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09/06/2022 | FRANCE | N°19/03551

France | France, Cour d'appel de Caen, 2ème chambre civile, 09 juin 2022, 19/03551


AFFAIRE :N° RG 19/03551 -

N° Portalis DBVC-V-B7D-GO2V

 



ARRÊT N°



JB.





ORIGINE : DECISION en date du 21 Novembre 2019 du Tribunal de Grande Instance de CAEN

RG n° 16/02713





COUR D'APPEL DE CAEN

DEUXIEME CHAMBRE CIVILE ET COMMERCIALE

ARRÊT DU 09 JUIN 2022









APPELANTE :



CAISSE REGIONALE DE CREDIT AGRICOLE MUTUEL DE NORMANDIE

N° SIRET : 478 834 930

[Adresse 4]

[Localité 3]

prise en la person

ne de son représentant légal



représentée et assistée de Me Jean-Michel DELCOURT, avocat au barreau de CAEN









INTIMES :



Monsieur [W] [O] [U]

né le [Date naissance 2] 1961 à [Localité 8]

[Adresse 5]...

AFFAIRE :N° RG 19/03551 -

N° Portalis DBVC-V-B7D-GO2V

 

ARRÊT N°

JB.

ORIGINE : DECISION en date du 21 Novembre 2019 du Tribunal de Grande Instance de CAEN

RG n° 16/02713

COUR D'APPEL DE CAEN

DEUXIEME CHAMBRE CIVILE ET COMMERCIALE

ARRÊT DU 09 JUIN 2022

APPELANTE :

CAISSE REGIONALE DE CREDIT AGRICOLE MUTUEL DE NORMANDIE

N° SIRET : 478 834 930

[Adresse 4]

[Localité 3]

prise en la personne de son représentant légal

représentée et assistée de Me Jean-Michel DELCOURT, avocat au barreau de CAEN

INTIMES :

Monsieur [W] [O] [U]

né le [Date naissance 2] 1961 à [Localité 8]

[Adresse 5]

[Localité 6]

représenté et assisté de Me Stéphane PIEUCHOT, avocat au barreau de CAEN

Maître [F] [S] mandataire judiciaire de la procédure de sauvegarde de M. [U] et Commissaire à l'exécution du plan de sauvegarde

[Adresse 1]

[Adresse 7]

[Localité 3]

représenté et assisté de Me Noël LEJARD, avocat au barreau de CAEN

COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DÉBATS ET DU DÉLIBÉRÉ :

Mme EMILY, Président de Chambre,

Mme COURTADE, Conseillère,

M. GOUARIN, Conseiller,

DÉBATS : A l'audience publique du 31 mars 2022

GREFFIER : Mme LE GALL, greffier

ARRÊT prononcé publiquement le 09 juin 2022 à 14h00 par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinea de l'article 450 du code de procédure civile et signé par Madame EMILY, président, et Mme LE GALL, greffier

* * *

Par acte authentique du 31 août 2004, la CAISSE REGIONALE DE CREDIT AGRICOLE MUTUEL DE NORMANDIE (ci-après désignée le Crédit Agricole) a consenti à M. [W] [U] un prêt n° 09264469802 d'un montant de 314 000€ remboursable en 144 mensualités au taux d'intérêt annuel révisable de 4,4% 1er palier et au TEG de 5,2305%.

Des échéances sont demeurées impayées entraînant la déchéance du terme à la date du 10 avril 2010, après une mise en demeure restée infructueuse.

Par jugement du 16 avril 2015, le tribunal de grande instance de Caen a ouvert une procédure de sauvegarde à l'égard de M. [U].

Le Crédit Agricole a déclaré ses créances au passif de la procédure collective dont celle au titre du prêt susvisé.

M. [U] a contesté ces créances en invoquant à titre principal la responsabilité contractuelle de la banque.

Par ordonnance du 4 juillet 2016, le juge commissaire s'est déclaré incompétent pour statuer sur la créance déclarée au titre du prêt n° 09264469802, renvoyant M. [U] à saisir le juge compétent.

Par acte d'huissier du 3 août 2016, M. [U] a fait assigner le Crédit Agricole devant le tribunal de grande instance de Caen aux fins d'engagement de sa responsabilité contractuelle et subsidiairement de rejet des intérêts échus et à échoir.

