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01/12/2022 | FRANCE | N°18/02792

France | France, Cour d'appel de Caen, Chambre sociale section 2, 01 décembre 2022, 18/02792


AFFAIRE : N° RG 18/02792

N° Portalis DBVC-V-B7C-GFMA

 Code Aff. :



ARRET N°



C.P





ORIGINE : Décision du Conseil de Prud'hommes - Formation de départage de CAEN en date du 23 Août 2018 RG n° 13/00812











COUR D'APPEL DE CAEN

Chambre sociale section 2

ARRÊT DU 01 DECEMBRE 2022





APPELANTE :



SA GUY DAUPHIN ENVIRONNEMENT, prise en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité audit siège.

[Adr

esse 4]



Représentée par Me Bertrand OLLIVIER, avocat au barreau de CAEN, substitué par Me Anaïs QURESHI, avocat au barreau de PARIS







INTIMES :



Monsieur [S] [G]

[Adresse 2]



Syndicat ...

AFFAIRE : N° RG 18/02792

N° Portalis DBVC-V-B7C-GFMA

 Code Aff. :

ARRET N°

C.P

ORIGINE : Décision du Conseil de Prud'hommes - Formation de départage de CAEN en date du 23 Août 2018 RG n° 13/00812

COUR D'APPEL DE CAEN

Chambre sociale section 2

ARRÊT DU 01 DECEMBRE 2022

APPELANTE :

SA GUY DAUPHIN ENVIRONNEMENT, prise en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité audit siège.

[Adresse 4]

Représentée par Me Bertrand OLLIVIER, avocat au barreau de CAEN, substitué par Me Anaïs QURESHI, avocat au barreau de PARIS

INTIMES :

Monsieur [S] [G]

[Adresse 2]

Syndicat UNION DEPARTEMENTALE DES SYNDICATS CGT DU CALVADOS Prise en la personne de son secrétaire dûment habilité à cet effet

[Adresse 1]

Représentés par Me Elise BRAND, avocat au barreau de CAEN

COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DÉBATS ET DU DÉLIBÉRÉ :

Mme CHAUX, Présidente de chambre,

M. LE BOURVELLEC, Conseiller,

M. GANCE, Conseiller,

DÉBATS : A l'audience publique du 15 septembre 2022

GREFFIER : Mme GOULARD

ARRÊT prononcé publiquement le 01 décembre 2022 à 14h00 par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile et signé par Mme CHAUX, présidente, et Mme GOULARD, greffier

La cour statue sur l'appel régulièrement interjeté par la société Guy Dauphin Environnement d'un jugement rendu le 23 août 2018 par le conseil de prud'hommes de Caen dans un litige l'opposant à M. [G].

FAITS et PROCEDURE

M. [G] a été engagé par la société Guy Dauphin Environnement (ci-après 'la société'), pour une durée indéterminée à compter du 2 novembre 2010, en qualité de 'technicien informatique'.

En dernier lieu, il exerçait les fonctions de 'technicien Helpdesk'.

Les sites de la société se classent en deux grandes catégories : les sites de collectes et les sites de production.

Elle appartient au groupe ECORE (ci-après 'le groupe') et emploie environ 1 300 salariés.

En juin 2012, la société a consulté les instances représentatives du personnel sur son projet consistant à transférer certaines fonctions administratives basées initialement à [Localité 7], près de [Localité 3], à [Localité 5] (entre [Localité 6] et [Localité 8]), lieu de domiciliation de la nouvelle équipe de direction.

Cette mobilité- mutation concernait les postes des 60 salariés des services administratifs basés au siège de [Localité 7].

Après plusieurs réunions du comité central d'entreprise (CCE) de la société (les 13 juillet, 3 septembre, 19 septembre et 17 octobre 2012), la société a proposé diverses mesures d'accompagnement prévoyant un dispositif de départ volontaire de l'entreprise dans le cadre d'une rupture d'un commun accord du contrat de travail pour motif économique en cas de refus par les salariés concernés d'être mutés à [Localité 5].

