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29/09/2022 | FRANCE | N°19/01434

France | France, Cour d'appel de Caen, Chambre sociale section 2, 29 septembre 2022, 19/01434


AFFAIRE : N° RG 19/01434

N° Portalis DBVC-V-B7D-GKIU

 Code Aff. :



ARRET N°



C.P





ORIGINE : Décision du Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de CAEN en date du 29 Avril 2019 RG n° F 18/00021











COUR D'APPEL DE CAEN

Chambre sociale section 2

ARRÊT DU 29 SEPTEMBRE 2022





APPELANT :



Monsieur [J] [W]

[Adresse 2]

[Localité 1]



Représenté par Me VOIVENEL, de la SELARL DLV, avocats au bar

reau de CAEN





INTIMEE :



M. [Y] [V], ès qualités de liquidateur amiable de la société [Adresse 4]

[Adresse 3]

[Localité 5]



Représentée par Me SALMON de la SELARL SALMON & ASSOCIES, avocats au barreau de...

AFFAIRE : N° RG 19/01434

N° Portalis DBVC-V-B7D-GKIU

 Code Aff. :

ARRET N°

C.P

ORIGINE : Décision du Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de CAEN en date du 29 Avril 2019 RG n° F 18/00021

COUR D'APPEL DE CAEN

Chambre sociale section 2

ARRÊT DU 29 SEPTEMBRE 2022

APPELANT :

Monsieur [J] [W]

[Adresse 2]

[Localité 1]

Représenté par Me VOIVENEL, de la SELARL DLV, avocats au barreau de CAEN

INTIMEE :

M. [Y] [V], ès qualités de liquidateur amiable de la société [Adresse 4]

[Adresse 3]

[Localité 5]

Représentée par Me SALMON de la SELARL SALMON & ASSOCIES, avocats au barreau de CAEN

COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DÉBATS ET DU DÉLIBÉRÉ :

Mme CHAUX, Présidente de chambre,

Mme ACHARIAN, Conseiller,

M. LE BOURVELLEC, Conseiller,

DÉBATS : A l'audience publique du 19 mai 2022

GREFFIER : Mme GOULARD

ARRÊT prononcé publiquement le 29 septembre 2022 à 14h00 par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinea de l'article 450 du code de procédure civile et signé par Mme CHAUX, président, et Mme GOULARD, greffier

La cour statue sur l'appel régulièrement interjeté par M. [W] d'un jugement rendu le 29 avril 2019 par le conseil de prud'hommes de Caen dans un litige l'opposant à la société [Adresse 4].

FAITS et PROCÉDURE

M. [W] a été embauché par la société [Adresse 4] (ci-après 'la société') par contrat à durée indéterminée du 10 novembre 2016, à effet du 14 novembre 2016, en qualité de responsable de pôle fraude et environnement.

Par lettre du 26 octobre 2017, M. [W] a été convoqué pour le 7 novembre 2017 à un entretien préalable à son licenciement, lequel lui a été notifié le 13 novembre suivant pour insuffisance professionnelle.

La relation de travail est régie par la convention collective des réseaux de transports publics urbains de voyageurs.

Le 15 janvier 2018, M. [W] a saisi le conseil de prud'hommes de Caen pour contester la mesure de licenciement.

Par jugement du 29 avril 2019, le conseil de prud'hommes a :

- débouté M. [W] de l'ensemble de ses demandes,

- condamné M. [W] aux dépens.

Par déclaration du 13 mai 2019, M. [W] a relevé appel de cette décision.

Par arrêt du 25 mars 2021, la cour d'appel a :

- infirmé l'ordonnance du conseiller de la mise en état du 16 novembre 2020 ayant déclaré irrecevable l'appel interjeté à l'encontre de la société par M. [W], contre le jugement rendu le 29 avril 2019 par le conseil de prud'hommes de Caen et l'ayant condamné au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamné la société à payer à M. [W] la somme de 1 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- débouté la société de sa demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- dit que les dépens de l'incident et de l'instance en déféré seront laissés à la charge de la société.

