AFFAIRE :N° RG 20/02532 -
N° Portalis DBVC-V-B7E-GUDM
ARRÊT N°
JB.
ORIGINE : DECISION en date du 05 Novembre 2020 du TJ hors JAF, JEX, JLD, J. EXPRO,
JCP de COUTANCES - RG n° 17/01182
COUR D'APPEL DE CAEN
DEUXIEME CHAMBRE CIVILE ET COMMERCIALE
ARRÊT DU 23 JUIN 2022
APPELANTE :
CAISSE REGIONALE DE CREDIT AGRICOLE MUTUEL DE NORMANDIE
[Adresse 2]
[Adresse 2]
prise en la personne de son représentant légal
représentée et assistée de Me Jean-Michel DELCOURT, avocat au barreau de CAEN
INTIMES :
Monsieur [J] [I]
né le [Date naissance 1] 1983 à [Localité 5]
[Adresse 4]
[Adresse 4]
Non représenté, bien que régulièrement assigné
E.A.R.L. DE LA LANDE
N° SIRET : 789 621 802
[Adresse 4]
[Adresse 4]
prise en la personne de son représentant légal
Non représentée, bien que régulièrement assignée
Maître [W] [G] liquidateur judiciaire de l'EARL DE LA LANDE et de M. [J] [I]
[Adresse 3]
[Adresse 3]
représenté et assisté de Me Gaël BALAVOINE, avocat au barreau de CAEN
COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DÉBATS ET DU DÉLIBÉRÉ :
Mme EMILY, Président de Chambre,
Mme COURTADE, Conseillère,
M. GOUARIN, Conseiller,
DÉBATS : A l'audience publique du 28 avril 2022
GREFFIER : Mme LE GALL, greffier
ARRÊT prononcé publiquement le 23 juin 2022 à 14h00 par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinea de l'article 450 du code de procédure civile et signé par Madame EMILY, président, et Mme LE GALL, greffier
* * *
EXPOSE DU LITIGE
M. [I] est gérant de l'EARL de la Lande, entreprise dont il a commencé l'exploitation le 1er décembre 2012, son activité consistant principalement dans la production laitière.
Par jugement du 4 décembre 2015, le tribunal de grande instance de Coutances a ouvert une procédure de redressement judiciaire à l'égard de l'EARL de la Lande et de M. [I], et désigné maître [W] [G] en tant que mandataire judiciaire. Par jugement du 24 avril 2018, cette procédure a été convertie en liquidation judiciaire.
Dans le cadre de cette procédure, la Caisse régionale de crédit agricole mutuel de Normandie (CRCAM de Normandie) a déclaré un montant total à hauteur de 2.307.126,38 € concernant M. [I], au titre des créances suivantes :
- un prêt n°00151864910 du 29 mars 2010 pour un montant de 105.170,90 € ;
- un prêt n°00134059378 du 5 janvier 2011 pour un montant de 20.673,10 € ;
- un prêt n°00160244243 du 3 août 2011 pour un montant de 181.422,50 € ;
- un prêt n°00465003968 du 15 mai 2012 pour un montant de 139.773,25 € ;
- l'engagement de caution du 6 décembre 2012 de M. [I] d'un billet de trésorerie n°00169061010 pour la somme de 73.632,61 € :
- un prêt n°00168495099 du 8 décembre 2012 pour un montant de 137.764,71 € ;
- un prêt n°00169341780 du 19 décembre 2012 pour la somme de 192.830,97 € ;
- l'engagement de caution du 19 juin 2013 du prêt n°10000017089 souscrit par l'EARL de la Lande pour la somme de 143.733,90 € ;
- l'engagement de caution du 19 juin 2013 du prêt n°10000017090 souscrit par l'EARL de la Lande pour la somme de 30.760,63 € ;
- un prêt n°00169884690 du 16 avril 2013 pour la somme de 111.271,43 € ;
- un prêt n°00167995387 du 9 octobre 2012 pour la somme de 6.368,21 € ;
- l'engagement de caution de M. [I] du 15 octobre 2013 du prêt n°10000040289 souscrit par l'EARL de la Lande pour la somme de 51.949,35 € ;
- l'engagement de caution de M. [I] du 7 janvier 2014 du prêt n°10000056223 souscrit par l'EARL de la Lande pour la somme de 49.532,38 € ;
- un prêt n°100000046408 du 17 décembre 2015 pour un montant de 46.846,44 € ;
- la somme de 739,63 € au titre du dépôt à vue n°00094745852,
- la somme de 88,72 € au titre du dépôt à vue n°001323000037.
