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29/09/2022 | FRANCE | N°20/01318

France | France, Cour d'appel de Caen, Chambre sociale section 2, 29 septembre 2022, 20/01318


AFFAIRE : N° RG 20/01318

N° Portalis DBVC-V-B7E-GRZ3

 Code Aff. :



ARRET N°



C.P





ORIGINE : Décision du Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de LISIEUX en date du 18 Juin 2020 RG n° F 17/00106











COUR D'APPEL DE CAEN

Chambre sociale section 2

ARRÊT DU 29 SEPTEMBRE 2022





APPELANTS :



S.A.R.L. PCRL EXPLOITATION

[Adresse 5]

[Localité 2]



Maître [E] [O], ès qualités de commissaire à

l'exécution du plan de la SARL PCRL EXPLOITATION

[Adresse 1]



Représentés par Me Monique BINET, avocat au barreau de CAEN









INTIMES :



Monsieur [K] [U]

[Adresse 3]



Représenté par Me Jean-Marie AGNES,...

AFFAIRE : N° RG 20/01318

N° Portalis DBVC-V-B7E-GRZ3

 Code Aff. :

ARRET N°

C.P

ORIGINE : Décision du Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de LISIEUX en date du 18 Juin 2020 RG n° F 17/00106

COUR D'APPEL DE CAEN

Chambre sociale section 2

ARRÊT DU 29 SEPTEMBRE 2022

APPELANTS :

S.A.R.L. PCRL EXPLOITATION

[Adresse 5]

[Localité 2]

Maître [E] [O], ès qualités de commissaire à l'exécution du plan de la SARL PCRL EXPLOITATION

[Adresse 1]

Représentés par Me Monique BINET, avocat au barreau de CAEN

INTIMES :

Monsieur [K] [U]

[Adresse 3]

Représenté par Me Jean-Marie AGNES, avocat au barreau de CAEN

UNEDIC DELEGATION AGS CGEA DE [Localité 6]

[Adresse 4]

Représentée par Me SALMON, avocat au barreau de CAEN

COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DÉBATS ET DU DÉLIBÉRÉ :

Mme CHAUX, Présidente de chambre,

Mme ACHARIAN, Conseiller,

M. LE BOURVELLEC, Conseiller,

DÉBATS : A l'audience publique du 19 mai 2022

GREFFIER : Mme GOULARD

ARRÊT prononcé publiquement le 29 septembre 2022 à 14h00 par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile et signé par Mme CHAUX, présidente, et Mme GOULARD, greffier

La cour statue sur l'appel régulièrement interjeté par la société PCRL Exploitation et M. [E] [O], ès qualités de commissaire à l'exécution du plan de redressement de la société PCRL Exploitation, d'un jugement rendu le 18 juin 2020 par le conseil de prud'hommes de Lisieux dans un litige l'opposant à M. [U] et l'AGS CGEA de [Localité 6].

FAITS et PROCÉDURE

La société PCRL Exploitation (ci-après 'la société') a été constituée en 2000 pour acquérir et exploiter l'établissement discothèque 'Le Margouillat' situé à [Localité 2].

M. [U] a été embauché par la société à compter du 14 août 2015 par contrat à durée déterminée à temps partiel devant se terminer le 13 févier 2016. Il devait travailler le vendredi et le samedi de 24 heures à 5h30 pour une rémunération brute de 52,85 euros pour 5h30 de travail, plus 28 euros de frais de déplacement par soirée travaillée.

Soutenant avoir fait l'objet d'un licenciement verbal le 13 novembre 2015, M. [U] a saisi le conseil de prud'hommes de Lisieux le 3 juillet 2017 pour réclamer le paiement de diverses indemnités et des dommages et intérêts pour licenciement abusif.

La société a été placée en redressement judiciaire le 9 septembre 2015 et un plan de redressement judiciaire d'une durée de quatre ans a été adopté, par jugement du 17 mai 2017 du tribunal de commerce de Lisieux.