Par ordonnance du 22 novembre 2017, le juge de la mise en état a dit que le tribunal est dessaisi de la demande de M. [U] visant à voir prononcer la responsabilité du Crédit Agricole compte tenu de la saisine de la cour d'appel de Caen de cette prétention dans le cadre d'un appel dirigé contre un jugement du tribunal de grande instance de Caen du 23 octobre 2014.

Par jugement du 21 novembre 2019, le tribunal de grande instance de Caen a:

- Accueilli la fin de non-recevoir tirée de la prescription de l'action en nullité de la stipulation du taux effectif global mentionné dans l'acte de prêt n°9264469802 en date du 31 août 2004 et, en conséquence, déclaré irrecevable la contestation formée au titre du taux effectif global ;

- Fixé la créance de la CAISSE REGIONALE DE CREDIT AGRICOLE MUTUEL DE NORMANDIE au passif de la procédure de sauvegarde de Monsieur [U] au titre du prêt susvisé d'un montant de 501.689,35 euros, outre les intérêts à échoir au taux de 2,65% ;

- Rejeté la créance déclarée par la CAISSE REGIONALE DE CREDIT AGRICOLE MUTUEL DE NORMANDIE au passif de la procédure de sauvegarde de Monsieur [U] au titre des intérêts de retard à échoir relatif au prêt susvisé ;

- Débouté la CAISSE REGIONALE DE CREDIT AGRICOLE MUTUEL DE NORMANDIE de sa demande de paiement provisionnel des annuités échues de sa créance au titre du prêt susvisé ;

- Condamné la CAISSE REGIONALE DE CREDIT AGRICOLE MUTUEL DE NORMANDIE à payer à Monsieur [U] la somme de 3.500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

- Condamné la CAISSE REGIONALE DE CREDIT AGRICOLE MUTUEL DE NORMANDIE aux entiers dépens ;

- Accordé droit de recouvrement direct prévu à l'article699 du code de procédure civile à Me PIEUCHOT ;

- Rejeté pour le surplus les prétentions des parties.

Par déclaration du 24 décembre 2019, le Crédit Agricole a interjeté appel partiel de cette décision.

Par ordonnance du 12 mai 2021, le conseiller de la mise en état a débouté M. [U] de sa demande de sursis à statuer.

Aux termes de ses dernières conclusions déposées le 25 février 2022, le Crédit Agricole demande de :

- Déclarer M. [U] autant irrecevable que mal fondé en ses demandes, fins et prétentions ;

- Réformer le jugement entrepris en ce qu'il l'a débouté de sa demande en paiement des annuités échues du plan arrêté le 31 mars 2017 et en ce qu'il l'a condamné au paiement d'une indemnité pour frais irrépétibles et les dépens.

Statuant sur ces chefs réformés,

- Dire et juger que les annuités échues du plan devront lui être réglées selon les modalités arrêtées par le jugement rendu le 31 mars 2017 par le tribunal de grande instance de CAEN qui a adopté le plan d'apurement de Monsieur [U], lorsque l'arrêt sera signifié.

- Débouter Monsieur [U] de sa demande formée au titre de l'article 700 du code de procédure civile et les dépens.

- Dire qu'il supportera les dépens de première instance.

- Confirmer le jugement dans ses dispositions non contraires.

- Déclarer Monsieur [U] d'office irrecevable en application de l'article 910-4 du CPC en ses prétentions ultérieures, énoncées pour la première fois par conclusions du 22 février 2022, et notamment celles relatives au capital restant dû.

En tout état de cause,

- Condamner Monsieur [U] à lui payer la somme de 4 000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens d'appel.

Aux termes de ses dernières conclusions déposées le 14 mars 2022, M. [U] demande de :

- Confirmer le jugement dont appel en ce qu'il a :

o Débouté la CAISSE REGIONALE DE CREDIT AGRICOLE MUTUEL DE NORMANDIE de sa demande de paiement provisionnel des annuités échues de sa créance au titre du prêt n°09264469802 ;

o Rejeté les sommes déclarées par la CAISSE REGIONALE DE CREDIT AGRICOLE MUTUEL DE NORMANDIE au passif de la procédure de sauvegarde de Monsieur [U] au titre des intérêts de retard à échoir ;

- Infirmer ledit jugement en ce qu'il a :

o Accueilli la fin de non-recevoir tirée de la prescription de l'action en nullité de la stipulation du taux effectif global mentionné dans l'acte de prêt n°09264469802 en date du 31 août 2004 et, en conséquence, déclaré irrecevable la contestation formée au titre du taux effectif global par Monsieur [W] [U] ;

o Fixé la créance de la CAISSE REGIONALE DE CREDIT AGRICOLE MUTUEL DE NORMANDIE au passif de la procédure de sauvegarde de Monsieur [W] [U],

au titre du prêt n°09264469802, d'un montant de 501.689,35 euros, outre les intérêts à échoir au taux de 2,65%.

