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29/09/2022 | FRANCE | N°20/01879

France | France, Cour d'appel de Caen, Chambre sociale section 2, 29 septembre 2022, 20/01879


AFFAIRE : N° RG 20/01879

N° Portalis DBVC-V-B7E-GTAQ

 Code Aff. :



ARRET N°



C.P





ORIGINE : Décision du Conseil de Prud'hommes - Formation de départage de CAEN en date du 03 Septembre 2020 RG n° 19/00044











COUR D'APPEL DE CAEN

Chambre sociale section 2

ARRÊT DU 29 SEPTEMBRE 2022





APPELANTE :



S.A.R.L. LE CHANNEL

[Adresse 3]

[Localité 1]



Représentée par Me Christelle BEAUFILS, substitué

par Me LEREBOURS, avocats au barreau de CAEN







INTIME :



Monsieur [D] [K]

[Adresse 2]

[Localité 1]



Représenté par M. [O], défenseur syndical







COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DÉBATS ET DU DÉLIBÉRÉ ...

AFFAIRE : N° RG 20/01879

N° Portalis DBVC-V-B7E-GTAQ

 Code Aff. :

ARRET N°

C.P

ORIGINE : Décision du Conseil de Prud'hommes - Formation de départage de CAEN en date du 03 Septembre 2020 RG n° 19/00044

COUR D'APPEL DE CAEN

Chambre sociale section 2

ARRÊT DU 29 SEPTEMBRE 2022

APPELANTE :

S.A.R.L. LE CHANNEL

[Adresse 3]

[Localité 1]

Représentée par Me Christelle BEAUFILS, substitué par Me LEREBOURS, avocats au barreau de CAEN

INTIME :

Monsieur [D] [K]

[Adresse 2]

[Localité 1]

Représenté par M. [O], défenseur syndical

COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DÉBATS ET DU DÉLIBÉRÉ :

Mme CHAUX, Présidente de chambre,

Mme ACHARIAN, Conseiller,

M. LE BOURVELLEC, Conseiller,

DÉBATS : A l'audience publique du 19 mai 2022

GREFFIER : Mme GOULARD

ARRÊT prononcé publiquement le 29 septembre 2022 à 14h00 par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinea de l'article 450 du code de procédure civile et signé par Mme CHAUX, présidente, et Mme GOULARD, greffier

La cour statue sur l'appel régulièrement interjeté par la Sarl Le Channel d'un jugement de départage rendu le 3 septembre 2020 par le conseil de prud'hommes de Caen dans un litige l'opposant à M. [D] [K].

FAITS et PROCEDURE

M. [D] [K] a été embauché par contrat à durée indéterminée le 9 septembre 1992 par la société Cap Channel.

A compter du 1er mai 2009, son contrat a été transféré à la Sarl MP Le Channel puis à la société Le Channel à compter du 1er avril 2016, suite à la cession du fonds de commerce au profit de M. et Mme [V], co- gérants de cette société.

Au dernier état de la relation contractuelle, il exerçait la fonction de chef de rang, niveau III - échelon 3 de la convention collective nationale des hôtels, cafés, restaurants.

Par lettre du 2 septembre 2016, M.[K] a demandé à bénéficier d'une rupture conventionnelle de son contrat de travail.

Le 11 octobre 2016, son employeur lui a répondu qu'il ne disposait pas des fonds nécessaires pour financer le coût de son départ dans ce cadre juridique.

Il a été placé en arrêt de travail du 8 novembre 2016 au 31 janvier 2017.

Par courrier du 14 janvier 2017, son employeur lui a notifié un avertissement suite à sa venue dans le restaurant ce jour-là aux heures du service ( 12h30). ' Non content de demander à rencontrer M.ou Mme [V], vous vous êtes adressé haut et fort devant les clients présents soit 2 tables ( la 7 et la 5) tables qui se situent en première salle en exprimant votre mécontentement dû au fait que vous n'aviez pas reçu votre salaire et de façon à être bien entendu . ( ....)'

