AFFAIRE : N° RG 18/02791
N° Portalis DBVC-V-B7C-GFL6
Code Aff. :
ARRET N°
C.P
ORIGINE : Décision du Conseil de Prud'hommes - Formation de départage de CAEN en date du 23 Août 2018 RG n° 13/00797
COUR D'APPEL DE CAEN
Chambre sociale section 2
ARRÊT DU 01 DECEMBRE 2022
APPELANTE :
SA GUY DAUPHIN ENVIRONNEMENT, prise en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité audit siège.
[Adresse 4]
Représentée par Me Bertrand OLLIVIER, avocat au barreau de CAEN, substitué par Me Anaïs QURESHI, avocat au barreau de PARIS
INTIMES :
Madame [V] [C] divorcée [D]
[Adresse 1]
Syndicat UNION DEPARTEMENTALE DES SYNDICATS CGT DU CALVADOS Prise en la personne de son secrétaire dûment habilité à cet effet
[Adresse 2]
Représentés par Me Elise BRAND, avocat au barreau de CAEN
COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DÉBATS ET DU DÉLIBÉRÉ :
Mme CHAUX, Présidente de chambre,
M. LE BOURVELLEC, Conseiller,
M. GANCE, Conseiller,
DÉBATS : A l'audience publique du 15 septembre 2022
GREFFIER : Mme GOULARD
ARRÊT prononcé publiquement le 01 décembre 2022 à 14h00 par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile et signé par Mme CHAUX, présidente, et Mme GOULARD, greffier
La cour statue sur l'appel régulièrement interjeté par la société Guy Dauphin Environnement d'un jugement rendu le 23 août 2018 par le conseil de prud'hommes de Caen dans un litige l'opposant à Mme [D].
FAITS et PROCEDURE
Mme [D] a été engagée par la société Guy Dauphin Environnement (ci-après 'la société'), pour une durée indéterminée à compter du 6 décembre 2010, en qualité de 'chargé de recouvrement'.
Les sites de la société se classent en deux grandes catégories : les sites de collectes et les sites de production.
Elle appartient au groupe ECORE (ci-après 'le groupe') et emploie environ 1 300 salariés.
En juin 2012, la société a consulté les instances représentatives du personnel sur son projet consistant à transférer certaines fonctions administratives basées initialement à [Localité 7], près de [Localité 3], à [Localité 5] (entre [Localité 6] et [Localité 8]), lieu de domiciliation de la nouvelle équipe de direction.
Cette mobilité- mutation concernait les postes des 60 salariés des services administratifs basés au siège de [Localité 7].
Après plusieurs réunions du comité central d'entreprise ( CCE) de la société (les 13 juillet, 3 septembre, 19 septembre et 17 octobre 2012), la société a proposé diverses mesures d'accompagnement prévoyant un dispositif de départ volontaire de l'entreprise dans le cadre d'une rupture d'un commun accord du contrat de travail pour motif économique en cas de refus par les salariés concernés d'être mutés à [Localité 5].
Le 12 novembre 2012, le comité central d'entreprise a validé les mesures sociales d'accompagnement récapitulées dans un document intitulé 'proposition de la direction de mesures sociales du PSE en vue de la réunion du CCE du 17 octobre 2012", annexé dans le procès-verbal du CCE du 12 novembre 2012.
Le 5 novembre 2012, l'inspection du travail a adressé à la société des observations sur ce projet, rappelant notamment qu'il n'était pas possible de mettre en oeuvre des clauses de mobilité en lieu et place d'une procédure de licenciement pour motif économique.
Le 30 novembre 2012, le directeur de l'unité territoriale du Calvados de la DIRECCTE de Basse-Normandie a dressé un procès-verbal de carence l'encontre du plan de sauvegarde de l'emploi (PSE) qui avait été présenté par la société à son CCE.
La société a accepté de reprendre les consultations des représentants du personnel dans ce cadre afin de satisfaire aux observations de l'administration, 'sans reconnaître que le projet de transfert puisse s'inscrire dans un contexte économique'.
Après plusieurs réunions, le CCE a rendu un avis favorable sur l'opération projetée et les mesures sociales envisagées le 14 février 2013.