M. [O] a été désigné commissaire à l'exécution du plan de redressement.

Par jugement du 18 juin 2020, le conseil de prud'hommes a :

- mis hors de cause l'AGS-CGEA de [Localité 6] (l'AGS) au titre du plan de redressement du 17 mai 2017 du tribunal de commerce de Lisieux en faveur de la société,

- 'pris acte du versement à la somme brute de 52,85 euros' au titre des congés payés par la société,

- 'constaté et dit au titre de l'article 65 et 70 du code de procédure civile', la recevabilité de nouvelles demandes de M. [U] ainsi que la demande de dommages et intérêts,

-' constaté et dit de requalifier' le licenciement verbal en un licenciement sans cause réelle et sérieuse avec tout ce qui en découle,

- constaté et dit que la moyenne des trois derniers salaires de M. [U] s'élève à 1 373,13 euros,

- condamné la société à verser à M. [U] les sommes suivantes :

- 1 373,13 euros au titre de rappel de salaire du 13 novembre 2015 au 13 février 2016 'et 137,32 euros, outre les congés payés y afférents',

- 190,17 euros au titre de l'indemnité de fin de contrat,

- 2 228,62 euros au titre des dommages et intérêts de l'article L1243-4 du code du travail,

- 2 503,08 euros au titre du travail dissimulé,

- débouté les parties du surplus de leurs demandes,

- ordonné la remise et rectification des documents sociaux notamment le bulletin de paie, le certificat de travail et l'attestation Pôle emploi, sous astreinte de 15 euros par jour et par document sous un délai de 30 jours à compter de la mise à disposition de la notification du présent jugement. Le conseil se réservant le droit de liquider l'astreinte,

- condamné la société à verser la somme de 1 500 euros à M. [U] au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- dit que les sommes produiront des intérêts au taux légal à compter de la saisine du conseil de prud'hommes,

- ordonné l'exécution provisoire,

- mis les dépens à la charge de la société.

Par déclaration du 22 juillet 2020, la société et M. [O], ès-qualités de commissaire à l'exécution du plan de redressement, ont relevé appel de cette décision.

Par ordonnance du 25 mars 2021, le conseiller chargé de la mise en état a :

- rejeté la demande de radiation du rôle de l'affaire,

- condamné la société à payer à M. [U] la somme de 500 euros par application de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamné la société aux dépens de l'incident.

Par conclusions déposées le 3 mai 2022, la société et M. [O], ès-qualités de commissaire à l'exécution du plan de redressement, demandent la cour de :

- infirmer le jugement entrepris des chefs de jugement critiqués suivants :

- met hors de cause l'AGS-CGEA de [Localité 6] au titre du plan de redressement du 17 mai 2017 du tribunal de commerce de Lisieux en faveur de la société,

- constate et dit au titre de l'article 65 et 70 du code de procédure civile, la recevabilité de nouvelles demandes de M. [U] ainsi que la demande de dommages et intérêts,

- constate et dit de requalifier le licenciement verbal en un licenciement sans cause réelle et sérieuse avec tout ce qui en découle,

- constate et dit que la moyenne des trois derniers salaires de M. [U] s'élève à 1 373,13 euros,

- condamne la société à verser à M. [U] les sommes suivantes :

- 1 373,13 euros au titre de rappel de salaire du 13 novembre 2015 au 13 février 2016 et 137,32 euros, outre les congés payés y afférents,

- 190,17 euros au titre de l'indemnité de fin de contrat,

- 2 228,62 euros au titre des dommages et intérêts de l'article L1243-4 du code du travail,

- 2 503,08 euros au titre du travail dissimulé,

- ordonne la remise et rectification des documents sociaux notamment le bulletin de paie, le certificat de travail et l'attestation Pôle emploi, sous astreinte de 15 euros par jour et par document sous un délai de 30 jours à compter de la mise à disposition de la notification du présent jugement. Le conseil se réservant le droit de liquider l'astreinte,

- condamne la société à verser la somme de 1 500 euros à M. [U] au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- dit que les sommes produiront des intérêts au taux légal à compter de la saisine du conseil de prud'hommes,

- ordonne l'exécution provisoire,

- met les dépens à la charge de la société.