Statuant à nouveau :

Vu l'article 378 du Code de Procédure Civile,

- Surseoir à statuer dans l'attente de l'aboutissement de la procédure actuellement pendante devant le juge de l'exécution près le tribunal Judicaire de COUTANCES qui vise à voir constater la péremption du commandement de payer valant saisie immobilière en date du 14 mai 2013

A titre subsidiaire,

- Dire et juger prescrite la créance du CREDIT AGRICOLE et, partant, la rejeter du passif de la procédure collective de Monsieur [W] [U].

A titre subsidiaire,

Sur le quantum de la créance

a. Sur les intérêts normaux échus

A titre principal, sur le rejet des intérêts normaux échus

Vu l'article 1315 du Code civil,

- Constater que la CAISSE REGIONALE DE CREDIT AGRICOLE MUTUEL DE NORMANDIE ne justifie pas du bien fondé de la somme déclarée à concurrence de 81 795,67€ au titre des intérêts échus,

- En conséquence, Rejeter les sommes déclarées à ce titre par la CAISSE REGIONALE DE CREDIT AGRICOLE MUTUEL DE NORMANDIE du passif de la procédure collective de Monsieur [W] [U],

A titre subsidiaire, sur la nullité du taux effectif global

Vu les dispositions des articles L. 313-1 et suivants du Code de la consommation,

- Constater la nullité de la stipulation d'intérêts conventionnels,

- Dire et juger que l'intérêt légal devra être substitué à l'intérêt conventionnel et que les intérêts payés par Monsieur [W] [U] devront venir en déduction des sommes réclamées en principal,

- A défaut pour la CAISSE REGIONALE DE CREDIT AGRICOLE MUTUEL DE NORMANDIE de produire un décompte de sa créance conforme à ces dispositions légales, la débouter de l'intégralité de ses demandes, fins et prétentions,

b. Sur les intérêts de retard échus et à échoir

A titre principal, sur le rejet des intérêts de retard échus et à échoir

* Sur le rejet des intérêts de retard échus

Vu l'article 1231-5 du Code civil (ancien article 1315 du Code civil),

- Constater que la CAISSE REGIONALE DE CREDIT AGRICOLE MUTUEL DE NORMANDIE ne justifie pas du bien-fondé de la somme déclarée à concurrence de 126.210,78 euros au titre des intérêts échus,

En conséquence,

- Rejeter les sommes déclarées à ce titre par la CAISSE REGIONALE DE

CREDIT AGRICOLE MUTUEL DE NORMANDIE du passif de la procédure collective de Monsieur [W] [U],

* Sur le rejet des intérêts de retard à échoir

Vu l'article R. 622-23-2 du Code de commerce,

- Constater que la CAISSE REGIONALE DE CREDIT AGRICOLE MUTUEL DE NORMANDIE n'a pas respecté les exigences de l'article R. 622-23-2 du code de commerce,

En conséquence,

- Rejeter les intérêts moratoires postérieurs déclarés par la CAISSE REGIONALE DE CREDIT AGRICOLE MUTUEL DE NORMANDIE au passif de la procédure collective de Monsieur [W] [U] et confirmer en ce sens le jugement entrepris,

A titre subsidiaire, sur la majoration du taux d'intérêts

Vu l'article 1152 du code civil

Dire et juger que les dispositions contractuelles relatives à la majoration des intérêts de retard constituent une clause pénale,

En conséquence,

Au regard du caractère manifestement excessif de celle-ci, Limiter la majoration de 3% appliquée par la banque au taux d'intérêts conventionnelle de retard sur échéances impayées à un taux symbolique,

Sur les demandes formulées par le CREDIT AGRICOLE au titre du règlement des annuités échues du plan de sauvegarde de Monsieur [U]

- Déclarer irrecevable et forclos le CREDIT AGRICOLE dans ses demandes visant à voir condamner Monsieur [U] au paiement des annuités échues du plan de sauvegarde,

En toute hypothèse,

- Débouter la CAISSE REGIONALE DE CREDIT AGRICOLE MUTUEL DE NORMANDIE de l'intégralité de ses demandes,

- Condamner la CAISSE REGIONALE DE CREDIT AGRICOLE MUTUEL DE NORMANDIE à payer à Monsieur [W] [U] une indemnité de 7.500

euros appréciée sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens,

- Accorder à Maître Stéphane PIEUCHOT le bénéfice du droit de recouvrement direct instauré par l'article 699 du code de procédure civile.

