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09/06/2022 | FRANCE | N°21/00196

France | France, Cour d'appel de Caen, 2ème chambre civile, 09 juin 2022, 21/00196


AFFAIRE :N° RG 21/00196 -

N° Portalis DBVC-V-B7F-GVND

 



ARRÊT N°



JB.





ORIGINE : DECISION en date du 13 Janvier 2021 du Tribunal de Commerce de CAEN

RG n° 2019008427





COUR D'APPEL DE CAEN

DEUXIEME CHAMBRE CIVILE ET COMMERCIALE

ARRÊT DU 09 JUIN 2022









APPELANTE :



S.A.R.L. RAILSHINE

N° SIRET : 493 430 904

[Adresse 2]

[Adresse 2]

prise en la personne de son représentant légal


r>représentée par Me Sabrina JOUTET, avocat au barreau de CAEN

assistée de la SCP BARON COSSE ANDRE, avocat au barreau d'EURE,







INTIMEE :



S.A.S.U. EIFFAGE ENERGIE SYSTEMES BASSE NORMANDIE

N° SIRET : 573 820 917

[...

AFFAIRE :N° RG 21/00196 -

N° Portalis DBVC-V-B7F-GVND

 

ARRÊT N°

JB.

ORIGINE : DECISION en date du 13 Janvier 2021 du Tribunal de Commerce de CAEN

RG n° 2019008427

COUR D'APPEL DE CAEN

DEUXIEME CHAMBRE CIVILE ET COMMERCIALE

ARRÊT DU 09 JUIN 2022

APPELANTE :

S.A.R.L. RAILSHINE

N° SIRET : 493 430 904

[Adresse 2]

[Adresse 2]

prise en la personne de son représentant légal

représentée par Me Sabrina JOUTET, avocat au barreau de CAEN

assistée de la SCP BARON COSSE ANDRE, avocat au barreau d'EURE,

INTIMEE :

S.A.S.U. EIFFAGE ENERGIE SYSTEMES BASSE NORMANDIE

N° SIRET : 573 820 917

[Adresse 1]

[Adresse 1]

prise en la personne de son représentant légal

représentée par Me Franck THILL, avocat au barreau de CAEN,

assistée de Me Laurent CRAPART, avocat au barreau de PARIS

COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DÉBATS ET DU DÉLIBÉRÉ :

Mme EMILY, Président de Chambre,

Mme COURTADE, Conseillère,

M. GOUARIN, Conseiller,

DÉBATS : A l'audience publique du 31 mars 2022

GREFFIER : Mme LE GALL, greffier

ARRÊT prononcé publiquement le 09 juin 2022 à 14h00 par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinea de l'article 450 du code de procédure civile et signé par Madame EMILY, président, et Mme LE GALL, greffier

La SNCF Mobilités a lancé en 2017 une consultation pour la réalisation d'un tri- fosse, voie ferroviaire de maintenance destinée à l'entretien des matériels roulants, sur le site de [Localité 3].

La société EIFFAGE ENERGIE SYSTEMES BASSE NORMANDIE a répondu au lot n°2«Energie/Plomberie» et a été attributaire de ce lot le 15 juin 2017.

Le marché a été notifié le 03 juillet 2017 et un ordre de service (OS) de la SNCF Mobilités en date du 12 juillet 2017 a fixé le début de ce marché au 03 juillet 2017.

Au préalable, la société EIFFAGE ENERGIE SYSTEMES BASSE NORMANDIE avait consulté la société RAILSHINE en vue de lui sous-traiter une partie des prestations qui correspondait à la fourniture clé en main d'un préconditionneur 1500V.

Le 12 juin 2017, la société RAILSHINE avait fourni une première offre de prix qu'elle a actualisée le 07 août 2017.

La société RAILSHINE a fourni également un planning de réalisation en date du 30 août 2017 fixant la date de commande au 04 septembre 2017 et la réception sur site au 16 mars 2018 ainsi qu'un calendrier de paiement.