Par conclusions déposées le 17 mai 2022, M. [W] demande à la cour de :

- infirmer la décision entreprise en toutes ses dispositions,

- dire qu'il a régulièrement lié sa procédure à l'encontre de son employeur, la société,

- dire qu'il a fait l'objet d'un licenciement abusif,

- condamner en conséquence M. [V], ès qualités de liquidateur amiable de la société, à lui payer les sommes de :

- 6 466,91 euros à titre de complément de préavis,

- 20 000 euros à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, et subsidiairement une somme de 6 466,91 euros,

- 2 500 euros à titre de dommages et intérêts pour non-respect de la procédure conventionnelle,

- 2 500 euros au titre des conditions particulièrement vexatoires selon lesquelles le licenciement est intervenu,

- condamner M. [V], ès qualités de liquidateur amiable de la société à payer à M. [W] une indemnité de 4 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux dépens.

Par écritures déposées le 16 mai 2022, M. [V], ès qualités de liquidateur amiable de la société (la société ), demande à la cour de :

- dire que le licenciement de M. [W] n'est pas un licenciement disciplinaire et en conséquence, dire que la société n'avait pas à saisir le conseil de discipline,

- débouter M. [W] de l'ensemble de ses demandes,

En tout état de cause, vu l'article L.1235-2 du code du travail,

- dire que l'absence de saisine du conseil de discipline est uniquement une irrégularité de procédure,

- débouter M. [W] de la contestation du licenciement,

- accorder à M. [W] une indemnité maximum d'un mois de salaire,

- débouter M. [W] de sa demande de dommages et intérêts pour licenciement vexatoire,

- constater que la cour n'est pas saisie d'une demande de requalification du licenciement en licenciement sans cause réelle et sérieuse,

- en conséquence, débouter M. [W] de l'intégralité de ses demandes relativement à la contestation du licenciement,

Subsidiairement,

- réduire dans les plus amples propositions les dommages et intérêts qui pourraient être accordés à M. [W] au titre de la contestation du licenciement et faire application des plancher et plafond prévus par les articles L.1235-3 du code du travail,

- dire que les éventuels dommages et intérêts seront accordés en brut,

En tout état de cause,

- condamner M. [W] à payer à la société la somme de 1 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamner M. [W] au dépens.

Conformément aux dispositions de l'article 455 du code de procédure civile, il est renvoyé aux conclusions des parties pour un plus ample exposé de leurs moyens et prétentions.

L'ordonnance de clôture a été rendue le 18 mai 2022.

MOTIFS DE LA DECISION

Le jugement entrepris, relevant que M. [W] avait saisi le conseil de prud'hommes à l'encontre d'une société sans aucune existence juridique, qui n'est pas son employeur, a constaté que la procédure était manifestement mal dirigée et a en conséquence débouté le salarié de l'ensemble de ses demandes.

La cour d'appel, dans son arrêt du 25 mars 2021, a considéré que la société [Adresse 4], qui s'est présentée un temps et exclusivement comme la SARL Keolis, n'a pas subi de grief de cette erreur de dénomination dans la requête saisissant le conseil de prud'hommes et qu'elle doit en conséquence, être considérée comme ayant été régulièrement partie à l'audience nonobstant l'en-tête du jugement.

L'intimée ne conteste plus que la procédure est valablement dirigée à son encontre.

- Sur la régularité de la procédure de licenciement

M. [W] fait valoir que l'employeur, qui a placé la procédure sur le terrain disciplinaire, aurait dû respecter la procédure y afférente conformément aux stipulations de la convention collective applicable.

La société réplique qu'il s'agit d'un licenciement pour insuffisance professionnelle de type qualitative et donc un licenciement non disciplinaire n'impliquant pas le respect de la procédure prévue par la convention collective.

Subsidiairement, elle estime que le non-respect de la procédure a pour seule conséquence de permettre d'accorder au salarié une indemnité pour procédure irrégulière et non de priver le licenciement de cause réelle et sérieuse.