Le 12 novembre 2012, le comité central d'entreprise a validé les mesures sociales d'accompagnement récapitulées dans un document intitulé 'proposition de la direction de mesures sociales du PSE en vue de la réunion du CCE du 17 octobre 2012", annexé dans le procès-verbal du CCE du 12 novembre 2012.

Le 5 novembre 2012, l'inspection du travail a adressé à la société des observations sur ce projet, rappelant notamment qu'il n'était pas possible de mettre en oeuvre des clauses de mobilité en lieu et place d'une procédure de licenciement pour motif économique.

Le 30 novembre 2012, le directeur de l'unité territoriale du Calvados de la DIRECCTE de Basse-Normandie a dressé un procès-verbal de carence à l'encontre du plan de sauvegarde de l'emploi (PSE) qui avait été présenté par la société à son CCE.

La société a accepté de reprendre les consultations des représentants du personnel dans ce cadre afin de satisfaire aux observations de l'administration, 'sans reconnaître que le projet de transfert puisse s'inscrire dans un contexte économique'.

Après plusieurs réunions, le CCE a rendu un avis favorable sur l'opération projetée et les mesures sociales envisagées le 14 février 2013.

Les trois options proposées aux salariés concernés par le transfert vers la commune de [Localité 5] étaient les suivantes :

- acceptation de la mobilité sur le site de [Localité 5],

- acceptation de la mobilité, en dehors de [Localité 5], sur un autre poste du groupe Ecore,

- refus de la mobilité sur le site de [Localité 5] ou au sein du groupe Ecore et acceptation d'une mobilité externe.

Il était précisé qu'en cas de refus exprès ou tacite de l'ensemble de ces propositions, l'entreprise serait obligée d'imposer la mobilité des salariés concernés sur [Localité 5] et d'en tirer les conséquences en matière contractuelle.

Par courrier du 20 février 2013, la société a adressé un courrier à M. [G] pour lui demander de faire un choix définitif pour l'une des trois options offertes aux salariés concernés par la mobilité sur le site de [Localité 5].

Le choix devait être fait dans un délai d'un mois, soit avant le 20 mars 2013.

Par courrier du 6 mars 2013, M. [G] a fait part de son refus de s'inscrire dans l'une des trois options.

La société lui a répondu le 15 mars 2013 pour lui rappeler que le délai pour s'inscrire dans l'une des trois options expirait le 20 mars 2013.

Par courrier du 24 mars 2013, M. [G] a confirmé son refus.

Par courrier du 22 mars 2013, la société lui a notifié sa mutation au 1er juillet 2013 sur le site de [Localité 5].

M. [G] ne s'étant pas présenté sur le site de [Localité 5], la société lui a adressé un courrier le 3 juillet 2013 pour lui demander de prendre ses fonctions.

Saisie le 3 juin 2013 par le salarié et l'union départementale des syndicats CGT, la formation de référé du conseil de prud'hommes de Caen a notamment, par ordonnance du 11 juillet 2013 :

- ordonné la suspension de la clause de mobilité mise en oeuvre à l'égard du salarié,

- dit que le salarié doit être maintenu dans l'emploi qu'il occupe sur le site de [Localité 7], sauf à l'employeur de décider de l'engagement d'une procédure de licenciement collectif pour motif économique en le faisant bénéficier des mesures prévues par le plan de sauvegarde de l'emploi.

Par arrêt du 22 novembre 2013, la cour d'appel de Caen a débouté le salarié et l'union départementale des syndicats CGT du Calvados de toutes leurs demandes.

Par arrêt du 10 juin 2015, la Cour de cassation a rejeté le pourvoi formé par le salarié.

Par lettre du 27 novembre 2013, M. [G] a été convoqué pour le 9 décembre 2013 à un entretien préalable à son licenciement, lequel lui a été notifié le 19 décembre suivant pour motif économique.

