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09/06/2022 | FRANCE | N°21/00818

France | France, Cour d'appel de Caen, 2ème chambre civile, 09 juin 2022, 21/00818


AFFAIRE :N° RG 21/00818 -

N° Portalis DBVC-V-B7F-GW2L

 



ARRÊT N°



JB.





ORIGINE : DECISION en date du 04 Mars 2021 du Tribunal de Commerce de CAEN

RG n° 2020001553





COUR D'APPEL DE CAEN

DEUXIEME CHAMBRE CIVILE ET COMMERCIALE

ARRÊT DU 09 JUIN 2022









APPELANTE :



S.A.R.L. FINELISS

N° SIRET : 448 168 880

[Adresse 1]

[Adresse 5]

[Localité 2]

prise en la personne de son représentant lég

al



représentée et assistée de Me Cyril TOURNADE, avocat au barreau de NANTES









COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DÉBATS ET DU DÉLIBÉRÉ :



Mme EMILY, Président de Chambre,

Mme COURTADE, Conseillère,

M. GOUARI...

AFFAIRE :N° RG 21/00818 -

N° Portalis DBVC-V-B7F-GW2L

 

ARRÊT N°

JB.

ORIGINE : DECISION en date du 04 Mars 2021 du Tribunal de Commerce de CAEN

RG n° 2020001553

COUR D'APPEL DE CAEN

DEUXIEME CHAMBRE CIVILE ET COMMERCIALE

ARRÊT DU 09 JUIN 2022

APPELANTE :

S.A.R.L. FINELISS

N° SIRET : 448 168 880

[Adresse 1]

[Adresse 5]

[Localité 2]

prise en la personne de son représentant légal

représentée et assistée de Me Cyril TOURNADE, avocat au barreau de NANTES

COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DÉBATS ET DU DÉLIBÉRÉ :

Mme EMILY, Président de Chambre,

Mme COURTADE, Conseillère,

M. GOUARIN, Conseiller,

DÉBATS : A l'audience publique du 31 mars 2022

MINISTERE PUBLIC :

Auquel l'affaire a été régulièrement communiquée.

GREFFIER : Mme LE GALL, greffier

ARRÊT prononcé en chambre du conseil le 09 juin 2022 à 14h00 par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinea de l'article 450 du code de procédure civile et signé par Madame EMILY, président, et Mme LE GALL, greffier

* * *

FAITS, PROCEDURE ET PRETENTIONS

La société Fineliss, créée en 2003, a pour activité le négoce de cire à épiler, de bougies parfumées, de produits et matériel d'esthétique, parfumerie, produits de beauté, accessoires de mode et esthétique corporelle, sous le nom commercial de [F] esthétique.

La société Corpoderm, créée en 2006, a pour activité le commerce de gros et intermédiaire de commerce, les prestations et conseils dans le domaine de la création, ouverture, implantation et agencements de centre d'esthétique, de soins corporels et spa.

Ces sociétés ont conclu un contrat de distribution exclusif pour une période d'un an, du 1er janvier au 31 décembre 2020, par lequel la société Corpoderm conférait à la société Fineliss le droit exclusif de distribuer les produits Stella, solutions de lumière pulsée, Cryocell, solution de cryolipolyse, Diasculpt, solution de diadermie et leurs consommables sur le territoire des régions Bretagne, Normandie et Pays-de-Loire.

Le fournisseur se réservait le droit de vendre aux franchises et seulement à celles-ci sur le territoire, magasins installés ou à venir aux enseignes suivantes : Esthetic center, Beauty success, BandB, Cryo'form ainsi que le droit de vendre sur le territoire lors de manifestation commerciale et congrès national.

Ce contrat stipulait qu'il serait renouvelé tacitement pour une ou plusieurs périodes successives, sauf à ce qu'une partie notifie à l'autre, par lettre recommandée avec demande d'avis de réception ou par tout moyen écrit suffisamment probant, sa volonté de ne pas renouveler le contrat, au moins six mois avant le terme contractuel.

