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10/11/2022 | FRANCE | N°21/00412

France | France, Cour d'appel de Caen, 2ème chambre civile, 10 novembre 2022, 21/00412


AFFAIRE : N° RG 21/00412 -

N° Portalis DBVC-V-B7F-GV5J

 



ARRÊT N°



JB.





ORIGINE : DECISION du Tribunal de Commerce de CHERBOURG EN COTENTIN

en date du 18 Décembre 2020 - RG n° 2018002686





COUR D'APPEL DE CAEN

DEUXIEME CHAMBRE CIVILE ET COMMERCIALE

ARRÊT DU 10 NOVEMBRE 2022









APPELANTE :



S.C.I. LE PAGI

N° SIRET : 819 072 034

[Adresse 1]

[Localité 3]

prise en la personne de son représenta

nt légal



représentée et assistée de Me Anne RABAEY, avocat au barreau de CHERBOURG





INTIMEE :



S.A.R.L. MARIGOT

N° SIRET : 412 722 548

[Adresse 2]

[Localité 4]

prise en la personne de son représentan...

AFFAIRE : N° RG 21/00412 -

N° Portalis DBVC-V-B7F-GV5J

 

ARRÊT N°

JB.

ORIGINE : DECISION du Tribunal de Commerce de CHERBOURG EN COTENTIN

en date du 18 Décembre 2020 - RG n° 2018002686

COUR D'APPEL DE CAEN

DEUXIEME CHAMBRE CIVILE ET COMMERCIALE

ARRÊT DU 10 NOVEMBRE 2022

APPELANTE :

S.C.I. LE PAGI

N° SIRET : 819 072 034

[Adresse 1]

[Localité 3]

prise en la personne de son représentant légal

représentée et assistée de Me Anne RABAEY, avocat au barreau de CHERBOURG

INTIMEE :

S.A.R.L. MARIGOT

N° SIRET : 412 722 548

[Adresse 2]

[Localité 4]

prise en la personne de son représentant légal

représentée et assistée de Me Frédérique FAVRE, avocat au barreau de COUTANCES

DEBATS : A l'audience publique du 01 septembre 2022, sans opposition du ou des avocats, Mme COURTADE, Conseillère et M. GOUARIN, Conseiller, ont entendu les plaidoiries et en ont rendu compte à la cour dans son délibéré

GREFFIER : Mme LE GALL, greffier

COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ :

Mme EMILY, Président de Chambre,

Mme COURTADE, Conseillère,

M. GOUARIN, Conseiller,

ARRÊT prononcé publiquement le 10 novembre 2022 à 14h00 par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile et signé par Madame EMILY, président, et Mme LE GALL, greffier

* * *

EXPOSE DES FAITS, DE LA PROCEDURE ET DES PRETENTIONS

La société Marigot a pour activité la maîtrise d''uvre et la conduite de travaux.

Selon acte sous seing privé du 19 septembre 2017, la SCI Le Pagi a confié à la société Marigot la maîtrise d''uvre des travaux de rénovation complète d'une maison d'habitation située [Adresse 5], comprenant une mission plans actuel, une mission de conception, une mission chantier et une mission travaux, moyennant des honoraires d'un montant forfaitaire de 2.000 euros HT au titre de la préconception, de 6.360 euros TTC au titre de la conception, de 2.200 euros TTC au titre de la mise en 'uvre du chantier et correspondant, au titre du suivi de l'exécution des travaux, à 7,5% du coût total des travaux, lequel s'élevait à la somme de 70.669,50 euros suivant devis du 15 juin 2017. Les relevés et le report des plans actuels étaient prévus en septembre 2017, le chantier en novembre 2017.

Le 13 décembre 2017, la demande de permis de construire a été déposée. Le permis de construire a été délivré le 30 janvier 2018 après une modification à la demande du service d'urbanisme concernant le projet de parement en pierre non conforme au PLU.

