N° RG 22/00066 - N° Portalis DBVC-V-B7G-HCCP
COUR D'APPEL DE CAEN
Minute n° 2023/ 03
PREMIÈRE PRÉSIDENCE
ORDONNANCE DE RÉFÉRÉ DU 24 JANVIER 2023
DEMANDERESSES AU RÉFÉRÉ :
S.A. MMA IARD
prise en la personne de son représentant légal
[Adresse 1]
[Localité 6]
non comparante représentée par Me Catherine FOUET, avocat postulant au barreau de CAEN et Me Alexis BARBIER, avocat plaidant au barreau de PARIS
Société MMA IARD ASSURANCES MUTUELLES
prise en la personne de son représentant légal
[Adresse 1]
[Localité 6]
non comparante représentée par Me Catherine FOUET, avocat postulant au barreau de CAEN et Me Alexis BARBIER, avocat plaidant au barreau de PARIS
DÉFENDEURS AU RÉFÉRÉ :
Monsieur [G] [F]
[Adresse 5]
[Localité 2]
non comparant représenté par Me Dominique LECOMTE, avocat au barreau de CAEN
Madame [W] [Z] épouse [F]
[Adresse 5]
[Localité 2]
non comparante représentée par Me Dominique LECOMTE, avocat au barreau de CAEN
S.A.R.L. BRASSERIE DE LA MER
prise en la personne de son représentant légal
[Adresse 7]
[Localité 2]
non comparante représentée par Me Dominique LECOMTE, avocat au barreau de CAEN
Société BISTROT
prise en la personne de son représentant légal
[Adresse 7]
[Localité 2]
non comparante représentée par Me Dominique LECOMTE, avocat au barreau de CAEN
S.A.R.L. LE CLIPPER
prise en la personne de son représentant légal
[Adresse 7]
[Localité 2]
non comparante représentée Me Gaël BALAVOINE, avocat au barreau de CAEN
S.A. ALLIANZ IARD
prise en la personne de son représentant légal
[Adresse 10]
[Adresse 10]
[Localité 8]
non comparante représentée Me Gaël BALAVOINE, avocat au barreau de CAEN
Monsieur [C] [O]
[Adresse 4]
[Localité 2]
non comparant ni représenté bien que régulièrement assigné
S.A. AXA FRANCE IARD SA
prise en la personne de son représentant légal
[Adresse 3]
[Localité 9]
non comparante représentée par Me Etienne HELLOT substitué par Me AULOMBARD, avocats au barreau de CAEN
COMPOSITION LORS DES DÉBATS :
PRÉSIDENTE
Madame Sandra ORUS
GREFFIERE
Madame Estelle FLEURY
DÉBATS
L'affaire a été appelée à l'audience publique du 18 Octobre 2022 puis renvoyée à la demande des parties à l'audience du 03 Janvier 2023 au cours de laquelle elle a été débattue.
ORDONNANCE
Rendue publiquement par défaut le 24 Janvier 2023 par mise à disposition, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Code de procédure civile, et signée par Madame Sandra ORUS, première présidente de la cour d'appel de Caen et par Madame Estelle FLEURY, greffière, à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
FAITS ET PROCEDURE
Les époux [F] sont propriétaires de différents biens situés [Adresse 7] à [Localité 2], qui ont été endommagés suite à un incendie déclaré dans le local du bar Le Clipper.
Par acte d'huissier des 14, 15 et 16 février 2017, la SARL Brasserie de la mer, la SCI Le Bistrot, les époux [F] ont fait assigner M. [O], la société AXA France IARD et les Mutuelles du Mans Assurances devant le tribunal de grande instance de Caen aux fins de solliciter leur condamnation solidaire.
Par exploits d'huissier des 18 et 26 mai 2017, les sociétés MMA IARD et MMA IARD Assurances Mutuelles, venant aux droits de la société Mutuelles du Mans Assurances, ont fait assigner la société Allianz IARD et la SARL Le Clipper devant le tribunal de grande instance de Caen aux fins de solliciter la jonction des procédures, et la condamnation solidaire de la SARL Le Clipper avec M. [O] des conséquences dommageables de l'incendie.