L'article 49 de la convention collective nationale des réseaux de transports urbains de voyageurs dispose que les sanctions du deuxième degré que constituent la suspension temporaire sans solde, la mutation ou le changement d'emploi par mesure disciplinaire, la rétrogradation et le licenciement doivent être prises après un avis motivé du conseil de discipline.

La lettre de convocation du 26 octobre 2017 était ainsi libellée :

'Lors de notre entretien du 14 septembre 2017, nous avons échangé sur mon insatisfaction quant à votre travail.

Nous avons abordé notamment votre manque de présence terrain et de proximité avec vos équipes, les relations tendues que vous entretenez avec le directeur de la police municipale et votre dénigrement de la politique fraude de [Adresse 4] auprès du siège.

Nous vous informons que nous sommes amenés aujourd'hui à envisager à votre égard une sanction disciplinaire pouvant aller jusqu'au licenciement.'

Les griefs ainsi évoqués ressortent des obligations professionnelles du salarié dont la violation constituerait une faute et par conséquent, un licenciement pour motif disciplinaire. L'employeur se réfère d'ailleurs expressément dans son courrier à la possibilité d'une sanction de nature disciplinaire.

La société argue cependant de ce que le conseil de discipline doit être saisi pour avis motivé pour les salariés titulaires, ce que n'était pas, selon elle, M. [W] puisqu'il ne bénéficiait pas de 12 mois d'ancienneté à la date d'engagement du licenciement, ni même à la date de la notification du licenciement.

L'article 17 de la convention collective applicable stipule que les titulaires sont des agents qui, ayant accompli dans les conditions satisfaisantes le stage réglementaire de douze mois. Il précise ensuite : sauf les cas visés à l'article 58 ci-après, les agents titulaires ne peuvent être licenciés que pour faute grave et sur avis motivé du conseil de discipline.

Il en ressort donc que l'avis motivé du conseil de discipline, s'agissant des titulaires, est requis à la condition que soit envisagé un licenciement pour faute grave, ce qui n'était pas la situation de M. [W].

Par ailleurs, l'article 49 de la convention collective stipule, en son dernier alinéa, que sauf révocation de plein droit, les sanctions du deuxième degré doivent être prises après avis motivé du conseil de discipline.

Cette stipulation ne distingue donc pas entre agent titulaire et stagiaire, étant au surplus souligné que la procédure de rupture du contrat du travail qui a été choisie par l'employeur étant celle du licenciement, donc celle afférente aux agents titulaires, l'employeur ne peut ensuite prétendre s'affranchir des règles y afférentes au motif que le salarié concerné n'aurait pas eu la qualité de titulaire.

Il s'ensuit que la société aurait dû respecter les stipulations de l'article 49 précité et solliciter l'avis motivé du conseil de discipline.

L'article L.1235-2 du code du travail, dans sa version modifiée par l'ordonnance n° 2017-1387 du 22 septembre 2017, dispose :

Si le licenciement d'un salarié survient sans que la procédure requise ait été observée, mais pour une cause réelle et sérieuse, le juge impose à l'employeur d'accomplir la procédure prévue et accorde au salarié, à la charge de l'employeur, une indemnité qui ne peut être supérieure à un mois de salaire.

L'article 40 de l'ordonnance n° 2017-1387 du 22 septembre 2017 précise que les dispositions des articles 2, 3, 39 et des IV, V et VI de l'article 4 sont applicables aux licenciements prononcés postérieurement à la publication de la présente ordonnance.

Le licenciement de M. [W] ayant été notifié le 13 novembre 2017, les dispositions de l'article L.1235-2 dans sa rédaction issue de l'ordonnance du 22 septembre 2017 sont applicables, de sorte que le non-respect de la procédure de licenciement ne le prive pas de ce seul fait de cause réelle et sérieuse.

- Sur le licenciement

Aux termes de l'article L 1232-1 du code du travail, le licenciement pour motif personnel doit être justifié par une cause réelle et sérieuse.