M. [M] [B] a été employé comme commercial par la société Fineliss entre le 22 avril 2002 et le 16 septembre 2020, date de son licenciement pour absence injustifiée depuis le 24 août 2020, et était le responsable commercial suivant l'exécution dudit contrat de distribution.

Par lettre recommandée avec demande d'avis de réception du 15 septembre 2020, la société Corpoderm avait mis en demeure la société Fineless de respecter ses obligations contractuelles, notamment concernant le remplacement de M. [B].

La société EM pro esthétique, créée le 22 octobre 2020 par M. [B] qui en est le gérant et l'unique associé, a pour activité le commerce de consommables, maquillages, produits hygiène, produits ongles, matériels mobiliers aux esthéticiennes, spas, thalassos, parfumeries, kinésithérapeutes et activités connexes et annexes, sous le nom commercial EM pro technologie.

La société Corpoderm a mis fin le 31 décembre 2020 au contrat de distribution exclusive la liant à la société Fineliss.

La société Corpoderm a conclu avec la société EM pro esthétique un contrat de distribution exclusive de ses produits sur les régions Normandie, Bretagne et Pays-de-Loire pour la période du 1er janvier au 31 décembre 2021.

Suivant requête déposée le 3 mars 2021, la société Fineliss a demandé au président du tribunal de commerce de Caen d'ordonner une mesure d'instruction concernant les actes de concurrence déloyale commis, selon elle, par M. [B] et la société EM pro esthétique.

Par ordonnance du 4 mars 2021, le tribunal de commerce de Caen a :

- débouté la société Fineliss de sa demande,

- dit que les frais de son ordonnance seront supportés par la requérante.

Selon déclaration du 18 mars 2021, la société Fineliss a interjeté appel de cette décision.

Le 18 mars 2021, le président du tribunal de commerce de Caen a refusé de modifier ou rétracter sa décision.

Le dossier de l'affaire a été transmis par le greffe du tribunal de commerce de Caen à celui de cette cour.

Par dernières conclusions du 28 février 2022, l'appelante sollicite la rétractation des ordonnances rendues les 4 et 18 mars 2021 par le président du tribunal de commerce de Caen.

Elle demande à la cour, statuant à nouveau, de :

- désigner tous huissiers compétents sur le ressort de la cour d'appel de Caen, qui pourra se faire assister de tout expert de son choix avec pour mission de :

*se rendre au siège social de la société EM pro esthétique et en tout lieu où la société EM pro esthétique exercerait son activité,

*se faire remettre, rechercher, photographier, compulser copies et photocopies si nécessaire en emportant à charge d'en dresser préalablement l'inventaire puis de les restituer après les avoir photocopiés, au besoin ne varietur :

1) pour la période comprise entre le 1er janvier 2020 et la date de la saisine :

§ une copie de tout document de toute nature, sur tous supports, agenda papier, agenda électronique, courriers, mails, appels téléphoniques transmis, sms, contenant les mots Fineliss, [F] esthétique, Corpoderm, [L] [H], [S] [T], [D] [Z], [A] [X], Le jardin du bien-être à [Localité 3], [I] [Y], Inzebox à [Localité 4],

§ une copie de tous les devis, bons de commande, factures, bons de livraisons au nom de la société Fineliss ou au nom de l'enseigne [F] esthétique,

§ une copie de tout contrat de distribution ou de partenariat avec la société Corpoderm,

2) pour la période comprise entre le 1er janvier 2020 et le 31 décembre 2020 :

§ une copie de tous les devis, bons de commande, factures, bons de livraisons et de confirmation sur tous supports, contrat de distribution ou de partenariat, de toute nature, courriers, mails, et de toutes les factures, se rapportant à toute personne présente sur le territoire réservé à société Fineliss (les régions Bretagne, Normandie et Pays-de-Loire),

*accéder à l'ensemble des documents informatiques, serveurs, postes utilisateur, agenda papier ou autres susceptibles de contenir les éléments susvisés, se faire communiquer les logins et mots de passe permettant d'accéder au matériel et logiciel concerné, en ce compris les boites mails de la société EM pro esthétique ;