Saisi le 7 juin 2013 d'une demande en résiliation judiciaire du contrat de travail, le conseil de prud'hommes de Caen a le 23 août 2018 :

- déclaré irrecevable l'intervention volontaire de l'Union départementale des syndicats CGT du Calvados,

- condamné la société à verser à M. [G] la somme de 527,27 euros à titre de rappel d'heures supplémentaires, outre celle de 52,72 euros au titre des congés payés afférents,

- condamné la société à verser à M. [G] la somme de 425,07 euros au titre de l'indemnisation de ses temps de trajet,

- débouté M. [G] de sa demande visant à faire constater l'existence d'une inégalité de traitement avec M. [H] en matière salariale,

- débouté M. [G] de sa demande tendant à obtenir la résiliation judiciaire de son contrat de travail,

- dit que la société a manqué à son obligation en matière de recherche de reclassement,

- dit en conséquence que le licenciement de M. [G] est dénué de cause réelle et sérieuse,

- condamné la société à verser à M. [G] la somme de 21 800 euros d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

- dit que la moyenne des trois derniers mois de salaire s'élève à la somme de 2 169,55 euros,

- dit que la société devra rembourser aux organismes intéressés tout ou partie des indemnités de chômage versées à M. [G] du jour de son licenciement au jour du jugement prononcé dans la limite de six mois d'indemnités de chômage,

- condamné la société à verser à M. [G] une somme de 1 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- rejeté le surplus des demandes des parties,

- ordonné l'exécution provisoire pour moitié de l'indemnité de licenciement sans cause réelle et sérieuse et de l'indemnité fondée sur l'article 700 du code de procédure civile et rappelé qu'elle est de droit au surplus dans les conditions et limites prévues par l'article R.1254-28 du code du travail,

- condamné la société aux dépens.

Par déclaration du 28 septembre 2018, la société a interjeté appel du jugement.

Par ordonnance du 17 juin 2021, le conseiller chargé de la mise en état a notamment déclaré recevable l'appel incident de M. [G], s'est déclaré incompétent pour statuer sur la demande formée par M. [G] au titre de l'action abusive et l'a débouté de sa demande en dommages et intérêts au titre de l'action dilatoire de la société.

Par arrêt du 16 décembre 2021, la cour d'appel de Caen a confirmé l'ordonnance du conseiller de la mise en état du 17 juin 2021, sauf en ce qu'il s'est déclaré incompétent pour statuer sur la demande de dommages et intérêts de M. [G] au titre de l'action abusive et dilatoire de la société, et a débouté M. [G] des demandes présentées à ce titre.

Par conclusions déposées le 23 mars 2021, la société demande à la cour de :

- infirmer le jugement en ce qu'il a :

- dit que la société avait manqué à son obligation en matière de recherche de reclassement,

- dit en conséquence que le licenciement de M. [G] était dépourvu de cause réelle et sérieuse,

- condamné la société à verser à M. [G] la somme de 21 800 euros à titre d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

- dit que la société devra rembourser aux organismes intéressés tout ou partie des indemnités de chômage versées à M. [G] du jour de son licenciement au jour du jugement prononcé dans la limite de six mois d'indemnités de chômage,

- condamné la société à verser à M. [G] une somme de 1 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- ordonné l'exécution provisoire pour moitié de l'indemnité de licenciement sans cause réelle et sérieuse et de l'indemnité fondée sur l'article 700 du code de procédure civile et rappelé qu'elle est de droit au surplus dans les conditions et limites prévues par l'article R.1254-28 du code du travail,

- condamné la société aux dépens.

