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10/11/2022 | FRANCE | N°21/00120

France | France, Cour d'appel de Caen, 2ème chambre civile, 10 novembre 2022, 21/00120


AFFAIRE : N° RG 21/00120 -

N° Portalis DBVC-V-B7F-GVID

 



ARRÊT N°



JB.





ORIGINE : DECISION du Tribunal de Commerce de CAEN en date du 23 Septembre 2020

RG n° 2018010000





COUR D'APPEL DE CAEN

DEUXIEME CHAMBRE CIVILE ET COMMERCIALE

ARRÊT DU 10 NOVEMBRE 2022









APPELANTE :



S.A.R.L. [U] & FILS

N° SIRET : 800 366 577

'[Adresse 8]',

[Adresse 8]

[Localité 4]

prise en la personne de son rep

résentant légal



représentée et assistée de Me Renan DROUET, avocat au barreau de CAEN





INTIME :



Monsieur [P] [U]

né le [Date naissance 6] 1984 à [Localité 10]

[Adresse 3]

[Localité 5]



représenté par M...

AFFAIRE : N° RG 21/00120 -

N° Portalis DBVC-V-B7F-GVID

 

ARRÊT N°

JB.

ORIGINE : DECISION du Tribunal de Commerce de CAEN en date du 23 Septembre 2020

RG n° 2018010000

COUR D'APPEL DE CAEN

DEUXIEME CHAMBRE CIVILE ET COMMERCIALE

ARRÊT DU 10 NOVEMBRE 2022

APPELANTE :

S.A.R.L. [U] & FILS

N° SIRET : 800 366 577

'[Adresse 8]',

[Adresse 8]

[Localité 4]

prise en la personne de son représentant légal

représentée et assistée de Me Renan DROUET, avocat au barreau de CAEN

INTIME :

Monsieur [P] [U]

né le [Date naissance 6] 1984 à [Localité 10]

[Adresse 3]

[Localité 5]

représenté par Me Marina WAHAB, avocat au barreau de CAEN

assisté de Me Maxime GOUYER, avocat au barreau de SAINT-MALO, substitué par Me MINET, avocat au barreau de CAEN,

DEBATS : A l'audience publique du 01 septembre 2022, sans opposition du ou des avocats, Mme COURTADE, Conseillère et M. GOUARIN, Conseiller, ont entendu les plaidoiries et en ont rendu compte à la cour dans son délibéré

GREFFIER : Mme LE GALL, greffier

COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ :

Mme EMILY, Président de Chambre,

Mme COURTADE, Conseillère,

M. GOUARIN, Conseiller,

ARRÊT prononcé publiquement le 10 novembre 2022 à 14h00 par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile et signé par Madame EMILY, président, et Mme LE GALL, greffier

* * *

La S.A.R.L. [U] & Fils, société au capital social de 50.000 euros, ayant comme domaine d'activité l'hôtellerie et la restauration, a été constituée par trois associés suivants statuts en date du 10 février 2014, comme il suit :

- M. [P] [U], co-gérant ayant réalisé un apport de 24.500 euros (49%),

- M. [R] [U], co-gérant ayant réalisé un apport de 12.750 euros (25,5%),

- Mme [Y] [U], ayant réalisé un apport de 12.750 euros (25,5%).

Par acte notarié en date du 10 septembre 2018, M. [P] [U] a cédé à son frère M. [H] [U] l'intégralité de ses parts sociales pour la somme d'un euro symbolique et quitté en même temps ses fonctions de co-gérant de la S.A.R.L. [U] & Fils.

L'acte de cession prévoyait que le cédant M. [P] [U] conservait le bénéfice de la totalité des droits sur son compte courant d'associé de la S.A.R.L. [U] & Fils (d'un montant initial de 22 000€), ceux-ci étant exclus de la cession, et que les parties feraient leur affaire personnelle du remboursement du compte courant d'associé du cédant.

Par lettre en date du 29 octobre 2018, M. [P] [U] a mis en demeure la S.A.R.L. [U] & Fils de lui régler la somme de 23.333,52 euros figurant sur son compte courant d'associé, cette mise en demeure étant restée sans réponse.

Suivant acte introductif d'instance en date du 18 décembre 2018, M. [P] [U] a fait assigner la S.A.R.L. [U] & Fils devant le président du tribunal du commerce de Caen statuant en référé aux fins d'obtenir la condamnation de la S.A.R.L. [U] & Fils au paiement de la somme de 23.333,52 euros à titre provisionnel au titre des rémunérations de gérant dues pour la période de février 2014 à septembre 2018.