Les trois options proposées aux salariés concernés par le transfert vers la commune de [Localité 5] étaient les suivantes :
- acceptation de la mobilité sur le site de [Localité 5],
- acceptation de la mobilité, en dehors de [Localité 5], sur un autre poste du groupe Ecore,
- refus de la mobilité sur le site de [Localité 5] ou au sein du groupe Ecore et acceptation d'une mobilité externe.
Il était précisé qu'en cas de refus exprès ou tacite de l'ensemble de ces propositions, l'entreprise serait obligée d'imposer la mobilité des salariés concernés sur [Localité 5] et d'en tirer les conséquences en matière contractuelle.
Par courrier du 20 février 2013, la société a adressé un courrier à Mme [D] pour lui demander de faire un choix définitif pour l'une des trois options offertes aux salariés concernés par la mobilité sur le site de [Localité 5].
Le choix devait être fait dans un délai d'un mois, soit avant le 20 mars 2013.
Par courrier du 6 mars 2013, Mme [D] a fait part de son refus de s'inscrire dans l'une des trois options.
La société lui a répondu le 15 mars 2013 pour lui rappeler que le délai pour s'inscrire dans l'une des trois options expirait le 20 mars 2013.
Par courrier du 21 mars 2013, Mme [D] a confirmé son refus.
Par courrier du 22 mars 2013, la société lui a notifié sa mutation au 1er juillet 2013 sur le site de [Localité 5].
Mme [D] ne s'étant pas présentée sur le site de [Localité 5], la société lui a adressé un courrier le 3 juillet 2013 pour lui demander de prendre ses fonctions.
Saisie le 3 juin 2013 par la salariée et l'union départementale des syndicats CGT, la formation de référé du conseil de prud'hommes de Caen a notamment, par ordonnance du 11 juillet 2013 :
- ordonné la suspension de la clause de mobilité mise en oeuvre à l'égard de la salariée,
- dit que la salariée doit être maintenue dans l'emploi qu'elle occupe sur le site de [Localité 7], sauf à l'employeur de décider de l'engagement d'une procédure de licenciement collectif pour motif économique en la faisant bénéficier des mesures prévues par le plan de sauvegarde de l'emploi.
Par arrêt du 22 novembre 2013, la cour d'appel de Caen a débouté la salariée et l'union départementale des syndicats CGT du Calvados de toutes leurs demandes.
Par arrêt du 10 juin 2015, la Cour de cassation a rejeté le pourvoi formé par la salariée.
Par lettre du 27 novembre 2013, Mme [D] a été convoquée pour le 9 décembre 2013 à un entretien préalable à son licenciement, lequel lui a été notifié le 19 décembre suivant pour motif économique.
Saisi le 7 juin 2013 d'une demande en résiliation judiciaire du contrat de travail, le conseil de prud'hommes de Caen a le 23 août 2018 :
- déclaré irrecevable l'intervention volontaire de l'Union départementale des syndicats CGT du Calvados,
- débouté Mme [D] de sa demande tendant à ce que l'existence d'une situation de harcèlement moral à son égard soit constatée,
- débouté Mme [D] de sa demande tendant à obtenir la résiliation judiciaire de son contrat de travail,
- dit que la société a manqué à son obligation en matière de recherche de reclassement,
- dit en conséquence que le licenciement de Mme [D] est dénué de cause réelle et sérieuse,
- condamné la société à verser à Mme [D] la somme de 20 600 euros d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,
- dit que la moyenne des trois derniers mois de salaire s'élève à la somme de 2 137,05 euros,
- dit que la société devra rembourser aux organismes intéressés tout ou partie des indemnités de chômage versées à Mme [D] du jour de son licenciement au jour du jugement prononcé dans la limite de six mois d'indemnités de chômage,
- condamné la société à verser à Mme [D] une somme de 1 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
- rejeté le surplus des demandes des parties,
- ordonné l'exécution provisoire pour moitié de l'indemnité de licenciement sans cause réelle et sérieuse et de l'indemnité fondée sur l'article 700 du code de procédure civile et rappelé qu'elle est de droit au surplus dans les conditions et limites prévues par l'article R.1254-28 du code du travail,
- condamné la société aux dépens.
Par déclaration du 28 septembre 2018, la société a interjeté appel du jugement.
