AFFAIRE : N° RG 21/00215 -
N° Portalis DBVC-V-B7F-GVOQ
ARRÊT N°
JB.
ORIGINE : DECISION du TJ hors JAF, JEX, JLD, J. EXPRO, JCP de COUTANCES
en date du 29 Octobre 2020 - RG n° 18/01614
COUR D'APPEL DE CAEN
DEUXIEME CHAMBRE CIVILE ET COMMERCIALE
ARRÊT DU 15 DECEMBRE 2022
APPELANT :
Monsieur [V] [K] [U] [C] [H]
né le 11 Février 1965 à CARENTAN (50500)
[Adresse 2]
[Adresse 14]
[Localité 8]
représenté et assisté de Me Christophe LOISON, avocat au barreau de CHERBOURG
INTIMES :
Monsieur [O] [W] [Y] [T], également héritier de M. [L] [T]
né le 02 Septembre 1968 à [Localité 15]
[Adresse 10]
[Localité 7]
Madame [P] [A] [S] [T] épouse [R], également héritière de
M. [L] [T]
née le 13 Juillet 1963 à [Localité 13]
[Adresse 3]
[Localité 7]
Madame [X] [N] [D] [T], également héritière de M. [L] [T]
née le 30 Octobre 1966 à [Localité 15]
[Adresse 9]
[Localité 5]
Tous représentés et assistés de Me Bénédicte MAST de la SCP MAST-BOYER, avocat au barreau de COUTANCES
INTERVENANTS VOLONTAIRES :
Madame [M] [T], héritière de M. [L] [T]
née le 14 Novembre 1979 à [Localité 16] (REUNION)
[Adresse 4]
[Localité 11]
Monsieur [AY] [W] [T], héritier de M. [L] [T]
né le 03 Février 1983 à [Localité 15]
[Adresse 6]
[Localité 11]
Monsieur [Z] [T], héritier de M. [L] [T]
né le 06 Janvier 1987 à CARENTAN (50500)
[Adresse 1]
[Localité 12] (NOUVELLE CALEDONIE)
Tous représentés et assistés de Me Bénédicte MAST de la SCP MAST-BOYER, avocat au barreau de COUTANCES
DEBATS : A l'audience publique du 03 octobre 2022, sans opposition du ou des avocats, Mme COURTADE, Conseillère, a entendu seule les plaidoiries et en a rendu compte à la cour dans son délibéré
GREFFIER : Mme COLLET, greffier
COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ :
Mme EMILY, Président de Chambre,
Mme COURTADE, Conseillère,
Mme VELMANS, Conseillère,
ARRÊT prononcé publiquement le 15 décembre 2022 à 14h00 par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile et signé par Madame EMILY, président, et Mme LE GALL, greffier
* * *
Par acte d'huissier en date du 20 septembre 2018, M. [O] [T], M. [L] [T], Mme [P] [T] épouse [R] et Mme [X] [T] ont fait assigner M. [V] [H] devant le tribunal judiciaire de Coutances aux fins de le voir condamner à leur payer la somme de 19 342€ avec intérêt au taux légal, correspondant, selon eux, à des fonds prêtés par leur mère aujourd'hui décédée, Mme [I] [E] veuve [T], et non remboursés.
Par jugement en date du 29 octobre 2020, le tribunal a :
- rejeté la fin de non-recevoir relative à la prescription du prêt de 18 997,71€ soulevée par M. [V] [H] ;
- condamné M. [V] [H] à payer à M. [O] [T], M. [L] [T], Mme [P] [T] épouse [R] et Mme [X] [T] la somme de 18 997,71€ avec intérêts au taux légal à compter du 21 septembre 2018 ;
- condamné M. [V] [H] à payer à M. [O] [T], M. [L] [T], Mme [P] [T] épouse [R] et Mme [X] [T] la somme de 48€ au titre des frais de recherche par Me [B] ;
- condamné M. [V] [H] à payer à M. [O] [T], M. [L] [T], Mme [P] [T] épouse [R] et Mme [X] [T] la somme de 1500€ au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;
- condamné M. [V] [H] aux dépens ;
- débouté les parties de leurs autres demandes.
Par déclaration du 22 janvier 2021, M. [V] [H] a interjeté appel de cette décision.
M. [L] [T] est décédé le 16 mars 2021.
Ses héritiers, [M], [AY] et [Z] [T] sont intervenus volontairement sur la procédure.