Aux termes de ses dernières conclusions déposées le 31 mars 2020, Me [S] ès qualités de mandataire judiciaire à la procédure de sauvegarde de M. [U] demande de :

- lui donner acte de ce qu'il s'en rapporte tant sur la recevabilité que le bien fondé de l'appel inscrit par le Crédit Agricole limité à la condamnation de M. [U] au paiement des annuités échues au titre du prêt de 314 000€ ;

- condamner tout succombant à lui verser ès qualités la somme de 2000€ au titre de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens.

L'ordonnance de clôture a été prononcée le 16 mars 2022.

Il est expressément renvoyé aux écritures précitées pour un plus ample exposé des prétentions et moyens des parties.

Par message RPVA du 13 avril 2022, la cour a invité le Crédit Agricole à produire en cours de délibéré le détail du calcul des intérêts sollicités à hauteur de 81 795,67€ (pièce n°4) en précisant pour chaque échéance le taux appliqué.

La banque a répondu par une note déposée le 29 avril 2022.

M. [U] a présenté ses observations par une note en délibéré déposée le 24 mai 2022.

MOTIFS

Il n'y a pas lieu d'ordonner la réouverture des débats sollicitée par M. [U] dans sa note du 24 mai 2022 dès lors qu'il a été en mesure de présenter ses observations sur le calcul des intérêts échus communiqué par le Crédit Agricole en cours de délibéré.

Par ailleurs, il convient de relever que dans ses dernières conclusions déposées le 14 mars 2022, M. [U] ne formule aucune contestation relativement au capital restant dû, de sorte que la fin de non-recevoir opposée par le Crédit Agricole en application de l'article 910-4 du code de procédure civile est sans objet.

I. Sur la prescription de la créance du Crédit Agricole

1. sur le fondement de l'article L 218-2 du code de la consommation

L'article L 218-2 du code de la consommation (anciennement codifié L 137-2), issu de la loi du 17 juin 2008, dispose que l'action des professionnels, pour les biens ou les services qu'ils fournissent aux consommateurs, se prescrit par deux ans.

En l'espèce, l'acte authentique mentionne que le prêt consenti à M. [U], ostréiculteur, a pour objet 'l'achat de concession et tables et restructuration financière'.

Cette mention suffit à démontrer que le crédit était destiné à financer les besoins de l'activité professionnelle d'ostréiculteur de l'emprunteur, ce dernier ne rapportant pas la preuve contraire.

En conséquence, M. [U] n'ayant pas contracté en qualité de consommateur, le prêt n'est pas soumis à la prescription biennale.

2. Sur le fondement de l'article L 110-4 du code de commerce

L'article L 110-4 du code de commerce dispose que les obligations nées à l'occasion de leur commerce entre commerçants ou entre commerçants et non-commerçants se prescrivent par cinq ans si elles ne sont pas soumises à des prescriptions spéciales plus courtes.

La créance du Crédit Agricole au titre du prêt litigieux relève du régime de cette prescription quinquennale, anciennement décennale, de l'article L. 110-4 du code de commerce instaurée par la loi n° 2008-561 du 17 juin 2008 portant réforme de la prescription en matière civile, laquelle est applicable à compter du 19 juin 2008 date de son entrée en vigueur, conformément aux dispositions transitoires prévues à l'article 26-II, dès lors que le délai de prescription décennale n'était pas expiré à cette date et sans que la durée totale puisse excéder la durée de dix ans prévue par la loi antérieure.

En l'espèce, la déchéance du terme est intervenue le 10 avril 2010.

La banque disposait donc, comme le fait valoir l'intimé, d'un délai de cinq ans soit jusqu'au 10 avril 2015 pour agir en recouvrement de sa créance.

Elle a déclaré sa créance au passif de la procédure collective du débiteur seulement le 11 juin 2015.