Le 12 juillet 2022, le tribunal judiciaire de Caen a rendu un jugement, auquel il convient de se référer expressément, aux termes duquel il a :
Condamné in solidum les sociétés MMA IARD à régler à:
La SARL Brasserie de la mer la somme de 663.826 euros au titre de la perte d'exploitation ;
La SCI Le Bistrot la somme de 217 105 euros au titre de son préjudice matériel ;
Epoux [F] la somme de 88.188 euros au titre de leur préjudice matériel ;
Condamné in solidum M. [O] et la société AXA France IARD à régler à :
La SARL Brasserie de la mer la somme de 344.922 euros au titre de son préjudice matériel ;
La SCI Le Bistrot la somme de 271.853 euros au titre de son préjudice matériel ;
Epoux [F] la somme de 119.872 euros au titre de leur préjudice matériel
. Condamné la société AXA France IARD à régler à la société Allianz IARD la somme de 192 317 euros au titre du préjudice subi par la SARL Le Clipper ;
. Dit que la garantie due par la société AXA France IARD s'élève à un total de 1.347.750 euros dont un maximum de 269.550 euros pour les dommages immatériels ;
. Condamné la société AXA France IARD à garantir les société MMA ARD de toutes les condamnations prononcées à son encontre, sauf en ce qui concerne l'indemnité due au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;
. Ordonné l'exécution provisoire ;
. Condamné in solidum M. [O], AXA France IARD, les sociétés MMA IARD, à payer à la SARL Brasserie de la mer, la SCI Le Bistrot, les époux [F], la somme de 15.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile et aux dépens.
Les sociétés MMA IARD ont formé appel à l'encontre de cette décision le 4 août 2022.
Par exploits des 12, 17, 19, 25 et 27août 2022, les sociétés MMA IARD ont assigné en référé les époux [F], la SARL Brasserie de la mer, la SCI Le Bistrot, la SARL Le Clipper, la société Allianz IARD, la société AXA IARD et M. [O], devant le premier président de la cour d'appel de Caen, sur le fondement de l'article 523 alinéa 1er du code de procédure civile, aux fins d'aménager l'exécution provisoire affectant le jugement rendu par le tribunal judiciaire de Caen le 12 juillet 2022 dont appel, d'ordonner la consignation par les sociétés MMA IARD la somme de 1 251 154,00 euros entre les mains du bâtonnier de l'ordre des avocats du barreau de Caen, ou de tel autre séquestre, jusqu'au prononcé de l'arrêt qui sera rendu sur l'appel formé, et dans le délai de cinq semaines qui suivra l'ordonnance à intervenir.
Les sociétés MMA IARD contestent essentiellement le principe d'indemnisation retenu par le tribunal qui a écarté les conditions contractuelles relatives à l'indemnisation du versement des indemnités différées ainsi que le calcul des chiffres d'affaires retenus pour l'année 2014 concernant la Brasserie de la Mer et la Sarl Bellevue. Elles soutiennent que le dispositif de la décision qui a distingué les condamnations à l'encontre des sociétés MMA et AXA a doublement indemnisé les victimes.
Elles estiment que les conditions de l'article 521 alinéa ler du code de procédure civile relatives à la consignation des condamnations prononcées à leur encontre sont réunies dès lors que les condamnations ne concernent ni des aliments, ni des rentes indemnitaires, ni des provisions.
Dans ses conclusions remises le 2 janvier 2023, la société AXA France IARD demande l'aménagement de l'exécution provisoire de la décision, l'autoriser à consigner sur le compte séquestre du bâtonnier de l'ordre des avocats du barreau de Caen le montant des sommes dues, et de débouter la SARL Brasserie de la mer, la SCI Le Bistrot et les époux [F] de leurs demandes contraires et de leurs demandes au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
A l'appui de sa demande d'autorisation de consignation, la société AXA France IARD expose ses craintes de ne pas pouvoir récupérer les fonds versés en cas d'infirmation du jugement dont il est fait appel. Pour fonder sa demande, elle avance que les revenus des époux [F] sont insuffisants par rapport au montant des condamnations prononcées ; que les résultats de l'exercice 2021 de la SCI Le Bistrot est négatif, et que son principal actif est l'immeuble sinistré.
Elle fait valoir par ailleurs qu'elle a immédiatement versé la somme de 712 887 euros entre les mains des MMA en indemnisation des préjudices matériels subis par la SARL Brasserie de la mer, de la SCI Le Bistrot et des époux [F] ; que ces derniers ne justifient pas de l'utilisation de ces sommes pour la réalisation des travaux de reconstruction.
Dans leurs conclusions remises le 3 janvier 2023, les époux [F], la SARL Brasserie de la mer, la SCI Le Bistrot demandent au premier président de débouter les sociétés MMA IARD de l'ensemble de leurs demandes et de les condamner au paiement d'une indemnité de 1 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ; de débouter la société AXA France IARD de ses demandes et de la condamner au paiement de la somme de 2 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'aux dépens.
Concernant les demandes présentées par les sociétés MMA, les défendeurs soutiennent que le jugement dont il est fait appel ne fait que très partiellement droit aux demandes présentées ; que le retard avec lequel l'indemnisation pourra intervenir est uniquement lié au comportement des assureurs qui ont profité de la carence de l'expert missionné ; qu'il n'a pas été statué de manière cumulative pour créer un enrichissement irrégulier ; que l'exécution a été sollicitée directement de la part de la société AXA France IARD.
