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02/06/2022 | FRANCE | N°20/01355

France | France, Cour d'appel de Caen, 2ème chambre civile, 02 juin 2022, 20/01355


AFFAIRE :N° RG 20/01355 -

N° Portalis DBVC-V-B7E-GR4N

 



ARRÊT N°



JB.





ORIGINE : DECISION en date du 18 Juin 2020 du TJ hors JAF, JEX, JLD, J. EXPRO,

JCP de CAEN - RG n° 17/00959





COUR D'APPEL DE CAEN

DEUXIEME CHAMBRE CIVILE ET COMMERCIALE

ARRÊT DU 02 JUIN 2022









APPELANT :



Monsieur [F] [B]

né le 03 Mai 1949 à [Localité 7] ([Localité 2])

[Localité 5]

[Localité 2]



représenté

et assisté de Me Marie LE BRET, substituée par Me LEGOUPIL, avocats au barreau de CAEN







INTIMEE :



S.E.L.A.R.L. TRAJECTOIRE administrateur judiciaire à la liquidation amiable de la SCI LES EGUERRES, venant aux droits...

AFFAIRE :N° RG 20/01355 -

N° Portalis DBVC-V-B7E-GR4N

 

ARRÊT N°

JB.

ORIGINE : DECISION en date du 18 Juin 2020 du TJ hors JAF, JEX, JLD, J. EXPRO,

JCP de CAEN - RG n° 17/00959

COUR D'APPEL DE CAEN

DEUXIEME CHAMBRE CIVILE ET COMMERCIALE

ARRÊT DU 02 JUIN 2022

APPELANT :

Monsieur [F] [B]

né le 03 Mai 1949 à [Localité 7] ([Localité 2])

[Localité 5]

[Localité 2]

représenté et assisté de Me Marie LE BRET, substituée par Me LEGOUPIL, avocats au barreau de CAEN

INTIMEE :

S.E.L.A.R.L. TRAJECTOIRE administrateur judiciaire à la liquidation amiable de la SCI LES EGUERRES, venant aux droits de Me [Z]

[Adresse 3]

[Localité 1]

prise en la personne de son représentant légal

représentée et assistée de Me Noël LEJARD, avocat au barreau de CAEN

COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DÉBATS ET DU DÉLIBÉRÉ :

Mme EMILY, Président de Chambre,

Mme COURTADE, Conseillère,

M. GOUARIN, Conseiller,

DÉBATS : A l'audience publique du 24 mars 2022

GREFFIER : Mme LE GALL, greffier

ARRÊT prononcé publiquement le 02 juin 2022 à 14h00 par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinea de l'article 450 du code de procédure civile et signé par Madame EMILY, président, et Mme LE GALL, greffier

Par jugement du 22 avril 2014, le tribunal de grande instance de Caen a notamment prononcé la dissolution anticipée de la SCI LES EGUERRES et désigné Me [Z] en qualité de liquidateur de ladite société.

Par acte d'huissier du 20 mars 2017, Me [Z] ès qualités de liquidateur amiable de la SCI LES EGUERRES a fait assigner M. [F] [B] devant le tribunal de grande instance de Caen aux fins de le voir condamner au paiement d'indemnités d'occupation au titre de sa jouissance exclusive de l'immeuble situé à [Adresse 6] appartenant à la SCI.

Par jugement du 18 juin 2020, le tribunal judiciaire de Caen a :

- Condamné M. [B] à payer à Maître [Z] en sa qualité de liquidateur

amiable de la SCI LES EGUERRES la somme de 37 200€ au titre des indemnités

d'occupation correspondant à la période allant du 1er février 2012 au 31 janvier

2017,

- Condamné M. [B] à payer à Maître [Z] en sa qualité de liquidateur

amiable de la SCI LES EGUERRES une indemnité d'occupation d'un montant de

620€ par mois à compter du 1er février 2017 et jusqu'à la date à laquelle le défendeur a effectivement libéré courant 2017 l'immeuble de la SCI LES EGUERRES situé lieudit [Adresse 6],

- Débouté M. [B] de sa demande reconventionnelle tendant à voir fixer au

passif de la SCI LES EGUERRES la somme de 40 000€ au titre du remboursement des dépenses faites par lui dans l'intérêt de cette société,

- Condamné M. [B] à payer à Maître [Z] en sa qualité de liquidateur

amiable de la SCI LES EGUERRES la somme de 1 500€ sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

- Dit n'y avoir lieu à application de l'article 700 du code de procédure civile au profit

de M. [F] [B],

- Condamné M. [B] aux dépens,

- Dit n'y avoir lieu d'ordonner l'exécution provisoire.

