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30/06/2022 | FRANCE | N°19/03457

France | France, Cour d'appel de Caen, Chambre sociale section 2, 30 juin 2022, 19/03457


AFFAIRE : N° RG 19/03457

N° Portalis DBVC-V-B7D-GOTZ

 Code Aff. :



ARRET N°



C.P





ORIGINE : Décision du Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de CAEN en date du 13 Novembre 2019 - RG n° F18/00522









COUR D'APPEL DE CAEN

Chambre sociale section 2

ARRET DU 30 JUIN 2022



APPELANT :



Monsieur [N] [W]

[Adresse 1]



Représenté par Me Dominique MARI, substitué par Me BODERGAT, avocats au barreau de CAEN





INTIMEE :



SASU HAFA SERVICES venant aux droits de la société ETABLISSEMENTS BLONDEL, absorbée par la société SODIFA, agissant poursuites et diligences de ses représentants légaux domiciliés en cette...

AFFAIRE : N° RG 19/03457

N° Portalis DBVC-V-B7D-GOTZ

 Code Aff. :

ARRET N°

C.P

ORIGINE : Décision du Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de CAEN en date du 13 Novembre 2019 - RG n° F18/00522

COUR D'APPEL DE CAEN

Chambre sociale section 2

ARRET DU 30 JUIN 2022

APPELANT :

Monsieur [N] [W]

[Adresse 1]

Représenté par Me Dominique MARI, substitué par Me BODERGAT, avocats au barreau de CAEN

INTIMEE :

SASU HAFA SERVICES venant aux droits de la société ETABLISSEMENTS BLONDEL, absorbée par la société SODIFA, agissant poursuites et diligences de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège.

[Adresse 2]

Représentée par Me Jérémie PAJEOT, avocat au barreau de CAEN, substitué par Me EMERY, avocat au barreau de MARSEILLE

DEBATS : A l'audience publique du 31 mars 2022, tenue par Mme CHAUX, Président de chambre, Magistrat chargé d'instruire l'affaire lequel a, les parties ne s'y étant opposées, siégé en présence de Mme ACHARIAN, Conseiller, pour entendre les plaidoiries et en rendre compte à la Cour dans son délibéré

GREFFIER : Mme GOULARD

COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DELIBERE :

Mme CHAUX, Présidente de chambre,

Mme ACHARIAN, Conseiller,

M. LE BOURVELLEC, Conseiller,

ARRET prononcé publiquement le 30 juin 2022 à 14h00 par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinea de l'article 450 du code de procédure civile et signé par Mme CHAUX, présidente, et Mme GOULARD, greffier

La cour statue sur l'appel régulièrement interjeté par M. [W] d'un jugement rendu le 13 novembre 2019 par le conseil de prud'hommes de Caen dans un litige l'opposant à la société HAFA Services, venant aux droits de la société Établissements Blondel.

FAITS et PROCEDURE

M. [W] a été engagé par la société Établissements Blondel, aux droits de laquelle vient la société HAFA Services (ci-après 'la société'), pour une durée indéterminée, à compter du 2 octobre 1995, en qualité d'attaché technico-commercial, statut ouvrier, coefficient 205.

La société emploie plus de dix salariés et la relation de travail est régie par la convention collective nationale 'chimie : industries' du 30 décembre 1952.

Par avenant au contrat de travail à effet du 1er mars 2014, le secteur géographique de M. [W] a été élargi.

Sa rémunération a été fixée comme suit :

- rémunération annuelle fixe brute de 13 320 euros, payée en douze mensualités, soit 1 110 euros bruts par mois,

- rémunération variable mensuelle composée de commissions sur la marge dégagée (commissions renforcées par un coefficient tenant compte du tonnage réalisé) et de primes d'objectifs.

La société a remis à M. [W] une proposition d'avenant le 9 mai 2016, correspondant à la mise en place d'un nouveau système de rémunération, ainsi qu'un tableau intitulé 'évolution du système de rémunération 2016".

M. [W] n'a pas accepté de signer cet avenant.

Par courrier du 16 avril 2018, s'estimant victime d'une inégalité de traitement, M. [W] a sollicité de son employeur :

- un salaire fixe brut mensuel d'un montant de 1 917,47 euros,

- la régularisation rétroactive sur les trois dernières années de cet écart de rémunération de 807,47 euros bruts mensuels.

