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12/01/2023 | FRANCE | N°20/00860

France | France, Cour d'appel de Caen, 2ème chambre civile, 12 janvier 2023, 20/00860


AFFAIRE :N° RG 20/00860 -

N° Portalis DBVC-V-B7E-GQZU

 



ARRÊT N°



JB.





ORIGINE : DECISION en date du 12 Mai 2020 du TJ hors JAF, JEX, JLD, J. EXPRO, JCP d'ALENCON

RG n° 18/01152





COUR D'APPEL DE CAEN

DEUXIEME CHAMBRE CIVILE ET COMMERCIALE

ARRÊT DU 12 JANVIER 2023









APPELANTE :



S.A.S. CARREFOUR PROXIMITE FRANCE

N° SIRET : 345 130 488

[Adresse 8]

[Localité 1]

prise en la personne de son rep

résentant légal



représentée par Me Jérémie PAJEOT, avocat au barreau de CAEN,

assistée de Me Jean-Philippe CONFINO, avocat au barreau de PARIS







INTIMEE :



S.C.I. LIDAVION

N° SIRET : 383 848 678

[A...

AFFAIRE :N° RG 20/00860 -

N° Portalis DBVC-V-B7E-GQZU

 

ARRÊT N°

JB.

ORIGINE : DECISION en date du 12 Mai 2020 du TJ hors JAF, JEX, JLD, J. EXPRO, JCP d'ALENCON

RG n° 18/01152

COUR D'APPEL DE CAEN

DEUXIEME CHAMBRE CIVILE ET COMMERCIALE

ARRÊT DU 12 JANVIER 2023

APPELANTE :

S.A.S. CARREFOUR PROXIMITE FRANCE

N° SIRET : 345 130 488

[Adresse 8]

[Localité 1]

prise en la personne de son représentant légal

représentée par Me Jérémie PAJEOT, avocat au barreau de CAEN,

assistée de Me Jean-Philippe CONFINO, avocat au barreau de PARIS

INTIMEE :

S.C.I. LIDAVION

N° SIRET : 383 848 678

[Adresse 4]

[Localité 5]

prise en la personne de son représentant légal

représentée par Me Diane BESSON, avocat au barreau de CAEN,

assistée de Me Olivier BERNE, avocat au barreau de LILLE

COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DÉBATS ET DU DÉLIBÉRÉ :

Mme EMILY, Président de Chambre,

Mme COURTADE, Conseillère,

M. GOUARIN, Conseiller,

DÉBATS : A l'audience publique du 20 octobre 2022

GREFFIER : Mme LE GALL, greffier

ARRÊT prononcé publiquement le 12 janvier 2023 à 14h00 par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile et signé par Madame EMILY, président, et Mme LE GALL, greffier

Suivant acte authentique en date des 12 et 15 février 1993, la SCI Lidavion a consenti à la SNC Europa Discount Ile de France Ouest, aux droits de laquelle vient aujourd'hui la SAS Carrefour proximité France (ci-après désignée SAS Carrefour), un bail commercial pour une période de neuf ans, portant sur des bâtiments à usage commercial situés à [Localité 6] [Adresse 7], lieudit [Adresse 2] et [Adresse 3], moyennant un loyer annuel de 600.000 francs hors taxes et hors charge.

Suivant demande de renouvellement signifiée à la société Lidavion le 24 décembre 2004, ce contrat de bail a été reconduit à compter du 1er janvier 2005.

Par acte d'huissier en date du 28 décembre 2015 la société Lidavion a donné congé à la SAS Erteco France, venant aux droits de la SNC Europa Discount Ile de France Ouest, pour le 30 juin 2016 avec offre de renouvellement de bail à compter du 1er juillet 2016, et fixation d'un nouveau loyer annuel porté à 146.897,12 euros hors taxe et hors charge, toutes les autres clauses et conditions du bail expiré demeurant inchangées.

Par acte d'huissier de justice en date du 20 juin 2018, la SAS Carrefour proximité France a signifié à la SCI Lidavion sa renonciation pure et simple au renouvellement du bail commercial conformément aux dispositions de l'article L. 145-57 du code de commerce, indiquant qu'elle restituerait les locaux loués le 20 septembre 2018.