*en cas de refus ou de difficulté, autoriser les experts informatiques à accéder au disque dur et plus généralement à toute unité de stockage susceptible de contenir tout ou partie des éléments susvisés,

*autoriser l'huissier instrumentaire à se faire assister d'un serrurier et de la force publique territorialement compétente,

*effectuer toute copie sur tout support notamment papier ou informatique et des éléments obtenus,

*en cas de difficulté dans la réalisation des copies, se faire remettre les éléments obtenus, lesquels seront conservés en l'étude des huissiers aux fins d'analyse et de copie ultérieure,

*dresser un procès-verbal des opérations effectuées auquel il sera annexé les pièces saisies par l'huissier instrumentaire,

*en déposer une copie au greffe du tribunal et en remettre une copie à la requérante,

*autoriser l'huissier à consigner les noms des personnes rencontrées sur place et toutes paroles qui pourraient être prononcées au cours des opérations en s'abstenant de toute interpellation autre que celle nécessaire à l'accomplissement de sa mission,

*dans le cas où l'accomplissement complet de sa mission aurait été impossible à réaliser lors de la première intervention, autoriser l'huissier commis à poursuivre son intervention dans les conditions identiques le premier jour ouvrable suivant,

- dire que l'ordonnance sera exécutoire sur minute nonobstant toute contestation de la partie requise même avant enregistrement,

- dire que l'ordonnance sera déposée au greffe et qu'il en sera référé au président en cas de difficulté.

Le 1er février 2022, le ministère public a indiqué s'en rapporter.

Pour plus ample exposé des prétentions et moyens, il est référé aux dernières écritures de l'appelante.

MOTIVATION

Pour rejeter la demande de mesure d'instruction formée par la société Fineliss, le premier juge a retenu, d'une part, que la société Fineliss ne justifiait pas que M. [B] était lié par une clause de non-concurrence qui lui interdirait d'exercer une activité commerciale en rapport avec les produits qu'elle distribue ou ceux vendus par la société Corpoderm, d'autre part, qu'elle ne justifiait pas que les éléments de preuve qu'elle souhaitait faire saisir aux dépens de la société EM pro esthétique puissent être détruits ou soustraits au regard des tiers par son dirigeant ou par son personnel sauf pour ces derniers à mettre en péril l'activité de l'entreprise et la pérennité de leur emploi, enfin, qu'il résultait de la requête que la société Fineliss disposait d'ores et déjà d'éléments et de preuves à l'encontre de la société Corpoderm et de son ancien salarié.

Au visa des articles 145, 493, 875 du code de procédure civile et R. 153-1 du code de commerce, la société Fineliss soutient que son ancien employé, M. [B], a violé son obligation de loyauté envers elle en créant dès le 22 octobre 2020 une société concurrente et en concluant un contrat de distribution exclusive avec la société Corpoderm portant sur les mêmes produits et sur le territoire des mêmes régions Bretagne, Normandie et Pays-de-Loire, à compter du 1er janvier 2021.

Elle reproche à la société Corpoderm d'avoir mis fin à leur contrat de distribution exclusive en raison de l'absence de responsable commercial formé suite au licenciement sans remplacement de M. [B], sans fournir de dates de formation d'un nouveau commercial puis d'avoir conclu une contrat de distribution exclusive avec la société créée par M. [B].

A l'appui de ses prétentions, elle produit la lettre adressée le 2 octobre 2020 par la société Corpoderm lui indiquant que celle-ci avait été contactée par M. [B] mais qu'aucune collaboration n'était prévue en l'état, le contrat de distribution exclusive conclu entre les sociétés Corpoderm et EM pro esthétique ainsi qu'un message du 15 janvier 2021 sur la messagerie Facebook annonçant cette exclusivité.

La société Fineliss fait valoir que, depuis le départ de M. [B], la société Corpoderm ne l'a plus autant recommandée auprès de ses clients, en déduisant que ces recommandations ont été transmises à un tiers.

