AFFAIRE : N° RG 19/03144 -
N° Portalis DBVC-V-B7D-GN6T
ARRÊT N°
JB.
ORIGINE : Décision du Tribunal de Grande Instance d'ALENCON du 24 Septembre 2019
RG n° 18/00721
COUR D'APPEL DE CAEN
PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE
ARRÊT DU 06 DECEMBRE 2022
APPELANT :
Monsieur [F] [W]
né le 11 Avril 1988 à [Localité 4]
[Adresse 1]
[Adresse 1]
représenté et assisté de Me Marc POISSON, avocat au barreau D'ARGENTAN
(bénéficie d'une aide juridictionnelle Totale numéro 141180022019009423 du 05/12/2019 accordée par le bureau d'aide juridictionnelle de CAEN)
INTIMÉ :
Monsieur [S] [R]
né le 19 Février 1942 à [Localité 2]
[Adresse 3]
[Adresse 3]
représenté et assisté de Me Jérémie PAJEOT, avocat au barreau de CAEN
DÉBATS : A l'audience publique du 11 octobre 2022, sans opposition du ou des avocats, M. GARET, Président de chambre et Mme VELMANS, Conseillère, ont entendu les plaidoiries et en ont rendu compte à la cour dans son délibéré
GREFFIER : Mme COLLET
COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ :
M. GARET, Président de chambre,
Mme VELMANS, Conseillère,
Mme COURTADE, Conseillère,
ARRÊT : rendu publiquement par mise à disposition au greffe, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile le 06 Décembre 2022 et signé par M. GARET, président, et Mme COLLET, greffier
* * *
FAITS ET PROCEDURE
M. [S] [R] est propriétaire d'une maison d'habitation située à [Localité 5] (Orne).
Suivant deux devis établis le 11 septembre 2015 pour un montant total de 27.500 € TTC, M. [R] a passé commande auprès de M. [D] [V], entrepreneur, de travaux de rénovation et d'agrandissement de la maison comme de ses dépendances.
Les travaux ont débuté courant 2016, sous l'égide non pas de M. [V], mais de M. [F] [W] qui avait entre temps racheté son fonds artisanal.
En définitive, les relations s'étant dégradées entre les parties alors que M. [R] dénonçait la qualité des travaux déjà accomplis, M. [W] a quitté le chantier avant qu'il soit achevé.
M. [W] a ensuite adressé à M. [R] cinq factures de travaux pour un montant total de 17.895,28 €.
M. [R] a réglé la première, d'un montant de 2.936,60 €, mais a refusé de régler les autres.
Par acte du 3 juillet 2018, M. [W] a fait assigner M. [R] en paiement devant le tribunal de grande instance d'Alençon qui, par jugement du 24 septembre 2019, a':
- déclaré M. [W] recevable en son action';
- condamné M. [R] à payer à M. [W] la somme de 14.958,68 € pour solde des travaux réalisés ;
- condamné M. [W] à verser à M. [R] la somme de 6.359,40 € à titre de dommages et intérêts ;
- condamné M. [W] à payer à M. [R] la somme de 1.500 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;
- condamné M. [W] aux dépens avec distraction au profit de Me Blanchet, avocat de M. [R].
Par déclaration du 8 octobre 2019, M. [W] a interjeté appel de ce jugement, ayant cependant limité son appel à sa seule condamnation au paiement de dommages-intérêts ainsi que sur le fondement de l'article 70 et aux dépens.
M. [W] a notifié ses dernières conclusions le 24 septembre 2020, M. [R] les siennes le 12 octobre 2020.
La clôture de la mise en état a été prononcée par ordonnance du 14 septembre 2022.
