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27/10/2022 | FRANCE | N°20/02799

France | France, Cour d'appel de Caen, 2ème chambre civile, 27 octobre 2022, 20/02799


AFFAIRE : N° RG 20/02799 -

N° Portalis DBVC-V-B7E-GUVJ

 



ARRÊT N°



JB.





ORIGINE : DECISION du Tribunal de Commerce de CHERBOURG en date du 09 Octobre 2020

RG n° 2019000056





COUR D'APPEL DE CAEN

DEUXIEME CHAMBRE CIVILE ET COMMERCIALE

ARRÊT DU 27 OCTOBRE 2022









APPELANT :



Monsieur [U] [H]

né le [Date naissance 1] 1963 à [Localité 8]

[Adresse 3]

[Localité 6]



représenté et assistÃ

© de Me Thomas BAUDRY, avocat au barreau de CHERBOURG



INTIMEE :



S.A. CREDIT LYONNAIS

N° SIRET : 954 509 741

[Adresse 5]

[Localité 7]

prise en la personne de son représentant légal



représentée et assistée de M...

AFFAIRE : N° RG 20/02799 -

N° Portalis DBVC-V-B7E-GUVJ

 

ARRÊT N°

JB.

ORIGINE : DECISION du Tribunal de Commerce de CHERBOURG en date du 09 Octobre 2020

RG n° 2019000056

COUR D'APPEL DE CAEN

DEUXIEME CHAMBRE CIVILE ET COMMERCIALE

ARRÊT DU 27 OCTOBRE 2022

APPELANT :

Monsieur [U] [H]

né le [Date naissance 1] 1963 à [Localité 8]

[Adresse 3]

[Localité 6]

représenté et assisté de Me Thomas BAUDRY, avocat au barreau de CHERBOURG

INTIMEE :

S.A. CREDIT LYONNAIS

N° SIRET : 954 509 741

[Adresse 5]

[Localité 7]

prise en la personne de son représentant légal

représentée et assistée de Me Thomas DOLLON, avocat au barreau de CHERBOURG

DEBATS : A l'audience publique du 27 juin 2022, sans opposition du ou des avocats, Mme COURTADE, Conseillère, a entendu seule les plaidoiries et en a rendu compte à la cour dans son délibéré

GREFFIER : Mme LE GALL, greffier

COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ :

Mme EMILY, Président de Chambre,

Mme COURTADE, Conseillère,

M. GOUARIN, Conseiller,

ARRÊT prononcé publiquement le 27 octobre 2022 à 14h00 par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile et signé par Madame EMILY, président, et Mme COLLET, greffier

Par acte sous seing privé en date du 18 juin 2013, la SA CREDIT LYONNAIS a consenti à la société SBP RESTAURATION un prêt d'un montant de 385 000€ remboursable en 78 mensualités de 5 349,50€ au taux d'intérêt fixe annuel de 1,95% et au TEG de 3,22% l'an, destiné à la création d'un fonds de commerce de restauration.

Par le même acte, M. [U] [H], gérant de ladite société, s'est porté caution solidaire dans la double limite de 192 500€ et de 50% de l'encours du prêt. Son épouse a donné son consentement exprès à l'engagement de caution.

Par jugement du 19 septembre 2016, le tribunal de commerce de Cherbourg a ouvert une procédure de redressement judiciaire à l'égard de la société SBP RESTAURATION qui a été convertie en liquidation judiciaire le 15 janvier 2018.

La banque a déclaré sa créance au passif de la procédure collective.

Par ordonnance du 31 mai 2017, le juge-commissaire a admis la créance du CREDIT LYONNAIS pour 219 886,70€ à titre privilégié définitif, outre les intérêts à échoir au taux de 1,95%, a ramené la majoration de trois points des intérêts de retard à 0,01 point et rejeté la créance déclarée au titre de l'indemnité contractuelle de 5% du capital restant dû.

Par acte d'huissier du 27 septembre 2019, la SA CREDIT LYONNAIS a fait assigner M. [H] devant le tribunal de commerce de Cherbourg aux fins de paiement en sa qualité de caution de la somme de 125 626,12€ représentant 50% de l'encours du prêt.