Par ordonnance du 17 juin 2021, le conseiller chargé de la mise en état a notamment déclaré recevable l'appel incident de Mme [D], s'est déclaré incompétent pour statuer sur la demande formée par Mme [D] au titre de l'action abusive et l'a déboutée de sa demande en dommages et intérêts au titre de l'action dilatoire de la société.
Par arrêt du 16 décembre 2021, la cour d'appel de Caen a confirmé l'ordonnance du conseiller de la mise en état du 17 juin 2021, sauf en ce qu'il s'est déclaré incompétent pour statuer sur la demande de dommages et intérêts de Mme [D] au titre de l'action abusive et dilatoire de la société, et a débouté Mme [D] des demandes présentées à ce titre.
Par conclusions déposées le 23 mars 2021, la société demande à la cour de :
- infirmer le jugement en ce qu'il a :
- dit que la société avait manqué à son obligation en matière de recherche de reclassement,
- dit en conséquence que le licenciement de Mme [D] était dépourvu de cause réelle et sérieuse,
- condamné la société à verser à Mme [D] la somme de 20 600 euros à titre d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,
- dit que la société devra rembourser aux organismes intéressés tout ou partie des indemnités de chômage versées à Mme [D] du jour de son licenciement au jour du jugement prononcé dans la limite de six mois d'indemnités de chômage,
- condamné la société à verser à Mme [D] une somme de 1 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
- ordonné l'exécution provisoire pour moitié de l'indemnité de licenciement sans cause réelle et sérieuse et de l'indemnité fondée sur l'article 700 du code de procédure civile et rappelé qu'elle est de droit au surplus dans les conditions et limites prévues par l'article R.1254-28 du code du travail,
- condamné la société aux dépens.
Statuant à nouveau,
A titre principal,
- juger que le licenciement pour refus d'application de la clause de mobilité de Mme [D] repose sur une cause réelle et sérieuse,
- rejeter l'intégralité des demandes formulées par Mme [D],
- condamner Mme [D] au paiement de la somme de 3 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'aux dépens,
A titre subsidiaire,
- limiter le montant de l'indemnité accordée au titre du licenciement sans cause réelle et sérieuse au minimum prévu à l'article L.1235-3 du code du travail équivalent à 6 mois de salaire, soit la somme de 12 822 euros,
- rejeter le surplus des demandes formulées par Mme [D],
- confirmer le jugement pour le surplus,
- relevant le moyen d'office, juger qu'elle n'est saisie par Mme [D] d'aucun appel incident sur la demande de résiliation judiciaire ainsi que sur le montant des dommages et intérêts alloués au titre du caractère abusif du licenciement.
Selon écritures déposées le 18 mars 2021, Mme [D] demande à la cour de :
- réformant la décision entreprise, constater que la salariée a été victime de faits de harcèlement moral,
- réformant la décision entreprise, condamner la société à verser à Mme [D] la somme de 20 000 euros à titre de dommages et intérêts de ce chef,
- confirmant la décision entreprise, dire que le licenciement de Mme [D] est dénué de cause réelle et sérieuse,
- confirmant la décision entreprise et la réformant sur le quantum, condamner la société à verser à Mme [D] la somme de 80 000 euros à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,
- subsidiairement, réformant la décision entreprise, constater que la société a mis en oeuvre une procédure de réorganisation de l'entreprise par transfert d'une partie de ses activités du site de [Localité 7] vers le site de [Localité 5] et vers le Luxembourg,
- subsidiairement, réformant la décision entreprise, constater qu'une proposition de mutation a été adressée à au moins 21 salariés dont la concluante,
- subsidiairement, réformant la décision entreprise, constater qu'au moins 21 salariés ont refusé cette mutation, dont la concluante,
- subsidiairement, réformant la décision entreprise, constater dès lors la nécessité pour l'employeur de recourir à la procédure de licenciement collectif pour motif économique,
- subsidiairement, réformant la décision entreprise, constater la mise en oeuvre abusive par l'employeur d'une clause de mobilité contractuelle aux lieu et place de la procédure de licenciement collectif pour motif économique,
- subsidiairement, réformant la décision entreprise, constater que la salariée a été injustement privée du plan de sauvegarde de l'emploi,
- subsidiairement, réformant la décision entreprise, constater en toute hypothèse que la clause de mobilité était illégale,
