été dressé le 24 avril 2019.

Par jugement du 22 septembre 2021, le tribunal paritaire des baux ruraux de Lisieux a :

- constaté que la requête en date du 30 janvier 2019 par laquelle Mme [K] a saisi le tribunal a fait l'objet d'une publicité et d'un enregistrement le 19 juin 2019 après du service de publicité foncière de Pont-l'Evêque ;

- dit que Mme [K] est titulaire d'un bail rural qui a commencé à courir le 1er janvier 2016 pour une durée de 9 années portant sur les parcelles situées commune de [Localité 8] cadastrées section D n° [Cadastre 6] et [Cadastre 2] moyennant le paiement d'un fermage annuel de 100 euros ;

- ordonné à M. et Mme [J] de lui laisser la libre jouissance des parcelles dans le délai d'un mois à compter de la signification de la décision et, sous astreinte du paiement d'une somme de 15 euros par jour de retard, passé ce délai ;

- débouté les parties du surplus de l'intégralité de leurs demandes ;

- condamné M. et Mme [T] à verser à Mme [K] la somme de 1.000 euros en vertu des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ;

- condamné M. et Mme [J] à verser à Mme [K] la somme de 500 euros en vertu des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ;

- laissé les dépens à la charge de M. et Mme [T] d'une part, de M. et Mme [J] d'autre part, chacun par moitié.

Par lettre recommandée en date du 14 octobre 2021 adressée au greffe de la cour, M. et Mme [T] ont relevé appel de ce jugement.

Par conclusions du 24 mai 2022, reprises oralement devant la cour, les époux [T] demandent à la cour de :

- dire et juger les époux [T] recevables et bien fondés en leur appel ;

- infirmer le jugement entrepris en toutes ses dispositions, sauf en ce qu'il a débouté Mme [K] de sa demande en annulation de la vente des parcelles cadastrées section D [Cadastre 6] et [Cadastre 2] situées sur le territoire de la commune de Gonneville sur mer ;

En conséquence, statuant à nouveau,

- débouter Mme [K] de l'intégralité de ses demandes ;

- condamner Mme [K] à leur payer la somme de 10.000 euros à titre de dommages et intérêts ;

- condamner Mme [K] à leur payer la somme de 5.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

- condamner Mme [K] aux entiers dépens.

Par conclusions du 24 mai 2022,reprises oralement devant la cour, les époux [J] demandent à la cour de :

- les déclarer recevables et bien fondés en leur appel incident du jugement entrepris ;

- débouter Mme [K] de l'ensemble de ses demandes ;

- condamner Mme [K] à payer aux époux [J], unis d'intérêts, la somme de 5.000 euros à titre de dommages et intérêts pour procédure manifestement abusive et tout autant injustifiée ;

- condamner Mme [K] à payer aux époux [J], unis d'intérêts, la somme de 3.500 euros, toutes procédures confondues, sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;

- condamner Mme [K] aux dépens de première instance et d'appel.

Par conclusions du 10 octobre 2022, reprises oralement devant la cour, Mme [K] demande à la cour de :

- confirmer le jugement en toutes ses dispositions ;

- dire et juger M.et Mme [T] irrecevables à solliciter la nullité du bail rural à raison de l'absence de consentement de Mme [T] ;

- débouter M. et Mme [T] de toutes leurs demandes ;

- débouter M. et Mme [J] de toutes leurs demandes ;

Y additant,

- condamner M. et Mme [J] à lui payer la somme de 12.672 euros ;

- condamner M. et Mme [T] à lui payer la somme de 3.500 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile et aux entiers dépens ;

- Condamner M. et Mme [J] à lui payer la somme de 3.500 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile et aux entiers dépens.

Pour un plus ample exposé des prétentions et moyens des parties, il est renvoyé à leurs dernières conclusions.

SUR CE, LA COUR

Sur l'existence d'un bail

Aux termes de l'article L 411-1 du code rural et de la pêche maritime,toute mise à disposition à titre onéreux d'un immeuble à usage agricole en vue de l'exploiter pour y exercer une activité agricole définie à l'article L. 311-1 est régie par les dispositions du présent titre, sous les réserves énumérées à l'article L. 411-2. Cette disposition est d'ordre public.

Aucun contrat écrit de bail rural n'a été conclu entre M. [T] et Mme [K].

Il ressort des attestations versées aux débats par Mme [K] que celle-ci a bien eu accès aux parcelles litigieuses pour y faire réaliser des travaux d'entretien.

M. [T] reconnaît lui-même dans ses conclusions une journée d'intervention sur les parcelles au début de l'année 2016 sans expliquer à quel titre Mme [K] aurait ainsi entretenu ses parcelles.