Par jugement du 9 octobre 2020, le tribunal a :

- Dit qu'il n'est pas rapporté la preuve que la société CREDIT LYONNAIS ait régulièrement informé M. [H] au titre de son obligation d'information annuelle de la caution,

- Débouté la société CREDIT LYONNAIS de ses demandes tendant au paiement des intérêts, frais et pénalités,

- Condamné M. [H] à payer à la société CREDIT LYONNAIS la somme de 109.943,35 euros,

- Débouté M. [H] de ses demandes plus amples ou contraires,

- Condamné M. [H] à payer à la société CREDIT LYONNAIS la somme de 500,00 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens, en ce compris ceux de la présente instance liquidés à 63,36 euros TTC,

- Rappelé le caractère exécutoire de la présente décision.

Par déclaration du 17 décembre 2020, M. [H] a interjeté appel de cette décision.

Aux termes de ses dernières conclusions déposées le 27 septembre 2021, M. [H] demande de :

A titre principal,

Vu l'article L. 332-1 du Code de la Consommation,

- JUGER que son engagement en qualité de caution est manifestement disproportionné à ses biens et revenus, et que son patrimoine au jour où il est appelé ne lui permet pas de faire face à son obligation ;

En conséquence,

- INFIRMER le jugement entrepris en ce qu'il l'a condamné à payer à la société le

CREDIT LYONNAIS la somme de 109.943,35 €, outre une somme de 500€ au titre de l'article 700 du code de procédure civile et les dépens de première instance ;

- DEBOUTER la société LE CREDIT LYONNAIS de l'ensemble de ses demandes, fins et prétentions ;

- CONDAMNER la société LE CREDIT LYONNAIS au paiement d'une somme de 2.500 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile et aux entiers dépens de l'appel et de première instance ;

A titre subsidiaire,

Vu l'article 2293 du Code Civil et l'article L. 313-22 du Code Monétaire et Financier,

Vu les articles 2290 et 2036 du Code Civil,

- CONFIRMER le jugement en ce qu'il a débouté la société le CREDIT LYONNAIS de ses demandes au titre des intérêts, frais et pénalités pour défaut d'information annuelle de la caution, et confirmer le montant retenu à hauteur de 109.940,35 € ;

Quoi qu'il en soit,

- DEBOUTER la société CREDIT LYONNAIS de ses demandes, fins et conclusions en cause d'appel ;

- CONDAMNER la société CREDIT LYONNAIS au paiement de la somme de 2 500€ sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile et aux entiers dépens de l'instance.

Aux termes de ses dernières conclusions déposées le 18 octobre 2021, le CREDIT LYONNAIS demande de :

- DECLARER recevable et bien fondé son appel incident,

- CONFIRMER le jugement entrepris en ce qu'il a :

- Débouté M. [H] de ses demandes plus amples ou contraires,

- INFIRMER le jugement en ce qu'il a :

- Dit qu'il n'est pas rapporté la preuve que la société CREDIT LYONNAIS ait régulièrement informé M. [H] au titre de son obligation d'information annuelle de la caution,

- Débouté la société CREDIT LYONNAIS de ses demandes tendant au paiement des intérêts, frais et pénalités,

- Condamné M. [H] à payer à la société CREDIT LYONNAIS la somme de 109.943,35 euros,

En conséquence,

- CONDAMNER M. [U] [H] à lui payer :

- la somme principale de 117 281.78 €,

- les intérêts de retard sur ladite somme dus jusqu'à parfait paiement au taux de 1.95% plus 0.1 point et dans la limite de 192 500.00 €,

- DEBOUTER M. [U] [H] de l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions,

En tout état de cause

- CONDAMNER M. [U] [H] à lui payer la somme de 3 000.00€ en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'en tous les dépens de la procédure d'appel.

L'ordonnance de clôture a été prononcée le 25 mai 2022.

Il est expressément renvoyé aux écritures précitées pour un plus ample exposé des prétentions et moyens des parties.