En l'absence de réponse favorable de la société, M. [W] a saisi le conseil de prud'hommes de Caen le 27 septembre 2018 aux fins d'obtenir la régularisation d'un avenant à son contrat de travail prévoyant une rémunération fixe mensuelle d'un montant de 1 917,47 euros, un rappel de salaire, des dommages et intérêts pour manquement au devoir de loyauté et d'exécution de bonne foi du contrat de travail.

Par jugement en date du 13 novembre 2019, le conseil de prud'hommes a :

- déclaré la requête de M. [W] recevable et bien fondée,

- condamné la société à verser à M. [W] les sommes suivantes :

- 1 920 euros brut au titre de rappel de salaire pour la période allant du mois d'avril 2015 au mois de mai 2016,

- 192 euros brut au titre des congés payés afférents pour cette même période,

- rappelé l'exécution provisoire de droit portant sur ces différentes condamnations conformément à l'article R 1454-28 du code du travail,

- condamné la société à verser à M. [W] les intérêts courant pour la période du mois d'avril 2015 au mois de mai 2016,

- invité les parties à se rapprocher pour déterminer le montant dû à ce titre à M. [W],

- débouté M. [W] du surplus des ses autres demandes, tel que détaillé ci-dessus dans la motivation de la décision,

- condamné la société à verser à M. [W] la somme de 1 100 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- débouté la société de ses demandes reconventionnelles :

- aux fins d'octroi de dommages et intérêts sur le fondement de l'article 1240 du code civil,

- au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamné la société, succombant partiellement, aux dépens de l'instance et éventuels frais d'exécution du jugement, conformément à l'article 696 du code de procédure civile.

Par déclaration du 16 décembre 2019, M. [W] a relevé appel de cette décision.

Par ordonnance du 2 novembre 2021, le conseiller chargé de la mise en état a :

- débouté la société de l'ensemble de ses demandes tendant à obtenir le prononcé de la nullité, la caducité ou l'irrecevabilité de la déclaration d'appel de M. [W],

- condamné la société à payer à M. [W] la somme de 800 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamné la société aux dépens de l'incident.

Par conclusions déposées le 31 août 2021, M. [W] demande à la cour de :

- réformer le jugement entrepris,

- condamner la société à lui assurer une rémunération fixe mensuelle d'un montant de 1 917,47 euros passé le délai d'un mois suivant la notification de la décision à intervenir et ce,sous astreinte de 50 euros par jour de retard passé ce délai s'il n'y a pas été procédé,

- condamner la société à lui assurer une revalorisation de sa classification et son positionnement au coefficient 460,

- condamner la société à lui verser les sommes suivantes :

- 58 137,84 euros bruts à titre de rappel de salaire (à parfaire),

- 5 813,78 euros bruts à titre d'indemnité de congés payés sur rappel de salaire,

- 3 000 euros à titre de dommages et intérêts pour manquement au devoir de loyauté et d'exécution de bonne foi du contrat de travail,

- condamner la société à lui verser une somme de 3 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- rejeter les demandes reconventionnelles présentées par la société en cause d'appel.

Par écritures déposées le 31 mars 2022, la société demande à la cour de :

- confirmer les chefs de jugement non critiqués, à savoir :

- confirmer le jugement en ce qu'il a débouté M. [W] de sa demande de dommages et intérêts pour manquement au devoir de loyauté et d'exécution de bonne foi du contrat de travail,

- confirmer le jugement en ce qu'il a débouté M. [W] de sa demande de réévaluation du montant de sa rémunération fixe mensuelle,

- confirmer le jugement en ce qu'il a débouté M. [W] de sa demande de revalorisation de sa classification et de son positionnement au coefficient 460,

- réformer le jugement en ses dispositions critiquées, à savoir :

- dire que M. [W] n'a subi aucune inégalité de traitement concernant sa rémunération et sa qualification,

- dire que l'action de M. [W] est abusive et dilatoire,

En conséquence,

- débouter M. [W] de l'intégralité de ses demandes en rappels de salaire,

- condamner M. [W] au paiement de 1 000 euros au titre de l'article 1240 du code civil,

Si par extraordinaire la cour devait faire droit à la demande de fixation de la rémunération mensuelle fixe de M. [W] :

- fixer la rémunération fixe mensuelle de M. [W] à de plus justes proportions,

En tout état de cause :

- débouter M. [W] de l'ensemble de ses demandes de nature salariale et indemnitaires,

- condamner M. [W] au paiement de 3 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux dépens.