Elle soutient avoir un intérêt légitime à la mesure d'instruction in futurum sollicitée dès lors qu'il est nécessaire de conserver ou d'établir avant tout procès la preuve de faits de concurrence déloyale dont pourrait dépendre la solution du litige l'opposant à la société EM pro esthétique et à M. [B] ainsi que l'étendue de son préjudice, qu'il existe un risque de déperdition des preuves et qu'il est nécessaire de ménager un effet de surprise, de sorte qu'il est justifié de ne pas recourir à une procédure contradictoire.

Aux termes de l'article 145 du code de procédure civile, s'il existe un motif légitime de conserver ou d'établir avant tout procès la preuve de faits dont pourrait dépendre la solution d'un litige, les mesures d'instruction légalement admissibles peuvent être ordonnées à la demande de tout intéressé, sur requête ou en référé.

L'article 493 dispose que l'ordonnance sur requête est une décision provisoire rendue non contradictoirement dans les cas où le requérant est fondé à ne pas appeler la partie adverse.

Selon l'article R. 153-1 du code de commerce, lorsqu'il est saisi sur requête sur le fondement de l'article 145 du code de procédure civile ou au cours d'une mesure d'instruction ordonnée sur ce fondement, le juge peut ordonner d'office le placement sous séquestre provisoire des pièces demandées afin d'assurer la protection du secret des affaires.

Ainsi que l'a exactement retenu le premier juge, le contrat de travail de M. [B] ne comportait aucune clause de non-concurrence mais comprenait seulement une clause l'obligeant à consacrer toute son activité professionnelle à l'entreprise l'employant et une autre lui imposant une totale discrétion vis-à-vis des personnes étrangères à l'entreprise sur tout ce qui concerne les activités de celle-ci.

La société Fineliss n'invoque aucun fait de dénigrement, de détournement de clientèle, de désorganisation de son fonctionnement, d'imitation propre à créer une confusion ni de parasitisme qui seraient constitutifs d'actes de concurrence déloyale de la part de la société EM pro esthétique ou de M. [B], étant rappelé que le seul fait pour un ancien salarié non lié par une clause de non-concurrence de créer une société ayant une activité concurrente ne constitue pas en soi un acte de concurrence déloyale.

En effet, l'appelante se borne à évoquer une violation par M. [B] de son obligation de discrétion et une baisse du nombre de clients adressés par la société Corpoderm depuis le licenciement de M. [B]. Or il ressort du tableau établi par la société Fineliss que si aucun client ne lui a été adressé en septembre et octobre 2020 et un client en novembre 2020, ces chiffres sont également ceux observés lors des mois de janvier, février, avril et mai 2020, ce qui n'est pas significatif, étant en outre relevé qu'aucune obligation de recommandation de clients ne pesait sur la société Corpoderm aux termes du contrat de distribution conclu avec la société Fineliss.

Enfin, la mesure d'instruction sollicitée porte notamment sur les relations de la société EM pro esthétique avec [L] [H], [S] [T], [D] [Z], [A] [X], Le jardin du bien-être à [Localité 3], [I] [Y], Inzebox à [Localité 4], sur lesquels la société Fineliss ne fournit aucune précision. Il est également relevé que la société Fineliss produit le contrat de distribution exclusive conclu entre les sociétés Corpoderm et EM pro esthétique pour l'année 2021, pourtant objet de la mesure d'instruction demandée.

Ainsi, la société Fineliss ne démontre ni l'utilité de la mesure d'instruction sollicitée ni le risque de déperdition des preuves qui justifierait de ne pas recourir à une procédure contradictoire.

À ces motifs, l'ordonnance rendue le 18 mars 2021 par le président du tribunal de commerce de Caen sera donc confirmée.

Les dépens d'appel seront laissés à la charge de la société Fineliss.

PAR CES MOTIFS

La cour, statuant en chambre du conseil, par arrêt contradictoire mis à disposition au greffe,

Confirme l'ordonnance rendue le 18 mars 2021 par le président du tribunal de commerce de Caen ;

Dit que les dépens sont à la charge de la société Fineliss.

LE GREFFIER LE PRÉSIDENT

N. LE GALL F. EMILY


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Caen
Formation : 2ème chambre civile
Numéro d'arrêt : 21/00818
Date de la décision : 09/06/2022

Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2022-06-09;21.00818 ?
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