La cause de licenciement peut ne revêtir aucun caractère fautif, toute circonstance qui affecte le fonctionnement de l'entreprise étant de nature à justifier la rupture du contrat de travail.

L'employeur demande que soit constaté que la cour n'est pas saisie d'une demande en requalification du licenciement en licenciement sans cause réelle et sérieuse. Pour autant, le salarié demande expressément que son licenciement soit déclaré abusif, et partant, sans cause réelle et sérieuse, de sorte que la présente juridiction est saisie d'une demande de l'appelant tendant à apprécier le bien-fondé du licenciement et le cas échéant à constater qu'il est dépourvu de motif réel et sérieux.

Il résulte des dispositions de l'article L. 1232-6 du code du travail que la lettre de licenciement fixe les limites du litige.

En l'espèce, la lettre de licenciement du 13 novembre 2017 mentionnait notamment :

'En dépit des explications que vous nous avez fournies lors de cet entretien, nous avons décidé au terme de notre délai de réflexion, de vous licencier pour insuffisance professionnelle.

Les motifs de cette décision sont les suivants :

- un manque de présence terrain, point par ailleurs déjà abordé lors de votre entretien individuel annuel du 31/05/2017,

- des relations conflictuelles avec le directeur de la police municipale,

- un dénigrement de la politique de fraude de [Adresse 4] auprès du siège.

Cette incapacité à assumer correctement vos fonctions met en cause la bonne marche de votre service et, lors de notre entretien du 7 novembre 2017, vous n'avez pas fourni d'éléments de nature à nous faire espérer un quelconque changement.'

M. [W] fait valoir que les faits motivant le licenciement avaient déjà été sanctionnés par le courrier de l'employeur en date du 27 septembre 2017.

La société rétorque que le principe ainsi évoqué par le salarié n'a pas vocation à s'appliquer en l'espèce puisque le licenciement a été prononcé pour insuffisance professionnelle et non motif disciplinaire.

Le courrier du 27 septembre 2017 mentionnait :

'Lors de l'entretien que nous avons eu le 14/09/02017, nous avons fait un point sur la qualité de votre travail au poste de responsable du pôle environnement fraude.

A cette occasion, je vous ai fait part de mon insatisfaction concernant plusieurs sujets vous concernant :

- tout d'abord je vous ai indiqué que nous ne sommes pas satisfaits de la qualité du management de l'équipe. Nous constatons notamment que vous n'êtes pas présent sur le terrain aux côtés des équipes de vérification.

[...]

Je vous ai fait part également d'un retour qui m'a été fait par notre autorité organisatrice, Caen la mer, au sujet d'un incident qui a eu lieu avec le directeur de la police municipale.

[...]

Je vous ai également précisé ma surprise d'avoir appris que vous aviez échangé avec le siège de Keolis sans nous en informer, en dénigrant la politique fraude mise en oeuvre dans la filiale et en émettant de forts doutes quant aux objectifs fixés à moyen terme, en matière d'atteinte de taux de fraude.

[...]

Je vous demande donc expressément de vous remettre en question faute de quoi je serai dans l'obligation d'envisager une sanction disciplinaire à votre égard.'

Il est acquis que constitue une sanction, toute mesure autre que les observations verbales prise par l'employeur à la suite d'un agissement du salarié considéré par l'employeur comme fautif, que cette mesure soit de nature à affecter immédiatement ou non la présence du salarié dans l'entreprise, sa fonction, sa carrière ou sa rémunération.

La « mise en garde » notifiée à M. [W] par écrit avec indication qu'elle pourra être suivie d'une sanction disciplinaire constitue une mesure disciplinaire dès lors qu'elle est mise en 'uvre après des faits considérés comme fautifs. Elle doit être analysée comme sanctionnant un comportement fautif et constitue à ce titre un avertissement.

Or, force est de constater que les faits reprochés à M. [W] dans le courrier du 27 septembre 2017 sont identiques à ceux fondant le licenciement. La circonstance que celui-ci ait été qualifié par l'employeur de licenciement pour insuffisance professionnelle ne lui ôte pas sa nature de sanction disciplinaire, compte tenu des faits invoqués.