La CRCAM de Normandie a également déclaré un montant total de 1.014.567,65 € concernant l'EARL de la Lande, pour les créances suivantes :
- un prêt n°00169061010 du 6 décembre 2012 pour la somme de 73.632,61 € ;
- un prêt n°00169011449 du 6 décembre 2012 pour la somme de 59.934,14 € ;
- un prêt n°001690011458 du 6 décembre 2012 pour la somme de 29.007,38 € ;
- un prêt n°00169011467 du 6 décembre 2012 pour somme de 25.509,22 € ;
- un prêt n°00169010989 du 12 décembre 2012 pour la somme de 55.690,93 € ;
- un prêt n°00169010998 du 12 décembre 2012 pour la somme de 88.846,85 € ;
- un prêt n°00169003189 du 19 décembre 2012 pour la somme de 271.143,24 € ;
- un prêt n°00171059860 du 25 avril 2013 pour la somme de 47.300,28 € ;
- un prêt n°10000015540 du 25 mai 2013 pour la somme de 55.725,71 € ;
- prêt n°10000017089 du 19 juin 2013 pour la somme de 143.733,90 € ;
- un prêt n°10000017090 du 19 juin 2013 (15 juin 2013 dans les conclusions de la CRCAM à vérifier) pour la somme de 30.760,63 € ;
- un prêt n°10000040289 du 15 octobre 2013 pour la somme de 51.949,35 € ;
- un prêt n°10000040222 du 15 octobre 2013 pour la somme de 25.249,72 € ;
- un prêt n°10000046392 du 21 novembre 2013 pour la somme de 6.551,31 € ;
- un prêt n°10000056223 du 7 janvier 2014 pour la somme de 49.532,38 €.
Au cours des opérations de vérification du passif dans le cadre de la procédure collective, l'EARL de la Lande et M. [J] [I] ont contesté la plupart des créances déclarées par la CRCAM de Normandie faisant valoir le non-respect par la banque de son devoir de mise en garde et le caractère manifestement excessif des intérêts de retard sur les échéances impayées.
Par ordonnance du 22 juin 2017, le juge commissaire du tribunal de grande instance de Coutances a notamment :
- admis la créance de la CRCAM de Normandie au passif de l'EARL de la Lande au titre du prêt n°00165003968, à titre privilégié pour la somme de 139.773,25 € à échoir, outre intérêts normaux de 4,10 % et intérêts de retard au taux de 7,10 % ;
- constaté, pour les autres créances, que les contestations soulevées par l'EARL de la Lande, fondées sur le non-respect du devoir de mise en garde de la banque, sont sérieusement contestables et échappent au pouvoir juridictionnel du juge commissaire ;
- invité la CRCAM de Normandie à mieux se pourvoir.
Par actes en date du 18 juillet 2017, la CRCAM de Normandie a assigné l'EARL de la Lande, M. [J] [I] et maître [G] ès qualités devant le tribunal de grande instance de Coutances.