- subsidiairement, réformant la décision entreprise, constater que la société ne justifie d'aucun intérêt légitime dans le cadre de la mise en oeuvre de la clause de mobilité,
- subsidiairement, réformant la décision entreprise, constater en toute hypothèse que la société n'a procédé à aucune analyse de la situation personnelle et familiale de la salariée pour mettre en oeuvre la clause de mobilité,
- subsidiairement, réformant la décision entreprise, constater dès lors les conditions abusives dans lesquelles l'employeur a mis en oeuvre sa clause de mobilité,
- subsidiairement, réformant la décision entreprise, constater que l'ensemble des faits qui viennent d'être énoncés constitue une atteinte suffisamment grave à l'exécution du contrat de travail qui justifiait pleinement la résiliation judiciaire du contrat de travail,
- subsidiairement, réformant la décision entreprise, dire que la demande de résiliation judiciaire formulée par la concluante était dès lors parfaitement justifiée,
- subsidiairement, réformant la décision entreprise, dire dès lors que la rupture du contrat de travail de la salariée s'analyse en un licenciement nul et à titre subsidiaire, dénué de cause réelle et sérieuse,
- condamner en conséquence la société à verser à Mme [D] la somme de 80 000 euros à titre de dommages et intérêts pour licenciement nul ou sans cause réelle et sérieuse,
- subsidiairement, réformant la décision entreprise, constater que l'employeur s'était engagé à faire bénéficier la salariée du bénéfice du plan de sauvegarde de l'emploi,
- subsidiairement, réformant la décision entreprise, constater que la salariée a été injustement privée du plan de sauvegarde de l'emploi,
- subsidiairement, réformant la décision entreprise, condamner en conséquence la société à verser à Mme [D] la somme de 80 000 euros à titre de dommages et intérêts pour licenciement nul ou sans cause réelle et sérieuse,
- débouter la société de l'ensemble de ses demandes,
- condamner en toute hypothèse la société à verser à Mme [D] la somme de 2 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'à supporter les dépens.
L'union départementale des syndicats CGT du Calvados a constitué avocat mais n'a pas conclu.
L'ordonnance de clôture a été prononcée le 31 août 2022.
MOTIFS DE LA DECISION
Il convient de noter, à titre liminaire, que la société ne soulève plus l'irrecevabilité de l'appel incident de Mme [D], de sorte qu'il n'y a pas lieu de statuer sur ce point.
Le jugement déféré n'est pas contesté en ce qu'il a déclaré irrecevable l'intervention volontaire de l'Union départementale des syndicats CGT du Calvados. Cette disposition est donc acquise.
I. Exécution du contrat de travail
Sur le harcèlement moral
Aux termes de l'article L. 1152-1 du code du travail dans sa version applicable au litige, aucun salarié ne doit subir des agissements répétés de harcèlement moral qui ont pour objet ou pour effet une dégradation de ses conditions de travail susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d'altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel.
Conformément aux dispositions de l'article L. 1154-1 du même code, il appartient au salarié d'établir/de présenter des faits permettant de présumer l'existence d'un harcèlement et au vu de ces éléments, il incombe à la partie défenderesse de prouver que ces faits ne sont pas constitutifs d'un tel harcèlement, et que sa décision est justifiée par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement ; le juge forme sa conviction après avoir ordonné, en cas de besoin, toutes les mesures d'instruction qu'il juge utiles.
En application des articles L. 1152-1 et L.1154-1 du code du travail, lorsque le salarié établit la matérialité de faits précis et concordants constituant selon lui un harcèlement, il appartient au juge d'apprécier si ces éléments, pris dans leur ensemble, permettent de présumer l'existence d'un harcèlement moral et, dans l'affirmative, il incombe à l'employeur de prouver que ces agissements ne sont pas constitutifs d'un tel harcèlement et que sa décision est justifiée par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement.
- Sur les faits de harcèlement moral
Mme [D] expose que certains responsables de la société 'ont cru devoir faire du zèle afin d'inciter les salariés à accepter absolument la rupture d'un commun accord initialement proposée dans le cadre de la mise en oeuvre de son premier projet de restructuration'.