La société Marigot a établi les factures suivantes :

- facture n°10031 du 29 septembre 2017 d'un montant de 1.000 euros HT à titre de provision sur l'honoraire de préconception,

- facture n°10033 du 3 novembre 2017 d'un montant de 5.160 euros,

- facture n°10045 du 30 avril 2018 au titre de la mission chantier d'un montant de 2.200 euros, rectifié à 2.400 euros TTC compte tenu du calcul erroné de la TVA,

- facture n°10047 du 31 mai 2018 au titre de la mission travaux d'un montant de 4.559,56 euros TTC, correspondant à 7,5 % des factures HT de la société Terra Nova et de M. [E].

Le 4 mai 2018, la société Marigot a résilié le contrat de maîtrise d''uvre.

Par ordonnance d'injonction de payer du 7 juin 2018, signifiée le 2 juillet suivant, le président du tribunal de commerce de Cherbourg a enjoint à la société Le Pagi de payer à la société Marigot les sommes de 7.159,56 euros en principal, 5,70 euros au titre des frais de lettre recommandée et 51,48 euros au titre des frais de requête, outre les dépens.

Le 23 juillet 2018, la société Le Pagi a formé opposition à cette ordonnance.

Par jugement du 18 décembre 2020, le tribunal de commerce de Cherbourg a :

- dit que la société Marigot était bien fondée à résilier le contrat de maîtrise d''uvre par courrier en date du 4 mai 2018,

- débouté la société Le Pagi de l'ensemble de ses demandes,

- condamné celle-ci à payer à la société Marigot la somme de 6.545,51 euros au titre des factures impayées, celle de 1.000 euros à titre de dommages-intérêts pour résistance abusive et celle de 2.000 euros à titre d'indemnité de procédure,

- condamné la société Le Pagi aux entiers dépens dont ceux de la procédure d'injonction de payer et d'opposition à injonction de payer liquidés à la somme de 114,93 euros TTC.

Selon déclaration du 12 février 2021, la société Le Pagi a interjeté appel de cette décision.

Par dernières conclusions du 29 août 2022, l'appelante, outre des demandes de « dire et juger » ne constituant pas des prétentions sur lesquelles il y a lieu de statuer, demande à la cour de réformer le jugement attaqué, statuant à nouveau, de débouter la société Marigot de toutes ses demandes, de dire que celle-ci devra lui verser la somme de 4.240 euros, de dire et juger que la rupture du contrat du 4 mai 2018 ne lui est pas imputable, de condamner en conséquence la société Marigot à lui payer la somme de 23.086,87 euros au titre des préjudices matériels, celle de 5.000 euros à titre de dommages-intérêts et celle de 5.000 euros à titre d'indemnité de procédure ainsi qu'aux entiers dépens en ce compris les frais de la procédure d'injonction de payer.

Par dernières conclusions du 28 juin 2022, la société Marigot demande à la cour de rejeter l'appel formé par la société Le Pagi, de confirmer le jugement attaqué en toutes ses dispositions et de condamner l'appelante au paiement de la somme de 5.000 euros à titre d'indemnité de procédure ainsi qu'aux entiers dépens.

La mise en état a été clôturée le 31 août 2022.

Pour plus ample exposé des prétentions et moyens, il est référé aux dernières écritures des parties.

MOTIVATION

1. Sur l'exécution du contrat de maîtrise d''uvre

Il résulte des dispositions des articles 1103, 1104 et 1779 du code civil que le maître d''uvre est tenu d'une obligation de moyens dans l'exécution de la mission qui lui est confiée ainsi que d'un devoir de conseil et de se renseigner sur l'ensemble des aspects du projet pendant la durée de sa mission.