Statuant à nouveau,

A titre principal,

- juger que le licenciement pour refus d'application de la clause de mobilité de M. [G] repose sur une cause réelle et sérieuse,

- rejeter l'intégralité des demandes formulées par M. [G],

- condamner M. [G] au paiement de la somme de 3 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'aux dépens,

A titre subsidiaire,

- limiter le montant de l'indemnité accordée au titre du licenciement sans cause réelle et sérieuse au minimum prévu à l'article L.1235-3 du code du travail équivalent à 6 mois de salaire, soit la somme de 13 017 euros,

- rejeter le surplus des demandes formulées par M. [G],

- confirmer le jugement pour le surplus,

- relevant le moyen d'office, juger qu'elle n'est saisie par M. [G] d'aucun appel incident sur le montant des rappels de salaire au titre des heures supplémentaires et au titre de l'inégalité de traitement, la demande de résiliation judiciaire ainsi que sur le montant des dommages et intérêts alloués au titre du caractère abusif du licenciement.

Selon écritures déposées le 18 mars 2021, M. [G] demande à la cour de :

- constater que M. [G] n'a pas été réglé des heures supplémentaires qu'il a accomplies,

- réformant la décision entreprise, condamner en conséquence la société en quittance ou deniers à verser à M. [G] les sommes suivantes à titre de rappel de salaire à raison du défaut de paiement des heures supplémentaires :

- 4 234,81 euros, outre 423,48 euros au titre des congés payés y afférents,

- confirmant la décision entreprise, dire que le licenciement de M. [G] est dénué de cause réelle et sérieuse,

- confirmant la décision entreprise et la réformant sur la quantum, condamner la société à verser à M. [G] la somme de 80 000 euros à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

- subsidiairement, réformant la décision entreprise, condamner la société à verser à M. [G] la somme de 8 251,70 euros outre 825,17 euros à titre de rappel de salaire à raison du non-respect par l'employeur du principe d'égalité de traitement entre salariés,

- subsidiairement, réformant la décision entreprise, constater que la société a mis en oeuvre une procédure de réorganisation de l'entreprise par transfert d'une partie de ses activités du site de [Localité 7] vers le site de [Localité 5] et vers le Luxembourg,

- subsidiairement, réformant la décision entreprise, constater qu'une proposition de mutation a été adressée à au moins 21 salariés dont le concluant,

- subsidiairement, réformant la décision entreprise, constater qu'au moins 21 salariés ont refusé cette mutation, dont le concluant,

- subsidiairement, réformant la décision entreprise, constater dès lors la nécessité pour l'employeur de recourir à la procédure de licenciement collectif pour motif économique,

- subsidiairement, réformant la décision entreprise, constater la mise en oeuvre abusive par l'employeur d'une clause de mobilité contractuelle aux lieu et place de la procédure de licenciement collectif pour motif économique,

- subsidiairement, réformant la décision entreprise, constater que le salarié a été injustement privé du plan de sauvegarde de l'emploi,

- subsidiairement, réformant la décision entreprise, constater en toute hypothèse que la clause de mobilité était illégale,

- subsidiairement, réformant la décision entreprise, constater que la société ne justifie d'aucun intérêt légitime dans le cadre de la mise en oeuvre de la clause de mobilité,

- subsidiairement, réformant la décision entreprise, constater en toute hypothèse que la société n'a procédé à aucune analyse de la situation personnelle et familiale du salarié pour mettre en oeuvre la clause de mobilité,

- subsidiairement, réformant la décision entreprise, constater dès lors les conditions abusives dans lesquelles l'employeur a mis en oeuvre sa clause de mobilité,

- subsidiairement, réformant la décision entreprise, constater que l'ensemble des faits qui viennent d'être énoncés constitue une atteinte suffisamment grave à l'exécution du contrat de travail qui justifiait pleinement la résiliation judiciaire du contrat de travail,

- subsidiairement, réformant la décision entreprise, dire que la demande de résiliation judiciaire formulée par le concluant était dès lors parfaitement justifiée,

- subsidiairement, réformant la décision entreprise, dire dès lors que la rupture du contrat de travail du salarié s'analyse en un licenciement nul et à titre subsidiaire, dénué de cause réelle et sérieuse,

- subsidiairement, réformant la décision entreprise, condamner en conséquence la société à verser à M. [G] la somme de 80 000 euros à titre de dommages et intérêts pour licenciement nul ou sans cause réelle et sérieuse,