Et statuant à nouveau,

A titre principal,

-fixer à la somme de 192,20 euros le salaire mensuel de M. [U],

- déclarer irrecevables les demandes nouvelles suivantes figurant dans le dispositif des dernières conclusions présentées par M. [U] devant le conseil de prud'hommes de Lisieux :

- dire que la société a rompu de manière illégale le contrat à durée déterminée, le concluant ayant été licencié verbalement avant l'expiration de la date prévue pour l'expiration du contrat à durée déterminée,

- condamner la société à payer à M. [U] les sommes suivantes :

- indemnité de fin de contrat417,78 euros

- indemnité pour travail dissimulé2 503,08 euros

- dommages et intérêts pour rupture anticipée de contrat à l'initiative de l'employeur4 000 euros

- débouter M. [U] de l'intégralité de ses autres demandes, fins et prétentions,

- déclarer que M. [U] est réputé avoir abandonné les demandes initiales suivantes figurant dans sa requête initiale devant le conseil de prud'hommes :

- indemnité de préavis 237,82 euros

- indemnité de congés sur le préavis23,78 euros

- dommages et intérêts pour procédure irrégulière 475,65 euros

(le concluant n'a pas été convoqué pour l'entretien préalable au mépris des articles L 1232-2 du code du travail)

- dommages et intérêts en réparation du préjudice subi du fait du licenciement abusif

2 850 euros

A titre subsidiaire,

- déclarer bien fondée la rupture anticipée pour faute grave du contrat de travail de M. [U] en raison de ses manquements graves,

- déclarer irrégulière la procédure de rupture anticipée pour faute grave de M. [U],

- fixer à un mois de salaire soit à la somme de 192,20 euros l'indemnité pour procédure irrégulière,

- débouter M. [U] de l'intégralité de ses autres demandes,

A titre infiniment subsidiaire,

- dans l'hypothèse de la reconnaissance d'un contrat à durée déterminée :

- fixer à la somme de 51,25 euros bruts le montant de l'indemnité de préavis de 8 jours et 5,12 euros l'indemnité de congés afférents,

- débouter M. [U] de toute demande d'indemnité de licenciement,

- déclarer bien-fondé le licenciement pour faute grave du contrat de travail de M. [U] en raison de ses manquements graves,

- déclarer irrégulière la procédure de licenciement pour faute grave de M. [U],

- fixer à un mois de salaire soit à la somme de 192,20 euros l'indemnité pour procédure irrégulière,

- réduire à un mois de salaire soit à la somme de 192,20 euros le montant des dommages et intérêts pour licenciement abusif,

- réduire à de plus justes proportions le montant de l'indemnité sollicitée sur le fondement au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- débouter M. [U] de l'intégralité de ses demandes,

En tout état de cause,

- déclarer opposable à l'AGS le jugement et l'arrêt à intervenir,

- condamner M. [U] à verser à la société la somme de 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamner M. [U] aux dépens devant le conseil de prud'hommes et devant la cour,

- dire que les sommes à caractère de salaire produiront intérêt au taux légal à compter de la date de saisine et que les autres sommes produiront intérêt à compter de la décision.

Par écritures déposées le 2 avril 2021, M. [U] demande à la cour de :

- dire la société et M. [O], pris en sa qualité de commissaire à l'exécution du plan de redressement de la société, irrecevables ou en tout cas mal fondés en leurs appels et en leurs prétentions et les en débouter,

- dire l'AGS irrecevable ou en tout cas mal fondé en ses prétentions,

- dire M. [U] recevable et bien fondé en ses prétentions et son appel incident,

- confirmer le jugement déféré en ce qu'il a :

- constaté et dit au titre de l'article 65 et 70 du code de procédure civile, la recevabilité de nouvelles demandes de M. [U] ainsi que la demande de dommages et intérêts,

- constaté et dit de requalifier le licenciement verbal en un licenciement sans cause réelle et sérieuse avec tout ce qui en découle,

- constaté et dit que l'employeur devait verser une indemnité de fin de contrat,

- condamné la société à verser une somme de 2 503,08 euros au titre du travail dissimulé,

- ordonné la remise et rectification des documents sociaux notamment le bulletin de paie, le certificat de travail et l'attestation Pôle emploi, sous astreinte de 15 euros par jour et par document sous un délai de 30 jours à compter de la mise à disposition de la notification du présent jugement,

- dit que les sommes produiront des intérêts au taux légal à compter de la saisine du conseil de prud'hommes,

- mis les dépens à la charge de la société.