Le 22 septembre 2017, un contrat de sous-traitance a été conclu entre la société EIFFAGE ENERGIE SYSTEMES BASSE NORMANDIE et la société RAILSHINE pour un montant de 298.120 euros, le formulaire DC4 étant signé par la société RAILSHINE.

Le 02 octobre 2017, la société EIFFAGE ENERGIE SYSTEMES BASSE NORMANDIE a adressé ce formulaire à la SNCF Mobilités pour l'agrément du sous-traitant RAILSHINE et de ses conditions de paiement.

Le 16 octobre 2017, la société RAILSHINE a transmis à la société EIFFAGE ENERGIE SYSTEMES BASSE NORMANDIE une facture d'un montant de 29.812 euros correspondant à l'acompte de 10 % du marché.

Le 17 octobre 2017, la SNCF Mobilités a proposé un calendrier de paiement que la société RAILSHINE a refusé.

Le 20 octobre 2017, la SNCF Mobilités a proposé à la société EIFFAGE ENERGIE SYSTEMES BASSE NORMANDIE d'attendre le retour de la société RAILSHINE sur le calendrier de paiement proposé avant de signer le DC4.

Le 27 octobre 2017, la société EIFFAGE ENERGIE SYSTEMES BASSE NORMANDIE a proposé de faire «'le tampon'» entre les conditions de paiement demandées par la société RAILSHINE et celles acceptées par la SNCF Mobilités.

Le 01 novembre 2017, la SNCF Mobilités a indiqué par mail que le préconditionneur devait être livré dès le mois de janvier 2018, conformément au marché principal et non le 16 mars 2018 et a demandé une réunion tripartite.

Le 15 novembre 2017, la société RAILSHINE a fourni à la société EIFFAGE ENERGIE SYSTEMES BASSE NORMANDIE les documents d'ingénierie pour validation et une facture d'un montant de 20 % des travaux, retransmettant à nouveau également la facture initiale de 10% des travaux restée impayée.

Le 20 novembre 2017, la société EIFFAGE ENERGIE SYSTEMES BASSE NORMANDIE a informé la société RAILSHINE que faute de respecter la date de livraison en janvier 2018, la commande du préconditionneur serait annulée et les heures d'études engagées par la société

RAILSHINE rémunérées par la SNCF Mobilités.

Le 24 novembre 2017, la société EIFFAGE ENERGIE SYSTEMES BASSE NORMANDIE a confirmé à la SNCF Mobilités l'impossibilité d'avancer la date de livraison du préconditionneur en janvier 2018.

Le 29 novembre 2017, après plusieurs échanges, la SNCF Mobilités a notifié à la société EIFFAGE ENERGIE SYSTEMES BASSE NORMANDIE par ordre de service que les prestations objet du préconditionneur étaient suspendues. Par ailleurs, elle a précisé que les heures d'études de la société RAILSHINE seraient rémunérées.

Le 14 décembre 2017, la société EIFFAGE ENERGIE SYSTEMES BASSE NORMANDIE a adressé un courrier à la SNCF Mobilités reprenant le décompte des réclamations suite à la suspension des prestations dont une somme de 81.629 euros pour la société RAILSHINE correspondant à la perte de marge.

Le 17 avril 2018, après plusieurs échanges et réunions, la SNCF Mobilités a informé la société EIFFAGE ENERGIE SYSTEMES BASSE NORMANDIE par ordre de service qu'elle fixait à 47.198 euros le montant des sommes dues à la société RAILSHINE au titre des dépenses déjà engagées.

Le 04 mai 2018, la société EIFFAGE ENERGIE SYSTEMES BASSE NORMANDIE a communiqué à la SNCF Mobilités ses réserves sur cet ordre de service et en particulier sur la perte de marge pour la société RAILSHINE.

Le 25 mai 2018, la société EIFFAGE ENERGIE SYSTEMES BASSE NORMANDIE a transmis à la SNCF Mobilités son projet de décompte final incluant les sommes dues à RAILSHINE, soit 128.527,22 euros HT.