Par lettre recommandée de son conseil en date du 2 août 2018 adressée à la société Carrefour, la société Lidavion a indiqué ne pas accepter la renonciation au bail commercial et le départ de la locataire à la date indiquée, estimant que le contrat de bail a été renouvelé le 30 juin 2016.

Par acte d'huissier de justice en date du 23 octobre 2018, la société Lidavion a fait assigner la société Carrefour devant le tribunal judiciaire d'Alençon aux fins de voir déclarer de nul effet la signification valant renonciation au renouvellement du bail commercial, de prononcer la résiliation judiciaire du bail commercial aux torts de la société Carrefour et de condamner cette dernière au paiement d'un montant de 136.303,05 euros à titre de dommages et intérêts correspondant aux loyers dus jusqu'à l'expiration de la période triennale en cours, et à titre subsidiaire la somme de 60.579,13 euros à titre de dommages et intérêts pour exercice abusif du droit d'option.

Par jugement du 12 mai 2020, le tribunal judiciaire d'Alençon a :

- déclaré de nul effet la signification le 20 juin 2018, par la société Carrefour proximité France de la renonciation au renouvellement du bail commercial portant sur les locaux situés [Adresse 7] à [Localité 6] ;

- prononcé la résiliation du bail commercial renouvelé le 1er juillet 2016, aux torts de la société Carrefour proximité France ;

- condamné la société Carrefour proximité France à payer à la SCI Lidavion la somme de 90.000 euros à titre de dommages et intérêts ;

- condamné la société Carrefour proximité France aux dépens de l'instance avec application au profit de Me Gasnier des dispositions de l'article 699 du code de procédure civile ;

- condamné la société Carrefour proximité France à payer à la SCI Lidavion la somme de 3.500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;

- ordonné l'exécution provisoire.

Par déclaration au greffe en date du 19 mai 2020, la société Carrefour a relevé appel de ce jugement.

Aux termes de ses dernières conclusions déposées le 18 janvier 2021, la société Carrefour proximité France demande à la cour de :

- Infirmer le jugement entrepris en toutes ses dispositions,

- Juger qu'elle a valablement exercé le droit d'option que lui confère l'article L. 145-57 du code de commerce en signifiant à la SCI Lidavion sa renonciation au renouvellement du bail le 20 juin 2018, et, en conséquence,

- Dire que le bail entre la société SCI Lidavion et la société Carrefour proximité France a expiré à la date du 30 juin 2016 par l'effet du congé donné par la SCI Lidavion,

- Débouter la société SCI Lidavion de l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions,

- Condamner la société SCI Lidavion à lui payer une indemnité de 5.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- Condamner la société SCI Lidavion aux entiers dépens et dire qu'ils pourront être recouvrés par maître Jérémie Pajeot conformément à l'article 699 du code de procédure civile.

Aux termes de ses dernières conclusions déposées le 20 octobre 2020, la société SCI Lidavion demande à la cour de :

- Confirmer le jugement entrepris en toutes ses dispositions,

A titre subsidiaire,

- Condamner la société Carrefour proximité France à lui payer la somme de 60.579,13 euros à titre de dommages et intérêts pour exercice abusif du droit d'option,

En toute hypothèse,

- Condamner la société Carrefour proximité France au paiement de la somme de 5.000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

- Condamner la société Carrefour proximité France au paiement des entiers dépens, qui pourront être recouvrés directement par maître Diane Besson, conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.

L'ordonnance de clôture a été prononcée le 22 septembre 2021.

Il est expressément renvoyé aux écritures précitées pour un plus ample exposé des prétentions et moyens des parties.

MOTIFS

L'article L 145-57 du code de commerce dispose : 'Pendant la durée de l'instance relative à la fixation du prix du bail révisé ou renouvelé, le locataire est tenu de continuer à payer les loyers échus au prix ancien ou, le cas échéant, au prix qui peut, en tout état de cause, être fixé à titre provisionnel par la juridiction saisie, sauf compte à faire entre le bailleur et le preneur, après fixation définitive du prix du loyer.

