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29/09/2022 | FRANCE | N°20/00548

France | France, Cour d'appel de Caen, Chambre sociale section 2, 29 septembre 2022, 20/00548


AFFAIRE : N° RG 20/00548

N° Portalis DBVC-V-B7E-GQF4

 Code Aff. :



ARRET N°



C.P





ORIGINE : Décision du Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de CAEN en date du 20 Février 2020 RG n° F18/00521











COUR D'APPEL DE CAEN

Chambre sociale section 2

ARRÊT DU 29 SEPTEMBRE 2022





APPELANT :



S.A. ALLIANZ VIE agissant poursuites et diligences de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège

[

Adresse 1]

[Localité 4]



Représentée par Me Jérémie PAJEOT, avocat au barreau de CAEN, substitué par Me Olivier MEYER, avocat au barreau de PARIS









INTIME :



Monsieur [O] [J]

[Adresse ...

AFFAIRE : N° RG 20/00548

N° Portalis DBVC-V-B7E-GQF4

 Code Aff. :

ARRET N°

C.P

ORIGINE : Décision du Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de CAEN en date du 20 Février 2020 RG n° F18/00521

COUR D'APPEL DE CAEN

Chambre sociale section 2

ARRÊT DU 29 SEPTEMBRE 2022

APPELANT :

S.A. ALLIANZ VIE agissant poursuites et diligences de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège

[Adresse 1]

[Localité 4]

Représentée par Me Jérémie PAJEOT, avocat au barreau de CAEN, substitué par Me Olivier MEYER, avocat au barreau de PARIS

INTIME :

Monsieur [O] [J]

[Adresse 3]

[Localité 2]

Représenté par Me Marie-France MOUCHENOTTE, avocat au barreau de CAEN

COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DÉBATS ET DU DÉLIBÉRÉ :

Mme CHAUX, Présidente de chambre,

Mme ACHARIAN, Conseiller,

Monsieur LE BOURVELLEC, Conseiller,

DÉBATS : A l'audience publique du 19 mai 2022

GREFFIER : Mme GOULARD

ARRÊT prononcé publiquement le 29 septembre 2022 à 14h00 par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile et signé par Mme CHAUX, présidente, et Mme GOULARD, greffier

EXPOSE DU LITIGE

M. [O] [J] a été engagé par la société AGF Vie, devenue Allianz Vie (la société) le 12 mai 2003 en qualité de conseiller financier dans le cadre d'un contrat de travail à durée indéterminée.

M. [J] a été promu 'inspecteur des ventes junior' en 2008 puis est devenu 'responsable de marchés confirmé' le 1er janvier 2012.

Un 'courrier d'observation' puis un avertissement lui ont été notifiés respectivement les 14 décembre 2015 et 18 janvier 2017.

Par courrier du 9 mars 2017, le salarié a été convoqué à un entretien fixé au 22 mars 2017 à la suite duquel, le 5 avril 2017, lui a été proposé un reclassement professionnel au statut de cadre, puis à un entretien préalable à une mesure de licenciement fixé au 19 juin 2017, suivi, le 11 octobre 2017 de la notification d'un licenciement pour insuffisance professionnelle.

Contestant la rupture de son contrat de travail, M. [J] a saisi le conseil de prud'hommes de Caen le 27 septembre 2018.

Par jugement du 20 février 2020, cette juridiction a :

- jugé que le licenciement de M. [J] est dépourvu de cause réelle et sérieuse,

- condamné la société à verser à M. [J] les sommes suivantes :

- 60 000 euros à titre d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

- 1 200 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

- ordonné le remboursement par la société des indemnités chômage versées par les organismes concernés du jour du licenciement au jour du jugement, dans la limite de six mois,

- ordonné l'exécution provisoire de la décision,

- débouté la société de sa demande fondée sur l'article 700 du code de procédure civile,

- condamné la société aux dépens.

La société a interjeté appel de cette décision par déclaration du 4 mars 2020.

Aux termes de ses dernières conclusions déposées le 28 mai 2020, la société demande à la cour :

- de réformer la décision déférée en ses dispositions qui :

- ont jugé le licenciement de M. [J] dépourvu de cause réelle et sérieuse,

- l'ont condamnée à verser à M. [J] la somme de 60 000 euros à titre d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse et 1 200 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

- ont ordonné le remboursement des indemnités chômage versées par les organismes concernés du jour du licenciement au jour du jugement, dans la limite de six mois,

- ont ordonné l'exécution provisoire de la décision,

- l'ont déboutée de sa demande fondée sur l'article 700 du code de procédure civile,

- l'ont condamnée aux dépens,

- de condamner M. [J] aux dépens,

- de condamner M. [J] à lui verser la somme de 1 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile et aux dépens éventuels.

Il sera renvoyé aux conclusions pour un exposé des moyens développés par la société au soutien de ses prétentions.

Par ordonnance du 30 septembre 2020, la présidente de chambre, chargée de la mise en état, a déclaré M. [J] irrecevable à conclure.

Cette décision n'a pas été déférée devant la cour d'appel.

L'ordonnance de clôture a été rendue le 4 mai 2022.