L'employeur ne pouvait donc pas sanctionner à deux reprises les mêmes faits, dont il doit être noté qu'aucune pièce du dossier ne permet de les dater et donc de mettre la juridiction en mesure de s'assurer qu'ils ne sont pas prescrits comme antérieurs de plus de deux mois à la mise en oeuvre de la procédure disciplinaire de licenciement, ou celle d'avertissement du 27 septembre 2017.

Il doit être par ailleurs souligné que la société ne produit aucun élément pour prouver les faits reprochés au salarié, le courrier que celui-ci a envoyé à la société le 28 octobre 2017 ne constituant pas un aveu de reconnaissance des reproches qui lui étaient adressés, mais bien au contraire leur contestation.

En conséquence le licenciement de M. [W] doit être déclaré dépourvu de cause réelle et sérieuse.

- Sur les conséquences du licenciement sans cause réelle et sérieuse

Indemnité compensatrice de préavis

L'article L. 1234-1 du code du travail dispose que, lorsque le licenciement n'est pas motivé par une faute grave, le salarié a droit :

1° s'il justifie chez le même employeur d'une ancienneté de services continus inférieure à six mois, à un préavis dont la durée est déterminée par la loi, la convention ou l'accord collectif de travail ou, à défaut, par les usages pratiqués dans la localité et la profession ;

2° s'il justifie chez le même employeur d'une ancienneté de services continus comprise entre six mois et moins de deux ans, à un préavis d'un mois ;

3° s'il justifie chez le même employeur d'une ancienneté de services continus d'au moins deux ans, à un préavis de deux mois.

Toutefois, les dispositions des 2° et 3° ne sont applicables que si la loi, la convention ou l'accord collectif de travail, le contrat de travail ou les usages ne prévoient pas un préavis ou une condition d'ancienneté de services plus favorable pour le salarié.

L'article L. 1234-5 du code du travail dispose que lorsque le salarié n'exécute pas le préavis, il a droit, sauf s'il a commis une faute grave, à une indemnité compensatrice.

En l'espèce, l'article 12 de l'annexe II de la convention collective applicable prévoit que le préavis d'un agent de maîtrise est de trois mois.

M. [W] ayant bénéficié d'un préavis d'un mois, il convient de lui accorder, sur la base d'un salaire de référence non contesté par les parties de 2 939,50 euros, la somme de 5 879 euros bruts correspondant à deux mois de préavis supplémentaires, outre 587 euros bruts au titre des congés payés y afférents.

Indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse

L'article L. 1235-3 du code du travail, dans sa version applicable à compter du 23 septembre 2017, dispose que si le licenciement d'un salarié survient pour une cause qui n'est pas réelle et sérieuse, le juge peut proposer la réintégration du salarié dans l'entreprise, avec maintien de ses avantages acquis.

Si l'une ou l'autre des parties refuse cette réintégration, le juge octroie au salarié une indemnité à la charge de l'employeur, dont le montant est compris entre des montants minimaux et maximaux exprimés en mois de salaire brut, soit en l'espèce entre un et deux mois de salaire.

M. [W] demande que soit écartée l'application du plafond prévu par ce texte, notamment au visa de l'article 10 de la convention n° 158 de l'Organisation internationale du travail (OIT).

Il est cependant admis que les dispositions de l'article L.1235-3 précité sont de nature à permettre le versement d'une indemnité adéquate ou une réparation considérée comme appropriée au sens de l'article 10 de la convention n° 158 de l'OIT. Il appartient seulement à la juridiction d'apprécier la situation concrète du salarié pour déterminer le montant de l'indemnisation due entre les montants minimaux et maximaux déterminés par l'article L.1235-3 du code du travail.

Au moment du licenciement, M. [W] était âgé de 49 ans. Il bénéficiait d'une ancienneté au sein de l'entreprise d'un an. Il a été indemnisé par Pôle emploi du 21 décembre 2017 au 31 octobre 2018.