La société Le Pagi fait grief au tribunal d'avoir fait droit aux demandes en paiement de la société Marigot et d'avoir rejeté ses demandes indemnitaires reconventionnelles aux motifs que cette dernière rapportait la preuve de l'exécution de ses obligations résultant du contrat de maîtrise d''uvre liant les parties, que le retard pris dans la réalisation des travaux était dû à la dégradation des relations entre celles-ci et à la modification par le maître d'ouvrage de ses choix concernant le bardage, la toiture et l'isolation, que la société Le Pagi avait pris l'initiative de faire réaliser des modifications sur les façades du projet ne figurant pas sur permis de construire, qu'elle ne procédait pas au règlement des factures émises par la société Marigot au fur et à mesure de l'exécution de ses prestations, dénigrait le travail du maître d''uvre auprès des entreprises devant intervenir sur le chantier, que la société Le Pagi ne démontrait pas les erreurs de cote invoquées, que les démarches en vue de l'obtention de subventions n'étaient pas comprises dans le contrat litigieux, que la créance de la société Marigot était certaine, liquide, exigible et incontestable et que le maître d'ouvrage n'établissait pas la réalité des préjudices dont elle sollicitait la réparation, alors que la société Marigot a manqué à ses obligations contractuelles ainsi qu'à son devoir de conseil en sa qualité de maître d''uvre

1.1 Sur la mission plans actuel

Selon le contrat en cause, il était confié à la société Marigot le relevé de l'habitation existante, le report de l'existant et des plans.

La société Le Pagi expose que la préconception était déjà avancée lorsqu'elle a sollicité la société Marigot, que des plans en trois dimensions avaient été transmis à cette dernière, laquelle ne justifie pas de ses plans de relevés. Elle expose que les relevés ont été effectués tardivement, que des erreurs de cotes ont été commises concernant la charpente, les trémies ainsi que la porte d'entrée et que cela a retardé l'intervention de la société Terra Nova, choisie par le maître d'ouvrage depuis plusieurs mois sans que cela constitue une immixtion fautive de sa part, et entraîné des travaux supplémentaires. L'appelante fait valoir que les plans de relevés et les plans du permis de construire ne sont pas les mêmes et que la société Marigot ne justifie d'aucun plan, d'aucun conseil donné, d'aucun planning cohérent.

La société Marigot réplique qu'elle a effectué des recherches d'une entreprise la mieux qualifiée pour exécuter le lot charpente bois, isolation thermique et ossature bois mais que la société Le Pagi a finalement choisi la société de sa connaissance Terra Nova, les autres lots étant attribués aux sociétés conseillées par le maître d''uvre Elle affirme que la société Le Pagi a refusé de suivre ses conseils sur la modification du système d'isolation pour bénéficier de subventions, sur la mise en place d'un plan de retrait de l'amiante présente sur la toiture et qu'elle a apporté des modifications aux façades par rapport au permis de construire.

Elle indique ne pas avoir reçu les plans en trois dimensions invoqués par l'appelante et affirme avoir procédé au relevé ainsi qu'au report des plans initiaux comme convenu au contrat de maîtrise d''uvre L'intimée fait valoir que la demande de permis de construire était accompagnée des plans nécessaires au regard des articles R. 431-4 et suivants du code de l'urbanisme et en l'absence desquels cette demande aurait été rejetée.

L'intimée fait valoir que le maître d'ouvrage s'est dès le début immiscé dans la gestion du chantier.

Il ne saurait être reproché à la société Le Pagi de ne pas faire la preuve du fait négatif consistant en l'absence d'établissement des relevés de l'habitation existante en septembre 2017.

La société Marigot ne produit pas de relevé de l'habitation existante ni de report de l'existant sur des plans, les documents versés aux débats à cet égard n'étant que des plans et croquis relatifs au projet de réaménagement des lieux ainsi qu'un récapitulatif des surfaces dont il n'est pas précisé s'il concerne l'habitation existante ou celle rénovée.

Le maître d'ouvrage n'affirme pas que la mission plans actuel n'a pas été exécutée mais soutient qu'elle l'a été tardivement et avec des erreurs ayant entraîné des surcoûts.

La preuve de la réalisation de la mission plans actuel en septembre 2017 comme prévu au contrat de maîtrise d''uvre ne saurait résulter de la délivrance le 30 janvier 2018 du permis de construire sollicité le 13 décembre 2017.