Par déclaration du 26 juillet 2020, M. [F] [B] a interjeté appel de cette décision.

Aux termes de ses dernières conclusions déposées le 26 février 2021, M. [B] demande de :

- Annuler le jugement entrepris en toutes ses dispositions sauf en ce qu'il a dit n'y avoir lieu à l'exécution provisoire ;

- Réformer en tout état de cause le jugement entrepris ;

Statuant à nouveau,

A titre principal,

- Débouter la SELARL TRAJECTOIRE, venant au droit de Maître [W] [Z], ès qualités de liquidateur amiable de la SCI LES EGUERRES de l'intégralité de ses demandes,

A titre infiniment subsidiaire,

- Fixer l'indemnité résiduelle à un montant de 191€/mois [- 620€/ mois - les dépenses de taxe foncière et d'assurance sur une base mensuelle de 429€/mois] ;

En tout état de cause,

- Déclarer que la SCI LES EGUERRES représentée par la SELARL TRAJECTOIRE doit une somme de 40.000€ dont le montant reste à parfaire compte tenu des dépenses et bons soins apportés par Monsieur [B] au manoir ainsi qu'aux espaces extérieurs en qualité de maître d'affaire ;

- Condamner la SELARL TRAJECTOIRE ès qualités à lui verser la somme de 4.500€ sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile outre à supporter les entiers dépens de la présente instance ;

Aux termes de ses dernières conclusions déposées le 30 novembre 2020, la SELARL TRAJECTOIRE, venant aux droits de Me [Z] ès qualités de liquidateur amiable de la SCI LES EGUERRES, demande de :

- Réformer le jugement dont appel en ce qu'il a :

° Condamné M. [B] à payer à Maître [Z] en sa qualité de liquidateur amiable de la SCI LES EGUERRES la somme de 37 200€ au titre des indemnités

d'occupation correspondant à la période allant du 1er février 2012 au 31 janvier 2017,

° Condamné M. [B] à payer à Maître [Z] ès qualités une indemnité d'occupation d'un montant de 620 € par mois à compter du 1er février 2017 et jusqu'à la date à laquelle le défendeur a effectivement libéré courant 2017 l'immeuble de la SCI LES EGUERRES,

Et statuant à nouveau,

- Condamner M. [F] [B] au paiement de la somme de 66 872€ pour la période du 1er février 2012 au 31 janvier 2017, outre le versement d'une indemnité d'occupation fixée à la somme de 1.125 € par mois à compter du 1er février 2017 et jusqu'à la libération effective des lieux.

- Confirmer le jugement du 18 juin 2020 pour le surplus.

A titre subsidiaire, si la cour venait à annuler le jugement entrepris,

- Statuer à nouveau sur le fond de l'affaire, en vertu de l'effet dévolutif de l'appel et en conséquence statuant à nouveau :

- Débouter M. [B] de l'ensemble de ses demandes;

- Condamner M. [F] [B] au paiement de la somme de 66 872€ pour la période du 1er février 2012 au 31 janvier 2017, outre le versement d'une indemnité d'occupation fixée à la somme de 1.125 € par mois à compter du 1er février 2017 et jusqu'à la libération effective des lieux.

En tout état de cause,

- Condamner M. [F] [B] à verser à la SELARL TRAJECTOIRE venant aux droits de Maître [Z] ès qualités la somme de 4.500 € sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens de 1ère instance et d'appel.

L'ordonnance de clôture a été prononcée le 9 février 2022.