Conformément aux dispositions de l'article 455 du code de procédure civile, il est renvoyé aux dernières conclusions des parties pour un plus ample exposé de leurs moyens et prétentions.

L'ordonnance de clôture a été rendue le 2 mars 2022.

MOTIFS DE LA DECISION

- Sur la demande au titre de l'égalité de traitement

Il résulte des dispositions de l'article L 3221-2 du code du travail que l'employeur doit assurer l'égalité de traitement entre salariés lorsqu'ils effectuent un même travail ou un travail de valeur égale.

Sont considérés comme ayant une valeur égale, les travaux qui exigent des salariés un ensemble comparable de connaissances professionnelles consacrées par un titre, un diplôme ou une pratique professionnelle, de capacités découlant de l'expérience acquise, de responsabilités et de charge physique ou nerveuse.

Il appartient au salarié qui invoque une atteinte au principe d'égalité de traitement de soumettre au juge les éléments de fait susceptibles de caractériser une inégalité de rémunération et il incombe à l'employeur de rapporter la preuve d'éléments objectifs justifiant cette différence.

En l'espèce, M. [W] explique :

- être attaché technico-commercial au sein de la société depuis le 2 octobre 1995 et avoir acquis une ancienneté de 26 ans dans l'entreprise,

- que son travail consiste à vendre et distribuer des produits fabriqués par la société auprès d'une clientèle de professionnels sur un secteur géographique donné; qu'il a la qualification d'employé, coefficient 205 de la convention collective applicable et perçoit le salaire suivant :

- un salaire fixe mensuel de 1 110 euros bruts,

- des commissions sur chiffres d'affaires et marges réalisées,

- des primes sur objectifs,

- une prime d'ancienneté calculée sur un salaire fixe de 1 629,75 euros.

Il fait valoir que quatre autres salariés de la société, Mme [F], M. [O], M. [R] et M. [G], exercent exactement les mêmes fonctions que lui et relèvent du même mode de rémunération. Il estime être victime d'une inégalité de traitement dans la mesure où, à situation égale à ces collègues, il perçoit une rémunération fixe mensuelle moindre.

En réplique, la société estime que M. [W] ne fait l'objet d'aucune inégalité de traitement, souligne qu'il ne tient compte que de la partie fixe de sa rémunération, à l'exception des autres éléments de celle-ci.

Elle ajoute que M. [W] ne peut choisir, chez chacun des salariés à qui il se compare, les éléments de rémunération qui lui conviendraient le mieux.

Au soutien de sa demande, M. [W] justifie de ce que :

- Mme [F] était agent technico-commercial au sein de la société, placée au coefficient 190, avec une ancienneté de 4 ans, pour un salaire fixe mensuel brut de 1 350 euros,

- M. [O], agent technico-commercial au coefficient 460, avec une ancienneté de 31 ans, perçoit un salaire fixe mensuel brut de 1 633,33 euros,

- M. [R] était agent technico-commercial au coefficient 205, avec une ancienneté de 14 ans, perçoit un salaire fixe mensuel brut de 1 917,47 euros,

- M. [G], agent technico-commercial au coefficient 250, avec une ancienneté de 5 ans, perçoit un salaire fixe mensuel brut de 1 500 euros.

Il produit les attestations de :

- Mme [F], ancienne salariée de la société, qui indique que M. [W] exerçait exactement les mêmes fonctions que les siennes, et que celles exercées par MM. [O] et [R],

- M. [T], agent technico-commercial de la société de 1996 à 2018, qui écrit que M. [W] a effectué exactement le même travail que M. [R], M. [O], Mme [F] et lui-même,

- M. [H], agent technico-commercial de la société du 19 novembre 2007 au 15 juin 2016, qui indique que M. [W] effectuait la même mission que M. [O], M. [R], et Mme [F] et lui-même sur un secteur géographique différent, ajoutant qu'ils avaient eu les mêmes formations et réunions,

- M. [L], directeur des ventes de la société de 1994 à 2013 qui écrit que M. [W], tout comme M. [O], M. [T], M. [R], M. [H] ont assuré exactement le même travail, les mêmes missions, ainsi que tous les autres technico-commerciaux dont il avait la responsabilité dans son équipe.