Cependant, le délai de prescription a été interrompu par le commandement de payer valant saisie délivré le 14 mars 2013.

Contrairement à ce que prétend M. [U], cet acte n'a pas perdu son effet interruptif puisque l'arrêt de la Cour d'Appel de Caen du 7 janvier 2021 a annulé le jugement du juge de l'exécution qui avait constaté à tort la péremption de l'instance.

L'intimé fait encore valoir qu'il a de nouveau saisi le juge de l'exécution afin que soit constatée la péremption dudit commandement et qu'il convient dès lors de surseoir à statuer dans l'attente de la décision à intervenir sur ce point.

Toutefois, la péremption du commandement, si elle était prononcée, serait sans incidence sur l'issue du présent litige puisque l'acte conserverait son effet interruptif de prescription attaché à sa délivrance.

Il convient donc de débouter l'intimé de sa demande de sursis à statuer et de rejeter sa fin de non-recevoir tirée de la prescription.

II. Sur le quantum de la créance de la banque

1. sur les intérêts normaux échus

A titre principal, M. [U] sollicite le rejet de la somme déclarée au titre des intérêts normaux échus au motif que le Crédit Agricole ne justifie pas de son bien fondé.

Il fait valoir que le taux d'intérêts est stipulé révisable et que le récapitulatif produit par la banque (pièce n°4 du Crédit Agricole) ne permet pas de déterminer le taux réellement appliqué pour chaque échéance échue.

Aux termes de sa note en délibéré, déposée le 29 avril 2022 à la demande de la cour, la banque explique le détail du calcul des intérêts selon la formule :

K dû (après amortissement de la partie K de l'échéance du mois précédent) x taux) x 30,4166

365

Elle produit un nouveau tableau détaillant pour chaque échéance échue impayée la somme due notamment en capital et intérêts normaux et précisant le taux d'intérêt appliqué soit :

- échéances du 15/10/2005 au 15/09/2006 : taux de 4,3%

- échéances du 15/10/2006 au 15/09/2007 : taux de 5,4%

- échéances du 15/10/2007 au 15/09/2008 : taux de 6,4%

- échéances du 15/10/2008 au 15/09/2009 : taux de 6,4%

- échéances du 15/10/2009 au 15/09/2010 : taux de 3,8%

- échéances du 15/10/2010 au 15/09/2011 : taux de 3,4%

- échéances du 15/10/2011 au 15/09/2012 : taux de 4,25%

- échéances du 15/10/2012 au 15/09/2013 : taux de 3,4%

- échéances du 15/10/2013 au 15/09/2014 : taux de 2,6%

- échéances du 15/10/2014 au 15/09/2015 : taux de 2,65%

Il ressort de ces éléments, non utilement critiqués par M. [U], que c'est bien le taux révisé de chaque période qui a été appliqué.

Toutefois, le montant total des intérêts normaux échus déclarés (81 795,67€) est erroné puisqu'il s'élève en réalité à 60 172,47€, selon les propres calculs de l'appelante.

C'est donc ce dernier montant qui sera retenu.

A titre subsidiaire, M. [U] sollicite la nullité de la stipulation d'intérêts conventionnels pour irrégularité du taux effectif global en soutenant que celui-ci n'intégre pas les frais liés à l'inscription de l'hypothèque.

Le Crédit Agricole soulève la prescription de cette demande.

Les premiers juges ont exactement jugé, s'agissant d'un crédit consenti pour les besoins professionnels de M. [U], que la prescription quinquennale de l'article 1304 ancien du code civil, applicable en l'espèce, court à compter du jour du contrat, soit du 31 août 2004, de sorte que l'action en nullité de la stipulation d'intérêts conventionnels est prescrite et donc irrecevable.

C'est en effet à compter de conclusion du prêt que l'emprunteur professionnel a connu ou aurait dû connaître l'erreur alléguée affectant le TEG.

Le jugement est donc confirmé de ce chef.

2. Sur les intérêts de retard échus et à échoir

Le contrat de prêt comporte une clause selon laquelle toute somme non payée à son échéance portera de plein droit et sans mise en demeure intérêt de retard au taux stipulé ou celui en vigueur au moment du retard dans le cas de prêt à taux variable ou révisable, majoré de trois points, depuis la date de l'échéance jusqu'à celle de son remboursement.