Par jugement du 5 novembre 2020, le tribunal judiciaire de Coutances a :
- déclaré irrecevable comme prescrite l'action en responsabilité de l'EARL de la Lande et de M. [I] au titre des prêts :
00151864910 ;
00134059378 ;
00160244243 ;
- débouté en conséquence l'EARL de la Lande et M. [I] de leurs demandes à l'égard desdits prêts ;
- dit que la Caisse régionale de crédit agricole mutuel de Normandie a engagé sa responsabilité pour manquement à son obligation de mise en garde pour les autres contrats ;
- condamné la Caisse régionale de crédit agricole mutuel de Normandie à payer à M. [I] et l'EARL de la Lande, unis d'intérêts, et représentés par maître [G], ès qualités de mandataire liquidateur, la somme de :
79.309,98 € au titre des sommes dues à M. [J] [I] ;
101.456,76 € au titre des sommes dues à l'EARL de la Lande ;
- admis et fixé les créances de la Caisse régionale de crédit agricole mutuel de Normandie venant aux droits de la Caisse régionale de crédit agricole mutuel normand au passif de l'EARL de la Lande et de M. [I], comme suit :
billet de trésorerie n°00169061010 : 73.632,61 € outre intérêts contractuels au taux de 0,874 % ;
prêt 00169011449 : 59.934,14 € outre intérêts contractuels de 2,95 % sur la
somme de 52.263,98 € ;
prêt 00169011458 : 29.007,38€ outre intérêts contractuels de 2,95% sur la somme de 25.123,94 € ;
prêt 00169011467 : 22.812,52€ outre intérêts contractuels de 3,35% sur la somme de 22.812,52€ ;
prêt 00169010989 : 55.690,93€ outre intérêts contractuels de 2,95% sur la somme de 48.512,71€ ;
prêt 00169010998 : 88.846,85€ outre intérêts contractuels de 2,95% sur la somme de 77.047,19€ ;
prêt 00169003189 : 271.143,24€ outre intérêts contractuels de 3,35% sur la somme de 242.705,55€ ;
prêt 00171059860 : 47.300,28€ outre intérêts contractuels de 3,35% sur la somme de 38.399,43€ ;
prêt 10000015540 : 55.725,71€ outre intérêts contractuels de 1,604% ;
prêt 10000017089 : 143.733,90€ outre intérêts contractuels de 3,15% sur la somme de 129.067,29€ ;
prêt 10000017090 : 30.760,63€ outre intérêts contractuels de 3,15% sur la somme de 27.657,34€ ;
prêt 10000040289 : 51.949,35€ outre intérêts contractuels de 3,21% sur la somme de 45.384,21€ ;
prêt 10000040222 : 25.249,72€ outre intérêts contractuels de 1,395% ;
prêt 10000046392 : 6.551,31€ outre intérêts contractuels de 1,704% ;
prêt 10000056223 : 49.532,38€ outre intérêts contractuels de 3,17% sur la somme de 43.246,96€ ;
prêt 00151864910 : 105.170,90€ outre intérêts contractuels de 1,48% sur la somme de 97.234,21€ ;
prêt 00134059378 : 20.673,10€ outre intérêts contractuels de 1,11% sur la somme de 18.177,13€ ;
prêt 00160244243 : 181.422,50€ outre intérêts contractuels de 3,04% sur la somme de 170.641,72€ ;
prêt 00168495099 : 137.764,71€ outre intérêts contractuels de 2,60% sur la somme de 125.058,89€ ;
prêt 00168341780 : 192.830,97€ outre intérêts contractuels de 3,42% sur la somme de 179.307,81€ ;
prêt 10000017089 : 143.733,90€ outre intérêts contractuels de 3,15% sur la somme de 129.067,29€ ;
prêt 10000017090 : 30.760,63€ outre intérêts contractuels de 3,15% sur la somme de 27.657,34€ ;
prêt 00169884690 : 111.271,43€ outre intérêts contractuels de 3,35% sur la somme de 103.265,38€ ;
prêt 00167995387 : 6.368,21€ outre intérêts contractuels de 4,05% sur la somme de 5.859,89€ ;
prêt 10000040289 : 51.949,35€ outre intérêts contractuels de 3,21% sur la somme de 45.384,21€ ;
prêt 10000056223 : 49.532,38€ outre intérêts contractuels de 3,17% sur la somme de 43.246,96€ ;
prêt 100000046408 : 46.846,44€ outre intérêts contractuels de 3% sur la somme de 42.785,46€ ;
- condamné Me [G] ès qualités de mandataire liquidateur de l'EARL de la Lande et M. [J] [I] à verser à la Caisse régionale de crédit agricole mutuel de Normandie la somme de 2.500€ sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;
- condamné Me [G] ès qualités de mandataire liquidateur de l'EARL de la Lande et M. [J] [I] aux dépens, qui seront recouvrés conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile ;
- dit n'y avoir lieu d'ordonner l'exécution provisoire ;
- rejeté toutes autres demandes.
Par déclaration en date du 20 novembre 2020, la CRCAM de Normandie a relevé appel de ce jugement.