- réformer le jugement en ce :

- qu'il a mis hors de cause l'AGS,

- qu'il n'a pas condamné la société à payer à M. [U] une somme au titre de congés payés,

- ce qu'il a condamné l'employeur à verser des sommes à titre de dommages et intérêts qui sont d'un montant inférieur à ce qui devait être fixé,

- ce qu'il a condamné la société à verser seulement la somme de 1 500 euros à M. [U] alors qu'il devra être fait droit à la demande de l'intimé qui va être ci-après rappelée,

En conséquence,

- dire que toutes les demandes formées par M. [U] dans ses conclusions récapitulatives III déposés en première instance, y compris les demandes de dommages et intérêts, d'indemnités de fin de contrat étaient et sont recevables,

- dire que la société a rompu de manière illégale le contrat à durée déterminée, M. [U] qui a été licencié verbalement avant l'expiration de la date prévue pour l'expiration du contrat à durée déterminée,

- condamner la société à payer à M. [U] à titre de dommages et intérêts du fait de la rupture anticipée du contrat à l'initiative de l'employeur une somme de 4 000 euros,

- dire que l'indemnité de fin de contrat due par l'employeur doit être fixée à la somme de 417,18 euros et en conséquence condamner la société à payer à M. [U] à ce titre une somme de 417,18 euros,

- condamner la société à payer à M. [U] à titre de congés payés une somme de 417,18 euros,

- condamner la société à payer à M. [U] au titre du travail dissimulé prévu et réprimé par les articles L.8223-1 et L.8221-5 du code du travail une somme de 2 503,08 euros,

- condamner la société à payer à M. [U] au titre de l'article 700 du code de procédure civile une somme de 5 000 euros,

- condamner la société au paiement des intérêts sur les sommes allouées à compter de la date de la saisine du conseil de prud'hommes,

- rejeter la demande formée par les appelants au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- dire l'arrêt à intervenir opposable à l'AGS,

- condamner la société au paiement des dépens.

Par conclusions déposées le 28 octobre 2020, l'AGS demande à la cour de :

A titre principal,

- constater que le conseil de prud'hommes par le jugement du 27 juillet 2018 a mis hors de cause l'AGS à raison du plan de redressement du 17 mai 2017, décidé par le tribunal de commerce de Lisieux, en faveur de la société,

- constater que ledit jugement est définitif,

- prendre acte de la précédente mise hors de cause de l'AGS qui n'est donc plus partie à la présente instance,

En conséquence,

- confirmer le jugement dont appel en ce que le conseil de prud'hommes a mis hors de cause l'AGS,

A titre subsidiaire,

- débouter M. [U] de l'intégralité de ses demandes ou, à tout le moins, les réduire dans les plus amples proportions,

- déclarer les demandes additionnelles au titre de l'indemnité de fin de contrat, de l'indemnité forfaitaire pour travail dissimulé irrecevables au visa des articles 65 et 70 du code de procédure civile,

- mettre hors de cause l'AGS sur les demandes présentées quant à la remise d'un document sous astreinte et sur le paiement d'une indemnité sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

- rejeter la demande d'exécution provisoire,

- déclarer la décision à intervenir opposable à l'AGS dans les seules limites de la garantie légale et des plafonds applicables selon les dispositions des articles L.3253-6 et L.3253-8 et suivants du code du travail et des articles D3253-5 et suivants du code du travail, les seules créances garanties étant celles découlant de l'exécution du contrat de travail. La garantie de l'AGS est plafonnée, toutes créances avancées pour le compte du salarié, à un des trois plafonds définis à l'article D.3253-5 du code du travail.

Conformément aux dispositions de l'article 455 du code de procédure civile, il est renvoyé aux conclusions des parties pour un plus ample exposé de leurs moyens et prétentions.

