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06/12/2022 | FRANCE | N°20/00660

France | France, Cour d'appel de Caen, 1ère chambre civile, 06 décembre 2022, 20/00660


AFFAIRE : N° RG 20/00660 -

N° Portalis DBVC-V-B7E-GQNF





ARRÊT N°



JB.





ORIGINE : Décision du TJ hors JAF, JEX, JLD, J. EXPRO, JCP de COUTANCES du 23 Janvier 2020

RG n° 18/1622







COUR D'APPEL DE CAEN

PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE

ARRÊT DU 06 DECEMBRE 2022





APPELANT :



Monsieur [P] [Y]

né le 02 Mai 1952 à [Localité 5]

[Adresse 2]

[Localité 3]



représenté et assisté de Me Laurent MARIN, avocat

au barreau de COUTANCES





INTIMÉ :



Monsieur [X] [W]

né le 26 Juin 1977 à [Localité 6]

[Adresse 1]

[Localité 4]



représenté et assisté de Me Emmanuel LE MIERE, avocat au barreau de COUTANCES



DÉBATS : A l...

AFFAIRE : N° RG 20/00660 -

N° Portalis DBVC-V-B7E-GQNF

ARRÊT N°

JB.

ORIGINE : Décision du TJ hors JAF, JEX, JLD, J. EXPRO, JCP de COUTANCES du 23 Janvier 2020

RG n° 18/1622

COUR D'APPEL DE CAEN

PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE

ARRÊT DU 06 DECEMBRE 2022

APPELANT :

Monsieur [P] [Y]

né le 02 Mai 1952 à [Localité 5]

[Adresse 2]

[Localité 3]

représenté et assisté de Me Laurent MARIN, avocat au barreau de COUTANCES

INTIMÉ :

Monsieur [X] [W]

né le 26 Juin 1977 à [Localité 6]

[Adresse 1]

[Localité 4]

représenté et assisté de Me Emmanuel LE MIERE, avocat au barreau de COUTANCES

DÉBATS : A l'audience publique du 06 octobre 2022, sans opposition du ou des avocats, Mme VELMANS, Conseillère, a entendu seule les plaidoiries et en a rendu compte à la cour dans son délibéré

GREFFIER : COLLET

COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ :

M. GARET, Président de chambre,

Mme VELMANS, Conseillère,

M. GANCE, Conseiller,

ARRÊT : rendu publiquement par mise à disposition au greffe, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile le 06 Décembre 2022 et signé par M. GARET, président, et Mme COLLET, greffier

* * *

EXPOSE DU LITIGE

Sur les conseils de Monsieur [X] [W], conseiller en patrimoine exerçant sous l'enseigne SCRIPT INVEST, Monsieur [P] [Y] a investi la somme totale de 176.000,00 € provenant de la succession de ses parents, dans quatre contrats CORALYS souscrits auprès de la société Aristophil les 28 février, 31 mai 2012, et 27 septembre 2012, consistant en l'achat des parts d'une indivision possédant des lettres, manuscrits et dessins de personnes célèbres, supposés lui rapporter une rendement de 8 à 8,65 % % sur cinq ans.

La société Aristophil a été placée en redressement judiciaire le 16 février 2015 puis en liquidation judiciaire par jugement du tribunal de commerce de Paris du 5 août 2015.

Parallèlement, son président, Monsieur [V] a été mis en examen pour escroquerie en bande organisée, blanchiment, présentation de comptes infidèles, abus de biens sociaux, abus de confiance et pratiques commerciales trompeuses.

Estimant que Monsieur [W] avait manqué à son devoir de conseil à son égard, Monsieur [Y] l'a assigné devant le tribunal de grande instance de Coutances afin d'obtenir l'indemnisation de son préjudice à hauteur de 176.000,00 € outre les intérêts au taux légal à compter de l'assignation ainsi qu'une indemnité sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

Par jugement du 23 janvier 2020, le tribunal estimant que la preuve d'un préjudice n'était pas rapportée, a débouté les parties de l'ensemble de leurs demandes et condamné Monsieur [Y] aux dépens.

Par déclaration en date du 23 mars 2020, ce dernier a interjeté appel de la décision.

Aux termes de ses écritures en date du 23 juin 2020, soutenant que Monsieur [W] a manqué à son devoir d'information et de conseil à son égard, et qu'il résulte des ventes aux enchères réalisées, que les pertes sur les produits Aristophil oscillent entre 84 et 92 % par rapport au prix d'achat par les souscripteurs, il estime avoir subi une perte de chance de ne pas souscrire le contrat litigieux de 75 %.

Il sollicite en conséquence la réformation du jugement entrepris et la condamnation de Monsieur [W] au paiement de la somme de 158.400,00 € avec intérêts au taux légal à compter de la réception de la mise en demeure, avec capitalisation des intérêts à compter de l'assignation, ainsi qu'au paiement d'une indemnité de 5.000,00 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile et aux dépens de première instance et d'appel avec bénéfice des dispositions de l'article 699 du code de procédure civile au profit de son conseil.

Aux termes de ses écritures en date du 30 septembre 2020, Monsieur [W] conteste à titre principal tout manquement de sa part à son obligation d'information et de conseil et subsidiairement l'existence d'un préjudice.

Il conclut en conséquence à la confirmation du jugement entrepris sauf en ce qu'il l'a débouté de sa demande sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile et sollicite de ce chef, l'allocation de la somme de 4.000,00 € ainsi que la condamnation de Monsieur [Y] aux dépens.

L'ordonnance de clôture est intervenue le 7 septembre 2022.