[X] [P], associé du GAEC de [Adresse 10] , atteste être intervenu en 2016 pour du broyage et de l'épandage de chaux, en juillet 2017 à nouveau pour du broyage et le 18 septembre 2018 pour du broyage. Il précise bien être intervenu sur les parcelles litigieuses, à la demande de Mme [K]. Les factures de 2016 et de 2017 sont communiquées et M. [J] a porté plainte pour une intervention en septembre 2018 après la vente des parcelle. M. [P] précise que Mme [K] était présente lors de ses interventions. Il explique que M. [T] avait précisé clairement qu'en plus d'un fermage, tous les travaux à réaliser sur les parcelles seraient entièrement à la charge de Mme [K].

M. [P] atteste également avoir créé un accès à la parcelle à partir de la route précisant que M. [T] lui avait indiqué sur place l'endroit où il autorisait Mme [K] à faire une ouverture.

M. [P] n'est pas revenu sur son attestation.

La création de cette ouverture en 2016 est confirmée par d'autres attestations versées aux débats et n'est pas contredite par la nouvelle demande d'accès formulée après la vente aux époux [J], des témoins attestant de la modification de l'accès déjà existant (pièces 101 et 102 de Mme [K]).

M. [R] atteste qu'au printemps 2017, il a vu Mme [K] herser les parcelles D [Cadastre 6] et D [Cadastre 2] et qu'il était intervenu pour une réparation provisoire de la herse.

M. [N] atteste avoir vu Mme [K] travailler sur les parcelles D [Cadastre 2] et D [Cadastre 6].

M. [Y], le maire de la commune, atteste avoir vu Mme [K] herser les parcelles litigieuses au cours de l'année 2017 et en 2018 et confirme la réalisation d'une entrée charretière en début d'année 2016.

Mme [H], qui exploite une parcelle contigüe, atteste de ce que Mme [K] a nettoyé totalement la parcelle en 2016 et que celle-ci a indiqué vouloir y mettre un étalon.

Les attestations communiquées par les époux [T] et les époux [J] font état de parcelles en friche, non entretenues (attestations de Mme [I], [HO], [WJ], [L], [B]), certaines attestations émanant de voisins.

M. [D] atteste avoir visité les parcelles en fin d'année 2017 dans le but de les louer. Il précise qu'elles étaient en état d'abandon, recouvertes de buissons, de joncs et d'orties, que plusieurs arbres étaient morts et qu'il n'avait pas donné suite à son intention de louer compte-tenu des travaux importants à réaliser.

M. [A], gérant de la SARL AFL intervenue après la vente aux époux [J] pour une mise en état des parcelles, décrit des parcelles en nature de friche, avec des ronciers 'poussés partout dans la parcelle ainsi que sur les tours de haie' et des arbres morts tombés sur la pacelle du voisin.

S'il résulte de ces attestations que l'entretien dont se prévaut Mme [K] était nécessairement peu important et n'est intervenu que rarement, il n'en demeure pas moins que celle-ci a disposé des parcelles et y a fait des travaux d'entretien, peu important qu'elle ait eu recours à une entreprise de travaux agricoles.

Il n'est aucunement établi que la jouissance des parcelles n'ait pas été exclusive.

L'article L411-1 du code rural et de la pêche maritime prévoit la mise à disposition d'un bien à usage agricole en vue de l'exploiter pour y exercer une activité agricole définie à l'article L. 311-1dudit code.

Il apparaît que Mme [K] était titulaire depuis le 25 décembre 2012 d'un bail rural sur d'autres parcelles situées à [Localité 9] appartenant aux époux [M] et portant sur des parcelles d'une contenance totale de 5ha23a53 ca.

Elle était déclarée depuis décembre 2012 auprès de la MSA.

La Direction des finances publiques atteste le 5 novembre 2018 qu'à cette date, Mme [K] était inscrite comme exploitante agricole pour son activité d'éleveur de chevaux et qu'elle était assujettie au bénéfice agricole régime simplifié.

Mme [K] justifie par ailleurs d'un contrat d'assurance conclu en mars 2015 sur ses biens professionnels en tant qu'éleveur de chevaux, le contrat garantissant les biens agricoles situés à Gonneville sur mer.

Mme [K] fournit des attestations de voisins qui témoignent qu'elle exerce une activité agricole à Houlgatte précisant qu'elle y fait les foins et qu'elle possède un tracteur.

Mme [K] justifie également que sa bailleresse, Mme [M], lui a cédé ses droits à paiement unique et qu'elle a perçu à ce titre pour les campagnes 2013 à 2018 une aide financière versée par le ministère de l'agriculture dans le cadre du dossier PAC.

Elle justifie en outre de l'achat de divers matériels en lien avec son activité professionnelle.

Il résulte de ces éléments que Mme [K] justifie bien d'une activité agricole et que la mise à disposition des parcelles de M. [T] était bien liée à son activité professionnelle, Mme [F] attestant de surcroît que Mme [K] envisageait d'y mettre des chevaux en pâture.