Il justifie de quatre recherches d'emploi (trois en avril 2018, une en novembre 2018).

Après avoir exercé une activité dans le cadre de l'auto-entreprise pour un revenu mensuel de 1 200 euros, il a retrouvé un emploi auprès du Ministère de l'intérieur en qualité d'agent contractuel du 1er décembre 2020 au 30 novembre 2023, sans précision sur la rémunération perçue. Il indique travailler à [Localité 5], alors que sa famille (son épouse et sept enfants) est domiciliée dans le Calvados.

Compte tenu de cette situation, il convient de lui allouer une indemnité de 5 879 euros.

Sur le fondement de l'article L.1235-4 du code du travail, il convient de condamner l'employeur à rembourser les indemnités de chômage versées du jour de son licenciement au jour du prononcé du jugement, dans la limite de trois mois d'indemnités de chômage.

Dommages et intérêts pour non-respect de la procédure conventionnelle

Par application de l'article L1235-2 précité, le juge ne peut sanctionner les irrégularités de procédure que s'il considère le licenciement comme motivé par une cause réelle et sérieuse.

Le licenciement de M. [W] ayant été déclaré dépourvu de cause réelle et sérieuse, le salarié doit être débouté de sa demande au titre d'une irrégularité de la procédure.

Dommages et intérêts pour licenciement vexatoire

M. [W] explique avoir subi un préjudice en raison de la 'méthode' utilisée par son employeur pour arriver à la rupture du contrat de travail : engagement d'une procédure disciplinaire sur la base de faits anciens et manifestement prescrits, tentative de rattrapage d'une procédure mal engagée.

Le salarié, tenu de caractériser le préjudice dont il sollicite réparation, n'apporte aucun élément sur ce point, de sorte que, faute de prouver ou même d'indiquer en quoi consisterait ce préjudice, il ne peut qu'être débouté de cette demande.

- Sur les autres demandes

Les sommes sus-visées produiront intérêt au taux légal conformément aux dispositions de l'article 1231-6 du code civil.

En application de l'article 700 du code de procédure civile, il convient de condamner la société à payer à M. [W] une indemnité destinée à couvrir les frais non compris dans les dépens qu'il a dû engager pour assurer la défense de ses intérêts en première instance et en cause d'appel, et qu'il convient de fixer à 2 000 euros.

La société sera déboutée de la demande formée sur même fondement.

Partie succombante, la société sera condamnée aux dépens de première instance et d'appel.

PAR CES MOTIFS

La cour,

Infirme le jugement déféré ;

Statuant à nouveau,

Dit que le licenciement de M. [W] est sans cause réelle et sérieuse,

Condamne M. [V], ès qualités de liquidateur amiable de la société [Adresse 4], à payer à M. [W] :

- 5 879 euros bruts à titre de complément de préavis,

- 587 euros bruts au titre des congés payés afférents,

- 5 879 euros à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

- 2 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

Dit que ces sommes produiront intérêt au taux légal conformément aux dispositions de l'article 1231-6 du code civil ;

Déboute M. [W] de ses demandes de dommages et intérêts au titre du non-respect de la procédure conventionnelle et au titre d'un licenciement vexatoire ;

Ordonne le remboursement à Pôle emploi par M. [V] ès qualités de liquidateur amiable de la société [Adresse 4] des indemnités de chômage versées à M. [W], dans la limite de trois mois d'indemnités ;

Déboute M. [V] ès qualités de liquidateur amiable de la société [Adresse 4] de sa demande formée au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

Condamne M. [V] ès qualités de liquidateur amiable de la société [Adresse 4] aux dépens de première instance et d'appel.

LE GREFFIERLE PRESIDENT

E. GOULARD C. CHAUX


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Caen
Formation : Chambre sociale section 2
Numéro d'arrêt : 19/01434
Date de la décision : 29/09/2022

Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2022-09-29;19.01434 ?
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