En effet, si en vertu des articles R. 431-1 et suivants du code de l'urbanisme la demande de permis de construire doit notamment être accompagnée d'un projet architectural devant comprendre un plan de masse des constructions à édifier ou à modifier ainsi qu'un plan de façades et des toitures faisant apparaître l'état initial et l'état futur lorsque celles-ci doivent être modifiées comme c'est le cas en l'espèce, ces documents ne constituent pas un relevé de l'habitation existante et un report de l'existant par l'établissement de plans objet de la mission plans actuel, laquelle devait être exécutée en septembre 2017 alors que la demande de permis de construire n'a été déposée que le 13 décembre 2017.

A cet égard, le maître d''uvre ne saurait exciper de l'immixtion fautive du maître d'ouvrage, aucune des pièces produites ne permettant d'établir que celui-ci aurait fait obstacle à l'établissement des plans de l'habitation à rénover dans le délai prévu au contrat.

Contrairement à ce que soutient l'appelante, il ne ressort pas de l'attestation établie le 9 juillet 2018 par la société Terra Nova que les relevés de l'existant transmis par la société Marigot étaient inexacts mais seulement que les plans transmis n'étaient pas conformes aux attentes de la société Le Pagi qui a transmis de nouveaux relevés et plans en juin 2018.

Il y a donc lieu de retenir une exécution tardive et sans concertation suffisante avec le maître d'ouvrage par la société Marigot de sa mission plans actuel, si bien que sur la somme de 2.000 euros HT facturée à ce titre, seule la somme de 1.000 euros HT est due.

1.2 Sur la mission de conception

Concernant la conception, selon le contrat liant les parties, il était confié à la société Marigot l'étude d'aménagement du projet en accord avec le maître d'ouvrage, la recherche des techniques et matériaux utilisés, le dépôt du permis de construire pour moins de 170 m2, les formalités EDF GDF ainsi que les formalités AEP.

La société Le Pagi reproche à la société Marigot d'avoir déposé tardivement la demande de permis de construire et d'avoir déposé un dossier incomplet, ce qui a retardé les travaux, de sorte que la somme de 1.500 euros facturée par la société Marigot n'est pas due.

Soulignant que la maison à rénover était déjà alimentée par des fluides, l'appelante indique que les formalités GDF et EDF n'ont pas été effectuées par le maître d''uvre, indiquant que le compteur a été déplacé par la société Enedis postérieurement à la résiliation du contrat en cause par la société Marigot, si bien que la somme de 200 euros facturée par cette dernière n'est pas due.

La société Le Pagi soutient que la somme de 100 euros facturée par la société Marigot au titre de la demande d'autorisation d'installation d'un récupérateur d'eau n'est pas fondée, dès lors que cette démarche n'a pas été réalisée au motif qu'une telle installation n'était pas possible en raison de la présence d'amiante sur le toit de la maison mitoyenne, le maître d''uvre ne l'ayant pas avertie de cette impossibilité ni fourni aucun conseil sur ce point, ce qui aurait permis de ne pas modifier la charpente existante.

L'appelante fait valoir que le matériau choisi comme parement de façade et mentionné dans la demande de permis de construire, n'a pu être utilisé car exclu par le PLU.

L'appelante reproche à la société Marigot un mauvais montage du dossier destiné à obtenir des subventions publiques.

La société Marigot réplique que les documents de travail produits démontrent le travail de conception fourni notamment sur les modifications substantielles à réaliser que sur les matériaux à réaliser, que le permis de construire a été effectivement déposé en décembre 2017 et obtenu le 30 janvier 2018 après avoir été complété, ce qui est courant en la matière, et que cette demande de permis de construire était accompagnée des plans nécessaires au regard des articles R. 431-4 et suivants du code de l'urbanisme et en l'absence desquels cette demande aurait été rejetée.

Elle affirme que les erreurs de cote alléguées par l'appelante ne sont pas utilement et contradictoirement démontrées par la simple attestation établie par la société Terra Nova.

L'intimée indique avoir effectué les formalités EDF, GDF et d'adduction d'eau.