Force est de constater que Mme [D] évoque ainsi en termes très généraux les agissements de la société, sans les préciser, ni les détailler, de sorte que c'est à juste titre que les premiers juges l'ont déboutée de sa demande formée au titre du harcèlement moral.
La décision déférée mérite confirmation de ce chef.
II. Sur la rupture du contrat de travail
- Sur la contestation du licenciement pour motif économique
Aux termes de l'article L1233-3 du code du travail dans sa version applicable, 'constitue un licenciement pour motif économique le licenciement effectué par un employeur pour un ou plusieurs motifs non inhérents à la personne du salarié résultant d'une suppression ou transformation d'emploi ou d'une modification substantielle du contrat de travail consécutives notamment à des difficultés économiques ou à des mutations technologiques'.
La réorganisation de l'entreprise en vue de sauvegarder la compétitivité pour prévenir des difficultés économiques à venir constitue un motif valable de licenciement économique.
Cependant, lorsque l'entreprise appartient à un groupe, les difficultés économiques s'apprécient au niveau du groupe, dans la limite du secteur d'activité auquel appartient l'entreprise.
L'article L 1233-4 du code du travail dispose que le licenciement pour motif économique d'un salarié ne peut intervenir que lorsque tous les efforts de formation et d'adaptation ont été réalisés et que le reclassement de l'intéressé ne peut être opéré dans l'entreprise ou dans les entreprises du groupe auquel l'entreprise appartient.
Le reclassement du salarié s'effectue sur un emploi relevant de la même catégorie que celui qu'il occupe ou sur un emploi équivalent assorti d'une rémunération équivalente. A défaut, et sous réserve de l'accord exprès du salarié, le reclassement s'effectue sur un emploi d'une catégorie inférieure.
Les offres de reclassement proposées au salarié sont écrites et précises.
En l'espèce, Mme [D] fait valoir que la société ne justifie ni du périmètre du groupe au sein duquel elle aurait effectué des recherches de reclassement, ni d'avoir effectué la moindre diligence pour identifier des postes au sein de ce même groupe.
La société réplique que les recherches de reclassement ont été effectuées sérieusement, tant en France qu'à l'étranger.
La société a indiqué à sa salariée dans un courrier du 8 novembre 2013 qu'elle avait 'déjà commencé à procéder à des recherches de reclassement au sein de l'ensemble des entités du Groupe ECORE'.
Elle ajoutait : 'en effet, la société appartenant à un Groupe disposant de filiales à l'étranger, nous sommes tenus, en application de l'article L.1233-4-1 du code du travail, préalablement à la proposition d'éventuels postes de reclassement de savoir si vous entendez accepter, le cas échéant, de recevoir des offres de reclassement hors du territoire national, dans chacune des implantations du Groupe listées dans le document que vous trouverez ci-joint et sous quelles restrictions éventuelles quant aux caractéristiques des emplois offerts (notamment en matière de rémunération et de localisation)'.
Un questionnaire était joint à ce courrier, ainsi qu'une liste des implantations du groupe ECORE à l'étranger : Luxembourg, Pays-Bas, Belgique, Suisse, Espagne, Hongrie et Roumanie.
Le 13 novembre 2013, un courrier de la société informait Mme [D] que 'après une recherche approfondie sur les postes disponibles au sein du Groupe ECORE en France, nous sommes au regret de vous informer que nous ne disposons à ce jour d'aucun poste relevant de la même catégorie ou équivalente. En conséquence, nous sommes contraints de vous proposer des postes de niveau inférieur répartis entre postes administratifs et postes de production.'
Deux annexes étaient jointes, avec mention des postes proposés.
Un courrier du 19 novembre 2013 a été adressé à Mme [D] pour lui indiquer que, compte tenu de ses compétences linguistiques, aucun poste ne pouvait lui être proposé en Roumanie, Hongrie et Espagne et qu'après recherches de reclassement au Luxembourg, en Suisse, Belgique et Pays-Bas, un seul poste pouvait lui être proposé au Luxembourg.
Enfin, un courrier lui a été adressé le 20 novembre 2013 pour l'informer d'un poste supplémentaire en qualité de 'chauffeur super poids lourds'.