Par ordonnance en date du 20 mars 2019, le juge des référés a dit n'y avoir lieu à référé et renvoyé l'affaire devant le tribunal de commerce de Caen.

Par jugement du 23 septembre 2020, le tribunal de commerce de Caen a :

- condamné la S.A.R.L. [U] & Fils à payer à Monsieur [P] [U] la somme de 13.424,26 euros ;

- condamné la S.A.R.L. [U] & Fils à payer l'intégralité des charges sociales des salaires versés à M. [P] [U] pendant la durée allant de la création de la société au 10 septembre 2018 ;

-débouté M. [P] [U] de sa demande concernant le remboursement de ses avantages en nature déduits de son compte courant ;

- débouté M. [P] [U] de sa demande de communication des documents ;

- débouté M. [P] [U] de sa demande concernant le préjudice moral ;

- condamné la S.A.R.L. [U] & Fils à payer à Monsieur [P] [U] la somme de 1.500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

- condamné la S.A.R.L. [U] & Fils aux entiers dépens, y compris les frais de greffe s'élevant à la somme de 65,93 euros, dont TVA 10,99 euros.

Par déclaration en date du 14 janvier 2021, la S.A.R.L. [U] & Fils a relevé appel de ce jugement.

Par dernières conclusions déposées le 31 mai 2022, la S.A.R.L. [U] & Fils demande à la cour de :

- Réformer partiellement le jugement entrepris, dans les limites de la déclaration d'appel, à savoir en ce qu'il a :

- condamné la S.A.R.L. [U] & Fils à payer à Monsieur [P] [U] la somme de 13.424,26 euros ;

- condamné la S.A.R.L. [U] & Fils à payer à Monsieur [P] [U] la somme de 1.500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

- condamné la S.A.R.L. [U] & Fils aux entiers dépens, y compris les frais de greffe s'élevant à la somme de 65,93 euros, dont TVA 10,99 euros ;

- Statuant à nouveau sur ces points :

- Débouter M. [P] [U] de ses demandes non fondées ;

- Condamner M. [P] [U] à payer à la société [U] & Fils le solde débiteur de son compte-courant d'associé, soit 5.784,74 euros ;

- Condamner M. [P] [U] à verser à la S.A.R.L. [U] & Fils une indemnité de 3.500 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile, outre aux entiers dépens de l'instance.

Par conclusions déposées le 24 juin 2021, M. [P] [U] demande à la cour de :

- Réformant partiellement le jugement entrepris,

A titre principal,

- Condamner la S.A.R.L. [U] et Fils à lui payer la somme de 19.209 euros au titre des sommes figurant en comptabilité sur son compte courant d'associé au 31 janvier 2018, et Condamner la S.A.R.L. [U] et Fils à lui payer en outre les sommes correspondant aux déductions pour avantages en nature, repas, logement et nettoyage opérées irrégulièrement sur le compte courant d'associé de Monsieur [P] [U] ;

A titre subsidiaire,

- Confirmant le jugement rendu par le tribunal de commerce Caen, condamner la S.A.R.L. [U] et Fils à lui payer la somme de 13.424,26 euros au titre des sommes figurant en comptabilité sur son compte courant d'associé;

En tout état de cause,

- Condamner la S.A.R.L. [U] et Fils à payer à Monsieur [P] [U] la somme de 5.000 euros au titre du préjudice moral de Monsieur [P] [U] ;

- Condamner la S.A.R.L. [U] et Fils à lui payer la somme de 3.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile pour l'instance devant le tribunal de commerce et 3.000 euros pour la procédure d'appel ;

- Condamner la S.A.R.L. [U] et Fils aux entiers dépens, en ce compris les dépens afférents à la procédure de référé provision.

L'ordonnance de clôture est intervenue le 29 juin 2022.

Il est expressément renvoyé aux écritures précitées pour un plus ample exposé des prétentions et moyens des parties.

MOTIFS

M. [P] [U] sollicite le remboursement de la somme de 19.209€ au titre de de la somme figurant en comptabilité sur son compte courant d'associé au 31 janvier 2018.