La société Marigot fait valoir que la société ID Energie avait proposé l'installation d'un récupérateur d'eau de pluie comprenant un circuit indépendant visant à alimenter les appareils non destinés à la consommation.

Il ne saurait être reproché à la société Le Pagi de ne pas rapporter la preuve de faits négatifs.

Concernant les formalités EDF-GDF et AEP, la société Le Pagi établit que la maison à rénover était déjà alimentée en gaz, électricité et eau avant l'intervention du maître d''uvre, avoir elle-même sollicité la société Enedis pour voir déplacer le compteur électrique postérieurement à la résiliation du contrat de maîtrise d''uvre, alors que la société Marigot se borne à affirmer avoir effectué ces formalités sans produire de pièces propres à l'établir, si bien que la somme de 200 euros HT facturée à ce titre n'est pas due.

S'agissant de l'installation d'un récupérateur d'eau de pluie, la somme de 100 euros HT facturée à ce titre n'est pas due, dès lors que cette installation n'était pas possible et n'a pas été réalisée en raison de la présence d'amiante sur la toiture de la maison mitoyenne à celle à rénover.

Le fait pour la société Marigot de préconiser l'installation d'un récupérateur d'eau pluviale et, dans la demande initiale de permis de construire, de proposer un matériau de façade non conforme au PLU applicable constitue un manquement à son devoir de conseil par la société Marigot en sa qualité de maître d''uvre, professionnel de la construction, faute pour celle-ci de s'être renseignée sur les exigences du PLU et la présence d'amiante sur la toiture de la maison mitoyenne à celle à rénover et d'avoir utilement conseillé le maître d'ouvrage sur ces points.

Il ressort des échanges de courriels produits que le retard pris dans le dépôt de permis de construire, lequel aurait dû être déposé avant le mois de novembre 2017, date de début du chantier, dans la conception et, partant, dans la réalisation des travaux est dû à la divergence de vues entre le maître d'ouvrage et le maître d''uvre notamment sur les travaux de charpente et la méthode d'isolation, qui ne constitue pas une immixtion fautive de la société Le Pagi, société civile immobilière dont il n'est pas soutenu qu'elle est notoirement compétente en matière de construction, mais ne saurait davantage être imputé à faute à la société Marigot, laquelle a fait preuve d'une diligence normale.

En revanche, le retard pris dans la délivrance du permis de construire est imputable à la société Marigot, dès lors qu'il résulte de la lettre adressée par le service de l'urbanisme le 5 janvier 2018 qu'il était incomplet et comportait un parement en pierre ne respectant pas le PLU. Le permis de construire a finalement été délivré le 30 janvier 2018, le retard pris étant ainsi de 25 jours.

Comme l'a justement retenu le tribunal, l'assistance du maître d'ouvrage par le maître d''uvre dans la constitution d'un dossier en vue de l'obtention de subventions publiques n'était pas comprise dans la mission de la société Marigot définie par le contrat liant les parties, de sorte que sa responsabilité ne saurait être engagée à ce titre, cette mission n'étant pas entré dans le champ contractuel.

Ainsi, la société Marigot ne saurait percevoir une somme supérieure à celle de 750 euros HT au titre du dépôt du permis de construire au lieu de 1.500 euros HT facturée.

1.3 Sur la mission chantier

S'agissant de la mission chantier, le contrat en cause confiait à la société Marigot un dossier d'appel d'offre restreint, la consultation et le choix des entreprises en accord avec le maître d'ouvrage, la signature des marchés et l'établissement d'un calendrier des travaux.

La société Le Pagi expose que, dès l'origine, elle avait choisi de recourir à la société Terra Nova en raison du caractère novateur de son procédé de charpente mais que la société Marigot lui a imposé d'autres entreprises avec lesquelles celle-ci travaille habituellement sans lui fournir aucun conseil sur le choix de celles-ci, que le maître d''uvre n'a fourni aucune prestation de recherche des techniques et matériaux utilisés, que le récapitulatif et le planning des travaux était constitué d'un simple tableau Excel établi sans concertation avec les entreprises, non communiqué à ces dernières et non accompagné d'une demande de coupure de la circulation lors de l'intervention nécessaire d'une grue.