- subsidiairement, réformant la décision entreprise, constater que l'employeur s'était engagé à faire bénéficier le salarié du bénéfice du plan de sauvegarde de l'emploi,

- subsidiairement, réformant la décision entreprise, constater que le salarié a été injustement privé du plan de sauvegarde de l'emploi,

- subsidiairement, réformant la décision entreprise, condamner en conséquence la société à verser à M. [G] la somme de 80 000 euros à titre de dommages et intérêts pour licenciement nul ou sans cause réelle et sérieuse,

- débouter la société de l'ensemble de ses demandes,

- condamner en toute hypothèse la société à verser à M. [G] la somme de 2 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'à supporter les dépens.

L'union départementale des syndicats CGT du Calvados a constitué avocat mais n'a pas conclu.

L'ordonnance de clôture a été prononcée le 31 août 2022.

MOTIFS DE LA DECISION

Il convient de noter, à titre liminaire, que la société ne soulève plus l'irrecevabilité de l'appel incident de M. [G], de sorte qu'il n'y a pas lieu de statuer sur ce point.

Le jugement déféré n'est pas contesté en ce qu'il a déclaré irrecevable l'intervention volontaire de l'Union départementale des syndicats CGT du Calvados. Cette disposition est donc acquise.

I. Exécution du contrat de travail

A. Sur la demande au titre des heures supplémentaires

Aux termes de l'article L 3243-3 du code du travail, l'acceptation sans protestation ni réserve d'un bulletin de paie par le travailleur ne peut valoir de sa part renonciation au paiement de tout ou partie du salaire et des indemnités ou accessoires de salaire qui lui sont dus en application de la loi, du règlement, d'une convention ou d'un accord collectif de travail ou d'un contrat.

Aux termes de l'article L 3171-4 du même code, en cas de litige relatif à l'existence ou au nombre d'heures de travail accomplies, l'employeur fournit au juge les éléments de nature à justifier les horaires effectivement réalisés par le salarié. Au vu de ces éléments et de ceux fournis par le salarié à l'appui de sa demande, le juge forme sa conviction après avoir ordonné, en cas de besoin, toutes les mesures d'instruction qu'il estime utiles.

Il est constant qu'en cas de litige relatif à l'existence ou au nombre d'heures de travail accomplies, il appartient au salarié de présenter, à l'appui de sa demande, des éléments suffisamment précis quant aux heures non rémunérées qu'il prétend avoir accomplies afin de permettre à l'employeur, qui assure le contrôle des heures de travail effectuées, d'y répondre utilement en produisant ses propres éléments. Le juge forme sa conviction en tenant compte de l'ensemble de ces éléments au regard des exigences rappelées aux dispositions légales et réglementaires précitées. Après analyse des pièces produites par l'une et l'autre des parties, dans l'hypothèse où il retient l'existence d'heures supplémentaires, il évalue souverainement, sans être tenu de préciser le détail de son calcul, l'importance de celles-ci et fixe les créances salariales s'y rapportant.

Le salarié demandeur doit donc produire des éléments suffisamment précis pour permettre à l'employeur de répondre en fournissant ses propres éléments de nature à justifier les horaires effectivement réalisés par le salarié compte tenu, notamment, des dispositions des articles D. 3171-2 et D. 3171-8 du code du travail qui lui imposent d'afficher l'horaire collectif de travail ou, à défaut, de décompter la durée de chaque salarié par un enregistrement quotidien et l'établissement d'un récapitulatif hebdomadaire.

En l'espèce, M. [G] produit un tableau détaillé, reprenant de façon quotidienne ses horaires de travail pour la période du 1er novembre 2010 au 31 décembre 2013.

Ce document même s'il a été établi unilatéralement par M. [G] en vue de sa production en justice, étaye sa demande de paiement des heures supplémentaires et est suffisamment précis pour permettre à l'employeur d'y répondre.