Il fait valoir que pendant la période de février 2014 à septembre 2018, il n'a pas intégralement perçu sa rémunération de gérant et que les salaires non versés ont été placés sur son compte courant d'associé; que le solde débiteur de 5784,74€ invoqué par l'appelante résulte d'une manipulation a posteriori de la comptabilité par des écritures ajoutées qui n'ont aucune valeur probante; qu'en application de l'article 223-21 du code de commerce il est interdit en S.A.R.L. de consentir un compte courant d'associé débiteur, tout solde débiteur de compte courant d'associé serait par conséquent nul et donc sans aucune portée juridique.

La SARL [U] & Fils s'oppose à la demande, soutenant qu'une somme de 20 000€, représentant une partie de l'apport en capital social de l'intimé, a été inscrite par erreur sur son compte courant d'associé le 14 février 2014; qu'après rectification de cette erreur par l'expert-comptable, le compte courant d'associé de M. [U] présentait lors du dernier exercice clos au 31 janvier 2019 un solde débiteur de 5784,74€, somme dont elle réclame le remboursement ; que les comptes ainsi rectifiés ont été approuvés en assemblée générale et publiés.

A titre liminaire, la cour observe que M. [U] se réfère à certaines pièces comptables de la partie adverse qui n'ont pas été communiquées devant la cour, ni par lui ni par la SARL [U] & Fils (ex : 'pièce adverse n°15 : extrait du grand livre général; compte courant de M. [U] du 21/02/2014 au 31/01/3015" ; 'pièces adverses n° 5, 6 et 7 : bilans passif détaillé relatifs aux exercices clos les 31 janvier 2016, 31 janvier 2017 et 31 janvier 2018").

Par ailleurs, la SARL [U] & Fils qui se prévaut d'une erreur d'écriture comptable s'abstient de produire les documents permettant de retracer l'historique des mouvements intervenus sur le compte courant d'associé depuis son ouverture en 2014.

L'extrait du grand livre général qu'elle communique relatif au compte courant de l'intimé du 1er février 2018 au 31 janvier 2019 (pièce n° 8) est inexploitable puisque toutes les écritures qui y sont mentionnées sont datées du 01/02/18, tant le versement incriminé de 20 000€ qui aurait été crédité à tort en 2014, que la 'correction erreur 2014" à laquelle il a été procédé débitant le compte courant associé de 19 500€.

Au regard de ces éléments, notamment du caractère incomplet des éléments comptables produits, de la contestation émise quant à l'authenticité de la rectification d'écriture et de la technicité du litige, la cour estime qu'elle n'est pas en mesure de statuer sans l'avis d'un spécialiste.

Il convient donc d'ordonner avant dire droit une expertise dans les conditions exposées au dispositif de la décision.

PAR CES MOTIFS

La cour, statuant publiquement, par arrêt contradictoire, mis à disposition au greffe,

Avant dire droit,

ORDONNE une expertise,

DESIGNE pour y procéder M. [M] [I], expert près la cour d'appel de Caen, demeurant [Adresse 7]. [XXXXXXXX01] Fax [XXXXXXXX02] Mél. [Courriel 9], lequel aura pour mission de :

- convoquer les parties en cause ainsi que leurs avocats par lettre recommandée avec accusé de réception,

- se faire remettre sans délai par les parties ou tout tiers détenteur les documents qu'il estimera utiles à l'accomplissement de sa mission,

- recueillir les déclarations des parties et éventuellement celles de toute personne informée,

afin de :

après avoir rappelé les règles et principes généraux régissant le fonctionnement du compte courant d'associé dans une SARL,

- retracer l'historique des flux intervenus sur le compte courant d'associé dont est titulaire de M. [P] [U] au sein de la SARL [U] & Fils depuis 2014 et les analyser;

- déterminer notamment l'origine et la nature des fonds alimentant ce compte, en particulier de la somme de 20 000€ portée au crédit du compte en 2014 ; dire si ce versement est effectif et justifié; dire s'il provient de l'apport en capital social effectué par M. [P] [U] ;

- donner son avis sur la régularité et la justification de l'écriture comptable intitulée ' correction erreur 2014" débitant le compte courant d'associé de M. [P] [U] à hauteur de 19500€ ; dire à quelle date est intervenue cette rectification comptable ;

- déterminer, notamment au vu des procès-verbaux d'assemblée générale, le montant de la rémunération de gérant fixée pour M. [P] [U] ; dire si des déductions au titre des avantages en nature (repas, logement, nettoyage) ont été prévues et si celles opérées sur le compte courant d'associé litigieux sont justifiées par des pièces comptables ;

- préciser, exercice par exercice, le montant des rémunérations de gérance effectivement réglées à M. [P] [U] et celles placées sur son compte courant d'associé ;