MOTIFS

I. Sur la disproportion de l'engagement de caution

Aux termes de l'article L 341-4 ancien du code de la consommation, dans sa version applicable au litige, un créancier professionnel ne peut se prévaloir d'un contrat de cautionnement conclu par une personne physique dont l'engagement était, lors de sa conclusion, manifestement disproportionné à ses biens et revenus, à moins que le patrimoine de cette caution, au moment où celle-ci est appelée, ne lui permette de faire face à son obligation.

Il incombe à la caution de rapporter la preuve de la disproportion, qui doit être manifeste, lors de la souscription de son engagement, et si celle-ci est démontrée, au créancier d'établir que le patrimoine de la caution lui permet de faire face à ses engagements lorsqu'elle est appelée.

La banque n'est pas tenue de vérifier la situation financière de la caution lors de son engagement.

Elle n'est pas tenue de vérifier, en l'absence d'anomalies apparentes, l'exactitude des informations contenues dans la fiche de renseignements.

La communication des informations repose sur le principe de bonne foi, à charge pour les cautions de supporter les conséquences d'un comportement déloyal.

L'anomalie apparente dans la fiche de renseignement peut résulter d'éléments non déclarés par la caution mais dont la banque avait connaissance tels des engagements précédemment souscrits par la caution au profit de la même banque ou au profit d'un pool dont faisait partie la banque.

Il n'est pas imposé à la banque de se renseigner auprès d'autres organismes bancaires pour savoir si la caution est déjà engagée auprès de ces organismes en cette même qualité de caution.

M. [U] [H] s'est porté caution solidaire dans la double limite de 192 500€ et de 50% de l'encours du prêt.

En l'espèce, la banque produit aux débats la 'fiche de renseignements à fournir par une caution' signée le 14 mai 2013 par M. [H], mentionnant:

- profession : commerçant

- marié sous le régime de la communauté légale

- locataire

- ressources annuelles : 42 960€

- charges annuelles : 11 004€

- disponible : 31 956€

- patrimoine : fonds de commerce d'une valeur nette de 150 000€ (déduction faite de l'emprunt restant dû de 130 000€)

- compte courant : 15 000€

Au vu de ces éléments, le tribunal a estimé à juste titre que l'engagement de caution de M. [H] n'était manifestement pas disproportionné à son patrimoine et ses revenus tels que déclarés au jour de la souscription de cet engagement.

Ce dernier fait valoir que ses ressources annuelles étaient de 30 000€ et qu'à la suite de la cession du fonds de commerce en novembre 2013 pour 215 000€, il n'est resté que 18 000€ de boni de liquidation après remboursement des fournisseurs et créanciers ; que son patrimoine net n'était en réalité que de 128 000€ (dont 110 000€ provenaient du compte courant), somme qui a été intégralement investie dans la constitution du capital de la société nouvelle SBP RESTAURATION (10 000€) et dans un prêt consenti à celle-ci sous forme d'apports en comptes courants.

Cependant, l'appelant a signé la fiche de renseignements en certifiant exacts et sincères les renseignements qu'elle contient. Il ne peut donc pas ensuite contester les éléments qu'il a lui-même fournis et soutenir que sa situation financière était en réalité moins favorable, sauf à établir l'existence d'anomalies apparentes sur les informations déclarées, ce qu'il ne fait pas.

Quant au risque d'échec de la société financée et de perte des investissements, il s'agissait d'un évènement qui restait hypothétique et inhérent à toute création d'entreprise. Cet argument est donc inopérant.

En conséquence, le CREDIT LYONNAIS peut se prévaloir du cautionnement en cause. Le jugement est confirmé sur ce point

II. Sur l'information annuelle de la caution

L'article 2293 al 2 ancien du code civil, dans sa version applicable au litige, dispose que lorsque le cautionnement est contracté par une personne physique, celle-ci est informée par le créancier de l'évolution du montant de la créance garantie et de ces accessoires au moins annuellement à la date convenue entre les parties ou, à défaut, à la date anniversaire du contrat, sous peine de déchéance de tous les accessoires de la dette, frais et pénalités.