MOYENS ET PRETENTIONS DES PARTIES
M. [W] demande à la cour de :
- réformer le jugement en ce qu'il l'a condamné':
* à verser à M. [R] la somme de 6.359,40 € à titre de dommages et intérêts ;
* à verser à M. [R] la somme de 1.500 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;
* aux dépens de la procédure avec distraction au profit de Me Blanchet ;
Statuant à nouveau, et confirmant le jugement entrepris pour le surplus :
- débouter M. [R] de sa demande de condamnation à paiement d'une somme de 6.359,40€ à titre de dommages et intérêts ;
- dire et juger qu'il n'y a pas lieu à application de l'article 700 pour la procédure de première instance, et débouter M. [R] de sa demande formée à ce titre ;
- condamner M. [R] aux dépens de première instance et d'appel, et ce avec application des dispositions de l'article 696 du code de procédure civile ;
- débouter M. [R] de toutes ses demandes, fins et conclusions contraires aux présentes comme étant irrecevables (en ce qui concerne les demandes nouvelles en cause d'appel), et à tout le moins mal fondées.
Au contraire, M. [R] demande à la cour :
- d'infirmer le jugement en ce qu'il l'a condamné à payer la somme de 14.958,68 € à M. [W] et en ce qu'il a limité la condamnation de M. [W] au paiement de la somme de 6.359,40 € ;
- le confirmer pour le surplus';
Statuant à nouveau,
- débouter M. [W] de l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions ;
- condamner M. [W] à lui payer la somme de 6.711,40 € au titre du coût de la reprise des malfaçons ;
- déclarer recevables ses demandes nouvelles formées devant la cour ;
- fixer la créance de M. [W] à la somme de 2.785,46 € ;
- condamner M. [W] à payer à M. [R] les sommes de :
* 1.800 € en réparation du préjudice de jouissance,
* 7.000 € en réparation du préjudice moral,
* 14.900,60 € en réparation du préjudice économique ;
- ordonner la compensation ;
- condamner M. [W] au paiement d'une somme de 3.000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;
- condamner M. [W] aux entiers dépens.
Pour l'exposé complet des prétentions et de l'argumentaire des parties, il est expressément renvoyé à leurs dernières écritures susvisées conformément à l'article 455 du code de procédure civile.
MOTIFS DE LA DECISION
Sur la demande en paiement formée par M. [W]':
Il convient d'abord d'observer que M. [R] n'est pas appelant du jugement en ce qu'il a déclaré cette demande recevable, que ce soit au titre de la qualité pour agir de M. [W], ou au titre de la prescription de son action.
Il en résulte que le jugement est définitif de ce chef.
Sur le fond, le litige opposant les parties concerne le règlement d'une somme totale de 14.958,68€ correspondant à l'addition de quatre factures émises par M. [W] et demeurées impayées, soit les factures':
- F16-00006 du 10 juin 2016 pour un montant de 3.335,60 €
- F16-00007 du 10 juin 2016 pour un montant de 4.618,66 €
- F16-00011 du 28 juin 2016 pour un montant de 5.630,13 €
- F16-00015 du 14 juillet 2016 pour un montant de 1.374,29 €
S'agissant de la première facture, M. [R] fait valoir qu'il n'a jamais commandé une partie des travaux correspondants, précisément le rehaussement de la dalle de la surface intérieure et les opérations de compactage à la dameuse.
De fait, la cour constate que ces travaux ne figurent dans aucun des devis contractuels signés par M. [R].
Par suite et par application de l'article 1134 du code civil selon lequel les conventions légalement formées tiennent lieu de loi à ceux qui les ont faites, alors par ailleurs que M. [W] ne rapporte pas la preuve d'une commande supplémentaire postérieure aux devis du 11 septembre 2015, M. [R] ne saurait être tenu au paiement des sommes correspondantes.
Il en résulte une moins-value de 395,69 € TTC, à déduire de la facture F16-00006.
M. [R] conteste encore le montant de ladite facture au motif qu'elle intègre le coût d'une dalle en béton prétendument armé de ferraille alors qu'il 'n'a pas vu sur le chantier l'arrivée du ferraillage nécessaire à la réalisation d'une telle dalle'.
Cet argument ne sera pas retenu par la cour, dès lors qu'il repose sur le pré-supposé, non démontré par M. [R], que la dalle ne contiendrait pas la ferraille convenue. Faute d'éléments propres à établir cette absence, la facturation correspondante sera validée.
M. [R] critique encore la qualité des prestations facturées par M. [W], qu'il s'agisse du seuil de la porte de garage (facture F16-00007), du plancher en béton de l'étage (facture F16-00011), des murs et du chaînage (facture F16-00007), contestant en conséquence les facturations correspondantes.