Dans ses dernières conclusions du 30 mars 2022, la CRCAM de Normandie demande à la cour de :
- déclarer maître [G] irrecevable en son appel incident sur le principe de l'admission des créances ;
- à toutes fins le déclarer autant irrecevable que mal fondé en toutes ses prétentions, moyens, fins et conclusions ;
- réformer le jugement rendu le 5 novembre 2020 par le tribunal judiciaire de Coutances en ce qu'il a condamné le Crédit agricole au paiement de dommages et intérêts, écarté la compensation, réduit la majoration des intérêts de retard pour tous les prêts et admis la créance au titre du prêt n°00169011467 pour un montant erroné ;
Statuant à nouveau,
- débouter M. [I] et l'EARL [I] de toutes leurs demandes, fins et prétentions ;
- déclarer autant irrecevable que mal fondé maître [G] ès qualité de toutes ses demandes, fins et prétentions ;
- rectifier le montant de la créance au titre du prêt n°00169011467 : 25.509,22 € au lieu de 22.812,52 € ;
- En conséquence dire que les créances de la Caisse régionale de crédit agricole mutuel de Normandie seront admises au passif de M. [I] et de l'EARL La Lande au titre des prêts et les admettre comme suit :
- 73.632,61 € outre les intérêts au taux de 3,874 % à compter du 4 décembre 2015 au titre du prêt n°00169061010,
- 59.934,14 € outre les intérêts au taux de 5,85 % sur la somme de 52.263,98 € à compter du 4 décembre 2015 au titre du prêt n°00169011449,
- 29.007,38 € outre les intérêts au taux de 5,85 % sur la somme de 25.123,94 € à compter du 4 décembre 2015 au titre du prêt n°001690011458,
- 25.509,22 € outre les intérêts au taux de 6,25 % sur la somme de 22.812,52 € à compter du 4 décembre 2015 au titre du prêt n°001690111467,
- 55.690,93 € outre les intérêts au taux de 5,85 % sur la somme de 48.512,71 € à compter du 4 décembre 2015 au titre du prêt n°001690010989,
- 88.846,85 € outre les intérêts au taux de 5,85 % sur la somme de 77.047,19 € à compter du 4 décembre 2015 au titre du prêt n°001690010998,
- 271.143,24 € outre les intérêts au taux de 6,25 % sur la somme de 242.705,55 € à compter du 4 décembre 2015 au titre du prêt n°00169003189,
- 47.300,28 € outre les intérêts au taux de 6,25 % sur la somme de 38.399,43 € à compter du 4 décembre 2015 au titre du prêt n°00171059860,
- 55.725,71€ outre les intérêts au taux de 4,504 % au titre du prêt n°10000015540,
- 143.733,90 € outre les intérêts au taux de 6,05 % sur la somme de 129.067,29 € à compter du 4 décembre 2015 au titre du prêt n°10000017089,
- 30.760,63 € outre les intérêts au taux de 6,05 % sur la somme de 27.657,34 € à compter du 4 décembre 2015 au titre du prêt n°1000017090,
- 51.949,35 € outre les intérêts au taux de 6,11 % sur la somme de 45 384,21 € à compter du 4 décembre 2015 au titre du prêt n°10000040289,
- 25.249,72 € outre les intérêts au taux de 4,295 % à compter du 4 décembre 2015 au titre du prêt n°10000040222,
- 6.551,31 € outre les intérêts au taux de 4,604 % au titre du prêt n°1000046392,
- 49.532,38 € outre les intérêts au taux de 6,07 % sur la somme de 43.246,96 € à compter du 4 décembre 2015 au titre du prêt n°10000056223,
- 105.170,90 € outre les intérêts au taux de 4,38 % sur la somme de 97.234,21 € à compter du 4 décembre 2015 au titre du prêt n°00151864910,
- 20.673,10 € outre les intérêts au taux de 3,01 % sur la somme de 18.177,13 € à compter du 4 décembre 2015 au titre du prêt n°00134059378,
- 181.422,50 € outre les intérêts au taux de 5,94 % sur la somme de 170.641,72 € à compter du 4 décembre 2015 au titre du prêt n°00160244243,
- 137.764,71 € outre les intérêts au taux de 5,50 % sur la somme de 125.058,89 € à compter du 4 décembre 2015 au titre du prêt n°00168495099,
- 192.830,97 € outre les intérêts au taux de 6,32 % sur la somme de 179.307,81 € à compter du 4 décembre 2015 au titre du prêt n°00169341780,
- 143.733,90 € outre les intérêts au taux de 6,05 % sur la somme de 129.067,29 € à compter du 4 décembre 2015 au titre du prêt n°10000017089,