L'intimée fait valoir à juste titre qu'il ressort des échanges de courriels entre les parties qu'elle a bien procédé à la consultation et au choix des trois entreprises finalement retenues et ce, en accord avec le maître d'ouvrage comme prévu au contrat. En outre, elle justifie qu'une autre entreprise avait été consultée pour le lot couverture.

Elle justifie avoir consulté la société Le Pagi sur le récapitulatif des travaux et le planning et lui avoir adressé ces documents le 16 mars 2018, sans que cette dernière démontre que ce planning n'a pas été adressé aux entreprises retenues.

S'agissant de l'autorisation de stationner de la grue, l'intimée relève exactement que cette démarche ne relevait plus de sa responsabilité à la suite de la résiliation le 4 mai 2018 du contrat de maîtrise d''uvre

Les demandes formées de ce chef par la société Le Pagi seront donc rejetées et la somme de 2.000 euros HT facturée par la société Marigot considérée comme due.

1.4 Sur la mission travaux

Concernant le suivi du chantier, le contrat litigieux confiait à la société Marigot le suivi des travaux avec les rendez-vous et rapports de chantier, la vérification des situations de travaux des différentes entreprises et la réception des travaux, étant précisé que la mission travaux était « indissociable de la mission chantier ».

A cet égard, la société Marigot soutient que la société Terra Nova a établi sa facture le 23 février 2018 et la société [E] le 5 avril 2018 et que « le fait générateur de la facturation » est intervenu avant la résolution du contrat de maîtrise d''uvre

Cependant, la société Le Pagi soutient à juste titre que, la société Marigot ayant résilié le 4 mai 2018 le contrat de maîtrise d''uvre les liant, celle-ci ne saurait obtenir le paiement de prestations de suivi des travaux, qui se sont déroulés après cette résiliation à partir du 10 mai 2018 et ce, nonobstant l'établissement avant la réalisation des travaux de factures par les entreprises étant intervenu, dès lors que que le fait générateur de la rémunération du maître d'ouvrage est l'exécution effective de sa mission lors de la réalisation des travaux et non leur facturation.

Il s'ensuit que la somme de 4.145,05 euros HT facturée à ce titre par la société Marigot n'est pas due.

1.4 Sur le montant des sommes dues à la société Marigot au titre du contrat de maîtrise d''uvre

Au regard des précédents motifs, il est dû à la société Marigot la somme de 5.250 euros HT.

Il est constant que la société Le Pagi a versé à la société Marigot la somme de 6.160 euros.

La société Marigot sera donc déboutée de ses demandes en paiement et condamnée à verser à la société Le Pagi la somme de 910 euros et le jugement entrepris infirmé en ce sens.

2. Sur la résiliation du contrat de maîtrise d''uvre

Au visa des articles 1217 et 1224 du code civil, la société Marigot expose avoir résilié de manière justifiée le contrat de maîtrise d''uvre le 4 mai 2018 en raison de l'immixtion fautive du maître d'ouvrage dans le suivi du chantier et de son refus de payer ses dernières factures ainsi que de poursuivre leurs relations, de sorte qu'il ne saurait être tenu responsable des retards et malfaçons relatifs aux travaux réalisés postérieurement à cette date.

La société Le Pagi fait valoir que la résiliation du contrat de maîtrise d''uvre ne lui est pas imputable.

Il ressort des échanges de courriels entre les parties versés aux débats qu'une divergence de vues sur la suite à donner au chantier est apparue entre les sociétés Marigot et Le Pagi rendant d'un commun accord impossible la poursuite de leurs relations contractuelles.