* sur le quantum des intérêts de retard échus

Le tableau produit par le Crédit Agricole en cours de délibéré, non discuté par M. [U], mentionne :

- pour chaque échéance échue impayée, le montant des intérêts de retard calculés au taux révisé applicable, majoré de trois points, arrêtés à la date de déchéance du terme, soit la somme de 98 167,78€ ;

- le détail des intérêts de retard ayant couru sur le capital restant dû à la date de déchéance du terme jusqu'au 16 avril 2015, date d'ouverture de la procédure collective, calculés au taux de 6,80% (taux révisé applicable au jour de la déchéance du terme, soit 3,80%, majoré de trois points), représentant un total de 65 181,05€.

Il s'évince de ces éléments que le Crédit Agricole pouvait prétendre à une somme totale de 163 348,83 au titre des intérêts de retard échus.

Or il n'a déclaré qu'une créance de 126 210,78€ de ce chef, soit un montant inférieur à ce qui lui était dû.

Il n'y a donc pas lieu au rejet de cette créance qui est parfaitement fondée.

* sur les intérêts de retard à échoir

Il convient de constater qu'il n'a pas été relevé appel de la disposition du jugement qui a rejeté la créance de la banque au titre des intérêts de retard à échoir relatifs au prêt litigieux, si bien qu'elle n'est pas dévolue à la cour.

3. Sur la demande de réduction de la clause pénale

M. [U] demande, au visa de l'article 1152 ancien du code civil, de limiter à un taux symbolique la majoration de 3% appliquée au taux d'intérêts conventionnels sur échéances impayées.

L'article précité, dans sa rédaction applicable au litige, dispose que lorsque le contrat stipule que celui qui manquera de l'exécuter paiera une certaine somme à titre de dommages-intérêts, il ne peut être alloué à l'autre partie une somme plus forte ni moindre. Néanmoins le juge peut, même d'office, modérer ou augmenter la pénalité ainsi convenue si elle est manifestement excessive ou dérisoire. Toute stipulation contraire sera réputée non écrite.

Si la banque ne conteste pas que cette majoration des intérêts constitue une clause pénale en ce qu'elle est destinée à évaluer forfaitairement et d'avance l'indemnité à laquelle donnera lieu l'inexécution contractée, l'intimé échoue à en démontrer le caractère excessif.

En effet, il ne prouve pas l'existence d'une disproportion manifeste entre le montant de la peine conventionnellement fixée et celui du préjudice effectivement subi par le Crédit Agricole, privé depuis 2005 du remboursement à l'échéance des sommes prêtées.

Par conséquent, il convient de débouter M. [U] de sa prétention.

* * *

Au vu de l'ensemble de ces éléments, la créance de la banque au titre du prêt professionnel n° 09264469802 est fixée au passif de la procédure de sauvegarde de M. [U] à hauteur de la somme de 480 066,15€ à titre privilégié se décomposant comme suit :

- 293 682,90€ au titre du capital

- 60 172,47€ au titre des intérêts normaux échus

- 126 210,78€ au titre des intérêts de retard échus

outre les intérêts à échoir au taux de 2,65%.

III. Sur la demande du Crédit Agricole de paiement des annuités échues

L'article L 626-21 du code de commerce dispose que les sommes à répartir correspondant aux créances litigieuses ne sont versées qu'à compter de l'admission définitive de ces créances au passif. Toutefois, la juridiction saisie du litige peut décider que le créancier participera à titre provisionnel, en tout ou partie, aux répartitions faites avant l'admission définitive.

Le Crédit Agricole sollicite le paiement des annuités échues du plan de redressement à compter de la signification du présent arrêt portant admission définitive de sa créance, faisant observer que le tribunal a analysé à tort sa prétention comme une demande provisionnelle avant admission.

M. [U] conclut à l'irrecevabilité et à la forclusion de la demande et en tout état de cause au débouté.

Il souligne que les paiements provisionnels, qui ne relèvent pas des pouvoirs du juge-commissaire, ne peuvent être ordonnés que par le tribunal saisi de l'adoption du plan; qu'en outre, une instance en responsabilité de la banque pour crédit excessif est actuellement pendante devant la cour d'appel de Caen au titre d'un solde de compte courant et de quatre prêts dont le prêt objet du présent litige et qu'en cas de condamnation à des dommages et intérêts, ceux-ci devront nécessairement se compenser avec les sommes admises au passif de la procédure collective.