- 30.760,63 € outre les intérêts au taux de 6,05 % sur la somme de 27.657,34 € à compter du 4 décembre 2015 au titre du prêt n°10000017090,
- 111.271,43 € outre les intérêts au taux de 6,25 % sur la somme de 103.265,38 € à compter du 4 décembre 2015 au titre du prêt n°00169884690,
- 6.368,21 € outre les intérêts au taux de 3,95% sur la somme de 5.859,89 € à compter du 4 décembre 2015 au titre du prêt n°00167995387,
- 51.949,35 € outre les intérêts au taux de 6,11 % sur la somme de 45.384,21 € à compter du 4 décembre 2015 au titre du prêt n°10000040289,
- 49.532,38 € outre les intérêts au taux de 6,07 % sur la somme de 43.246,96 € à compter du 4 décembre 2015 au titre du prêt n°10000056223,
- 46.846,44 € outre les intérêts au taux de 5,90 % sur la somme de 42.785,46 € à compter du 4 décembre 2015 au titre du prêt n° 100000046408.
A titre subsidiaire,
- dire que toutes sommes objet de condamnations prononcées à l'encontre de la Caisse régionale de crédit agricole mutuel de Normandie à titre de dommages et intérêts au profit de M. [I] et de l'EARL de la Lande se compenseront avec les créances admises au passif,
A titre plus subsidiaire, dans l'hypothèse où il serait fait droit à la prétention de maître [G] concernant l'admission des créances par le tribunal,
- dire que toutes sommes objet des condamnations prononcées à l'encontre de la Caisse régionale de crédit agricole mutuel de Normandie à titre de dommages et intérêts au profit de M. [I] et de l'EARL de la Lande se compenseront avec la créance d'ores et déjà admise au passif, soit 139.773,25 € à échoir, outre intérêts au taux de 4,10 % et intérêts de retard au taux de 7,10 % au titre du prêt n°00165003968 et toutes celles-ci-dessus mentionnées à fixer par le juge commissaire ;
En tout état de cause,
- condamner M. [I] et l'EARL de la Lande et maître [G] ès qualité à payer à la Caisse régionale de crédit agricole mutuel de Normandie une somme de 2.500 € en application de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens.
Dans ses dernières conclusions du 29 mars 2022, Maître [W] [G], agissant ès qualités de liquidateur judiciaire de l'EARL de la Lande et ès qualités de liquidateur judiciaire de M. [J] [I], demande à la cour de :
- rejeter l'appel ainsi que les entières demandes de la Caisse régionale de crédit agricole mutuel de Normandie ;
- recevant maître [W] [G] ès qualités de mandataire liquidateur de l'EARL de la Lande et de M. [J] [I] en son appel incident ;
- confirmer la décision entreprise en ce qu'elle a :
- dit que la Caisse régionale de crédit agricole mutuel de Normandie a engagé sa responsabilité pour manquement à son obligation de mise en garde pour les autres contrats ;
- condamné la Caisse régionale de crédit agricole mutuel de Normandie à payer à M. [I] et l'EARL de la Lande, unis d'intérêts, et représentés par maître [W] [G], ès qualités de mandataire liquidateur, la somme de :
79.309,98 € au titre des sommes dues par M. [J] [I],
101.456,76 € au titre des sommes dues par l'EARL de la Lande,
- réformer la décision entreprise en ce qu'elle a « admis et fixé les créances de la Caisse régionale de crédit agricole mutuel de Normandie venant aux droits de la Caisse régionale de crédit agricole mutuel normand au passif de l'EARL de la Lande et de M. [I] ;
A titre principal,
- déclarer irrecevables les demandes de la banque tendant à voir admettre et fixer ses créances au passif ;
Subsidiairement,
- donner acte à maître [W] [G] ès qualités qu'il s'en rapporte à justice sur la demande de la banque tendant à voir rectifier le montant de la créance au titre du prêt n°00169011467 à la somme de 25.509,22 € au lieu de celle de 22.812,52 € retenue par le tribunal ;
- rejeter la demande de la Caisse régionale de crédit agricole mutuel de Normandie tendant à voir appliquer à son profit les majorations des intérêts contractuels stipulées aux contrats ;
- dire que les prêts ne pourront être admis qu'aux taux d'intérêts contractuels stipulés, sans aucune majoration ;