L'ordonnance de clôture a été rendue le 18 mai 2022.

MOTIFS DE LA DECISION

- Sur la mise hors de cause de l'AGS

La société fait valoir qu'à la date du redressement judiciaire, elle avait embauché M. [U] et que la créance de congés payés qui existait à cette date demeure une créance garantie par l'AGS.

M. [U] explique que le jugement du 27 juillet 2018 est intervenu dans des conditions particulières, à savoir l'absence de tentative de conciliation, de sorte que les parties ont été reconvoquées à cette fin devant le bureau de conciliation et d'orientation, à l'exception de l'AGS qui a été écartée provisoirement de l'instance. Il estime que la mise hors de cause de l'AGS prononcée par le jugement du 27 juillet 2018 n'était pas définitive.

L'AGS soutient que sa mise hors de cause a été décidée de manière définitive par la décision du 27 juillet 2018.

Par jugement du 27 juillet 2018, le conseil de prud'hommes de Lisieux a notamment :

- mis dans l'état, hors de cause l'AGS à raison du plan de redressement du 17 mai 2017, décidé par le tribunal de commerce de Lisieux, en faveur de la société,

- débouté la société de sa demande d'irrecevabilité des prétentions formulées par M. [U],

- dit que la société étant redevenue in bonis, il y a lieu de régulariser la procédure en cours par la comparution des parties devant le bureau de conciliation et d'orientation de la juridiction.

Il en ressort que la décision du 27 juillet 2018 est un jugement mixte par lequel le conseil de prud'hommes a tranché une partie du principal en mettant hors de cause l'AGS, et a statué provisoirement pour le surplus du litige en renvoyant la société et le salarié devant le bureau de conciliation et d'orientation.

Par application de l'article 544 du code de procédure civile, l'appel à l'encontre de ce jugement était ouvert aux parties en ce qui concerne la partie définitivement tranchée.

Le jugement du 27 juillet 2018, qui n'a pas été frappé d'appel, est définitif en ce qu'il a mis hors de cause l'AGS, de sorte que le jugement déféré mérite confirmation sur ce point.

- Sur la recevabilité des demandes nouvelles de M. [U]

L'article R. 1452-6 du code du travail qui fixait la règle de l'unicité de l'instance a été abrogé par le décret n°2016-660 du 20 mai 2016. Ainsi, pour les instances introduites devant les conseils de prud'hommes depuis le 1er août 2016, le principe de l'unicité de l'instance est supprimé.

Selon l'article 65 du code de procédure civile, constitue une demande additionnelle la demande par laquelle une partie modifie ses prétentions antérieures.

L'article 70 du même code précise que les demandes additionnelles ne sont recevables que si elles se rattachent aux prétentions originaires par un lien suffisant. Les juges du fond apprécient souverainement si la demande additionnelle se rattache aux prétentions originaires par un lien suffisant.

La société fait valoir que les demandes additionnelles de M. [U], qui ne figuraient pas dans sa demande initiale du 3 juillet 2017, au titre de l'indemnité de fin de contrat, de l'indemnité de travail dissimulé et en dommages et intérêts du fait de la rupture anticipée, doivent être écartées comme étant des demandes nouvelles qui ne se rattachent pas aux prétentions originaires.

Elle souligne que les demandes initiales de M. [U] se fondaient sur un contrat à durée indéterminée, tandis que les demandes suivantes se réfèrent à un contrat à durée déterminée.

M. [U] rétorque qu'il a contesté, dès le début de la procédure, la régularité du licenciement, et que la précision ultérieure selon laquelle il s'agissait d'un contrat à durée déterminée n'est pas une demande additionnelle mais un moyen opposé à l'employeur, ou en tout état de cause une demande qui se rattache aux prétentions originaires par un lien suffisant.

Il estime que l'indemnité de fin de contrat est la conséquence directe de l'existence du contrat à durée déterminée, recevable par application de l'article 70 du code de procédure civile. Il considère enfin qu'il existe un lien entre les demandes initiales et celle formée au titre du travail dissimulé.