Par courrier du 24 janvier 2017, son employeur lui a notifié un blâme pour être venu au restaurant le lundi 16 janvier 2017, réclamer devant les clients le paiement de son salaire de décembre 2016. M. et Mme [V] ont fait appel aux services de gendarmerie pour faire revenir le calme.

Par lettre du 26 janvier 2017, M. [K] a pris acte de la rupture de son contrat de travail aux torts de l'employeur.

Par courrier du 8 février 2017, l'employeur lui a fait parvenir les documents de fin de contrat.

Le 10 juillet 2017, M. [K] a saisi le conseil de prud'hommes de Caen aux fins d'obtenir le paiement de diverses sommes au titre de la rupture du contrat de travail.

Par jugement de départage du 3 septembre 2020, cette juridiction a:

- dit que la prise d'acte par M. [K] de la rupture de son contrat de travail notifiée à la Sarl Le Channel par courrier du 26 janvier 2017 produit les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse,

- condamné en conséquence la Sarl Le Channel à payer à M. [K] les sommes de:

¿ 4635,53 euros au titre de l'indemnité de préavis outre les congés payés afférents d'un montant de 463,55 euros,

¿ 15 695,08 euros bruts d'indemnité légale de licenciement,

¿ 11 588,82 euros nets d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

- débouté M. [K] de sa demande de dommages et intérêts pour licenciement vexatoire, abus de droit et harcèlement,

- ordonné à la Sarl Le Channel de remettre à M. [K] un bulletin de paie, un certificat de travail et une attestation destinée à Pôle emploi conformes au présent jugement,

- débouté M. [K] et la Sarl Le Channel de leurs demandes plus amples ou contraires,

- condamné la Sarl Le Channel à payer à M. [K] la somme de 1000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamné la Sarl Le Channel aux dépens,

- ordonné l'exécution provisoire à hauteur du tiers des condamnations indemnitaires et rappelé qu'elle est de droit au surplus.

Par acte du 2 octobre 2020, la Sarl Le Channel a interjeté appel de ce jugement.

Aux termes de ses conclusions du 18 juin 2021, reçues au greffe le 21 juin 2021, la Sarl Le Channel demande à la cour:

- d'infirmer le jugement de départage du 3 septembre 2020 portant sur les condamnations de la société,

- dire irrecevables et mal fondées les demandes de M. [K] tant à titre principal qu'à titre subsidiaire,

- dire que les demandes de M. [K] sont infondées en fait et en droit,

- déclarer la demande de résiliation judiciaire au tort exclusif de l'employeur infondée et ne peut donc avoir pour effet de produire les effets d'un licenciement,

En conséquence,

- rejeter les demandes de M. [K] des sommes de

¿ 4635,53 euros à titre d'indemnité compensatrice de préavis et des congés payés y afférents pour la somme de 463,55 euros,

¿ 15 695,08 euros à titre d'indemnité de licenciement légale / conventionnelle,

¿ 11 588, 82 euros nets d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

- confirmer le jugement de départage en ce qu'il a débouté M. [K] de sa demande de dommages et intérêts pour licenciement vexatoire, abus de droit et harcèlement et de ses demandes plus amples ou contraires,

- confirmer le rejet par le conseil de prud'hommes de Caen des autres demandes du salarié, à savoir les sommes de :

¿ 50 000 euros à titre de dommages et intérêts pour licenciement abusif,

¿ 5 000 euros à titre de dommages et intérêts pour licenciement vexatoire , abus de droit et harcèlement

Autres demandes :

- rejeter la demande de remise sous astreinte de 150 euros par jour de retard à compter du jugement à intervenir, du certificat de travail, d'un bulletin de paie et d'une attestation Pôle emploi rectifiée,

- rejeter la demande de la somme de 1000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

En ce qui concerne l'appel incident du salarié:

- infirmer le jugement déféré en ce qu'il a condamné la Sarl Le Channel à payer à M. [K] les sommes suivantes:

¿ 4635,53 euros à titre d'indemnité de préavis et des congés payés afférents pour la somme de 463,55 euros,