Plus subsidiairement, rejeter la demande de réformation du jugement présentée par la banque au titre des majorations sur les intérêts de retard ;
- déclarer la Caisse régionale de crédit agricole mutuel de Normandie irrecevable en sa contestation du jugement dont appel en ses dispositions ayant dit n'y avoir lieu à compensation entre les créances réciproques des parties et confirmer la décision entreprise de ce chef ;
- subsidiairement, déclarer la Caisse régionale de crédit agricole mutuel de Normandie irrecevable en ses demandes de compensation principale et subsidiaire ;
- encore plus subsidiairement, rejeter les demandes de compensation principale et subsidiaire présentées par la Caisse régionale de crédit agricole mutuel de Normandie ;
- réformer la décision entreprise sur la condamnation au titre des frais de procédure et des dépens :
- débouter la Caisse régionale de crédit agricole mutuel de Normandie de ses demandes au titre des frais irrépétibles et des dépens ;
- condamner la Caisse régionale de crédit agricole mutuel de Normandie au paiement des entiers dépens de première instance ;
Y ajoutant, s'agissant de la procédure d'appel,
- condamner la Caisse régionale de crédit agricole mutuel de Normandie à supporter les entiers dépens d'appel ainsi qu'au paiement de la somme de 3.000 € à maître [W] [G] ès qualités de mandataire liquidateur de l'EARL de la Lande et de M. [J] [I] au titre des frais irrépétibles d'appel, sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.
M. [I] et l'EARL de la Lande n'ont pas constitué avocat. La déclaration d'appel leur a été signifiée à chacun par acte d'huissier du 20 décembre 2020, remis à étude.
L' ordonnance de clôture a été rendue le 6 avril 2022.
Pour un plus ample exposé des prétentions et moyens des parties, il est renvoyé à leurs dernières conclusions visées supra.
SUR CE, LA COUR
Sur le manquement par l'établissement de crédit à son devoir de mise en garde
La CRCAM de Normandie fait grief au jugement entrepris d'avoir retenu la responsabilité de la banque pour manquement à son obligation de mise en garde, et critique le quantum de l'indemnisation allouée.
L'appelante fait valoir qu'un établissement de crédit n'est tenu d'un devoir de mise en garde qu'à l'égard des personnes non averties sur les risques nés d'un endettement excessif lors de l'octroi des prêts et conteste que M. [I] doive être considéré comme un emprunteur non averti.
La CRCAM fait également valoir que l'obligation de mise en garde à laquelle peut être tenu un établissement de crédit à l'égard d'un emprunteur non averti ne porte que sur le risque d'endettement excessif né de l'octroi du prêt, un tel risque étant apprécié au jour de la souscription de l'engagement et que c'est à l'emprunteur de rapporter la preuve que son engagement n'était pas adapté à ses capacités financières au moment où il le souscrit.
Maître [G], ès-qualités de liquidateur judiciaire de M. [I] et de l'EARL de la Lande, reprend la motivation du premier juge en arguant de ce que la banque a fait preuve de légèreté blâmable et a manqué à son obligation de conseil alors que M. [I], malgré ses qualifications et son expérience professionnelle au sein d'une banque, n'avait pas d'expérience professionnelle dans le domaine de l''exploitation laitière, qu'il n'était pas au fait de la gestion au quotidien d'une entreprise de cette nature et qu'il avait eu recours de manière systématique et quasi compulsive au crédit, que par ailleurs la multiplication des emprunts tant au nom de M. [I] qu'au nom de l'EARL aurait dû conduire la banque à vérifier plus rigoureusement les capacités financières des emprunteurs, la capacité financière de M. [I] étant liée à celle de l'entreprise et ceux-ci s'étant très vite trouvés en difficulté.
La banque est tenue à un devoir de mise en garde vis à vis des emprunteurs non avertis qu'elle doit informer des risques inhérents aux opérations souscrites.
