AFFAIRE : N° RG 19/01590 -
N° Portalis DBVC-V-B7D-GKTV
ARRÊT N°
JB.
ORIGINE : DÉCISION du Tribunal de Grande Instance d'ARGENTAN du 11 Avril 2019
RG n° 17/00797
COUR D'APPEL DE CAEN
PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE
ARRÊT DU 07 JUIN 2022
APPELANTE :
L'EARL CHAUVIN
[Localité 4]
[Localité 3]
prise en la personne de son représentant légal
représentée et assistée de Me Bruno HUAUME, avocat au barreau D'ARGENTAN
INTIMÉE :
La Société COOPERATIVE AGRICOLE ET AGRO-ALIMENTAIRE AGRIAL
N° SIRET : D 428 611 719
[Adresse 2]
[Localité 1]
prise en la personne de son représentant légal
représentée et assistée de Me Florence GALLOT, avocat au barreau D'ALENCON
COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DÉBATS ET DU DÉLIBÉRÉ :
M. GUIGUESSON, Président de chambre,
Mme VELMANS, Conseillère,
Mme COURTADE, Conseillère,
DÉBATS : A l'audience publique du 05 avril 2022
GREFFIER : Mme COLLET
ARRÊT : rendu publiquement par mise à disposition au greffe, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile le 07 Juin 2022 et signé par M. GUIGUESSON, président, et Mme COLLET, greffier
EXPOSE DU LITIGE
Par acte d'huissier du 30 août 2018, la société AGRIAL a assigné l'EARL CHAUVIN devant le tribunal de grande en paiement de multiples factures émises en 2016, dont elle n'a pu obtenir le règlement.
Par jugement du 11 avril 2019, le tribunal a :
- condamné L'EARL CHAUVIN à payer à la société AGRIAL, la somme de 41.338,37 e arrêtée au 26 juin 2017 avec intérêts au taux conventionnel de 12 % l'an à compter du 29 juin 2017,
- condamné L'EARL CHAUVIN à payer à la société AGRIAL la somme de 1.200,00 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux dépens avec droit de recouvrement direct au profit de Maître GALLOT,
- ordonné l'exécution provisoire,
- débouté les parties de leurs demandes plus amples ou contraires comme précisé aux motifs.
Le 28 mai 2019, l'EARL CHAUVIN a formé appel de la décision.
Aux termes de ses dernières écritures en date du 5 février 2021, elle ne conteste plus la condamnation en paiement prononcée par le tribunal, mais conclut à la réformation du jugement en ce qu'il l'a déboutée de sa demande reconventionnelle tendant à l'indemnisation de la perte de son droit à commercialisation à AGRIAL à hauteur de 81.519,00 €.
Subsidiairement, elle sollicite la condamnation de la société AGRIAL à l'indemniser de la perte de chance de pouvoir céder son droit de commercialisation à AGRIAL à hauteur de 73.367,71 €.
Elle conclut en outre à la condamnation de la société AGRIAL au paiement d'une somme de 3.000,00 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux dépens avec droit de recouvrement direct au profit de son conseil.
Aux termes de ses dernières écritures en date du 2 décembre 2021, la société AGRIAL conclut à la confirmation du jugement et à la condamnation de l'EARL CHAUVIN au paiement d'une somme de 4.000,00 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux dépens avec droit de recouvrement direct au profit de son conseil.
Pour l'exposé complet des prétentions et de l'argumentaire des parties, il est expressément renvoyé à leurs dernières écritures susvisées conformément à l'article 455 du code de procédure civile.
L'ordonnance de clôture est intervenue le 9 mars 2022.
MOTIFS DE LA DÉCISION
Sur la perte du droit à commercialisation
L'EARL CHAUVIN qui vendait son lait à la société AGRIAL, a souhaité s'agrandir en s'associant avec une autre exploitation voisine pour créer un GAEC au cours de l'année 2016, afin de produire du lait de vaches normandes débouchant sur une valorisation AOP que ne proposait pas l'intimée.
Elle a donc sollicité suivant lettre en date du 27 août 2015 (Pièce N°3), l'arrêt anticipé de son engagement qui prenait normalement fin en décembre 2019.