¿ 15 695,08 euros brut à titre d'indemnité légale de licenciement,

¿ 11 588, 82 euros d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

- infirmer ce même jugement en ce qu'il condamne la Sarl Le Channel à payer la somme de 1000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamner M. [K] à payer la somme de 3000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

Sur les demandes de la société Le Channel:

- dire que la rupture du contrat de travail de M. [K] s'analyse en une démission,

- condamner M. [K] à des dommages et intérêts d'un montant de 20 000 euros pour préjudice subi par la société Le Channel,

- condamner M. [K] à une somme de 3000 euros conformément aux dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ,

- condamner M. [K] aux dépens,

- rejeter l'exécution provisoire.

Par conclusions du 19 mars 2021, reçues au greffe le 30 mars 2021, M. [K] demande à la cour de :

- dire que la prise d'acte de rupture du contrat de travail produit les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse,

- condamner la Sarl Le Channel à lui payer les sommes de :

* 50 000 euros à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

* 5 000 euros pour licenciement vexatoire et abus de droit et pour harcèlement,

* 4635,53 euros au titre de l'indemnité de préavis et des congés payés afférents de 463,55 euros,

* 15 695,08 euros au titre de l'indemnité légale de licenciement,

- condamner la Sarl Le Channel à remettre à M. [K] un bulletin de salaire, un certificat de travail et une attestation destinée à Pôle emploi conformes au présent arrêt, sous astreinte journalière de 150 euros,

- condamner la Sarl Le Channel à lui payer la somme de 2000 euros au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamner la Sarl Le Channel aux dépens,

- se réserver le droit de liquider les astreintes.

Il est fait référence aux écritures ainsi déposées de part et d'autre pour un plus ample exposé des moyens proposés par les parties au soutien de leurs prétentions.

L'ordonnance de clôture est intervenue le 4 mai 2022.

SUR CE, LA COUR

I - Sur la prise d'acte de la rupture du contrat de travail

Il est constant que la prise d'acte de la rupture du contrat de travail se définit comme la situation dans laquelle le salarié notifie à l'employeur qu'il met fin au contrat de travail ou cesse le travail en raison de faits ou de manquements imputés à l'employeur.

Lorsqu'un salarié prend acte de la rupture en raison de faits qu'il reproche à son employeur, cette rupture produit les effets soit d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse si les faits invoqués le justifiaient, soit, dans le cas contraire, d'une démission.

La lettre du 26 janvier 2017 par laquelle M. [K] a pris acte de la rupture de son contrat de travail est rédigée en ces termes:

'J'ai décidé de rompre le contrat à vos torts exclusifs, je précise que je ne suis en aucun cas démissionnaire mais contraint de quitter l'entreprise en raison de la dégradation de mes conditions de travail, de vos comportements et propos et de l'atteinte à ma santé morale ou physique.

Je n'oublie pas aussi le mensonge et le cynisme que vous avez eu à mon égard à la fois en retardant le réglement de mes salaires lors de mes arrêts de travail et de votre appel aux gendarmes pour tenter de me décrédibiliser et de m'humilier.

Je vous prie donc de mettre à ma disposition mon:

- solde de tout compte

- bulletin de salaire

- certificat de travail

- attestation pôle emploi (...) '

Ainsi, M. [K] expose avoir subi une dégradation de ses conditions de travail, se manifestant par des comportements et des propos de son employeur dont il est résulté une atteinte à sa santé morale et physique. Il reproche également à son employeur un retard dans le paiement de ses salaires lors de ses arrêts de travail et d'avoir sollicité l'intervention des gendarmes en vue de l'humilier.

C'est par une juste appréciation des éléments qui leur étaient soumis que les premiers juges ont retenu que les pièces produites par M. [K] ne permettaient pas d'établir que l'employeur aurait fait un usage abusif de son pouvoir de direction pour modifier ses attributions lors de la reprise de l'établissement et que les nouveaux gérants auraient cherché à se séparer des anciens salariés afin de les remplacer par des membres de leur famille.