Aux termes de leurs dernières conclusions déposées le 2 août 2022, M. [O] [T], Mme [P] [T] épouse [R], Mme [X] [T], et Mme [M] [T], M. [AY] [T] et M. [Z] [T] ès qualités d' héritiers de M. [L] [T] demandent de :
A titre principal :
- Confirmer le jugement du 29 octobre 2020 sauf en ce qu'il a condamné Monsieur [V] [H] à payer la somme de 18 997,71€ en principal.
Statuant à nouveau :
- Condamner Monsieur [V] [H] à leur payer la somme de 19 342€, avec intérêts au taux légal à compter du 3 septembre 2018.
Subsidiairement,
- Confirmer le jugement.
Dans tous les cas :
- Débouter Monsieur [V] [H] de ses demandes.
- Le condamner aux dépens et à leur payer la somme de 2500€ sur le fondement l'article 700 du code de procédure civile.
Aux termes de ses dernières conclusions déposées le 1er septembre 2022, M. [V] [H] demande de :
- Réformer la décision entreprise,
Statuant de nouveau,
A titre principal,
- Dire et Juger que les consorts [T] ne rapportent pas la preuve de son obligation de remboursement du paiement de sa dette par [I] [T] le 12 octobre 2010,
- En conséquence, débouter purement et simplement les consorts [T] de leurs fins et conclusions,
A titre subsidiaire,
- Déclarer l'action en remboursement de la dette d'autrui des consorts [T]
irrecevable, au regard de la prescription,
A titre infiniment subsidiaire,
- Débouter les consorts [T] de leurs demandes, fins et conclusions, la créance étant dépourvue de caractère certain,
A titre très infiniment subsidiaire,
- Réduire la créance prétendue et la fixer à la somme de 3.332,11 €,
- Condamner solidairement les consorts [T] à lui verser la somme de 2.500€ en application de l'article 700 du code de procédure civile,
- Les condamner aux entiers dépens.
L'ordonnance de clôture a été prononcée le 7 septembre 2022.
Il est expressément renvoyé aux écritures précitées pour un plus ample exposé des prétentions et moyens des parties.
MOTIFS
Les intimés sont les enfants et petits-enfants de Mme [I] [E] veuve [T] qui est décédée le 24 février 2017.
M. [H] est l'ex-époux de Mme [X] [T], leur divorce ayant été prononcé en 1998.
Les consorts [T] soutiennent que Mme [I] [E] veuve [T] a prêté de l'argent à M. [H], son ex-gendre :
- en réglant une dette de ce dernier d'un montant de 18 997,71€ par chèque du 12 octobre 2010 adressé à Me [B], huissier de justice,
- en lui remettant des sommes complémentaires ainsi qu'en font foi les mentions apposées sur son carnet de comptes,
le montant à rembourser s'élevant à 19 342€, déduction faite des règlements intervenus.
M. [H] s'oppose à cette demande en arguant notamment que le paiement de la dette d'autrui entraîne une présomption de libéralité et que la preuve de son obligation de rembourser la somme litigieuse de 18 997,71€ n'est pas rapportée ; que par ailleurs la remise des autres fonds n'est pas prouvée.
Il convient de rappeler que la remise des fonds à une personne ne suffit pas à justifier l'obligation pour celle-ci de les restituer.
En application de l'article 1315 ancien du code civil, dans sa version applicable à la cause, il incombe aux consorts [T] d'établir l'existence des contrats de prêts allégués.
Cette preuve doit être rapportée par écrit s'agissant d'un litige supérieur à 1500€ (article 1341 ancien du code civil).
En l'espèce, le premier juge a justement considéré que les liens particuliers d'affection et de confiance qui s'étaient établis entre Mme [I] [E] veuve [T] et son gendre qu'elle considérait comme son fils, liens qui avaient perduré après le divorce, avaient placé celle-ci dans l'impossibilité morale de se procurer un écrit.
Il en résulte que les consorts [T] sont autorisés à prouver par tous moyens et notamment par présomptions ou témoins l'existence du prêt.
Il est établi par les pièces n° 4, 5, 6 et 14 produites par les intimés et il n'est pas contesté que le 12 octobre 2010, la défunte a réglé entre les mains de Me [B] la somme de 18 997,71€ afin de solder une dette de son gendre.
Mme [E] veuve [T] a reporté ce montant sur la page de gauche de son carnet de comptes au nom de '[F]' (surnom de l'appelant) en précisant 'remboursement sur 7 ans environ + 3 mois. environ 250€ par mois', et en indiquant sur la page de droite les remboursements effectués (pièce n° 7 des intimés page 12).