Ces éléments sont susceptibles de caractériser une situation d'inégalité de rémunération, du fait en particulier du témoignage de M. [L], ancien directeur des ventes de la société, qui confiait leurs missions aux salariés qui étaient sous son autorité.

Il appartient donc à l'employeur d'apporter la preuve que cette différence de rémunération se justifie par des motifs objectifs ne dépendant pas de sa seule volonté.

La société explique que M. [O] a le statut de cadre, ayant de nombreuses responsabilités et notamment un rôle de formateur et d'accompagnateur, faisant figure de mentor et d'exemple auprès des technico-commerciaux nouvellement engagés.

Elle produit l'attestation de M. [P], directeur de vente, qui écrit '...M. [O] a un rôle d'expertise reconnu au sein de notre société sur le segment véhicules légers - auto.

En effet, ce dernier occupe une fonction de technico-commercial sur son secteur dont la particularité est d'être mono-secteur, M. [O] n'exerçant qu'auprès du segment VL Autos, contrairement à tous les autres collaborateurs de la force commerciale.

A ce titre, il reçoit régulièrement dans le cadre du parcours d'intégration de nouveaux entrants à des fins de formation sur l'approche commerciale et les produits de ce segment.

Il est également régulièrement sollicité pour des conseils dans ce domaine par ses collègues et est l'interlocuteur commercial privilégié de notre service technique pour travailler sur la gamme de produits VL Autos.

Ensuite, il est un référent sur l'outil contrat financier dont il est le meilleur connaisseur dans l'entreprise.

Enfin, il est en charge de l'organisation d'incentives pour les clients et d'opérations commerciales complètes pour ceux-ci et est à ce titre, régulièrement en sessions de travail sur ces dossiers avec la direction et les équipes du siège social en charge de ses sujets.'

La société produit un unique document en complément de l'attestation, à savoir un courriel du 13 juin 2019 dans lequel M. [O] informe 'l'équipe Nord-Idf' de la mise en place conjointement avec un autre collègue d'un voyage en Tanzanie.

L'organisation d'un voyage, dont rien n'indique qu'il soit réalisé à des fins commerciales, ne ressort pas directement de fonctions d'encadrement et n'apporte pas, en tout état de cause, d'informations sur les tâches énoncées par M. [P] dans son témoignage.

Ainsi, ni le contrat de travail, ni la fiche de poste de M. [O] ne sont produits, qui auraient pu permettre d'apporter des éléments objectifs sur les attributions de ce salarié.

Il constant que M. [O] a été embauché le 1er septembre 1988, soit sept ans avant M. [W]. Il est acquis que l'ancienneté peut justifier une différence de traitement à condition qu'elle ne soit pas déjà prise en compte dans le cadre d'une prime spécifique. Or, il est justifié de ce que les salariés de la société bénéficient d'une prime d'ancienneté, de sorte que ce critère ne peut justifier une différence de traitement dans la rémunération.

De la même façon, la date d'embauche ne peut être utilement invoquée pour expliquer une telle différence qu'à la condition qu'elle soit corrélée à l'entrée en vigueur d'un nouveau barème de rémunération ou d'un nouvel accord collectif ou accord de substitution. Tel n'est pas le cas en l'espèce, en sorte que la date d'embauche ne peut légitimer une différence de salaire à fonctions égales.

Les qualités professionnelles du salarié sont rémunérées par des primes calculées en fonction des résultats. Or, le présent litige porte sur la rémunération fixe des salariés, dont aucun élément du dossier ne permet de retenir qu'elle soit fondée sur les qualités professionnelles des intéressés.

L'employeur est donc défaillant dans la preuve qui lui incombe de motifs objectifs pour justifier la différence de rémunération fixe entre M. [O] et M. [W].

S'agissant de M. [R], la société indique qu'il a été embauché le 21 mai 2002 par la société SODIFA, puis son contrat de travail a été transféré à la société Établissements Blondel en janvier 2012, de sorte qu'il a conservé l'ensemble des rémunérations prévu au contrat de travail conclu avec la société SODIFA.

Elle ajoute que M. [R] ayant quitté la société le 30 juin 2016, la comparaison avec M. [W] n'est pas pertinente.

Il est justifié que, lors de son embauche, M. [R] avait un coefficient 190 et un salaire mensuel fixe de 1 879,70 euros.

Or, il est acquis qu'en cas de transfert légal d'entreprise par application des dispositions de l'article L 1244-1 du code du travail, le maintien des contrats de travail résultant d'une obligation légale, il suffit à justifier la différence de traitement subie par les salariés du nouvel employeur.