Cependant, l'intéressé ne saurait à la fois refuser de payer lesdites factures, alors qu'il est constant qu'elles correspondent à des travaux effectifs, et réclamer simultanément des dommages-intérêts en remboursement des frais exposés pour reprendre les malfaçons imputées à l'artisan.
Entériner ce raisonnement conduirait à l'enrichissement injustifié de M. [R] qui, de fait, obtiendrait la réalisation gratuite des travaux à l'origine du litige.
En conséquence et sous la seule déduction d'une somme de 395,69 € TTC correspondant à la facturation de travaux non commandés, M. [R] sera condamné à payer à M. [W] une somme totale de 14.562,99 € TTC pour règlement des factures n° F16-00006, F16-00007, F16-00011 et F16-00015.
Le jugement sera réformé en ce sens.
Sur les demandes reconventionnelles formées par M. [R] :
- Sur leur recevabilité :
M. [R] réclame d'abord le paiement d'une somme totale de 6.711,40 € au titre du coût de la reprise de malfaçons, cette somme correspondant, selon les explications de l'intéressé, au montant 'actualisé' de la somme de 6.359,40 € allouée par le jugement dont l'intéressé demande la confirmation sur ce point.
Déjà formulée en première instance mais 'actualisée' en cause d'appel, cette demande n'est pas nouvelle. Elle est donc recevable.
En revanche, M. [R] réclame, pour la première fois à hauteur d'appel, les sommes de 1.800€ pour trouble de jouissance, 7.000 € pour préjudice moral, et 14.900,60 € pour préjudice économique.
Ces demandes sont certes nouvelles.
Pour autant, l'article 564 du code de procédure civile autorise les nouvelles prétentions formées en cause d'appel notamment si elles ont pour objet d'opposer compensation aux demandes adverses.
Tel est le cas en l'espèce, dès lors qu'en réclamant des indemnités complémentaires à M. [W], M. [R] prétend obtenir, par voie de compensation, la minoration voire la disparition de toute créance de l'artisan, alors en effet qu'il est constant que les quatre dernières factures de celui-ci sont restées impayées jusqu'à ce jour.
D'ailleurs, aux termes mêmes du dispositif de ses dernières, M. [R] réclame expressément le bénéfice de la compensation.
Par là même, l'ensemble de ses demandes reconventionnelles sont recevables.
- Sur le fond :
M. [R] produit d'abord une facture de la société VRTP dont une partie du coût (3.898,40€ TTC) correspond aux frais de réfection de la cour.
Il produit également un procès-verbal d'huissier de justice qui, en date du 27 juin 2016, soit peu après l'abandon du chantier par M. [W], fait apparaître une cour objectivement très dégradée, avec de nombreuses ornières causées par l'engin de chantier de l'artisan, de même que des restes de ciment abandonnés à terre.
Il n'est pas contestable que ces dégradations sont le fait de l'artisan qui, s'il avait quitté les lieux en achevant l'intégralité des travaux convenus, aurait remis les lieux en état et ce, sans facturation supplémentaire pour son client.
Dès lors et dans la mesure où M. [R] a dû recourir aux services d'un autre artisan pour restaurer les lieux, le coût en résultant doit être supporté par M. [W] qui, conformément à l'article 1147 ancien du code civil, doit répondre de son manquement à son obligation contractuelle de restituer une cour à l'identique de ce qu'elle était avant son intervention.
M. [R] produit également une facture de la société Huet dont une partie, pour un montant de 880 TTC, correspond au coût de travaux de rempannage des pignons de la maison, M. [R] dénonçant des malfaçons de la part de l'artisan.
Cependant, la cour constate, à l'instar de M. [R], que les travaux facturés par celui-ci n'incluaient pas ce rempannage, mais tout au plus des opérations de 'maçonnerie sur pignon'.
Dès lors et en l'absence de plus amples explications de la part de M. [R], la facture de la société Huet, qui apparait comme correspondant à une prestation supplémentaire non commandée et en tout état de cause non facturée par M. [W], ne saurait être mise à la charge de ce dernier.
M. [R] produit enfin deux factures émises par M. [B] [U], artisan, qui, au vu des constatations de l'huissier de justice, correspondent pour partie à des travaux de reprise des malfaçons imputables à M. [W].