Concernant les demandes présentées par la société AXA France IARD, ils soutiennent que le risque de non restitution en cas de réformation du jugement n'est pas démontré ; que la retenue des fonds engendre un préjudice grandissant pour eux et que par conséquent, ils ne peuvent préfinancer les travaux de reconstruction.
Dans leurs conclusions, la société Le Clipper et la société Allianz IARD demandent au premier président d'ordonner leur mise hors de cause n'étant nullement concernées par les condamnations prononcées ; de débouter les sociétés MMA IARD et AXA France IARD de leur demande d'aménagement de l'exécution provisoire ; de condamner les sociétés MMA IARD au versement de la somme de 800 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile à la société Le Clipper.
Elles précisent à toutes fins que la société AXA France IARD a procédé au règlement des sommes dues à la société Allianz IARD.
MOTIFS
Sur la mise hors de cause de la société Le Clipper et la société Allianz
La société Le Clipper a été mise hors de cause par le jugement de première instance et les demandes de garantie à son encontre et celle de la société Allianz ont jugées sans objet.
C'est donc à juste titre qu'elles affirment n'être pas concernées par la demande d'aménagement de l'exécution provisoire du jugement critiqué.
Elles seront mises hors de cause dans l'examen de la présente demande.
Sur la demande de consignation
Selon l'article 521 du code de procédure civile, la consignation de sommes peut être demandée au juge par la partie condamnée pour éviter que l'exécution provisoire soit poursuivie et pour garantir en principal, intérêts et frais, le montant de la condamnation. Ces sommes ne doivent pas correspondre à des aliments, des rentes indemnitaires ou des provisions.
La possibilité d'aménager l'exécution provisoire prévue par cet article n'est pas subordonnée au risque de conséquences manifestement excessives de l'exécution provisoire de la décision dont il est appel. Il n'en demeure pas moins que cette demande d'aménagement n'est pas de droit et est appréciée en considération des motifs sérieux ou légitimes invoqués par le demandeur à l'aménagement pour voir priver le créancier de la perception immédiate des sommes allouées en première instance.
En l'espèce, les dommages et intérêts alloués par la décision de première instance, amenés à faire l'objet d'un seul versement, ne constituent pas une rente indemnitaire qui, par nature, est versée de façon périodique.
Il n'est pas démontré au premier examen qui est celui de la procédure en référé devant le premier président, et sans préjudice de l'examen au fond du caractère sérieux du moyen tiré d'un enrichissement indu au bénéfice des défendeurs, qui constituerait un motif légitime à consigner la condamnation prononcée.
Par ailleurs, il est constant que la société AXA France IARD avait, à la date de saisine du premier président de cette cour afin d'arrêter l'exécution provisoire, d'ores et déjà commencé à exécuter le jugement de première instance en payant la somme de 712 887 euros entre les mains des sociétés MMA IARD en réparation des préjudices subis par la SARL Brasserie de la mer, la SCI Le Bistrot et les époux [F], et la somme de 192 317 euros entre les mains de la société Allianz IARD en réparation du préjudice subi par la société Le Clipper.
En outre, le vaste ensemble immobilier dont est propriétaire la SCI Le Bistrot, les revenus élevés des époux [F] et leur patrimoine en croissance retirent tout caractère sérieux à la demande des sociétés MMA IARD et AXA France IARD, qui se voient en conséquence déboutées de leur demande tendant à être autorisées à consigner le montant de la condamnation prononcée à leur encontre.
Les sociétés MMA IARD et AXA France qui succombent en leurs prétentions supporteront les dépens de la présente instance. Il est fait application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'il suit.
PAR CES MOTIFS
Prononçons la mise hors de cause de la société Allianz IARD et de la société Le Clipper dans la présente instance;
Déboutons les sociétés MMA IARD et la société AXA France IARD de leur demande de consignation du montant des condamnations ;
Condamnons solidairement les sociétés MMA IARD ASSURANCES MUTUELLES et la SA MMA IARD à payer à la SARL Brasserie de la mer, la SCI Le Bistrot et aux époux [F] la somme de 1000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;
Condamnons la société AXA France IARD au paiement à la SARL Brasserie de la mer, la SCI Le Bistrot et aux époux [F] la somme de 2000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
Condamnons solidairement les sociétés MMA IARD ASSURANCES MUTUELLES et la SA MMA IARD à payer à la société LE CLIPPER et la société ALLIANZ la somme de 800 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
Condamnons les sociétés MMA IARD et AXA France IARD aux dépens de la présente instance.
LA GREFFIÈRE LA PREMIERE PRÉSIDENTE
Estelle FLEURY Sandra ORUS