Par jugement du 31 mars 2017, le tribunal de grande instance de Caen a arrêté un plan de redressement au bénéfice de M. [U], prévoyant un réglement du passif à 100% sur 15 annuités constantes avec intégration dans le passif de l'intégralité des créances admises du Crédit Agricole.

En application de l'article L 626-21 précité, l'admission définitive de la créance litigieuse, ordonnée précédemment, impose le règlement des annuités échues du plan de sauvegarde, étant rappelé que la banque ne formule nullement une demande provisionnelle, de sorte que l'argumentation développée à cet égard par l'intimé est inopérante.

A ce jour, le principe de la créance indemnitaire de M. [U] n'est pas établi et aucune compensation n'est intervenue puisque par ordonnance du 14 décembre 2016, le conseiller de la mise en état a ordonné le sursis à statuer dans l'attente d'une décision définitive fixant le montant de la créance détenue par le Crédit Agricole au titre du prêt en cause.

La banque, dont la créance est admise, est ainsi parfaitement recevable et fondée à réclamer le paiement des échéances du plan échues sans qu'il y ait lieu d'attendre la décision de la cour sur les demandes de dommages et intérêts et de compensation formées par le débiteur.

Il convient donc d'accueillir sa prétention.

IV. Sur les autres demandes

M. [U] succombant sur l'essentiel de ses prétentions, est condamné aux dépens de première instance et d'appel, à payer au Crédit Agricole la somme de 2500€ sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, et est débouté de sa demande formée à ce titre.

Le jugement est infirmé sur ces points.

PAR CES MOTIFS

La cour, statuant publiquement, par arrêt contradictoire, mis à disposition au greffe, dans les limites de sa saisine,

REJETTE la demande de réouverture des débats formée par M. [U] ;

INFIRME le jugement entrepris des chefs de disposition dont il a été interjeté appel sauf en ce qu'il a accueilli la fin de non-recevoir tirée de la prescription de l'action en nullité de la stipulation du taux effectif global et, en conséquence, déclaré irrecevable la contestation formée au titre du taux effectif global par M. [U] ;

Statuant à nouveau du chef des dispositions infirmées et y ajoutant,

DEBOUTE M. [U] de sa demande de sursis à statuer ;

REJETTE la fin de non-recevoir soulevée par M. [U] tirée de la prescription de la créance de la CAISSE REGIONALE DE CREDIT AGRICOLE MUTUEL DE NORMANDIE ;

FIXE la créance de la CAISSE REGIONALE DE CREDIT AGRICOLE MUTUEL DE NORMANDIE au passif de la procédure de sauvegarde de M. [W] [U] au titre du prêt n° 09264469802 conclu le 31 août 2004 à la somme de 480 066,15€ à titre privilégié, se décomposant comme suit :

- 293 682,90€ au titre du capital

- 60 172,47€ au titre des intérêts normaux échus

- 126 210,78€ au titre des intérêts de retard échus

outre les intérêts à échoir au taux de 2,65% ;

REJETTE la fin de non-recevoir soulevée par M. [U] tirée de l'irrecevabilité et de la forclusion de la demande de la CAISSE REGIONALE DE CREDIT AGRICOLE MUTUEL DE NORMANDIE en paiement des annuités échues du plan de sauvegarde ;

DIT que les annuités échues du plan devront être réglées à la CAISSE REGIONALE DE CREDIT AGRICOLE MUTUEL DE NORMANDIE selon les modalités arrêtées par le jugement rendu le 31 mars 2017 par le tribunal de grande instance de Caen qui a adopté le plan de redressement M. [U], lorsque l'arrêt sera signifié ;

CONDAMNE M. [U] à payer à la CAISSE REGIONALE DE CREDIT AGRICOLE MUTUEL DE NORMANDIE la somme de 2500€ au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

DEBOUTE M. [U] de sa demande fondée sur ce texte ;

CONDAMNE M. [U] aux dépens de première instance et d'appel avec droit de recouvrement direct au profit des avocats constitués en la cause qui en ont fait la demande, conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile ;

DEBOUTE les parties de leurs demandes plus amples ou contraires.

LE GREFFIERLE PRÉSIDENT

N. LE GALLF. EMILY


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Caen
Formation : 2ème chambre civile
Numéro d'arrêt : 19/03551
Date de la décision : 09/06/2022

Origine de la décision
Date de l'import : 26/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2022-06-09;19.03551 ?
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