Le 25 septembre 2018, en l'absence de réponse, la société EIFFAGE ENERGIE SYSTEMES BASSE NORMANDIE a mis en demeure la SNCF Mobilités de répondre à ce projet.

Le 27 février 2019, la SNCF Mobilités a confirmé son intention de régler la somme de 47.198 euros à RAILSHINE et a demandé l'établissement d'un acte de sous-traitance DC4.

Le 10 juillet 2019, la société RAILSHINE a mis en demeure la société EIFFAGE ENERGIE SYSTEMES BASSE NORMANDIE de régler la somme de 128.827 euros correspondant aux études engagées et au manque à gagner, soit 47.198 euros et 81.629 euros.

Devant l'absence de réponse, la société RAILSHINE a saisi le tribunal de commerce de Caen.

Par jugement en date du 13 janvier 2021, le tribunal de commerce de Caen a :

- débouté la société EIFFAGE ENERGIE SYSTEMES BASSE NORMANDIE de toutes ses demandes ;

- ordonné à la société EIFFAGE ENERGIE SYSTEMES BASSE NORMANDIE et à la société RAILSHINE d'engager les démarches pour obtenir de la SNCF Mobilités le paiement de la somme de 47.198 euros ;

- condamné la société EIFFAGE ENERGIE SYSTEMES BASSE NORMANDIE à payer à la RAILSHINE la somme de 33.041,22 euros au titre du manque à gagner majorée des intérêts au taux légal à compter du 14 octobre 2019 ;

- ordonné l'exécution provisoire ;

- condamné la société EIFFAGE ENERGIE SYSTEMES BASSE NORMANDIE à payer à la société RAILSHINE la somme de 1 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

- condamné la société EIFFAGE ENERGIE SYSTEMES BASSE NORMANDIE aux entiers dépens, y compris les frais de greffe.

Par déclaration du 21 janvier 2021, la SARL RAILSHINE a fait appel du jugement.

Dans ses dernières conclusions du 7 juillet 2021, elle demande à la cour d'appel de :

- réformer le jugement du tribunal de commerce de Caen du 13 janvier 2021 en ce qu'il a ordonné à la société EIFFAGE et à la société RAILSHINE d'engager les démarches pour obtenir de la SNCF MOBILITES le paiement de la somme de 47.198 euros et limité la condamnation de la société EIFFAGE à payer à la société RAILSHINE la somme de 33.041,22 euros au titre du manque à gagner majorée des intérêts au taux légal à compter du 14 octobre 2019 ;

Statuant à nouveau

A titre principal :

- condamner la société EIFFAGE ENERGIE BASSE NORMADIE à payer à la société RAILSHINE les sommes de :

- 89.436 euros HT, soit 107.322,40 euros TTC au titre des factures du 16/10/2017 et du 15/11/2017 ;

- 39.391,22 euros HT, soit 47 269,46 euros TTC, au titre du manque à gagner subi par la société RAILSHINE et lui restant dû ;

majorées des intérêts de droit à compter de la mise en demeure en date du 4 mars 2019, avec capitalisation des intérêts échus à compter de cette même date ;

A titre subsidiaire :

- ordonner la résiliation du contrat de sous-traitance du 22 septembre 2017 ;

- condamner la société EIFFAGE à payer à la société RAILSHINE la somme de 47.198,00 euros HT au titre du remboursement des frais engagés, et la somme 81.629,22 euros HT à titre de dommages et intérêts en raison du manque à gagner subi, majorées des intérêts de droit à compter de la mise en demeure en date du 4 mars 2019, avec capitalisation des intérêts échus à compter de cette même date ;

Dans tous les cas,

- condamner la société EIFFAGE à payer à la société RAILSHINE la somme de 10.000 euros au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ;

- condamner la société EIFFAGE aux entiers dépens ;

- ordonner l'exécution provisoire.