Par suite et dans la limite de la demande formée par M. [R] aux termes du dispositif de ses dernières conclusions, il convient de condamner [W] au paiement d'une somme totale de 6.711,40 € correspondant au coût de la remise en état de la cour ainsi que de la reprise des malfaçons afférentes aux travaux facturés par celui-ci.
Le jugement sera réformé en ce sens.
S'agissant des autres préjudices, il convient d'allouer à M. [R] une indemnité de 1.000 € en réparation du trouble de jouissance qu'il a subi par suite d'un chantier abandonné par un artisan après plusieurs mois de travaux amorcés mais jamais terminés, chantier par ailleurs affecté de plusieurs malfaçons.
En revanche, M. [R] sera débouté de sa demande indemnitaire pour préjudice moral, laquelle fait double emploi avec celle présentée au titre du trouble de jouissance.
M. [R] ne saurait non plus se prévaloir d'un préjudice moral du fait que, selon lui, il ne pourrait pas bénéficier de la garantie de l'assureur de M. [W] si un dommage décennal devait se produire. En effet et même à le supposer de nature morale, ce préjudice apparaît très hypothétique. Par ailleurs et en tout état de cause, M. [W] conserverait le bénéfice de la garantie décennale de l'artisan qui a accepté d'achever l'ouvrage.
Enfin, M. [R] sera débouté de la demande indemnitaire qu'il présente en réparation d'un préjudice économique qui résulterait, selon lui, de la différence entre le prix initialement devisé par M. [V] et celui finalement imposé par la seule entreprise qui a accepté de reprendre le chantier. En effet, M. [R] ne rapporte pas la preuve de la stricte identité entre les travaux devisés successivement par les deux entreprises. Il ne peut donc prétendre qu'au remboursement du seul coût de reprise des malfaçons affectant les travaux facturés par M. [W], d'où l'indemnité précédemment liquidée en sa faveur à hauteur de 6.711,40 €.
Sur les autres demandes :
Conformément à la demande de M. [R], il convient d'ordonner la compensation entre les créances réciproques des parties.
M. [W] étant responsable du présent litige ni de l'abandon du chantier sans remise en état de la cour et sans reprise de ses malfaçons, il sera condamné au paiement d'une somme de 1.500€ au titre de l'article 700 du code de procédure civile en cause d'appel, outre de celle de même montant déjà accordé sur le même fondement en première instance.
Pour la même raison, M. [W] supportera les entiers dépens de première instance et d'appel.
PAR CES MOTIFS,
La cour,
Statuant dans les limites de l'appel, publiquement par mise à disposition, contradictoirement et en dernier ressort':
- confirme le jugement en ce qu'il a condamné M. [F] [W] à payer à M. [S] [R] une somme de 1.500 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux dépens de première instance ;
- le réformant pour le surplus de ses dispositions, statuant à nouveau et y ajoutant :
* condamne M. [S] [R] à payer à M. [F] [W] une somme totale de 14.562,99 € TTC pour règlement des factures n° F16-00006, F16-00007, F16-00011 et F16-00015 ;
* déclarant M. [S] [R] recevable en toutes ses demandes reconventionnelles, condamne M. [F] [W] à payer à M. [S] [R] :
° une somme de 6.711,40 € correspondant au coût de la remise en état de la cour ainsi qu'à la reprise des malfaçons affectant le chantier ;
° une somme de 1.000 € en réparation de son trouble de jouissance ;
* ordonne la compensation entre les créances réciproques des parties ;
* déboute les parties du surplus de leurs demandes ;
* condamne M. [F] [W] à payer à M. [S] [R] une somme de 1.500€ au titre de l'article 700 du code de procédure civile en cause d'appel ;
* condamne M. [F] [W] aux dépens de la procédure d'appel.
LE GREFFIER LE PRÉSIDENT
M. COLLET D. GARET
AFFAIRE : N° RG 19/03144 -
N° Portalis DBVC-V-B7D-GN6T
ARRÊT N°
JB.
ORIGINE : Décision du Tribunal de Grande Instance d'ALENCON du 24 Septembre 2019
RG n° 18/00721