Force est de constater, au vu de ces éléments, que l'employeur n'apporte pas la preuve qu'il avait, préalablement au licenciement, interrogé l'ensemble des sociétés du groupe sur l'existence de postes vacants ou susceptibles d'être créés, en précisant l'intitulé du poste, son coefficient et la catégorie d'emploi et sa rémunération, et qu'il avait reçu de chacune une réponse négative excluant toute possibilité de reclassement.
C'est ainsi par de justes motifs que les premiers juges ont relevé que la société ne produit aucun élément permettant d'apprécier le périmètre dans lequel elle a engagé ses recherches, ni des diligences accomplies en ce sens.
En outre, elle ne justifie pas d'offres de reclassement précises, concrètes et personnalisées.
Le manquement de l'employeur à l'obligation de reclassement préalable au licenciement prive celui-ci de cause réelle et sérieuse. Le jugement doit être confirmé de ce chef.
Il n'y a en conséquence pas lieu de statuer sur la demande de résiliation judiciaire du contrat de travail présentée par la salariée. Le jugement déféré sera donc infirmé en ce qu'il a débouté Mme [D] de sa demande tendant à obtenir la résiliation judiciaire de son contrat de travail.
Mme [D] avait une ancienneté de trois ans au sein de l'entreprise, elle a retrouvé un emploi avec un salaire équivalent à son précédent poste à compter du 15 juillet 2014, après avoir bénéficié d'un congé de reclassement jusqu'au 19 juin 2014.
Au vu de ces éléments, il convient par voie de confirmation de lui accorder une indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse d'un montant de 20 600 euros.
Sur le fondement de l'article L.1235-4 du code du travail, il convient par voie d'infirmation de condamner l'employeur à rembourser les indemnités de chômage versées du jour de son licenciement au jour du prononcé du jugement, à hauteur de trois mois d'indemnités de chômage.
Il convient de dire que les sommes sus-visées produiront intérêt au taux légal conformément aux dispositions de l'article 1231-6 du code civil.
- Sur les demandes accessoires
Succombant au principal, la société sera condamnée aux dépens d'appel.
Ayant exposé des frais pour assurer sa défense, l'équité commande d'accorder à Mme [D] la somme complémentaire de 1 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile. La société est déboutée de la demande formée à ce titre.
Le jugement déféré est confirmé en ce qu'il a condamné la société aux dépens de première instance et à payer à la salariée la somme de 1 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
PAR CES MOTIFS
La cour,
Confirme le jugement entrepris en ce qu'il a :
- déclaré irrecevable l'intervention volontaire de l'Union départementale des syndicats CGT du Calvados,
- débouté Mme [D] de sa demande tendant à ce que l'existence d'une situation de harcèlement moral à son égard soit constatée,
- dit que la société a manqué à son obligation en matière de recherche de reclassement,
- dit en conséquence que le licenciement de Mme [D] est dénué de cause réelle et sérieuse,
- condamné la société à verser à Mme [D] la somme de 20 600 euros d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,
- dit que la moyenne des trois derniers mois de salaire s'élève à la somme de 2 137,05 euros,
- condamné la société à verser à Mme [D] une somme de 1 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
- rejeté le surplus des demandes des parties,
- ordonné l'exécution provisoire pour moitié de l'indemnité de licenciement sans cause réelle et sérieuse et de l'indemnité fondée sur l'article 700 du code de procédure civile et rappelé qu'elle est de droit au surplus dans les conditions et limites prévues par l'article R.1254-28 du code du travail,
- condamné la société aux dépens
L'infirme pour le surplus,
Statuant à nouveau,
Dit n'y avoir lieu à statuer sur la demande de Mme [D] en résiliation judiciaire du contrat de travail ;
Condamne la société Guy Dauphin Environnement à payer à Mme [D] en application des dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile la somme de 1 500 euros ;
Rappelle que les sommes accordées à Mme [D] produiront intérêt au taux légal conformément aux dispositions de l'article 1231-6 du code civil ;
Ordonne le remboursement à Pôle Emploi par la société Guy Dauphin Environnement des indemnités de chômage versées à Mme [D], dans la limite de trois mois d'indemnités ;
Y ajoutant,
Déboute la société Guy Dauphin Environnement de sa demande d'indemnité au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;
Condamne la société Guy Dauphin Environnement aux dépens d'appel.
LE GREFFIER LE PRESIDENT
E. GOULARD C. CHAUX