Dans ses dernières conclusions du 25 janvier 2022, la société EIFFAGE ENERGIE SYSTEME, appelante incidente, demande à la cour d'appel de :

- réformer la décision entreprise dans l'ensemble de ses chefs de jugement

Et, statuant à nouveau :

A titre principal :

- déclarer irrecevable l'action en paiement de RAILSHINE à l'égard d'EIFFAGE compte-tenu de la délégation parfaite consentie par RAILSHINE ;

- constater en outre son caractère infondé compte-tenu de la négligence fautive de

RAILSHINE ;

- débouter par conséquent RAILSHINE de l'ensemble de ses demandes ;

A titre subsidiaire :

- débouter RAILSHINE de sa demande tendant au paiement de la somme de 47 198 euros HT à laquelle elle a délibérément renoncé ;

- déduire la somme de 92 705,63 euros HT de toutes sommes auxquelles la cour pourrait être amenée à condamner EIFFAGE, dans le cadre du partage de responsabilité ;

- rejeter la demande de condamnation à l'exécution provisoire de l'arrêt à intervenir, ou à titre infiniment subsidiaire dire que cette condamnation sera assortie de la remise préalable par la société RAILSHINE d'une caution bancaire couvrant l'intégralité des condamnations qui seraient mises à la charge d'EIFFAGE ;

En tout état de cause :

- condamner RAILSHINE à verser à EIFFAGE la somme de 10 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'aux entiers dépens.

L'ordonnance de clôture a été rendue le 23 février 2022.

Pour un plus ample exposé des prétentions et moyens des parties, il est renvoyé à leurs dernières conclusions visées supra.

SUR CE, LA COUR

Les sociétés EIFFAGE et RAILSHINE ont signé un «'contrat de sous-traitance- conditions particulières'» le 22 septembre 2017.

Les conditions particulières du contrat de sous-traitance à l'article 6-2 prévoient que le sous-traitant est payé par l'entrepreneur principal sauf délégation de paiement.

L'article 3 de la loi n°75-1334 du 31 décembre 1975 relative à la sous-traitance prévoit que l'entrepreneur qui entend exécuter un contrat ou un marché en recourant à un ou plusieurs sous-traitants doit, au moment de la conclusion et pendant toute la durée du contrat ou du marché, faire accepter chaque sous-traitant et agréer les conditions de paiement de chaque contrat de sous-traitance par le maître de l'ouvrage ; l'entrepreneur principal est tenu de communiquer le ou les contrats de sous-traitance au maître de l'ouvrage lorsque celui-ci en fait la demande. Lorsque le sous-traitant n'aura pas été accepté ni les conditions de paiement agréées par le maître de l'ouvrage dans les conditions prévues à l'alinéa précédent, l'entrepreneur principal sera néanmoins tenu envers le sous-traitant mais ne pourra invoquer le contrat de sous-traitance à l'encontre du sous-traitant.

L'article 6 de ladite loi précise que le sous-traitant direct du titulaire du marché qui a été accepté et dont les conditions de paiement ont été agréées par le maître de l'ouvrage, est payé directement par lui pour la part du marché dont il assure l'exécution.

En l'espèce, la SNCF Mobilités n'a signé aucun document acceptant la société RAILSHINE comme sous-traitant.

Le 2 octobre 2017, la société EIFFAGE a adressé à la SNCF la DC4 pour acceptation de son sous-traitant.

Il ressort du mail de la société RAILSHINE du 16 octobre 2017 que celle-ci n'avait pas à cette date confirmation de l'acceptation de ses conditions de paiement.

Dans un mail du 17 octobre 2017, la société SNCF précise ses conditions de paiement qui ne correspondent pas à celles de la société RAILSHINE décrites dans l'offre de prix n°12962/17-04.

Il ne peut donc être soutenu que la SNCF a gardé silence pendant 21 jours et que dès lors en application de l'article 2.51 du cahier des clauses et conditions générales, il y a eu acceptation tacite du sous-traitant et agrément de ses conditions de paiement.