Lors de son audition du 26 mars 2019 devant les services de gendarmerie, M. [T] a déclaré qu'en 2016, il était convenu de 100 euros de fermage mais que Mme [K] devait faire des travaux, enlever les ronces et les chardons, ce qu'elle n'avait fait qu'une fois en 2016. Il a précisé que Mme [K] n'ayant rien fait sur les parcelles pendant deux ans, il avait vendu ces dernières. Il a indiqué n'avoir jamais reçu de fermage.

Il résulte bien de cette déclaration l'existence d'une volonté de donner à bail les parcelles et de la mise à disposition de celles-ci puisqu'il y est reconnu une intervention de Mme [K] en 2016.

Mme [V] atteste avoir été témoin de la remise d'une somme de 100 euros en espèces à M. [T] par Mme [K] en règlement du fermage de 2016.

M. [U] témoigne de ce qu'il a été témoin du versement par Mme [K] à M. [T] du fermage de 2018 d'un montant de 100 euros en espèces. Ce témoignage n'apparaît pas sujet à caution ayant été apporté dans les formes requises.

Il sera en outre relevé que M. [T] a reconnu lui même qu'il avait été convenu d'un fermage de 100 euros.

Or, comme le soulève justement Mme [K], le caractère onéreux d'une mise à disposition de terres agricoles ne dépend pas du caractère régulier ou de l'effectivité du versement de la contrepartie expressément convenue par les parties.

Au vu de l'ensemble de ces éléments, il sera constaté qu'il y a bien eu un accord des parties pour une mise à disposition de terres à usage agricole en vue d'une exploitation pour une activité agricole moyennant le paiement d'un fermage.

Le jugement déféré sera confirmé en ce qu'il a retenu l'existence d'un bail rural à compter du 1er janvier 2016 pour une durée de 9 ans moyennant le paiement d'un fermage annuel de 100 euros.

Sur la nullité du bail

Les époux [T] font valoir , au visa de l'article 1425 du code civil, que le bail est nul puisque passé sans l'accord de Mme [T] alors qu'il portait sur des biens de la communauté et qu'il n'est établi aucune gestion d'affaire.

Mme [K] soulève l'irrecevabilité de la demande, la nullité de l'acte ayant été invoquée plus de deux ans après que Mme [T] ait eu connaissance de l'existence de celui-ci. Elle indique en outre que M. [T] s'est comporté comme le seul propriétaire apparent et qu'il peut en outre lui être opposé les dispositions de l'article 219 alinéa 2 du code civil et les règles de la gestion d'affaire.

Selon l'article 1425 du code civil, les époux ne peuvent, l'un sans l'autre, donner à bail un fonds rural ou un immeuble à usage commercial, industriel ou artisanal dépendant de la communauté. Les autres baux sur les biens communs peuvent être passés par un seul conjoint et sont soumis aux règles prévues pour les baux passés par l'usufruit.

Selon l'article 1427 du code civil, si l'un des époux a outrepassé ses pouvoirs sur les biens communs, l'autre, à moins qu'il n'ait ratifié l'acte, peut en demander l'annulation.

L'action en nullité est ouverte au conjoint pendant deux années à partir du jour où il a eu connaissance de l'acte, sans pouvoir jamais être intentée plus de deux ans après la dissolution de la communauté.

Il est toutefois possible d'invoquer la nullité par voie d'exception et l'article 1427 du code civil ne peut avoir pour effet de priver le conjoint du droit d'invoquer la nullité comme moyen de défense contre la demande d'exécution d'un acte irrégulièrement passé par l'autre époux alors même que le délai de deux ans dans lequel est enfermée l'action en nullité est expiré.

Selon l'article 219 alinéa 2 du code civil, si l'un des époux se trouve hors d'état de manifester sa volonté, l'autre peut se faire habiliter par justice à le représenter, d'une manière générale, ou pour certains actes particuliers, dans l'exercice des pouvoirs résultant du régime matrimonial, les conditions et l'étendue de cette représentation étant fixées par le juge.

A défaut de pouvoir légal, de mandat ou d'habilitation par justice, les actes faits par un époux en représentation de l'autre ont effet, à l'égard de celui-ci, suivant les règles de la gestion d'affaires.

C'est par des motifs pertinents, que la cour adopte, que le tribunal a jugé que M. [T] avait agi dans le cadre de la gestion d'affaire.

Le moyen sera donc écarté.