MOTIFS DE LA DÉCISION

Sur le manquement de Monsieur [W] à son devoir de conseil

En sa qualité de conseiller en patrimoine, Monsieur [X] [W] était tenu envers Monsieur [P] [Y], agriculteur en retraite, dont il n'est pas démontré qu'il avait des connaissances particulières en matière financière, d'un devoir d'information et de conseil, ceci d'autant plus que les contrats souscrits qui sont des contrats types, ne sauraient s'analyser comme de simples contrats de placements.

Il s'agit en effet d'un mécanisme complexe difficilement compréhensible pour un profane, consistant en des contrats de vente en indivision, assortis d'un contrat de garde et de conservation comprenant à la fois un droit de préemption et une promesse de vente au profit de la société Aristophil.

Dans tous les cas, la durée du contrat de garde et de conservation est d'un an avec possibilité de renouvellement pendant cinq ans pour que l'acquéreur puisse bénéficier du rendement prévu.

Le paragraphe intitulé 'promesse de vente en fin de convention' figurant dans les conventions de garde et de conservation est rédigé de telle sorte qu'il ne pouvait qu'induire en erreur un non-juriste qui pouvait légitimement penser à sa lecture, que l'option laissée à Aristophil ne portait pas tant sur la promesse que sur la valeur du prix de rachat, l'emploi du futur renforçant cette ambiguïté quant à l'absence d'obligation contractuelle de rachat par la société Aristophil.

En outre, le taux de majoration du prix choisi (de 8 % à 8, 65 %par an selon les contrats) laissait à penser à l'investisseur, que la valeur de sa collection progresserait au même rythme, ce qui est d'ailleurs confirmé par les mentions manuscrites figurant à l'intérieur des pochettes contenant les contrats, remis à Monsieur [Y], manifestement apposées par Monsieur [W], calculant le montant de la plus-value ainsi apportée, dont les montants promis n'étaient pas négligeables, contribuant ainsi à induire l'appelant en erreur sur l'intérêt financier de ce placement.

Il résulte de ces éléments, nonobstant l'absence d'alerte à l'époque de la souscription des contrats par Monsieur [Y] les 28 février, 31 mai 2012, et 27 septembre 2012 pour un total de 176.000,00 €, sur la fiabilité de la société Aristophil, que Monsieur [W] a manqué à son devoir d'information et de conseil à l'égard de ce dernier, tant s'agissant du fonctionnement du contrat que de l'opportunité du placement présenté comme rapportant 8 % à 8,65 % par an au bout de cinq ans.

C'est donc à juste titre que le tribunal a retenu l'existence d'un tel manquement.

Sur le préjudice

Il est constant que le préjudice consécutif aux manquements de Monsieur [W] ne peut s'analyser qu'en une perte de chance pour Monsieur [Y] de ne pas investir dans ces placements.

Comme il a été dit ci-dessus, Monsieur [Y] a reçu une information erronée ou à tout le moins incomplète, s'agissant du fonctionnement des contrats souscrits et de leur rendement réel.

Il a de ce fait subi une perte de chance de ne pas investir dans ces placements, qui peut être évaluée à 70 %.

S'agissant d'une perte de chance, il n'y a pas lieu d'exiger qu'il justifie d'un préjudice financier.

Il importe peu dès lors qu'il n'ait pas agi en revendication entre les mains du liquidateur pour récupérer tout au partie des lettres et manuscrits dont il était propriétaire indivis.

Le jugement sera donc infirmé en ce qu'il l'a débouté de sa demande pour défaut de préjudice et Monsieur [W] sera condamné à lui payer la somme de176.000,00 € X 70 % = 123.200,00 €, en indemnisation de son préjudice.

S'agissant de dommages-intérêts, il n'y a pas lieu d'assortir cette condamnation des intérêts au taux légal à compter de la réception de la mise en demeure.

Pour la même raison, il ne saurait y avoir de capitalisation à compter de l'assignation, mais uniquement à compter du présent arrêt.

Sur les frais irrépétibles et les dépens

L'équité commande d'infirmer le jugement en ce qu'il a débouté Monsieur [Y] de sa demande d'indemnité sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, de condamner Monsieur [W] au paiement d'une somme de 4.000,00 € sur ce fondement et de débouter ce dernier de sa demande à ce titre.

Le jugement sera confirmé en ce qu'il a débouté Monsieur [W] de sa demande d'indemnité sur ce fondement.

Succombant, il sera condamné aux dépens de première instance et d'appel avec bénéfice des dispositions de l'article 699 du code de procédure civile au profit de Maître MARIN, le jugement étant infirmé en ce qu'il a condamné Monsieur [Y] aux dépens.

PAR CES MOTIFS

La cour, statuant publiquement, par arrêt contradictoire rendu en dernier ressort, mis à disposition au greffe,

INFIRME le jugement du tribunal judiciaire de Coutances du 23 janvier 2020 sauf en ce qu'il a débouté Monsieur [W] de sa demande d'indemnité sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

LE CONFIRME de ce chef,

Statuant à nouveau et y ajoutant,

CONDAMNE Monsieur [X] [W] à payer à Monsieur [P] [Y] une somme de 123.200,00 € à titre de dommages-intérêts,

ORDONNE la capitalisation des intérêts échus dus au moins pour une année entière,

CONDAMNE Monsieur [X] [W] à payer à Monsieur [P] [Y] la somme de 4.000,00 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

CONDAMNE Monsieur [X] [W] aux dépens de première instance et d'appel, dont distraction au profit de Maître MARIN en application des dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.

LE GREFFIER LE PRÉSIDENT

M. COLLET D. GARET


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Caen
Formation : 1ère chambre civile
Numéro d'arrêt : 20/00660
Date de la décision : 06/12/2022

Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2022-12-06;20.00660 ?
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