L'article L 313-22 ancien du code monétaire et financier, dans sa version applicable au litige, énonce que les établissements de crédit ou les sociétés de financement ayant accordé un concours financier à une entreprise, sous la condition du cautionnement par une personne physique ou une personne morale, sont tenus au plus tard avant le 31 mars de chaque année de faire connaître à la caution le montant du principal et des intérêts, commissions, frais et accessoires restant à courir au 31 décembre de l'année précédente au titre de l'obligation bénéficiant de la caution, ainsi que le terme de cet engagement. Si l'engagement est à durée indéterminée, ils rappellent la faculté de révocation à tout moment et les conditions dans lesquelles celle-ci est exercée.

(...)

Le défaut d'accomplissement de la formalité prévue à l'alinéa précédent emporte, dans les rapports entre la caution et l'établissement tenu à cette formalité, déchéance des intérêts échus depuis la précédente information jusqu'à la date de communication de la nouvelle information. Les paiements effectués par le débiteur principal sont réputés, dans les rapports entre la caution et l'établissement, affectés prioritairement au règlement du principal de la dette.

Il est de principe constant que l'information est due jusqu'à l'extinction de la dette, même après condamnation définitive de la caution ou après admission de la créance à la procédure collective du débiteur.

En l'espèce, il résulte des pièces produites que la banque a envoyé des courriers d'information seulement au titre des années 2014, 2015, 2016, 2017 et 2018 et au surplus à une mauvaise adresse, soit au [Adresse 2], alors qu'il est établi que M. [H] résidait depuis juillet 2013 au [Adresse 4], et que le CREDIT LYONNAIS était parfaitement informé de ce changement d'adresse ainsi qu'en témoignent les relevés de compte de la société SBP RESTAURATION (pièce n°7 de M. [H]).

C'est donc à juste titre que le tribunal a fait application de la sanction de la déchéance des intérêts, frais et pénalités.

Il convient seulement de préciser que la déchéance ne s'étend pas aux intérêts légaux ayant commencé à courir, conformément au droit commun, à compter de la mise en demeure de la caution.

C'est aussi à juste titre que les premiers juges ont fixé la somme due en vertu de l'engagement de caution à 109 943, 35€, correspondant à la moitié du principal restant dû par la société SBP RESTAURATION tel que fixé et admis au passif de la procédure collective par l'ordonnance du juge-commissaire du 31 mai 2017.

Il convient donc de confirmer le jugement en ce qu'il a condamné M. [H] au paiement de la somme de 109 943,35€ sauf à dire que cette somme produira intérêts au taux légal à compter de la réception de la mise en demeure du 31 janvier 2019, soit à compter du 8 février 2019 (pièce n° 10 du CREDIT LYONNAIS).

III. Sur les demandes accessoires

Les dispositions relatives aux dépens et frais irrépétibles sont confirmées.

M. [H] succombant sur l'essentiel, est condamné aux dépens de l'appel, à payer à la SA CREDIT LYONNAIS la somme complémentaire de 1000€ sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, et est débouté de sa demande formée à ce titre.

PAR CES MOTIFS

La cour, statuant publiquement, par arrêt contradictoire, mis à disposition au greffe,

CONFIRME le jugement entrepris sauf en ce qu'il a débouté la société CREDIT LYONNAIS de ses demandes tendant au paiement des intérêts, frais et pénalités ;

Statuant à nouveau du chef de cette disposition infirmée et y ajoutant,

DEBOUTE la société CREDIT LYONNAIS de sa demande tendant au paiement des intérêts conventionnels, frais et pénalités ;

DIT que la condamnation prononcée contre M. [U] [H] en paiement de la somme de 109 943, 35€ produira intérêts au taux légal à compter du 8 février 2019 ;

CONDAMNE M. [U] [H] à payer à la SA CREDIT LYONNAIS la somme complémentaire de 1000€ sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;

DEBOUTE M. [U] [H] de sa demande formée à ce titre ;

CONDAMNE M. [U] [H] aux dépens de l'appel.

LE GREFFIERLE PRÉSIDENT

M. COLLETF. EMILY


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Caen
Formation : 2ème chambre civile
Numéro d'arrêt : 20/02799
Date de la décision : 27/10/2022

Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2022-10-27;20.02799 ?
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