MOTIFS DE LA DECISION

Aux termes de l'article L. 1232-1 du code du travail, le licenciement pour motif personnel doit être justifié par une cause réelle et sérieuse.

Aux termes de l'article L. 1235-1 du code du travail, le juge, pour apprécier le caractère réel et sérieux des motifs de licenciement invoqués par l'employeur, forme sa conviction au vu des éléments fournis par les parties, et au besoin après toutes mesures d'instruction qu'il estime utiles. Si un doute persiste, il profite au salarié.

La cause du licenciement peut ne revêtir aucun caractère fautif, toute circonstance qui affecte le fonctionnement de l'entreprise étant de nature à justifier la rupture du contrat de travail.

Par ailleurs, la circonstance que des avertissements disciplinaires antérieurs ont été notifiés au salarié pour des faits liés à l'exercice de ses fonctions ne prive pas l'employeur de la possibilité de licencier le salarié en invoquant son insuffisance professionnelle, pour des faits nouveaux, de même nature.

L'insuffisance professionnelle est susceptible de constituer une cause de licenciement et est définie comme l'incapacité du salarié à exercer correctement ses fonctions.

En l'espèce, la lettre de licenciement du 11 octobre 2017, qui fixe les limites du litige en application des dispositions de l'article L. 1232-6 du code du travail et en l'absence de précision postérieure telle que prévue par l'article L. 1235-2, évoque une série de motifs d'insuffisance professionnelle :

- une forte décroissance des résultats de l'équipe dirigée par M. [J] en 2016 et au début de l'année 2017,

- un défaut de respect, par plusieurs collaborateurs, des procédures mises en place par la société,

- un nombre insuffisant de rendez-vous dans divers domaines commerciaux et des objectifs qui n'ont pas été atteints alors que M. [J] n'organise pas le fonctionnement du service durant ses absences,

- une ambiance de travail dégradée ainsi qu'un manque d'accompagnement des collaborateurs dans leur travail,

- un manquement à l'obligation de respecter les procédures et de mettre en place des contrôles qui 'met en péril l'ensemble de la chaîne managériale et de contrôle de la structure ainsi que la qualité de conseil apportée aux clients', évoqué lors d'entretiens individuels d'activité les 20 janvier et 22 février 2017 et ayant donné lieu à une observation de décembre 2015 et un avertissement de janvier 2017,

- l'absence de réponse à une proposition de changement de poste.

Il convient liminairement de constater que M. [J], au moment de son licenciement, disposait d'une ancienneté de plus de quatorze années dans l'entreprise dont cinq en qualité de manager.

Jusqu'en 2015, il n'a jamais fait l'objet de sanction.

Lors de l'entretien annuel avec son responsable hiérarchique du 16 mars 2015 portant sur l'activité de l'année 2014, les résultats de M. [J] étaient évalués comme atteints ou partiellement atteints et son niveau comme 's'approchant du niveau de compétence du poste'.

En conclusion le manager adhérait à l'analyse du salarié selon laquelle 'l'année 2014 a été une réussite. Je vais continuer à poursuivre le travail de fond avec mes collaborateurs. [...] J'ai fait part de mes différents souhaits : avoir une rémunération fixe à la hauteur de mon ancienneté dans le poste RM ainsi que des résultats obtenus [...]'

Lors de l'entretien du 26 février 2016, le salarié a manifesté à nouveau sa 'grande frustration à ne pas être reconnu dans le passage de grade supérieur'. Ses objectifs étaient décrits comme partiellement ou totalement atteints et son niveau comme 's'approchant du niveau d'exigence du poste' en terme de performance.

Le manager qualifiait l'année 2015 d'excellente avec des points d'évolution concernant l'encadrement de certains collaborateurs.

Le 1er mars 2017, M. [J] signalait des 'difficultés de conformité pour deux collaborateurs (MM. [X] et [K]). Besoin d'appui dans ce sens. J'aurais aimé recruter.'

Le manager note des objectifs non-atteints et des sanctions, qualifiant le niveau de M. [J], concernant les performances, de 'en-deçà des exigences du poste' et conclut 'la situation actuelle impose à [O] de se remettre fondamentalement en cause sur son métier de RM, ses responsabilités et d'envisager un changement de fonction à très court terme.'

Cependant, le manquement aux obligations de contrôle des activités de ses collaborateurs par M. [J] a fondé deux sanctions notifiées les 14 décembre 2015 et18 janvier 2017 sans que de nouveaux faits soient évoqués par la direction si bien que ce motif de licenciement ne peut être retenu.

En outre, le salarié n'a pas contesté la baisse de résultats de son équipe entre janvier 2016 et mars 2017, objectivée par la production de tableaux de performance synthétisant les chiffres d'affaires atteints et le classement de l'équipe de vente au sein de la délégation de Basse-Normandie ou sur le plan national.