La comparaison avec M. [R] ne révèle par conséquent aucune inégalité de traitement en matière de rémunération.

Concernant M. [G], la société indique que celui-ci a signé l'avenant du 31 janvier 2018 prévoyant le nouveau système de rémunération, lequel a été refusé par M. [W]. Elle ajoute que M. [G] était titulaire, au moment de son embauche, d'un niveau de diplôme supérieur à l'appelant et d'une solide expérience sur le secteur des lubrifiants dédiés au secteur industriel. Elle précise que ce salarié a quitté l'entreprise en juillet 2018.

C'est à tort que M. [W] soutient que l'accord donné par M. [G] à l'application d'un nouveau barème de rémunération n'est pas une justification objective pour expliquer une inégalité salariale. En effet, M. [G] et lui ont tous deux, comme les autres salariés, eu la possibilité de souscrire à l'avenant mettant en place ce barème. L'accord de l'un et le refus de l'autre constituent une donnée objective qui explique la différence de rémunération.

S'agissant de Mme [F], la société précise d'abord qu'elle ne fait plus partie de ses effectifs depuis le 25 mai 2018.

Ensuite, elle explique que cette salariée avait un salaire résultant de la particularité de son secteur géographique d'affectation (secteur sinistré, plus étendu que les plupart des autres, avec une notoriété de la marque plus faible). Il s'agissait, selon l'intimée, de rééquilibrer des disparités flagrantes de rémunération pour une charge de travail équivalente, voire supérieure.

Force est cependant de constater que ces allégations ressortent exclusivement des commentaires de la société, figurant dans ses conclusions, aux résultats de l'entreprise dans le secteur en question, sans qu'aucun élément objectif ne vienne le confirmer. En particulier, la société affirme sans le prouver que ce secteur a souffert du départ de deux salariés en 2014, qui se seraient accaparés une partie de la clientèle au détriment de leur ancien employeur, ce qui expliquerait la chute du chiffre d'affaires à compter de 2014.

Le tableau produit atteste en effet de la chute à compter de l'année indiquée, mais n'établit pas que la cause en serait celle avancée par l'intimée.

La preuve n'est donc pas rapportée d'une situation différente qui aurait pu justifier des rémunérations inégales.

De même, la société affirme que Mme [F] avait accepté l'application du nouveau barème de rémunération. Mais les pièces produites par l'appelant font état du refus de la salariée à cet égard, et la société se dispense de produire l'avenant signé qui seul aurait pu apporter la preuve de l'application à cette salariée du nouveau barème de rémunération. Elle affirme que la salariée 'n'a jamais pris la peine de retourner son avenant signé' et 'qu'elle a refusé l'avenant au motif que celui-ci modifierait son secteur géographique'.

En tout état de cause, il convient de s'en tenir au constat que Mme [F] n'a pas signé l'avenant portant modification du système de rémunération.

La circonstance que la salariée ait quitté l'entreprise en mai 2018 n'est pas de nature à ôter de toute pertinence la comparaison de sa situation avec celle de l'appelant. Il est en effet acquis que si l'application du principe « à travail égal, salaire égal » nécessite une comparaison entre des salariés de la même entreprise, la comparaison n'est pas limitée à des situations dans lesquelles les salariés effectuent simultanément un travail égal pour un même employeur.

Il apparaît en conséquence que la société échoue à rapporter la preuve de ce que les différences de rémunérations, pour des fonctions équivalentes, entre M. [O], Mme [F] et M. [W] seraient fondées sur des considérations objectives.

- Sur le nouveau système de rémunération

M. [W] affirme que le nouveau système de rémunération mis en place en 2016 dans la société lui aurait été défavorable, raison pour laquelle il n'a été accepté que par deux salariés.

La société soutient que ce système avantage les salariés et qu'en particulier, il aurait permis à l'appelant d'être relevé au niveau des autres salariés ayant signé l'avenant y afférent.

Il doit d'abord être constaté que la société justifie de l'accord de deux seuls salariés au nouveau système de rémunération, ce qui accrédite l'affirmation de M. [W] selon laquelle la majorité des salariés l'a refusé, et notamment M. [O] et Mme [F].