Sur l'absence d'autorisation d'exploiter

Selon l'article L331-6 alinéa 2 du code rural et de la pêche maritime, tout preneur doit faire connaître au bailleur, au moment de la conclusion du bail ou de la prise d'effet de la cession de bail selon les cas, la superficie et la nature des biens qu'il exploite ; mention expresse en est faite dans le bail. Si le preneur est tenu d'obtenir une autorisation d'exploiter en application de l'article L. 331-2, la validité du bail ou de sa cession est subordonnée à l'octroi de cette autorisation. Le refus définitif de l'autorisation ou le fait de ne pas avoir présenté la demande d'autorisation exigée en application de l'article L. 331-2 dans le délai imparti par l'autorité administrative en application du premier alinéa de l'article L. 331-7 emporte la nullité du bail que le préfet du département dans lequel se trouve le bien objet du bail, le bailleur ou la société d'aménagement foncier et d'établissement rural, lorsqu'elle exerce son droit de préemption, peut faire prononcer par le tribunal paritaire des baux ruraux.

Selon l'article L331-7 du même code, lorsqu'elle constate qu'un fonds est exploité contrairement aux dispositions du présent chapitre, l'autorité administrative met l'intéressé en demeure de régulariser sa situation dans un délai qu'elle détermine et qui ne saurait être inférieur à un mois.

La mise en demeure mentionnée à l'alinéa précédent prescrit à l'intéressé soit de présenter une demande d'autorisation, soit, si une décision de refus d'autorisation est intervenue, de cesser l'exploitation des terres concernées.

Il résulte de ces textes que seul le refus définitif de l'autorisation d'exploiter lorsqu'elle est nécessaire ou la non-présentation par le preneur de la demande dans le délai imparti par l'autorité administrative emporte la nullité du bail.

La sanction du défaut d'autorisation d'exploiter est subordonnée à une mise en demeure préalable de régulariser et à l'expiration du délai imparti. (Cass. 3° civ., 12 déc.2012, n°11-24.384).

Seul le refus du preneur, après mise en demeure, de se soumettre à la procédure administrative d'autorisation d'exploiter peut entraîner la nullité du bail prévue par l'article L331-6 du code rural et de la pêche maritime et l'impossibilité pour le preneur de poursuivre l'activité. (Cass. 3° civ., 31 oct..2007, n°06-19.350).

Aucune mise en demeure n'a été adressée en l'espèce à Mme [K] et celle-ci justifie au surplus d'une autorisation tacite d'exploiter obtenue le 27 août 2022. (Pièce 104 de Mme [K]).

Le moyen sera donc écarté.

Le jugement sera ainsi confirmé en ce qu'il a ordonné à M. et Mme [J] de laisser à Mme [K] la jouissance des parcelles litigieuses.

Sur les demandes de dommages et intérêts pour procédure abusive

Les demandes de dommages et intérêts, formées tant par les époux [T] que par les époux [J] au motif que l'action de Mme [K] est abusive, seront rejetées dans la mesure où il est fait droit à la demande de reconnaissance de l'existence d'un bail rural.

Sur la demande d'indemnité pour privation de jouissance des parcelles depuis octobre 2018

Mme [K] sollicite une somme de 12 672 euros correspondant selon elle à la pension de chevaux au pré avec entraînement soit 132 euros par mois et par cheval, les parcelles pouvant accueillir deux équidés.

Mme [K] ne justifie d'aucun préjudice financier certain puisqu'elle n'établit aucunement qu'elle retirait un bénéfice de l'exploitation des parcelles ou qu'elle a dû engager des frais pour la pension de chevaux du fait de l'inaccessibilité des parcelles.

Elle sera donc déboutée de sa demande de dommages et intérêts.

Sur les demandes accessoires

Les dispositions du jugement relatives aux condamnations au titre de l'article 700 du code de procédure civile et des dépens, exactement appréciées, seront confirmées.

L'équité commande de condamner M. et Mme [T] à payer à Mme [K] la somme de 1500 euros et de condamner M. et Mme [J] à payer à Mme [K] la somme de 1500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile en cause d'appel.

Les époux [T] d'une part et les époux [J] d'autre part seront en outre condamnés aux dépens d'appel, chacun par moitié.

PAR CES MOTIFS

La cour, statuant publiquement, dans les limites de l'appel, par arrêt contradictoire, mis à disposition au greffe ;

CONFIRME le jugement déféré en toutes ses dispositions ;

Y ajoutant,

CONDAMNE M. et Mme [T] à payer à Mme [K] la somme de 1500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile en cause d'appel ;

CONDAMNE M. et Mme [J] à payer à Mme [K] la somme de 1500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile en cause d'appel ;

CONDAMNE M. et Mme [T] d'une part et M. et Mme [J] d'autre part aux dépens d'appel, chacun par moitié ;

LE GREFFIER LE PRÉSIDENT

N. LE GALL F. EMILY


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Caen
Formation : 2ème chambre civile
Numéro d'arrêt : 21/02840
Date de la décision : 16/02/2023

Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2023-02-16;21.02840 ?
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