Il ressort du dossier que la requête initiale comportait essentiellement une demande d'indemnité de préavis, et des demandes en dommages et intérêts pour procédure irrégulière de licenciement et en réparation du préjudice subi du fait du licenciement abusif.

M. [U] a formé pour la première fois une demande en indemnité de fin de contrat et une demande en dommages et intérêts pour rupture anticipée du contrat de travail par ses deuxièmes conclusions du 21 février 2018, et pour la première fois une demande pour travail dissimulé par ses troisièmes conclusions du 9 novembre 2018.

Le contrat de travail qui fonde la saisine du salarié, sans que celui-ci n'en qualifie la durée (déterminée ou indéterminée) dans sa requête initiale, constitue le soutien de ses demandes formées par conclusions ultérieures.

Dès lors les demandes formulées au titre de l'indemnité de fin de contrat et en dommages et intérêts du fait de la rupture ancitipée se rattachent par un lien suffisant aux prétentions originaires et doivent être déclarées recevables.

En revanche, aucune demande n'a été formée dans sa requête initiale par le salarié au titre des heures supplémentaires, de sorte que sa demande au titre du travail dissimulé ne peut être rattachée à la demande initiale et doit être déclarée irrecevable. Le jugement déféré sera donc infirmé de ce chef.

- Sur le rappel de salaire

La société fait valoir qu'aucune demande de rappel de salaire n'avait été formulée par M. [U], ce qui n'est pas contesté par M. [U].

Il convient en conséquence d'infirmer le jugement déféré en ce qu'il a accordé à M. [U] une somme de 1 373,17 euros à titre de rappel de salaire pour la période du 13 novembre 2015 au 13 février 2016 et la somme de 137,32 euros au titre des congés payés y afférents.

Il n'y a donc pas lieu à rappel de salaire.

- Sur la demande au titre de l'indemnité de congés payés

La société demande que la décision déférée soit confirmée en ce qu'elle a pris acte de son versement de la somme de 52,85 euros au salarié au titre de l'indemnité de congés payés, et infirmé en ce qu'elle a accordé 137,72 euros au même titre, faute pour M. [U] de justifier du bien-fondé de cette créance.

M. [U] sollicite une somme de 417,18 euros au titre de l'indemnité de congés payés.

Le salarié n'explique ni ne justifie le fondement de la somme ainsi réclamée, pas plus que la manière dont il parvient au montant demandé.

Il convient dès lors, par voie d'infirmation, de le débouter de cette demande et de confirmer le jugement en ce qu'il a pris acte du versement 'à la somme brute' de 52,85 euros au titre des congés payés par la société.

- Sur la rupture abusive du contrat de travail

La société estime qu'aucune indemnité n'est due à ce titre en raison du comportement inadmissible et fautif de M. [U], soutenant que celui-ci ne s'est pas présenté à son poste de travail le samedi 14 novembre 2015, contrairement à ce que M. [C] lui avait demandé la veille.

M. [U] explique que l'accès à son poste de travail lui a été refusé le 14 novembre 2015 par le gérant de l'établissement, lequel avait annoncé sur les réseaux sociaux sa volonté de se séparer de l'ancienne équipe. Il ajoute que deux autres anciennes salariées ont également fait l'objet d'un licenciement verbal le même soir et ont été indemnisées par le conseil de prud'hommes dans le cadre de jugements devenus définitifs.

La société produit deux attestations desquelles il ressort que trois salariés de l'établissement, dont M. [U], ont annoncé au gérant le 13 novembre 2015 dans le cadre d'un échange réalisé en termes vifs, qu'ils ne reviendraient plus travailler. Ces deux témoins et trois autres précisent ne pas avoir vu ces trois salariés dans l'établissement de nuit le 14 novembre 2015.

M. [U] produit quatre attestations, dont une fait ressortir que M. [C] a interdit l'accès de l'établissement au salarié le 13 novembre 2015. Les trois autres mentionnent que M. [U] travaillait tous les vendredis soir d'août à novembre 2015.