Dans le délai d'un mois qui suit la signification de la décision définitive, les parties dressent un nouveau bail dans les conditions fixées judiciairement, à moins que le locataire renonce au renouvellement ou que le bailleur refuse celui-ci, à charge de celle des parties qui a manifesté son désaccord de supporter tous les frais. Faute par le bailleur d'avoir envoyé dans ce délai à la signature du preneur le projet de bail conforme à la décision susvisée ou, faute d'accord dans le mois de cet envoi, l'ordonnance ou l'arrêt fixant le prix ou les conditions du nouveau bail vaut bail.'

En vertu de l'article L 145-60 du même code, toutes les actions dérivant du statut des baux commerciaux se prescrivent par deux ans.

La SCI Lidavion soutient que la SAS Carrefour qui n'a exprimé aucun désaccord ni émis la moindre contestation et prétention relativement au loyer proposé en renouvellement du bail, n'a pu valablement exercer son droit d'option de sorte que le bail commercial a été définitivement renouvelé le 1er juillet 2016.

La SAS Carrefour réplique qu'aucun accord, même tacite, n'est jamais intervenu sur le montant du loyer proposé par la bailleresse, que son droit d'option, exercé dans le délai de prescription biennal prévu à l'article L 145-60 du code de commerce, est parfaitement valable et que le bail a donc pris fin le 30 juin 2016.

L'article L 145-57 permet au preneur de renoncer au renouvellement du bail alors même qu'il en a accepté le principe tant qu'aucun accord ni décision définitive ne sont intervenus sur le montant du loyer du bail.

En d'autres termes, le droit d'option ne peut plus être exercé lorsque les parties se sont mises d'accord non seulement sur le principe du renouvellement mais aussi sur les conditions essentielles du bail, puisque ce dernier est alors définitivement renouvelé.

Par ailleurs, le droit d'option peut être exercé indépendamment de toute procédure en fixation du nouveau loyer pour autant qu'il le soit dans le délai de la prescription biennale, c'est à dire tant que la prescription de l'action en fixation du loyer n'est pas acquise.

Si le droit d'option est exercé, le bail est rétroactivement anéanti et le renouvellement n'a alors pas eu lieu.

Contrairement à ce que prétend la SCI Lidavion, la manifestation par le preneur d'un désaccord sur le loyer n'est pas une condition requise par le texte pour pouvoir exercer son droit d'option.

Ce moyen est donc inopérant.

La SCI Lidavion invoque encore l'existence d'une acceptation tacite.

Il lui incombe de rapporter la preuve de cette allégation.

L'acceptation du principe du renouvellement par la SAS Carrefour est acquise puisque cette dernière s'est maintenue dans les lieux après le congé.

En revanche, s'agissant du montant du loyer, le comportement de l'appelante à l'issue du congé, à savoir son maintien dans les lieux pendant près de deux ans et demi tout en payant les loyers, sans engager d'action, ni exprimer un refus, une contestation ou une réserve, ne suffit pas à caractériser un consentement non équivoque de sa part.

La SCI fait valoir que le loyer proposé lors du renouvellement était identique au dernier loyer payé lors de l'exécution du bail expiré, en tenant compte de l'indexation.

Cependant, le fait d'avoir continué à régler un loyer qui correspondait à celui de l'ancien bail comme au nouveau, ne saurait valoir une acceptation tacite de la locataire sur le montant du loyer renouvelé.

En effet, en application de l'article L 145-17, la SAS Carrefour était tenue, à compter du 1er juillet 2016, de continuer à régler les loyers au prix ancien, tant qu'un accord ou une fixation judiciaire du loyer n'était pas intervenue.

Ce moyen est donc écarté.

Le droit d'option a été exercé le 20 juin 2018, soit dans le délai de prescription de deux ans prévu par l'article L 145-60, qui a commencé à courir à compter de la date d'effet du nouveau bail dont le principe du renouvellement a été accepté, soit à compter du 1er juillet 2016, pour expirer le 30 juin 2018.