La société conteste la réalité des heures réclamées en faisant valoir que les tableaux :

- indiquent uniquement les heures de début et de fin de chaque demi-journée de travail,

- ne renseignent pas sur le travail effectif accompli,

- n'ont jamais été visés par l'employeur,

- ont été établis postérieurement à la saisine du conseil de prud'hommes,

- ont été établis pour les besoins de la cause,

- ne sont étayés par aucun autre élément objectif extérieur.

La société reconnaît que certaines sommes restaient dues au salarié au titre des 'absences autorisées payées' et des temps trajets.

Il n'est pourtant pas contesté qu'aucun accord ne prévoyait la possibilité pour la société de remplacer le paiement des heures supplémentaires par un repos compensateur de remplacement équivalent.

En outre, les demandes formulées par le salarié relativement au temps de trajet concernent des déplacements de son lieu de travail à un autre lieu de travail et doivent par conséquent s'analyser en temps de travail effectif. C'est par conséquent à tort que les premiers juges ont accordé au salarié une somme au titre de l'indemnisation de ses temps de trajet.

Il apparaît que la société n'apporte aucun élément de nature à remettre en cause le décompte précis et détaillé présenté par le salarié. En particulier, l'employeur ne justifie pas des horaires du salarié, pas plus que de la mise en place d'un contrôle du temps de travail.

Il convient par conséquent de faire droit à la demande de M. [G] au montant sollicité, soit 4 234,81 euros, outre 423,48 euros au titre des congés payés afférents.

Le jugement entrepris sera infirmé en ce qu'il a condamné la société à verser à M. [G] la somme de 527,27 euros à titre de rappel d'heures supplémentaires, outre celle de 52,72 euros au titre des congés payés afférents, et celle de 425,07 euros au titre de l'indemnisation de ses temps de trajet.

- Sur la demande de rappel de salaire à raison du non-respect du principe d'égalité de traitement

Il résulte des dispositions de l'article L 3221-2 du code du travail que l'employeur doit assurer l'égalité de traitement entre salariés lorsqu'il effectuent un même travail ou un travail de valeur égale.

Sont considérés comme ayant une valeur égale les travaux qui exigent des salariés un ensemble comparable de connaissances professionnelles consacrées par un titre, un diplôme ou une pratique professionnelle, de capacités découlant de l'expérience acquise, de responsabilités et de charge physique ou nerveuse.

M. [G] soutient qu'il occupe un poste similaire à celui de M. [H], de sorte qu'il aurait dû percevoir la même rémunération que celui-ci.

Il produit deux attestations de collègues de travail, qui indiquent que M. [G] exerçait les mêmes tâches que M. [H]. Il produit également un document non daté et non signé mentionnant les fiches de poste de chacun des deux salariés.

Ces seuls documents sont inopérants à apporter la preuve d'une inégalité de traitement, puisque les attestations n'informent en aucune manière sur les travaux et tâches réalisés respectivement par M. [G] et M. [H] et que l'origine du document relatif aux fiches de poste n'est pas précisée et qu'il a manifestement été rédigé par le salarié lui-même.

Le jugement déféré doit donc être confirmé en ce qu'il débouté M. [G] de cette demande.

II. Sur la rupture du contrat de travail

- Sur la contestation du licenciement pour motif économique

Aux termes de l'article L1233-3 du code du travail dans sa version applicable, 'constitue un licenciement pour motif économique le licenciement effectué par un employeur pour un ou plusieurs motifs non inhérents à la personne du salarié résultant d'une suppression ou transformation d'emploi ou d'une modification substantielle du contrat de travail consécutives notamment à des difficultés économiques ou à des mutations technologiques'.

La réorganisation de l'entreprise en vue de sauvegarder la compétitivité pour prévenir des difficultés économiques à venir constitue un motif valable de licenciement économique.

Cependant, lorsque l'entreprise appartient à un groupe, les difficultés économiques s'apprécient au niveau du groupe, dans la limite du secteur d'activité auquel appartient l'entreprise.