En effet, les attestations produites à cet égard émanant de clients du restaurant, au demeurant non conformes aux dispositions de l'article 202 du code de procédure civile, sont insuffisantes à établir que les fonctions de M. [K] auraient été remises en cause, qu'il aurait été relégué à un rôle subalterne.

S'agissant du retard de paiement des heures supplémentaires, il n'est pas contesté que l'employeur a payé à la fin du mois d'août 2016, les heures supplémentaires effectuées d'avril 2016 à août 2016. Cette régularisation est intervenue très rapidement, après que le salarié en a fait la demande écrite.

Il n'est pas établi que l'arrêt de travail qui a été prescrit à M. [K] à compter du 8 novembre 2016 soit en lien avec des difficultés au travail.

La production de l'ordonnance prescrivant du Xanax et du Prozac ne suffit pas à démontrer un quelconque lien de causalité.

S'agissant du retard du paiement du salaire du mois de décembre 2016, les éléments du dossier ne permettent pas de démontrer qu'il est imputable à l'employeur. En effet, celui - ci expose avoir adressé à M. [K] son chèque de salaire par courrier, à la même période que pour les autres salariés. Le chèque n'étant pas parvenu à son destinataire, l'employeur justifie avoir fait opposition au premier chèque et en avoir émis un second, qui a été reçu par M. [K] le 18 janvier 2016.

Aucune volonté délibérée de nuire au salarié n'est établie.

Il ne peut être reproché à l'employeur de ne pas avoir donné de suite favorable à la demande de rupture conventionnelle sollicitée par M. [K].

En effet, ce dernier ne produit aucun élément permettant de caractériser une volonté délibérée de l'employeur de le maintenir dans une situation inconfortable pour l'amener à prendre l'initiative de quitter ses fonctions, afin de ne pas supporter le coût d'une telle rupture.

Les allégations du salarié selon lesquelles l'employeur lui aurait fait des reproches et des remarques concernant un caillou dans l'assiette d'un client ou qu'il serait à l'origine du déclenchement de contrôles émanant de l'Urssaf et de la Sacem ne sont pas établies au vu des pièces produites.

S'agissant de la demande d'intervention des services de gendarmerie, il convient de rappeler que par courrier du 24 janvier 2017, l'employeur a notifié un blâme à M. [K], celui - ci étant venu au restaurant le lundi 16 janvier 2017, pour réclamer le paiement de son salaire de décembre 2016 devant les clients.

M. [K] n'a pas contesté cette sanction ni le fait qu'il soit venu dans l'établissement.

En conséquence, M. [K] est mal fondé à faire valoir que son employeur a fait venir les services de gendarmerie pour l'humilier.

Enfin, il reproche également à son employeur de l'avoir publiquement mis en cause au mois de novembre 2016, sur le site Tripadvisor. Il indique qu'en réponse à un avis défavorable d'un client, l'employeur a mentionné : ' avis téléguidé par un certain M JMF qui se reconnaîtra (...) dans votre commentaire vous avez omis le plus important! qui est du reste la seule motivation de votre avis: l'absence d'un certain JMF qui selon vous était l'âme du restaurant' .

A supposer que la mention des initiales JMF puisse permettre aux internautes d'identifier la personne ainsi désignée comme étant M. [D] [K], il ne peut être retenu, contrairement à l'appréciation faite par les premiers juges, que les propos susmentionnés sont une mise en cause publique du salarié, constitutive d'un manquement suffisamment grave de l'employeur à son obligation de loyauté envers son salarié dans l'exécution de la relation contractuelle, empêchant la poursuite du contrat de travail.

Ainsi, les faits invoqués par M. [K] à l'appui de sa prise d'acte de la rupture de son contrat de travail ne sont pas caractérisés.

En conséquence, la prise d'acte de la rupture du contrat de travail de M. [K] s'analyse en une démission.

Le jugement déféré qui a dit que la prise d'acte de la rupture du contrat de travail produit les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse sera infirmé et M. [K] sera débouté de ses

demandes d'indemnité de préavis et de congés payés afférents, d'indemnité légale de licenciement et d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse.