M. [U] affirme, sans être contesté, que l'un des témoins de la société est la mère du gérant, M. [C].

Il ressort de ces témoignages que M. [U] a travaillé dans la discothèque tous les vendredis soirs entre août et novembre 2015, conformément aux stipulations du contrat de travail qui prévoyait qu'il devait travailler le vendredi et le samedi soir. Dans ces conditions, le témoignage de M. [H] selon lequel le gérant a demandé le vendredi soir 13 novembre 2015 à M. [U] de ne pas travailler le lendemain, apparaît incohérent, puisque le salarié venait régulièrement prendre son poste au jour convenu dans le contrat de travail.

Il convient donc de prendre en compte le témoignage produit par l'intimé aux termes duquel il lui a été annoncé le 13 novembre 2015 que l'accès à la discothèque lui était interdit à compter du samedi soir 14 novembre 2015, interdiction qui doit être analysée en licenciement verbal du salarié.

Il y a donc lieu de constater que le contrat à durée déterminée a fait l'objet d'une rupture abusive de la part de l'employeur.

Le jugement entrepris sera par conséquent infirmé en ce qu'il a requalifié le licenciement verbal en licenciement sans cause réelle et sérieuse, le licenciement verbal devant s'analyser en rupture abusive du contrat à durée déterminée.

Selon l'article L. 1243-4 du code du travail, la rupture anticipée du contrat de travail à durée déterminée qui intervient à l'initiative de l'employeur, en dehors des cas de faute grave, ouvre droit pour le salarié à des dommages et intérêts d'un montant au moins égal aux rémunérations qu'il aurait perçues jusqu'au terme du contrat.

Le contrat de M. [U] qui devait se terminer le 13 février 2016 a pris fin le 13 novembre 2015. Il lui est donc dû, sur la base de 192,20 euros bruts mensuels, montant dont il est justifié par la production de trois bulletins de salaire, une somme minimale de 192,20 x 3 mois, soit 576,60 euros.

M. [U] ne justifiant aucunement d'un préjudice supplémentaire, c'est cette somme qui lui sera accordée par voie d'infirmation à titre de dommages et intérêts en réparation de son préjudice pour rupture abusive du contrat à durée déterminée.

- Sur l'indemnité de fin de contrat

Aux termes de l'article L.1243-8 du code du travail,

Lorsque, à l'issue d'un contrat de travail à durée déterminée, les relations contractuelles de travail ne se poursuivent pas par un contrat à durée indéterminée, le salarié a droit, à titre de complément de salaire, à une indemnité de fin de contrat destinée à compenser la précarité de sa situation.

Cette indemnité est égale à 10 % de la rémunération totale brute versée au salarié.

Elle s'ajoute à la rémunération totale brute due au salarié. Elle est versée à l'issue du contrat en même temps que le dernier salaire et figure sur le bulletin de salaire correspondant.

La société, faisant valoir que M. [U] ayant présenté ses demandes initiales sur la base d'un contrat à durée indéterminée, et le conseil de prud'hommes ayant implicitement considéré qu'il s'agissait d'un contrat à durée indéterminée en 'requalifiant le licenciement verbal en licenciement sans cause réelle et sérieuse', considère que l'indemnité de fin de contrat n'est pas due, et en tout état de cause pas expliquée par l'intimé.

M. [U] estime fondée cette demande, la portant à une somme de 417,18 euros.

M. [U] produit la copie d'un contrat de travail à temps partiel à durée déterminée daté du 14 août 2015 signée du seul salarié.

La société ne méconnaît pas avoir engagé M. [U]. Selon elle en effet, cette embauche est intervenue à l'initiative de M. [X], devenu cogérant de l'établissement en accord avec le gérant M. [C]. Les développements de la société concernant les griefs de M. [C] à l'égard de M. [X] sont sans conséquence sur la réalité de l'embauche de M. [U] dans le cadre d'un contrat à durée déterminée.

Il en ressort que l'indemnité de fin de contrat est due. M. [U] ne donne cependant aucune explication sur le calcul de la somme qu'il sollicite à ce titre.

Cette indemnité est égale à 10 % de la rémunération totale brute versée au salarié, soit en l'espèce pour un contrat qui a débuté le 14 août 2015 et devait prendre fin le 13 février 2016 (six mois), et sur la base de 192,20 euros bruts mensuels : 6 x 192,20 euros x 10 % = 115,32 euros.