Il apparaît ensuite que la pièce n° 11 de l'intimée, à savoir un tableau comparatif de la situation de M. [W] entre sa situation actuelle, celle qui serait résultée de son acceptation de l'avenant en 2016 et celle qui résulterait de son acceptation à l'avenant actuellement en vigueur dans l'entreprise, ne permet pas de s'assurer que le nouveau système de rémunération serait effectivement avantageux pour les salariés.

En effet, les tableaux ne renseignent pas de façon distincte sur le montant du salaire fixe brut mensuel, ni sur la façon dont sont calculées les commissions du salarié selon les différents systèmes applicables. De nouveaux critères apparaissent en effet sur le deuxième tableau (avenant de 2016), auquel s'ajoute une autre ligne sur le troisième tableau (avenant n° 2), de sorte qu'il ne peut être affirmé que la rémunération globale du salarié, en fonction de ses résultats actuels, serait plus favorable s'il avait signé l'un ou l'autre des avenants.

Il doit être retenu que la société échoue à justifier d'une adhésion de la majorité de ses salariés à ce nouveau système de rémunération, et du caractère favorable de celui-ci, de sorte que le rappel de salaire dû à M. [W] doit être calculé sur la totalité de la période non prescrite et non jusqu'au mois de mai 2016, date à laquelle il aurait pu signer l'avenant.

Il a été relevé que la comparaison de la situation de M. [W] avec celle de M. [R] n'était pas pertinente, en conséquence de quoi l'appelant ne peut revendiquer une égalité salarié avec celui-ci.

La comparaison avec M. [O] et Mme [F] a révélé une inégalité de rémunération non justifiée par des considérations objectives.

La situation la plus similaire avec celle de M. [W] est celle de M. [O], compte tenu de leurs dates d'embauche et de leur ancienneté, avec qui la différence de rémunération fixe est de 523,33 euros par mois.

La somme due à M. [W] au titre du rappel de salaire se calcule par conséquent comme suit, dans la limite de la prescription triennale à compter de la saisine de la juridiction prud'homale jusqu'au 27 septembre 2021 :

523,33 euros X 6 ans X12 mois = 37 679,76 euros.

La société doit également être condamnée :

- à lui verser la somme de 3 767,97 euros au titre des congés payés afférents au rappel de salaire,

- à verser à M. [W] un salaire brut mensuel fixe de 1 633,33 euros à compter du 28 septembre 2021, sans que le prononcé d'une astreinte n'apparaisse nécessaire, la preuve n'étant pas rapportée que la société ne se conformera pas à la décision.

Le jugement est infirmé de ce chef.

- Sur la demande de M. [W] de statut cadre

M. [W] demande que la société soit condamnée à lui assurer une revalorisation de sa classification pour lui permettre de bénéficier d'un statut conventionnel identique à celui de M. [O].

Il fait valoir que ce dernier, qui bénéficie du statut de cadre au coefficient 460, exerce des fonctions identiques aux siennes.

La société rétorque que M. [W] n'apporte pas la preuve de l'effectivité de la réalisation de missions de cadre.

Il convient de constater que M. [W], qui se compare dans le cadre de la présente instance à quatre salariés, se revendique de la comparaison avec M. [O] (coefficient 460) pour bénéficier du statut cadre, tout en se revendiquant de la situation de M. [R] (coefficient 205) qui n'était pas cadre, pour fonder sa demande de rappel de salaire. Il s'est également appuyé sur la comparaison avec Mme [F] (coefficient 190) et M. [G] (coefficient 250) qui n'avaient pas non plus le statut de cadre.

Ainsi, M. [W] n'apporte aucun élément pour justifier de fonctions qui ressortiraient de la fonction de cadre de la société.

Il apparaît par ailleurs que les rémunérations fixes payées par la société sont décorrélées du coefficient, puisque M. [R], dont la rémunération servait de référence à l'appelant pour calculer sa demande de rappel de salaire, avait le même coefficient que lui, tandis que Mme [F], dont le salaire fixe était supérieur au sien, avait un coefficient inférieur.

Il en ressort que M. [W] est intégralement rempli de ses droits au titre de la réparation de l'inégalité de rémunération par le rappel de la salaire et par la condamnation de la société à lui assurer un salaire fixe brut de 1 633,33 euros.

Cette demande doit par conséquent, par voie de confirmation, être rejetée.