Dans un courriel du 17 octobre 2017, la société RAILSHINE précise que les conditions de la SNCF sont trop éloignées de son offre et que le projet est financièrement infaisable pour elle.

Dans un courriel du 20 octobre 2017, la société SNCF indique à la société EIFFAGE qu'elle propose d'attendre le retour de RAILSHINE et de valider les modalités de paiement que la SNCF a proposé avant de signer l'acte de sous-traitance.

Dans un courriel du 27 octobre 2017, la société EIFFAGE informe la société RAILSHINE que la SNCF ne changera pas sa dernière proposition et qu'elle même fera donc tampon pour permettre de respecter les conditions proposées par la société RAILSHINE.

Dans un courriel du 1er novembre 2017, la SNCF préconise l'organisation d'une réunion avec RAILSHINE pour évoquer notamment le planning des travaux et les modalités de paiement.

Dans un courriel du 24 novembre 2017, la SNCF informe la société EIFFAGE du retrait du poste de fourniture du préconditionneur de son marché.

Il n'apparaît pas au vu de ces éléments que les conditions de paiement de la société RAILSHINE ont été acceptées par la SNCF.

Ce n'est que plus tard ( courriel du 27 février 2019) que le maître de l'ouvrage a demandé à la société EIFFAGE un acte spécial de sous-traitance au nom de la société RAILSHINE pour un montant de 47 198 euros HT, la SNCF ayant accepté de payer les frais engagés par cette société. La SNCF précise bien qu'en l'absence d'acte spécial, elle ne peut payer directement la société RAILSHINE, ce qui établit qu'elle considère qu'elle n'a pas accepté cette société comme sous-traitant.

Cette proposition de règlement des frais engagés de la part de la SNCF ne peut s'analyser comme une acceptation des conditions de paiement formulées par la société RAILSHINE dans le cadre du contrat de sous-traitance.

Dans un courrier du 12 juin 2018, la SNCF rappelait à la société EIFFAGE que passé un délai de 45 jours après les opérations préalables à la réception, il lui serait impossible d'accepter l'agrément et l'acceptation d'un paiement direct d'un sous-traitant et qu'à la date de son courrier aucune déclaration validée et signée par le maître de l'ouvrage n'avait été actée concernant l'entreprise RAILSHINE.

Dans un courriel du 26 juin 2020, la société SNCF conteste toute acceptation tacite du sous-traitant précisant que dès le 20 octobre 2017 elle avait précisé qu'elle ne pouvait signer l'acte de sous-traitance et que cet acte n'a par la suite jamais été signé.

Elle précise que la société RAILSHINE n'est pas référencée auprès de la SNCF comme sous-traitant de rang 1 pour le marché avec la société EIFFAGE.

L'acceptation du sous-traitant et l'agrément de ses conditions de paiement par le maître de l'ouvrage ne peut résulter que d'actes manifestant sans équivoque la volonté de ce dernier et non d'un comportement passif ni du seul fait que le maître de l'ouvrage avait connaissance de la présence du sous-traitant sur le chantier.

Dès lors, au vu de ces éléments, il n'est pas établi par la société EIFFAGE la preuve de l'acceptation du sous-traitant et l'agrément de ses conditions de paiement par le maître de l'ouvrage. Il n'y a donc pas eu de délégation de paiement.

Il convient par conséquent de confirmer le jugement déféré sur la recevabilité de l'action en paiement de la société RAILSHINE à l'encontre de la société EIFFAGE.

Sur la demande en paiement

Le sous-traitant n'ayant pas été accepté et ses conditions de paiement n'ayant pas été agréées par le maître de l'ouvrage, l'entreprise principale est tenue du paiement des factures.

La société RAILSHINE n'avait pas l'obligation d'accepter la proposition d'indemnisation faite par la SNCF avec laquelle elle n'était pas liée contractuellement.

La société RAILSHINE a émis le 16 octobre 2017 une facture d'un montant de 29 812 euros HT correspondant à un acompte de 10%.