- fournir tous les éléments techniques et de fait de nature à permettre de déterminer le solde du compte courant d'associé de M. [P] [U] ;

- faire toutes observations utiles au règlement du litige ;

- constater l'éventuelle conciliation des parties sans manquer en ce cas de nous en informer ;

DIT que l'expert devra faire connaître sans délai son acceptation au juge chargé du contrôle de l'expertise, et devra commencer ses opérations dès qu'il aura été avisé du versement de la consignation à valoir sur la rémunération,

DIT qu'en cas d'empêchement ou de refus de l'expert, il sera procédé à son remplacement par ordonnance du magistrat chargé du contrôle de l'expertise, rendue d'office ou sur simple requête,

DIT que l'expert devra accomplir sa mission conformément aux articles 232 et suivants du Code de procédure Civile, notamment en ce qui concerne le caractère contradictoire des opérations,

DIT que l'expert devra tenir le juge chargé du contrôle de l'expertise informé du déroulement de ses opérations et des difficultés rencontrées dans l'accomplissement de sa mission,

DIT que l'expert est autorisé à s'adjoindre tout spécialiste de son choix sous réserve d'en informer le juge chargé du contrôle de l'expertise et les parties,

DIT qu'avant de déposer son rapport, l'expert fera connaître aux parties ses premières conclusions et leur impartira un délai d'UN MOIS pour formuler dires et observations qu'il annexera avec ses réponses à son rapport définitif ;

RAPPELLE les dispositions du second alinéa de l'article 276 du Code de Procédure Civile modifiées par l'article 38 du décret n° 2005-1678 du 28.12.2005 aux termes desquelles :

' 'Toutefois, lorsque l'expert a fixé aux parties un délai pour formuler leurs observations ou réclamations, il n'est pas tenu de prendre en compte celles qui auraient été faites après l'expiration de ce délai, à moins qu'il n'existe une cause grave et dûment justifiée, auquel cas il en fait rapport au juge',

' 'Lorsqu'elles sont écrites, les dernières observations ou réclamations des parties doivent rappeler sommairement le contenu de celles qu'elles ont présentées antérieurement. A défaut, elles sont réputées abandonnées par les parties',

' 'L'expert doit faire mention, dans son avis, de la suite qu'il aura donnée aux observations ou réclamations présentées' ;

DIT que l'expert devra déposer son rapport définitif et sa demande de rémunération au greffe de la cour dans le délai de 8 mois à compter de l'avis de consignation (sauf prorogation dûment autorisée), et communiquer ces deux documents aux parties ;

RAPPELLE qu'en application des dispositions de l'article 282 alinéa 5 du code de procédure civile, l'expert devra lors du dépôt de son rapport, accompagner celui-ci de sa demande de rémunération et adresser un exemplaire de celle-ci aux parties par tout moyen permettant d'en établir la réception,

DIT que les frais d'expertise seront avancés par M. [P] [U] qui devra consigner la somme de 4000€ euros à valoir sur la rémunération de l'expert, auprès du Régisseur d'Avances et de Recettes de la cour, avant le 20 décembre 2022 étant précisé que :

- la charge définitive de la rémunération de l'expert incombera, sauf transaction, à la partie qui sera condamnée aux dépens,

- à défaut de consignation dans le délai imparti, la désignation de l'expert sera caduque, (sauf décision contraire du Juge en cas de motif légitime), l'affaire pourra être rappelée à l'audience et l'instance poursuivie sans que l'expertise ait été réalisée, et il sera tiré toutes conséquences de l'abstention ou du refus de consigner,

- chaque partie est autorisée à procéder à la consignation de la somme mise à la charge de l'autre en cas de carence ou de refus,

DIT que l'expert portera à la connaissance des parties le montant prévisible de ses honoraires à l'issue de la 1ère réunion d'expertise ;

COMMET le président de la première chambre civile de la cour chargé du contrôle des opérations d'expertise pour surveiller les opérations d'expertise ;

RESERVE les dépens et l'application de l'article 700 du code de procédure civile.

RENVOIE l'affaire à l'audience de mise en état du 27 septembre 2023 à 9h.

LE GREFFIER LE PRÉSIDENT

N. LE GALL F. EMILY


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Caen
Formation : 2ème chambre civile
Numéro d'arrêt : 21/00120
Date de la décision : 10/11/2022

Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2022-11-10;21.00120 ?
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