Il convient de rappeler que ce délai biennal de prescription ne s'applique qu'à la renonciation au renouvellement mais non au départ effectif du locataire.

Dès lors, le fait que la SAS Carrefour ait quitté les lieux le 20 septembre 2018, soit plus de deux ans après le renouvellement de la location, ne remet pas en cause la régularité de l'exercice de son droit d'option.

L'intimée ne peut donc valablement soutenir que la relation contractuelle s'est au moins maintenue jusqu'au 20 septembre 2018.

Au contraire, en exerçant son droit d'option le 20 juin 2018, la SAS Carrefour est devenue rétroactivement occupante sans droit ni titre et débitrice à ce titre d'une indemnité d'occupation à compter du 1er juillet 2016 jusqu'à son départ.

Au vu de l'ensemble de ces éléments, il y a lieu de dire que le droit d'option exercé par l'appelante et sa renonciation au renouvellement du bail signifiée le 20 juin 2018, avant toute fixation conventionnelle ou judiciaire du loyer, sont parfaitement valables et que le bail liant les parties a expiré le 30 juin 2016 par l'effet du congé donné par la SCI Lidavion.

Par suite, il convient de débouter la SCI Lidavion de sa demande de nullité et de ses demandes subséquentes de résiliation judiciaire du bail et de dommages et intérêts.

Subsidiairement, la SCI Lidavion sollicite le paiement de la somme de 60 579,13€ correspondant à quatre mois de loyers à titre de dommages et intérêts pour exercice abusif du droit d'option.

Elle allègue qu'en renonçant au renouvellement du bail deux jours avant l'expiration du délai de prescription biennal, sans motif légitime et sans avoir entamé la moindre négociation, la SAS Carrefour, locataire depuis dix ans, a agi brutalement et commis une faute qui lui a causé un préjudice résultant de la difficulté à trouver un locataire en plein été.

Il convient de relever que l'exercice du droit d'option n'est pas soumis à un délai de préavis et n'a pas à être motivé.

Les circonstances invoquées ne suffisent pas à caractériser la mauvaise foi de l'appelante qui a prévenu sa bailleresse trois mois avant son départ effectif, ce qui laissait à celle-ci un délai raisonnable pour relouer son bien même en période estivale.

En outre, en délivrant le congé, la SCI Lidavion devait savoir, compte tenu de l'inaction de chacune des parties, que le principe du renouvellement n'avait qu'un caractère provisoire et que le bail pouvait jusqu'à l'issue du délai de prescription de deux ans, être rétroactivement anéanti par l'effet du droit d'option.

Ainsi, la SCI Lidavion échoue à rapporter la preuve qui lui incombe de l'exercice abusif par la SAS Carrefour de son droit d'option, faculté qui lui est reconnue par la loi.

Il convient dès lors de la débouter de sa demande indemnitaire.

La SCI Lidavion succombant, est condamnée aux dépens de première instance et d'appel, à payer à SAS Carrefour proximité France la somme de 4000€ sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, et est déboutée de sa demande formée à ce titre.

Le jugement est entièrement infirmé.

PAR CES MOTIFS

La cour, statuant publiquement, par arrêt contradictoire, mis à disposition au greffe,

INFIRME le jugement ;

Statuant à nouveau et y ajoutant,

DIT que la SAS Carrefour a valablement exercé son droit d'option par acte signifié le 20 juin 2018 et que le bail liant les parties a expiré le 30 juin 2016 par l'effet du congé donné par la SCI Lidavion ;

DEBOUTE la SCI Lidavion de l'ensemble de ses demandes ;

CONDAMNE la SCI Lidavion à payer à la SAS Carrefour proximité France la somme de 4000€ sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;

CONDAMNE la SCI Lidavion aux dépens de première instance et d'appel avec droit de recouvrement direct au profit des avocats constitués en la cause qui en ont fait la demande, conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.

LE GREFFIER LE PRÉSIDENT

N. LE GALL F. EMILY


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Caen
Formation : 2ème chambre civile
Numéro d'arrêt : 20/00860
Date de la décision : 12/01/2023

Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2023-01-12;20.00860 ?
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