Elle a établi le 15 novembre 2017 une seconde facture d'un montant de 59 624 euros HT correspondant à un acompte de 20 %.

Ces factures correspondent à l'exécution du contrat de sous-traitance signé entre les parties.

La seconde facture a été émise antérieurement au retrait du marché qui a eu lieu par ordre de service du 29 novembre 2017.

La société RAILSHINE ne dispose d'aucune créance à l'égard de la société SNCF Mobilités.

La demande présentée est une demande en paiement dirigée contre la société EIFFAGE et non contre la société SNCF Mobilités et le tribunal de commerce ne pouvait renvoyer les parties à engager des démarches pour obtenir de la SNCF le paiement d'une somme de 47 198 euros. Le jugement sera infirmé sur ce point.

Le marché principal conclu le 3 juillet 2017 entre la SNCF Mobilités et la société EIFFAGE prévoit une livraison du préconditionneur en janvier 2018.

Le 30 août 2017, la société RAILSHINE a fourni à la société EIFFAGE un planning de réalisation fixant la date de commande au 4 septembre 2017 et la réception sur site le 16 mars 2018.

Le contrat de sous-traitance a été signé le 22 septembre 2017 reprenant une date de début du contrat le 5 septembre 2017 et une date de fin le 16 mars 2018.

Il ressort des pièces du dossier que la fourniture du préconditionneur a été retirée du marché par la SNCF car la société EIFFAGE ne pouvait respecter la date de livraison de janvier 2018 prévue au contrat principal.

La société RAILSHINE s'est engagée sur une date de livraison en mars 2018 acceptée par la société EIFFAGE qui a signé le contrat de sous-traitance en sachant qu'elle s'était engagée sur une autre date dans le contrat principal.

Par rapport à l'exécution du contrat de sous-traitance, il ne peut être reproché un comportement fautif à la société RAILSHINE.

Si le contrat de sous-traitance prévoit que la période de préparation du chantier, les études ou les travaux devront commencer selon «'le calendrier d'exécution'», il n'est pas question de la date de réception, qui n'est pas censée être différente de celle fixée contractuellement par les parties au contrat de sous-traitance étant précisé que le contrat de sous-traitance prévoyait expressément à l'article 7.2 sur les délais d'exécution que les travaux faisant objet du contrat devaient débuter le 5 septembre 2017 pour se terminer le 16 mars 2018.

Aucun calendrier d'exécution prévoyant des dates différentes n'est joint au contrat de sous-traitance.

Il sera relevé que la mention du contrat précisant que le sous-traitant ne pourra pas s'opposer à une modification des plannings qui serait justifiée par des retards à rattraper ou des avances à réduire , des exigences du maître de l'ouvrage ou du maître d''uvre ou toute autre cause, a été barrée.

La société RAILSHINE indique que le délai de livraison demandé par la société SNCF ne lui a pas été communiqué. La preuve contraire n'est pas rapportée par la société EIFFAGE.

Elle n'avait en tout état de cause pas l'obligation d'attirer l'attention de la société EIFFAGE sur la date de l'engagement de celle-ci par rapport au contrat principal, la société EIFFAGE, seule contractante de la SNCF, étant parfaitement informée de cette situation.

Il sera par ailleurs constaté que le contrat de sous-traitance prévoit qu'en cas de contradiction entre les différents documents contractuels , l'ordre de préséance des pièces privilégie le contrat de sous-traitance.

Il est ainsi établi que le retrait de la prestation de livraison du préconditionneur par la société SNCF Mobilités est dû à une faute de la société EIFFAGE qui s'est engagée auprès de la SNCF pour une date de réception en janvier 2018 puis dans un second temps a accepté de signer un contrat de sous-traitance prévoyant une date de réception en mars 2018.

La responsabilité du retrait du marché est imputable en totalité à la société EIFFAGE sans que puisse être retenu un quelconque partage de responsabilité.