Le premier juge a relevé, et cela n'est pas contesté par l'intimé, que M. [I] a travaillé plusieurs années pour la Caisse régionale de crédit agricole mutuel de Normandie. Auparavant, il avait travaillé 6 mois comme conseiller agricole auprès du Crédit Mutuel. Il est en outre titulaire d'un BTS agricole.
M. [I] avait ainsi une expérience professionnelle dans le domaine bancaire et avait une formation agricole. Il était le gérant de l'EARL de la Lande.
Au vu de ses éléments, il apparaît que M. [I] avait les compétences nécessaires pour apprécier le contenu, la portée et les risques des concours consentis, étant précisé en outre que les prêts accordés ne présentaient pas, comme le souligne justement la banque, de complexité particulière.
Si les premiers emprunts contractés par M. [I] concernent des acquisitions immobilières ayant eu lieu de 2010 à 2012 et n'apparaissent pas liés à l'EARL qui n'avait pas encore été créée, M. [I], du fait de son activité professionnelle au sein de la CRCAM à l'époque, était un emprunteur averti et ne démontre d'ailleurs pas que ces premiers emprunts présentaient un risque particulier par rapport à sa situation financière, aucun document n'étant produit en ce sens .
Les autres emprunts sont liés à l'activité professionnelle de M. [I], et ont été contractés à son nom personnel ou au nom de l'EARL. La multiplication des emprunts ne remet pas en cause la qualité d'emprunteur averti de M. [I] qui ne pouvait ignorer la situation financière de l'EARL et les risques des opérations souscrites.
Dès lors, le jugement déféré sera infirmé en ce qu'il a retenu que M. [I] n'était pas une personne parfaitement avertie des risques financiers liés aux opérations qu'il a souscrites pour lui et son entreprise , a retenu la responsabilité de la banque et a condamné cette dernière au paiement de dommages et intérêts à M. [I] et à l'EARL de la Lande.
M. [I] et l'EARL de la Lande seront déboutés de leur action en responsabilité contre la banque et de leurs demandes de dommages et intérêts.
Sur les demandes de fixation et d'admission des créances de la banque au passif de M. [I] et de l'EARL de la Lande
Maître [G] fait valoir que le juge commissaire qui constate l'existence d'une contestation sérieuse relative aux créances déclarées à la procédure et renvoie les parties à mieux se pourvoir, reste compétent, une fois la contestation tranchée ou la forclusion acquise, pour statuer sur la créance déclarée, en l'admettant ou en la rejetant.
Il précise que si les contestations soulevées par les débiteurs, fondées sur le non-respect du devoir de mise en garde la banque, échappent au pouvoir juridictionnel du juge-commissaire au motif de l'existence d'une contestation sérieuse, ce dernier conserve son pouvoir pour statuer in fine sur l'admission des créances déclarées, alors que le juge du fond n'a pas un tel pouvoir, ce défaut de pouvoir juridictionnel du juge du fond devant s'analyser en une fin de non-recevoir qui peut être soulevée en tout état de cause.
La CRCAM soulève l'irrecevabilité de ce moyen, faisant valoir que l'intimé a accepté la compétence du tribunal ayant demandé expressément de statuer et d'admettre au passif les intérêts à échoir dans la limite du taux contractuel et que Maître [G] n'a pas d'intérêt à solliciter la réformation sur un point qu'il a accepté et revendiqué en première instance, la loyauté des débats impliquant que nul ne peut se contredire au détriment d'autrui.
La banque indique en outre que la possibilité pour le juge du fond de se prononcer sur l'admission des créances au passif de la procédure doit s'analyser en termes de 'compétence', qui aurait dû être contestée, le cas échéant, in limine litis devant le tribunal, et qu'elle ne peut pas être appréhendée sous l'angle du pouvoir juridictionnel, susceptible d'être contesté à tout moment de l'instance.
L'article L 624-2 du code de commerce, dans sa version applicable à l'espèce, énonce qu'au vu des propositions du mandataire judiciaire, le juge-commissaire décide de l'admission ou du rejet des créances ou constate soit qu'une instance est en cours, soit que la contestation ne relève pas de sa compétence. En l'absence de contestation sérieuse, le juge-commissaire a également compétence, dans les limites de la compétence matérielle de la juridiction qui l'a désigné, pour statuer sur tout moyen opposé à la demande d'admission.