Le jugement sera également infirmé en ce qu'il a ordonné la remise au salarié d'un bulletin de paie, d'un certificat de travail et d'une attestation destinée à Pôle emploi conformes au jugement.

- Sur les autres demandes de M. [K]

M. [K] sollicite, dans le dispositif de ses conclusions, la condamnation de la Sarl Le Channel, à lui verser la somme de 5 000 euros pour licenciement vexatoire, abus de droit et pour harcèlement.

Il fait valoir qu'il a vécu une situation injuste et injustifiée caractérisée par le comportement injurieux, humiliant et vexatoire de son employeur, que les difficultés qu'il décrit dans ses courriers du 20 janvier 2017 et du 26 janvier 2017 sont la conséquence d'un comportement abusif et vexatoire envers lui, qu'il a été humilié, choqué par les remarques injurieuses qui se sont répétées sur une période allant du mois d'août 2016 jusqu'en janvier 2017, que les heures supplémentaires et le salaire payés avec retard et de façon préméditée, l'intervention des gendarmes à la demande des deux gérants marquent bien le manque de considération et de respect de la part des deux gérants, que les ordonnances médicales qu'il produit indiquent qu'il a été arrêté en raison d'un syndrome dépressif réactionnel à des conflits dans son travail, qu'il y a là manifestement dans l'attitude de l'employeur un abus de droit, un comportement vexatoire et humiliant que la cour sanctionnera en lui allouant la somme de 5000 euros.

Force est de constater, d'une part, au vu de ce qui précède que la demande au titre du licenciement vexatoire est sans objet et d'autre part, qu'il ne fait valoir aucun moyen au titre du harcèlement.

S'agissant du comportement vexatoire et humiliant de l'employeur, M. [K] se prévaut des faits qu'il a invoqués à l'appui de sa prise d'acte dont il a été retenu qu'ils n'étaient pas caractérisés.

S'agissant de l'abus de droit, M. [K] ne démontre pas en quoi son employeur aurait agi avec une volonté de lui nuire de nature à caractériser un abus de droit.

C'est donc par voie de confirmation que cette demande sera rejetée.

- Sur la demande en paiement de la somme de 20 000 euros pour préjudice subi par la société Le Channel

La société fait valoir que pour obtenir une dizaine de témoignages de clients, M. [K] en a démarché beaucoup plus, ce qui a fait fuir la clientèle que la société avait racheté quelques mois plus tôt en avril 2016, qu'il a jeté le discrédit sur le restaurant par la cohorte d'avis sur Tripadvisor attaquant le Channel, prenant pour cible la nouvelle direction et regrettant les anciens propriétaires, outre les propos diffamatoires sur Mme [V] et sur le service, qu'il a détourné de la clientèle au profit d'un restaurant concurrent, qu'il a harcelé et agressé la Sarl Le Channel au point que les gérants se sentant menacés, ont dû faire intervenir les forces de l'ordre, que toutes ces actions ajoutées les unes aux autres, ont diffusé une mauvaise image du restaurant et créé une perte financière pour la société, que ces agissements fautifs sont à l'origine d'un préjudice dont la société demande réparation.

S'il est établi que M. [K] a versé aux débats des attestations de clients de l'établissement, en revanche, il n'est pas démontré qu'il aurait fait fuir une clientèle ou une partie d'entre elle , que la société avait acquise en avril 2016. Le fait qu'il ait été embauché dès le 2 février 2017 par la Sarl Olmar, exploitant l'établissement le Normandy situé à proximité du restaurant Le Channel, ne suffit pas à démontrer le détournement de clientèle.

L'attestation par laquelle Mme [Z] [F] (pièce 49) expose avoir été interpellée par l'ancien serveur du Channel prénommé [D] en terrasse devant le Normandie afin que 'l'on aille plus manger au Channel mais au Normandie son nouveau restaurant car il a changé de direction' ne suffit pas établir la réalité du grief invoqué, les faits relatés n'étant pas datés et l'attestation étant au surplus non conforme aux dispositions de l'article 202 du code de procédure civile.