Le jugement entrepris sera donc confirmé en ce qu'il a dit que la société Marigot était bien fondée à résilier le contrat de maîtrise d''uvre

3. Sur les demandes reconventionnelles

Comme le soutient justement l'intimée, la société Le Pagi ne justifie pas avoir, inutilement et sur le conseil erroné de la société Marigot, fait procéder à la modification de la toiture de la maison en cause en vue de l'installation d'un récupérateur d'eau pluviale qui s'est avérée impossible, ce qui aurait causé un surcoût d'un montant de 3.214,14 euros.

En effet, la facture de la société Terra Nova et l'attestation établie par cette dernière ne sont pas de nature à établir un lien de causalité entre ce manquement à son devoir de conseil par le maître d''uvre et ces travaux, le remplacement de la charpente existante étant prévu afin notamment de procéder à son isolation et pas seulement pour y installer un récupérateur d'eau pluviale.

Les demandes formées par la société Le Pagi au titre des travaux supplémentaires relatifs à l'éclairage, au carrelage et aux éléments de cuisine doivent être rejetées, dès lors que, au regard des motifs qui précèdent, l'inexactitude des plans réalisés par la société Marigot n'est pas établie.

La demande formée par l'appelante concernant l'éventuel trop-perçu de l'entreprise [E] sera également rejetée, le litige opposant ces sociétés ayant pour objet la mauvaise exécution des travaux par la société [E] postérieurement à la résiliation du contrat de maîtrise d''uvre

La société Le Pagi, maître d'ouvrage, constitue une personne morale distincte de la personne de ses associés, M. [Y] et Mme [X], de sorte que l'appelante ne justifie pas d'un préjudice direct et personnel consistant dans l'éventuel loyer supplémentaire payée par ces derniers.

La résiliation du contrat de maîtrise d''uvre par la société Marigot n'étant pas fautive, la demande de dommages-intérêts formée par la société Le Pagi au titre du préjudice moral et matériel généré par la multiplication des démarches postérieurement à celle-ci n'est pas fondée.

Le rejet des demandes indemnitaires formées à titre reconventionnel par la société Le Pagi sera donc confirmé.

4. Sur la demande de dommages-intérêts pour résistance abusive

Au regard des motifs qui précèdent, le refus de la société Le Pagi de régler les dernières factures adressées par la société Marigot constituait une exception d'inexécution justifiée compte tenu des manquements graves de celle-ci à ses obligations contractuelles et à son devoir de conseil.

La demande de dommages-intérêts pour résistance abusive formée par le maître d''uvre sera donc rejetée et le jugement entrepris infirmé en ce sens.

5. Sur les demandes accessoires

Les dispositions du jugement entrepris relatives aux frais irrépétibles et aux dépens de première instance seront infirmées.

La société Marigot, qui succombe en ses principales prétentions, sera condamnée aux dépens de première instance et d'appel comprenant ceux afférents à la procédure d'injonction de payer, déboutée de sa demande d'indemnité de procédure et condamnée à payer à la société Le Pagi la somme de 2.000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS

La cour, statuant publiquement, par arrêt contradictoire mis à disposition au greffe,

Infirme le jugement entrepris sauf en ce qu'il a dit que la société Marigot était bien fondée à résilier le contrat de maîtrise d''uvre,

Statuant à nouveau du chef des dispositions infirmées et y ajoutant,

Condamne la société Marigot à payer à la société Le Pagi la somme de 910 euros,

Rejette les demandes de dommages-intérêts formées à titre reconventionnel par la société le Pagi,

Déboute la société Le Pagi du surplus de ses demandes,

Déboute la société Marigot de l'ensemble de ses demandes,

Condamne la société Marigot aux dépens de première instance et d'appel comprenant ceux afférents à la procédure d'injonction de payer,

Déboute la société Marigot de sa demande d'indemnité de procédure,

Condamne la société Marigot à payer à la société Le Pagi la somme de 2.000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

LE GREFFIER LE PRÉSIDENT

N. LE GALL F. EMILY


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Caen
Formation : 2ème chambre civile
Numéro d'arrêt : 21/00412
Date de la décision : 10/11/2022

Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2022-11-10;21.00412 ?
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