L'article R 624-5 du code de commerce applicable en l'espèce, précise que lorsque le juge-commissaire se déclare incompétent ou constate l'existence d'une contestation sérieuse, il renvoie, par ordonnance spécialement motivée, les parties à mieux se pourvoir et invite, selon le cas, le créancier, le débiteur ou le mandataire judiciaire à saisir la juridiction compétente dans un délai d'un mois à compter de la notification ou de la réception de l'avis délivré à cette fin, à peine de forclusion à moins de contredit dans les cas où cette voie de recours est ouverte.
Le juge-commissaire reste toutefois compétent, une fois la contestation tranchée, pour statuer sur la créance déclarée en l'admettant ou en la rejetant . (Com. 11 mars 2020, n°18-23 .586).
En l'espèce, par ordonnance du 22 juin 2017, le juge-commissaire à la procédure de redressement judiciaire ouverte à l'égard de M. [I] et de l'EARL de la Lande a admis une créance de la CRCAM de Normandie au passif de l'EARL de la Lande, a constaté pour les autres créances que les contestations élevées par l'EARL de la Lande fondées sur le non respect du devoir de mise en garde de la banque étaient sérieuses échappant de ce fait à son pouvoir juridictionnel et a invité la CRCAM à mieux se pourvoir.
Une fois la contestation tranchée par le juge de droit commun, le juge-commissaire a le pouvoir exclusif, dévolu par la loi, de décider de l'admission ou du rejet de la créance, étant rappelé que les règles relatives aux procédures collectives sont d'ordre public et que les parties ne peuvent y déroger. Les pouvoirs du juge compétent régulièrement saisi pour statuer sur la contestation sérieuse se limitent à l'examen de cette contestation.
Le juge du tribunal judiciaire ne disposait donc pas du pouvoir juridictionnel pour statuer sur la fixation et l'admission des créances au passif des débiteurs. Le défaut de pouvoir juridictionnel constitue une fin de non recevoir qui peut être soulevée en tout état de cause et donc pour la première fois devant la cour.
La présentation de ce moyen en cause d'appel est donc admis l'article 123 du code de procédure civile prévoyant seulement la possibilité pour le juge de condamner à des dommages-intérêts ceux qui se seraient abstenus, dans une intention dilatoire, de les soulever plus tôt.
Il n'apparaît pas que les intimés aient renoncé expressément à se prévaloir de ce moyen devant le tribunal.
Dès lors, le jugement sera infirmé en ce qu'il a admis et fixé les créances de la CRCAM au passif de M. [I] et de l'EARL.
La demande faite à ce titre par la CRCAM sera jugée irrecevable.
Les dispositions du jugement déféré relatives aux condamnations au titre des frais de procédure et des dépens, exactement appréciées, seront confirmées.
En cause d'appel, il n'apparaît pas inéquitable que chaque partie supporte ses frais irrépétibles.
Les parties seront déboutées de leurs demandes formées au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
Maître [G] , ès-qualités de liquidateur judiciaire de M. [I] et ès-qualités de liquidateur judiciaire de l'EARL de la Lande sera condamné aux dépens.
PAR CES MOTIFS
LA COUR,
Statuant publiquement, par arrêt rendu par défaut, mis à disposition au greffe ;
CONFIRME le jugement déféré en ce qu'il a condamné Maître [G], ès-qualités, au titre de l'article 700 du code de procédure civile et des dépens ;
INFIRME le jugement déféré pour le surplus dans les limites de l'appel ;
Statuant à nouveau du chef des dispositions infirmées et y ajoutant ;
DEBOUTE Maître [G], ès-qualités de liquidateur judiciaire de M. [I] et de l'EARL de la Lande de son action en responsabilité contre la CRCAM de Normandie et de ses demandes de dommages et intérêts ;
DECLARE irrecevables les demandes de la CRCAM de Normandie tendant à voir admettre et fixer ses créances au passif de M. [I] et au passif de l'EARL de la Lande ;
CONDAMNE Maître [G], ès-qualités de liquidateur judiciaire de M. [I] et de l'EARL de la Lande aux dépens d'appel ;
DEBOUTE les parties de leurs demandes plus amples ou contraires ;
LE GREFFIERLE PRÉSIDENT
N. LE GALLF. EMILY