Les avis publiés sur le site Tripadvisor, versés au dossier, qui font état d'une dégradation du service et de la cuisine depuis l'arrivée des nouveaux propriétaires émanent de personnes dont les prénoms sont mentionnés. L'avis du mois d'octobre 2016 indiquant que ' la patronne ne salue même pas ses clients, qu'au moment de régler l'addition, elle se trouvait derrière le comptoir à siroter une pression' émane de ' 29Nth 29 Ouistreham France'.

La société Le Channel ne démontre pas que M. [K] serait à l'origine de ces avis négatifs.

Il est manifeste que le différend survenu relativement au retard du paiement du salaire du mois de décembre 2016 a conduit M. [K] à se présenter le 16 janvier 2017 dans l'établissement, en plein service pour réclamer son salaire , en interpellant la direction devant les clients présents contraignant les gérants à faire appel aux services de gendarmerie.

Ces faits ont été sanctionnés par un blâme prononcé à l'encontre du salarié.

Ainsi, au vu de ces éléments, l'employeur ne rapporte pas la preuve qui lui incombe d'un comportement fautif de la part du salarié qui aurait été à l'origine d'un préjudice par eux subi.

Leur demande sera donc rejetée.

- Sur les autres demandes

M. [K] qui succombe supportera les dépens d'appel et de première instance, le jugement déféré étant infirmé de ce chef.

Il sera également débouté de sa demande présentée au titre de l'article 700 du code de procédure civile, le jugement déféré étant par ailleurs infirmé de ce chef.

L'équité commande d'allouer à la Sarl Le Channel la somme de 1500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS,

La cour,

Infirme le jugement déféré en ce qu'il a :

- dit que la prise d'acte par M. [K] de la rupture de son contrat de travail notifiée à la Sarl Le Channel par courrier du 26 janvier 2017 produit les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse,

- condamné en conséquence la Sarl Le Channel à payer à M. [K] les sommes de:

¿ 4635,53 euros au titre de l'indemnité de préavis outre les congés payés afférents d'un montant de 463,55 euros,

¿ 15 695,08 euros bruts d'indemnité légale de licenciement,

¿ 11 588,82 euros nets d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

- ordonné à la Sarl Le Channel de remettre à M. [K] un bulletin de paie, un certificat de travail et une attestation destinée à Pôle emploi conformes au présent jugement,

- condamné la Sarl le Channel aux dépens

- condamné la Sarl le Channel à payer à M. [K] la somme de 1000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile

Statuant à nouveau,

- dit que la prise d'acte de la rupture de son contrat de travail notifiée à la Sarl Le Channel par courrier du 26 janvier 2017 produit les effets d'un démission de M. [D] [K],

- déboute M. [K] de ses demandes d'indemnité de préavis et de congés payés afférents, d'indemnité légale de licenciement, d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

- dit n'y avoir lieu d'ordonner à la Sarl Le Channel de remettre à M. [K] un bulletin de paie, un certificat de travail et une attestation Pôle emploi conformes au jugement déféré,

- condamne M. [K] aux dépens de première instance,

- déboute M. [K] de sa demande présentée au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

Confirme le jugement déféré en ce qu'il a :

- débouté M. [K] de sa demande de dommages et intérêts pour licenciement vexatoire , abus de droit et harcèlement,

Y ajoutant ,

- déboute la Sarl Le Channel de sa demande en paiement de la somme de 20 000 euros de dommages et intérêts,

- déboute M. [K] de sa demande présentée au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamne M. [K] aux dépens d'appel,

- condamne M. [K] à payer la somme de 1500 euros à la Sarl Le Channel au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

LE GREFFIERLE PRESIDENT

E. GOULARD C. CHAUX


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Caen
Formation : Chambre sociale section 2
Numéro d'arrêt : 20/01879
Date de la décision : 29/09/2022

Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2022-09-29;20.01879 ?
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