Toutefois, il ressort du jugement déféré et des pièces produites qu'après avoir été convoqué à deux reprises, le 20 janvier et 22 février 2017 pour évoquer ces résultats en baisse, avoir reçu des courriels de M. [Y] [W], délégué régional de Basse-Normandie, en date des 22 février et 30 mars 2017 confirmant cette tendance, et reçu le 5 avril 2017 une proposition de reclassement professionnel au poste de conseiller gestion patrimoine-statut cadre, M. [J] a contesté les reproches de son employeur par courrier du 12 avril 2017, évoquant des chiffres à la hausse, des projets et le maintien de son équipe de vente dans les premières places du classement malgré un recul de certains chiffres (productivité gestion privée, productivité ARI4L).

L'employeur ne produit plus aucun élément chiffré sur les objectifs assignés à M. [J] après mars 2017 alors qu'il ressort des termes du jugement déféré que l'objectif mensuel de contribution unique de juillet 2017 a été réalisé à 114,6 %, antérieurement au licenciement.

M. [W] a de surcroît adressé au salarié un message de félicitations le 20 juillet 2017 rédigé en ces termes : 'Félicitations pour les scores du mois ! Tous mes encouragements à l'équipe pour homogénéiser et consolider ces résultats. Excellente fin de mois à toute l'équipe, cela se joue au finish !'

Le message comporte en outre un tableau récapitulatif des objectifs commerciaux qui sont tous dépassés ou atteints et le jugement déféré relève que M. [J] a perçu une prime de résultat de 12 000 euros en septembre 2017.

Il ressort de ces éléments que les reproches exprimés sur les objectifs commerciaux ont été contestés par M. [J] qui s'est expliqué de sa situation, que les attentes de l'employeur ont été comblées au mois de septembre, les chiffres favorables étant annoncés par M. [J] dès le mois d'avril et que le salarié a été licencié après un avis favorable du 'conseil de discipline' de l'entreprise auquel ces éléments n'ont pas été communiqués.

Le grief tenant à l'insuffisance des résultats due à une insuffisance professionnelle ne pourra donc être retenu.

Sur le grief relatif aux compétences de direction de M. [J], il apparaît que celui-ci avait signalé à son employeur, dès mars 2016 selon les termes du jugement déféré et encore par courrier du 12 avril 2017 ou lors de l'entretien du 1er mars 2017, des difficultés de management liées au départ non anticipé de deux collaborateurs et de la persistance de certains à ne pas se conformer à ses observations sur les procédures à suivre.

M. [J] reconnaît qu'un salarié souhaitait changer d'équipe mais note qu'il s'agissait de celui qui refusait d'appliquer les procédures de contrôle mises en place dans l'entreprise et s'explique sur le fait qu'un autre ait contacté le délégué régional en soulignant qu'il s'agit d'un dossier particulier à interlocuteurs multiples, sans que la société ne conteste ni n'explique plus avant les caractéristiques de cette situation professionnelle.

En outre, l'employeur ne produit aucun élément établissant les plaintes alléguées des collaborateurs de M. [J].

Si des courriels ont été adressés par celui-ci à des collaborateurs sans formule de politesse et sur un ton impératif, il convient de constater que le ton demeure courtois voire encourageant, le style factuel et que l'absence de formule de politesse n'est pas dirimante dans un courriel.

Par ailleurs, ces rappels à leurs obligations adressés à des collaborateurs, faisaient suite à des injonctions du même type envoyées à M. [J] par la direction ou les services compétents.

Le défaut d'organisation du travail durant les absences de M. [J] n'est démontré par aucune pièce.

Ces éléments n'établissent donc pas une insuffisance professionnelle en matière manageriale et ne peuvent fonder l'ultime grief de la lettre de licenciement sur le refus d'un reclassement professionnel.

En conséquence, il apparaît que si une baisse des résultats attribués à l'équipe de vente dirigée par M. [J] est objectivée pour la période de janvier 2016 à mars 2017, il n'est pas établi qu'elle soit en lien avec une insuffisance professionnelle de son manager.

Les résultats escomptés ont en effet été atteints en juillet 2017, postérieurement à l'entretien préalable, sans que la commission de discipline rendant un avis sur la mesure de licenciement en soit informée. En outre, des difficultés liées à un manque de personnel ou à l'attitude rétive au respect des consignes de certains salariés ont été signalés par M. [J] à la direction de l'entreprise sans réaction de cette dernière pour appuyer sa position alors même que le responsable de marchés se trouvait dépourvu de tout pouvoir de sanction à l'égard de ses collaborateurs.

Dans ces conditions, en l'absence de démonstration d'une insuffisance professionnelle, le jugement déféré sera confirmé en ce qu'il a déclaré le licenciement sans cause réelle et sérieuse.

En l'absence de critique du jugement déféré sur le montant de l'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse allouée, ce dernier sera également confirmé sur ce point.

Partie succombante, la société sera condamnée aux dépens de première instance et d'appel et le jugement sera confirmé en ce qu'il a condamné l'employeur à verser au salarié la somme de 1 200 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS

La cour

Confirme le jugement déféré en toutes ses dispositions,

Condamne la société Allianz Vie aux dépens.

LE GREFFIERLE PRESIDENT

E. GOULARD C. CHAUX


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Caen
Formation : Chambre sociale section 2
Numéro d'arrêt : 20/00548
Date de la décision : 29/09/2022

Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2022-09-29;20.00548 ?
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