L'article L 1233-4 du Code du travail dispose que le licenciement pour motif économique d'un salarié ne peut intervenir que lorsque tous les efforts de formation et d'adaptation ont été réalisés et que le reclassement de l'intéressé ne peut être opéré dans l'entreprise ou dans les entreprises du groupe auquel l'entreprise appartient.

Le reclassement du salarié s'effectue sur un emploi relevant de la même catégorie que celui qu'il occupe ou sur un emploi équivalent assorti d'une rémunération équivalente. A défaut, et sous réserve de l'accord exprès du salarié, le reclassement s'effectue sur un emploi d'une catégorie inférieure.

Les offres de reclassement proposées au salarié sont écrites et précises.

En l'espèce, M. [G] fait valoir que la société ne justifie ni du périmètre du groupe au sein duquel elle aurait effectué des recherches de reclassement, ni d'avoir effectué la moindre diligence pour identifier des postes au sein de ce même groupe.

La société réplique que les recherches de reclassement ont été effectuées sérieusement, tant en France qu'à l'étranger.

La société a indiqué au salarié dans un courrier du 8 novembre 2013 qu'elle avait 'déjà commencé à procéder à des recherches de reclassement au sein de l'ensemble des entités du Groupe ECORE'.

Elle ajoutait : 'en effet, la société appartenant à un Groupe disposant de filiales à l'étranger, nous sommes tenus, en application de l'article L.1233-4-1 du code du travail, préalablement à la proposition d'éventuels postes de reclassement de savoir si vous entendez accepter, le cas échéant, de recevoir des offres de reclassement hors du territoire national, dans chacune des implantations du Groupe listées dans le document que vous trouverez ci-joint et sous quelles restrictions éventuelles quant aux caractéristiques des emplois offerts (notamment en matière de rémunération et de localisation)'.

Un questionnaire était joint à ce courrier, ainsi qu'une liste des implantations du groupe ECORE à l'étranger : Luxembourg, Pays-Bas, Belgique, Suisse, Espagne, Hongrie et Roumanie.

Le 13 novembre 2013, un courrier de la société informait M. [G] que 'après une recherche approfondie sur les postes disponibles au sein du Groupe ECORE en France, nous sommes au regret de vous informer que nous ne disposons à ce jour d'aucun poste relevant de la même catégorie ou équivalente. En conséquence, nous sommes contraints de vous proposer des postes de niveau inférieur répartis entre postes administratifs et postes de production.'

Deux annexes étaient jointes, avec mention des postes proposés.

Un courrier du 19 novembre 2013 a été adressé à M. [G] pour lui indiquer que, compte tenu de ses compétences linguistiques, aucun poste ne pouvait lui être proposé en Roumanie, Hongrie et Espagne et qu'après recherches de reclassement au Luxembourg, en Suisse, Belgique et Pays-Bas, un seul poste pouvait lui être proposé au Luxembourg.

Enfin, un courrier lui a été adressé le 20 novembre 2013 pour l'informer d'un poste supplémentaire en qualité de 'chauffeur super poids lourds'.

Force est de constater, au vu de ces éléments, que l'employeur n'apporte pas la preuve qu'il avait, préalablement au licenciement, interrogé l'ensemble des sociétés du groupe sur l'existence de postes vacants ou susceptibles d'être créés, en précisant l'intitulé du poste, son coefficient et la catégorie d'emploi et sa rémunération, et qu'il avait reçu de chacune une réponse négative excluant toute possibilité de reclassement.

C'est ainsi par de justes motifs que les premiers juges ont relevé que la société ne produit aucun élément permettant d'apprécier le périmètre dans lequel elle a engagé ses recherches, ni des diligences accomplies en ce sens.

En outre, elle ne justifie pas d'offres de reclassement précises, concrètes et personnalisées.

Le manquement de l'employeur à l'obligation de reclassement préalable au licenciement prive celui-ci de cause réelle et sérieuse. Le jugement doit être confirmé de ce chef.