- Sur la demande de dommages et intérêts pour manquement de l'employeur à son obligation de loyauté et d'exécution de bonne foi du contrat de travail

M. [W] estime que l'employeur a manqué à son obligation d'exécution de bonne foi du contrat de travail en ne lui assurant pas une égalité de traitement de rémunération et de qualification alors qu'il l'avait alerté par un courrier du 16 avril 2018.

Il ressort du dossier que la seule occurrence par laquelle le salarié a réclamé une revalorisation de son statut et une augmentation de son salaire fixe, sur la base d'une inégalité de traitement de rémunération, est le courrier du 16 avril 2018, suivi de la saisine de la juridiction prud'homale du 27 septembre 2018.

Cette unique réclamation du salarié, séparée de quelques mois de la saisine du conseil de prud'hommes, ne caractérise pas la mauvaise foi de l'employeur, pas plus que le préjudice du salarié.

Le jugement doit être confirmé en ce qu'il l'a débouté de cette demande de dommages et intérêts.

- Sur la demande reconventionnelle au titre de la procédure abusive

L'article 32-1 du code de procédure civile dispose que celui qui agit en justice de manière dilatoire ou abusive peut être condamné à une amende civile d'un maximum de 10 000 euros, sans préjudice des dommages-intérêts qui seraient réclamés.

La cour fait partiellement droit aux demandes de M. [W], de sorte qu'il ne peut être retenu qu'il aurait fait dégénérer en abus son droit d'agir en justice.

Le jugement est donc confirmé en ce qu'il a débouté la société de cette demande.

- Sur les demandes accessoires

Il convient de rappeler que les sommes à caractère salarial produiront intérêt au taux légal à compter de la réception de la convocation des parties devant le bureau d'orientation et de conciliation et les sommes à caractère indemnitaire à compter de la signification du présent arrêt.

En application de l'article 700 du code de procédure civile, il convient de condamner la société à payer à M. [W] une indemnité destinée à couvrir les frais non compris dans les dépens qu'il a dû engager pour assurer la défense de ses intérêts en cause d'appel, et qu'il convient de fixer à 2'000 euros.

Partie succombante, la société sera condamnée aux dépens d'appel.

Le jugement est confirmé en ce qu'il a condamné la société au titre des frais non répétibles et aux dépens de première instance.

PAR CES MOTIFS

La cour,

Confirme le jugement entrepris en ce qu'il a :

- déclaré la requête de M. [W] recevable et bien fondée,

- condamné la société à verser à M. [W] la somme de 1 100 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- débouté M. [W] de sa demande formée au titre de la revalorisation de classification et son positionnement au coefficient 460 ;

- débouté M. [W] de sa demande formée au titre du manquement au devoir de loyauté et d'exécution de mauvaise foi du contrat de travail ;

- débouté la société de ses demandes reconventionnelles :

- aux fins d'octroi de dommages et intérêts sur le fondement de l'article 1240 du code civil,

- au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamné la société, succombant partiellement, aux dépens de l'instance et éventuels frais d'exécution du jugement, conformément à l'article 696 du code de procédure civile.

L'infirme pour le surplus,

Statuant à nouveau,

Condamne la société HAFA Services, venant aux droits de la société Établissements Blondel, à verser à M. [W], une rémunération fixe mensuelle brute de 1 633,33 euros, à compter du 28 septembre 2021 ;

Dit n'y avoir lieu d'ordonner une astreinte,

Condamne la société HAFA Services, venant aux droits de la société Établissements Blondel, à verser à M. [W] les sommes suivantes :

- 37 679,76 euros à titre de rappel de salaire,

- 3 767,97 euros à titre de congés payés afférents,

sommes arrêtées au 27 septembre 2021 ;

Rappelle que les sommes à caractère salarial produiront intérêt au taux légal à compter de la réception de la convocation des parties devant le bureau d'orientation et de conciliation et les sommes à caractère indemnitaire à compter de la signification du présent arrêt ;

Condamne la société HAFA Services, venant aux droits de la société Établissements Blondel, à payer à M. [W] la somme de 2 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile au titre des frais non répétibles exposés en cause d'appel ;

Condamne la société HAFA Services, venant aux droits de la société Établissements Blondel, aux dépens d'appel.

LE GREFFIERLE PRESIDENT

E. GOULARD C. CHAUX


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Caen
Formation : Chambre sociale section 2
Numéro d'arrêt : 19/03457
Date de la décision : 30/06/2022

Origine de la décision
Date de l'import : 26/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2022-06-30;19.03457 ?
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