En outre, dans un courrier de réponse au conseil des intimés du 10 septembre 2018, M. [H] a reconnu clairement que cette somme devait être remboursée, 'quand il le voudrait', en précisant qu'il l'avait remboursée en intégralité courant 2012.
De tels propos excluent toute intention libérale de la part de la défunte.
Par ailleurs, Mme [G] [J], proche de la famille, atteste que Mme [E] veuve [T] consignait tout ce qu'elle prêtait sur son 'petit carnet', qu'elle 'parlait de ce carnet et surtout de la somme que M. [H] devait et ne remboursait pas contrairement aux autres personnes'.
L'ensemble de ces éléments permet de qualifier la remise de fonds litigieuse de prêt avec obligation pour M. [H] de restituer la somme versée.
S'agissant des prêts complémentaires invoqués, dont les intimés ne précisent ni la date ni le quantum, le premier juge a considéré à juste titre que la preuve des remises de fonds n'était pas justifiée, le carnet étant insuffisant sur ce point. Le débouté de ces chefs est donc confirmé.
Subsidiairement, M. [H] soulève la prescription de l'action en paiement de la somme de 18 997,71€.
Aux termes de l'article 2224 du code civil, les actions personnelles ou mobilières se prescrivent par cinq ans à compter du jour où le titulaire d'un droit a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant de l'exercer.
La cour fait sienne l'analyse du tribunal qui a justement écarté cette fin de non-recevoir, au visa des articles 1899 à 1901 du code civil, en rappelant qu'il s'agit d'un prêt d'argent sans terme de paiement de sorte que le délai de prescription n'avait pas commencé à courir au jour de l'assignation en justice.
Il appartient à M. [H] de prouver qu'il a remboursé la somme prêtée.
Les consorts [T], s'appuyant sur le carnet de comptes de la défunte, admettent que l'appelant a procédé à des versements.
Il n'existe aucun motif pour ne pas prendre en considération ces paiements qui ressortent très clairement des annotations de Mme [E] veuve [T] sur son cahier de comptes, soit :
- page 12 : 1850€ payés entre le 1er novembre 2010 et le 13 décembre 2011
- page 31 : 400€ payés entre le 14 janvier et le 10 février 2012
- total : 2250€
Les autres sommes alléguées par M. [H] ne seront pas retenues car soit elles ne constituent pas des remboursements (850€, 833€ et 1282,60€ page 12) soit elles ont soldé une autre dette (850€ page 9).
La production de ses relevés de compte bancaires ne permet pas de démontrer l'existence de versement supplémentaires.
En conclusion, il convient de condamner M. [H] à payer aux consorts [T] la somme de 16 747,71€ (18997,71€ - 2250€) avec intérêts au taux légal à compter du 20 septembre 2018, le jugement étant infirmé de ce chef.
Les dispositions relatives aux frais de recherche de l'huissier, dépens, frais irrépétibles sont confirmées.
M. [H] succombant partiellement, est condamné aux dépens de l'appel, à payer aux consorts [T] la somme complémentaire de 1500€ sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, et est débouté de sa demande formée à ce titre.
PAR CES MOTIFS
La cour, statuant publiquement, par arrêt contradictoire, mis à disposition au greffe,
CONFIRME le jugement entrepris sauf en ce qu'il a condamné M. [V] [H] à payer à M. [O] [T], M. [L] [T], Mme [P] [T] épouse [R] et Mme [X] [T] la somme de 18 997,71€ avec intérêts au taux légal à compter du 21 septembre 2018 ;
Statuant à nouveau du chef de cette disposition infirmée et y ajoutant,
CONDAMNE M. [V] [H] à payer à M. [O] [T], Mme [P] [T] épouse [R], Mme [X] [T], et Mme [M] [T], M. [AY] [T] et M. [Z] [T] ès qualités d'héritiers de M. [L] [T] la somme de 16 747,71€ avec intérêts au taux légal à compter du 21 septembre 2018 ;
CONDAMNE M. [V] [H] à payer à M. [O] [T], Mme [P] [T] épouse [R], Mme [X] [T], et Mme [M] [T], M. [AY] [T] et M. [Z] [T] ès qualités d'héritiers de M. [L] [T] la somme complémentaire de 1500€ sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;
DEBOUTE M. [V] [H] de sa demande formée à ce titre ;
CONDAMNE M. [V] [H] aux dépens de l'appel avec droit de recouvrement direct au profit des avocats constitués en la cause qui en ont fait la demande, conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.
LE GREFFIER LE PRÉSIDENT
N. LE GALL F. EMILY