Il sera donc accordé à M. [U], par voie d'infirmation, une somme de 115,32 euros au titre de l'indemnité de fin de contrat.

- Sur les autres demandes

Il convient d'ordonner, par voie d'infirmation, la remise de bulletins de salaire, d'un certificat de travail et d'une attestation destinée à Pôle emploi, conformes aux dispositions du présent arrêt, sans que le prononcé d'une astreinte apparaisse nécessaire, faute pour le salarié de démontrer que l'employeur risque de ne pas se conformer à cette obligation.

Les sommes sus-visées produiront intérêt au taux légal conformément aux dispositions de l'article 1231-6 du code civil.

Partie succombante, la société sera condamnée aux dépens d'appel et le jugement confirmé de ce chef.

En application de l'article 700 du code de procédure civile, il convient de condamner la société à payer à M. [U] une indemnité destinée à couvrir les frais non compris dans les dépens qu'il a dû engager pour assurer la défense de ses intérêts en cause d'appel, et qu'il convient de fixer à 1 200 euros. Le jugement est confirmé en ce qu'il a condamné la société à payer une somme de 1 500 euros au salarié sur ce même fondement.

La société sera déboutée de la demande formée à ce titre.

PAR CES MOTIFS

La cour,

Confirme le jugement déféré en ce qu'il a :

- mis hors de cause l'AGS-CGEA de [Localité 6] (l'AGS) au titre du plan de redressement du 17 mai 2017 du tribunal de commerce de Lisieux en faveur de la société,

- pris acte du versement 'à la somme brute' de 52,85 euros au titre des congés payés par la société,

- condamné la société à verser la somme de 1 500 euros à M. [U] au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- mis les dépens à la charge de la société.

L'infirme pour le surplus ;

Statuant à nouveau,

Déclare irrecevable la demande d'indemnité de M. [U] formée au titre du travail dissimulé ;

Déclare recevables les demandes de M. [U] au titre de l'indemnité de fin de contrat et de dommages et intérêts du fait de la rupture anticipée ;

Dit que la rupture abusive du contrat à durée déterminée de M. [U] est imputable à l'employeur ;

Condamne la société PCRL Exploitation et M. [O], ès qualités de commissaire à l'exécution du plan de redressement de la société PCRL Exploitation, à payer à M. [U] :

- 576,60 euros euros à titre de dommages et intérêts au titre de la rupture abusive du contrat à durée déterminée ,

- 115,32 euros au titre de l'indemnité de fin de contrat ;

Dit que ces sommes produiront intérêt au taux légal conformément aux dispositions de l'article 1231-6 du code civil ;

Dit n'y avoir lieu à rappel de salaire ;

Déboute M. [U] de sa demande de complément d'indemnité au titre de l'indemnité de congés payés d'un montant de 417,18 euros ;

Ordonne la remise à M. [U] par la société PCRL Exploitation et M. [O], ès qualités de commissaire à l'exécution du plan de redressement de la société PCRL Exploitation, des bulletins de salaire, d'un certificat de travail et d'une attestation destinée à Pôle emploi, conformes aux dispositions du présent arrêt ;

Dit n'y avoir lieu à astreinte ;

Condamne la société PCRL Exploitation et M. [O], ès qualités de commissaire à l'exécution du plan de redressement de la société PCRL Exploitation, aux dépens d'appel,

Déboute la société PCRL Exploitation et M. [O], ès qualités de commissaire à l'exécution du plan de redressement de la société PCRL Exploitation, de leur demande formée au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

Condamne la société PCRL Exploitation et M. [O], ès qualités de commissaire à l'exécution du plan de redressement de la société PCRL Exploitation, à payer à M. [U] la somme complémentaire de 1 200 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

LE GREFFIERLE PRESIDENT

E. GOULARD C. CHAUX


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Caen
Formation : Chambre sociale section 2
Numéro d'arrêt : 20/01318
Date de la décision : 29/09/2022

Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2022-09-29;20.01318 ?
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