Il n'y a en conséquence pas lieu de statuer sur la demande de résiliation judiciaire du contrat de travail présentée par le salarié. Le jugement déféré sera donc infirmé en ce qu'il a débouté M. [G] de sa demande tendant à obtenir la résiliation judiciaire de son contrat de travail.

Agé de 36 au moment du licenciement, M. [G] avait une ancienneté de 3 ans au sein de l'entreprise.

Il a bénéficié d'un congé de reclassement jusqu'au 19 juin 2014, puis a été inscrit auprès de Pôle emploi du 19 décembre 2013 au 2 novembre 2015, et du 12 décembre 2015 au 31 mars 2016. Il a exercé des missions en intérim du 5 février 2016 au 11 février 2016, puis du 23 au 25 février 2016. Il a travaillé dans le cadre d'un contrat à durée déterminée du 1er avril 2016 au 30 septembre 2016 et a ensuite souscrit un contrat à durée indéterminée.

Au vu de ces éléments, il convient par voie de confirmation de lui accorder une indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse d'un montant de 21 800 euros.

Sur le fondement de l'article L.1235-4 du code du travail, il convient par voie d'infirmation d'ordonner à l'employeur de rembourser les indemnités de chômage versées du jour de son licenciement au jour du prononcé du jugement, à hauteur de trois mois d'indemnités de chômage.

Il convient de dire que les sommes sus-visées produiront intérêt au taux légal conformément aux dispositions de l'article 1231-6 du code civil.

- Sur les demandes accessoires

Succombant au principal, la société sera condamnée aux dépens d'appel.

Ayant exposé des frais pour assurer sa défense, l'équité commande d'accorder à M. [G] la somme complémentaire de 1 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile. La société est déboutée de la demande formée à ce titre.

Le jugement déféré est confirmé en ce qu'il a condamné la société aux dépens de première instance et à payer à la salariée la somme de 1 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS

La cour,

Confirme le jugement entrepris en ce qu'il a :

- déclaré irrecevable l'intervention volontaire de l'Union départementale des syndicats CGT du Calvados,

- débouté M. [G] de sa demande visant à faire constater l'existence d'une inégalité de traitement avec M. [H] en matière salariale,

- dit que la société a manqué à son obligation en matière de recherche de reclassement,

- dit en conséquence que le licenciement de M. [G] est dénué de cause réelle et sérieuse,

- condamné la société à verser à M. [G] la somme de 21 800 euros d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

- dit que la moyenne des trois derniers mois de salaire s'élève à la somme de 2 169,55 euros,

- condamné la société à verser à M. [G] une somme de 1 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- rejeté le surplus des demandes des parties,

- ordonné l'exécution provisoire pour moitié de l'indemnité de licenciement sans cause réelle et sérieuse et de l'indemnité fondée sur l'article 700 du code de procédure civile et rappelé qu'elle est de droit au surplus dans les conditions et limites prévues par l'article R.1254-28 du code du travail,

- condamné la société aux dépens

L'infirme pour le surplus,

Statuant à nouveau,

Dit n'y avoir lieu à statuer sur la demande de M. [G] en résiliation judiciaire du contrat de travail ;

Condamne la société Guy Dauphin Environnement à payer à M. [G] :

- au titre des heures supplémentaires : 4 234,81 euros

- au titre des congés payés afférents : 423,48 euros

- en application des dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile : 1 500 euros ;

Dit que les sommes allouées produiront intérêt au taux légal conformément aux dispositions de l'article 1231-6 du code civil ;

Ordonne le remboursement à Pôle Emploi par la société Guy Dauphin Environnement des indemnités de chômage versées à M. [G], dans la limite de trois mois d'indemnités ;

Y ajoutant,

Déboute la société Guy Dauphin Environnement de sa demande d'indemnité au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

Condamne la société Guy Dauphin Environnement aux dépens d'appel.

LE GREFFIER LE PRESIDENT

E. GOULARD C. CHAUX


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Caen
Formation : Chambre sociale section 2
Numéro d'arrêt : 18/02792
Date de la décision : 01/12/2022

Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2022-12-01;18.02792 ?
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