La société EIFFAGE, par son comportement fautif, est donc responsable de la résiliation du contrat de sous-traitance.

Du fait de cette résiliation, la société RAILSHINE a subi un manque à gagner.

La marge attendue était de 81 629,22 euros.

Le devis du fournisseur IRMIE était bien de 110 500 euros incluant la fourniture en tant que telle pour 85928,96 euros, mais aussi le coût des études pour 17400 euros, les frais de déplacement pour 968 euros, le coût de l'installation pour 6203,04 euros.

Par ailleurs, la part de marge prévue dans la somme que la SNCF proposait de régler ne peut être déduite.

La société RAILSHINE calcule donc son manque à gagner de la manière suivante :

81 629,22 + 47 198 (frais engagés) - 89 436 (factures) = 39 391,22 euros.

Cette somme, dont le calcul n'est pas contesté par la société EIFFAGE, sera retenue par la cour.

Par conséquent, la société RAILSHINE est bien fondée à réclamer à la société EIFFAGE le paiement de la somme de 89 436 euros au titre des factures impayées et la somme de 39 391,22 euros à titre de dommages et intérêts au titre du manque à gagner avec intérêts au taux légal à compter de la mise en demeure du 10 juillet 2019 pour les factures et à compter de la présente décision sur la somme de 39 391,22 euros.

Il sera fait droit à la demande de capitalisation des intérêts échus pour une année.

Le jugement déféré sera infirmé en ce sens.

La société EIFFAGE étant condamnée à paiement, le jugement sera confirmé sur la condamnation au titre de l'article 700 du code de procédure civile qui a été justement appréciée et sur la condamnation aux dépens.

L'équité commande de condamner la société EIFFAGE, qui succombe, à payer à la société RAILSHINE la somme de 3000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile en cause d'appel et à supporter les dépens d'appel.

La société EIFFAGE sera déboutée de sa demande formée au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

Il n'y a pas lieu d'ordonner l'exécution provisoire du présent arrêt, le pourvoi en cassation n'ayant pas d'effet suspensif.

PAR CES MOTIFS

LA COUR,

Statuant publiquement, par arrêt contradictoire, mis à disposition au greffe ;

INFIRME le jugement déféré en ce qu'il a ordonné à la société EIFFAGE ENERGIE SYSTEMES BASSE NORMANDIE et à la société RAILSHINE d'engager des démarches pour obtenir de la SNCF Mobilités le paiement de la somme de 47 198 euros et en ce qu'il a condamné la société EIFFAGE ENERGIE SYSTEMES BASSE NORMANDIE à payer à la société RAILSHINE la somme de 33 041,22 euros au titre du manque à gagner majorée des intérêts au taux légal à compter du 14 octobre 2019 ;

Statuant à nouveau du chef des dispositions infirmées ;

CONDAMNE la société EIFFAGE ENERGIE SYSTEMES BASSE NORMANDIE à payer à la société RAILSHINE la somme de 89 436 euros au titre des factures impayées avec intérêts au taux légal à compter du 10 juillet 2019 et la somme de 39 391,22 euros à titre de dommages et intérêts avec intérêts au taux légal à compter de la présente décision ;

DIT que les intérêts échus, dus au moins pour une année entière, produiront intérêt ;

CONFIRME le jugement déféré pour le surplus ;

Y ajoutant ;

CONDAMNE la société EIFFAGE ENERGIE SYSTEMES BASSE NORMANDIE à payer à la société RAILSHINE la somme de 3000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile en cause d'appel ;

CONDAMNE la société EIFFAGE ENERGIE SYSTEMES BASSE NORMANDIE aux dépens d'appel ;

DEBOUTE les parties de leurs demandes plus amples ou contraires ;

LE GREFFIERLE PRÉSIDENT

N. LE GALLF. EMILY


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Caen
Formation : 2ème chambre civile
Numéro d'arrêt : 21/00196
Date de la décision : 09/06/2022

Origine de la décision
Date de l'import : 26/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2022-06-09;21.00196 ?
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