Par lettre du 25 février 2016 (Cf Pièce N°4), la société AGRIAL lui a répondu que le comité de Métier Lait AGRIAL réuni le 8 décembre 2015, avait accepté son départ, mais ne l'autorisait pas à céder son droit de commercialisation pour autant, celui-ci était mis à disposition des autres adhérents apporteurs au sein de la branche lait.
Il était précisé qu'il allait être procédé au remboursement de son capital social.
Par lettre du 15 février 2017, L'EARL CHAUVIN a contesté l'interdiction de céder son droit à commercialisation.
Elle soutient qu'entre la suppression des quotas laitiers à compter d'avril 2015, et l'entrée en vigueur de la loi Sapin II le 11 décembre 2016, soit durant la période concernée par le présent litige, aucune interdiction de cession à titre onéreux des contrats de vente n'existait.
Elle ajoute que le règlement intérieur dont se prévaut la société AGRIAL est postérieur à son départ et ne lui est donc pas applicable.
La société AGRIAL est une société coopérative agricole dont les adhérents sont des associés coopérateurs. Elle est régie par les dispositions des articles L.521-1 et suivants du même code.
Comme le précise le IV de l'article L.631-24 du code rural dans sa version applicable au présent litige, ce texte qui prévoit la conclusion de contrat de vente écrit entre producteurs et acheteurs, ou de proposition de contrats écrits entre les mêmes, ne s'applique pas à ces sociétés dès lors qu'elles ont remis à leurs associés coopérateurs un exemplaire des statuts ou du règlement intérieur ou les règles et décisions prévues par ces statuts ou en découlant intégrant les clauses contractuelles mentionnées au I.
Il convient donc uniquement de se référer aux statuts ou au règlement intérieur pour connaître les clauses régissant les relations entre la société AGRIAL et ses associés coopérateurs.
Si l'intimée avait produit devant les premiers juges un règlement intérieur datant de 2016, donc postérieur au retrait de l'EARL CHAUVIN, elle verse aux débats le règlement intérieur et les statuts datant de 2015 (Cf. Pièces N°58 et 59).
L'article 12 relatif au droit à commercialisation, ne mentionne pas la possibilité de le céder, mais régit seulement les conditions de son évolution possible ou de son transfert dans des hypothèses précises.
La production par l'appelante d'annonces parues sur Le Bon Coin relatives à des propositions de cession de ce droit (Cf Pièces 7 à 10), ne constitue pas une preuve, de ce qu'elle serait autorisée dans le cadre de ses relations contractuelles avec la société AGRIAL.
L'attestation de Monsieur [O] (Cf. Pièce N°13) concerne quant à elle la vente de parts sociales et non la cession de son droit à commercialisation. Elle est donc sans portée dans la présente procédure.
Non seulement la preuve d'une faute contractuelle imputable à la société AGRIAL n'est pas avérée, mais au surplus, l'EARL AGRIAL qui a pu vendre son lait à une autre société, et ne produit aucune pièce démontrant une quelconque perte financière, ne justifie d'aucun préjudice.
Le jugement entrepris qui l'a déboutée de sa demande d'indemnité au titre de la perte de son droit à commercialisation sera donc confirmé.
Sur les frais irrépétibles et les dépens
L'équité commande de confirmer le jugement entreprise en ce qu'il a condamné l'EARL CHAUVIN au paiement d'une indemnité au titre de l'article 700 du code de procédure civile et de la condamner au paiement d'une somme de 2.500,00 € au titre des frais irrépétibles d'appel.
Elle sera déboutée de sa demande de ce chef.
Succombant, elle sera condamnée aux dépens d'appel avec application des dispositions de l'article 699 du code de procédure civile, le jugement étant confirmé en ce qu'il l'a condamnée aux dépens de première instance.
PAR CES MOTIFS
La cour, statuant publiquement, par arrêt contradictoire rendu en dernier ressort, mis à disposition au greffe,
CONFIRME en toutes ses dispositions, le jugement du tribunal de grande instance d'Argentan du 11 avril 2019,
Y ajoutant,
CONDAMNE l'EARL CHAUVIN à payer à la société coopérative agricole et agro-alimentaire AGRIAL la somme de 2.500,00 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,
DÉBOUTE l'EARL CHAUVIN de sa demande d'indemnité sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,
CONDAMNE l'EARL CHAUVIN aux dépens d'appel avec droit de recouvrement direct au profit de Maître GALLOT en application des dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.
LE GREFFIERLE PRÉSIDENT
M. COLLETG. GUIGUESSON