Il est expressément renvoyé aux écritures précitées pour un plus ample exposé des prétentions et moyens des parties.

MOTIFS

I. Sur la demande d'annulation du jugement

M. [B] soulève la nullité du jugement, au visa de l'article 16 du code de procédure civile. Il soutient que le tribunal a violé le principe de la contradiction en relevant d'office un moyen non invoqué par Me [Z] et non soumis à la discussion préalable des parties, à savoir que son maintien dans les lieux aurait privé la SCI LES EGUERRES de la possibilité de louer le bien et d'encaisser des loyers conformément à son intérêt social.

Cependant, le moyen retenu par les premiers juges pour fonder la condamnation de M. [B] au paiement d'une indemnité d'occupation repose sur sa jouissance exclusive de l'immeuble de son propre chef, moyen qui était dans le débat.

La privation de revenus locatifs relevée s'analyse ici comme une conséquence de l'occupation privative.

Par suite, il convient de rejeter la demande d'annulation de la décision entreprise.

II. Sur l'indemnité d'occupation

L'immeuble litigieux appartenait à la SCI LES EGUERRES dont M. [F] [B] et son épouse, Mme [Y] [N], étaient notamment les associés.

Il constituait le siège social de l'entreprise de Mme [N] et le logement familial du couple jusqu'à leur séparation.

Par ordonnance de non concilation du 8 juin 2004, la jouissance du domicile conjugal a été attribuée à M. [B].

Le jugement de divorce a été prononcé le 13 juin 2008.

Suivant acte authentique du 19 décembre 2017, la SCI LES EGUERRES représentée par Me [Z] ès qualités de liquidateur a vendu le bien aux époux [H].

Il ressort du jugement du 22 avril 2014 prononçant la dissolution de la SCI et il est constant que depuis 2004, M. [B] est resté vivre dans cet immeuble dont il a eu la jouissance exclusive sans aucun versement à la SCI LES EGUERRES.

Pour s'opposer au paiement d'une indemnité d'occupation, M. [B] fait valoir que son occupation temporaire des lieux est intervenue, non pas à des fins personnelles, mais dans le cadre d'un mandat de gestion d'affaires aux seules fins d'entretenir et conserver cette importante propriété et ainsi préserver les intérêts financiers de la SCI, ce sous l'aval de Me [Z].

Cependant, aucune des pièces produites par M. [B] (attestation de sa fille, correspondances de Me [Z] etc) ne démontre la contrainte ou la nécessité dans laquelle il se serait trouvé de rester dans l'immeuble.

Les courriers de Me [Z] (pièces de l'appelant n° 2,3,7), à destination notamment du notaire, montrent seulement que M. [B] avait annoncé son intention de quitter le manoir pour le début de l'année 2017 et qu'il était donc urgent d'aboutir à la vente de la propriété pour éviter sa dégradation ou son occupation sauvage, au besoin par vente aux enchères. Ils n'établissent nullement que l'occupation litigieuse durant toutes ces années a répondu exclusivement à un impératif de conservation et de gestion lesquelles pouvaient être assumées en dehors de toute résidence dans les lieux (travaux d'éradication de la mérule, réfections, entretien ...).

La gestion d'affaires dont se prévaut M. [B] ne le dispensait pas, en tout état de cause, de régler une indemnité d'occupation à raison de son utilisation privative du bien, ce de son propre chef.

Ce moyen est donc écarté.

C'est également à juste titre que le tribunal a rejeté l'argument de M. [B] selon lequel sa condamnation au titre d'une créance détenue par la SCI ne peut intervenir tant que les comptes entre les associés n'ont pas été établis par le liquidateur, dès lors que M. [B] a été mis en cause non pas en tant qu'associé majoritaire mais en tant qu'occupant de l'immeuble appartenant à la SCI, débiteur d'une indemnité d'occupation.

C'est donc de manière fondée que les premiers juges ont mis à la charge de ce dernier le paiement d'une indemnité d'occupation au profit de la SCI LES EGUERRES à compter du 1er février 2012.

Concernant le montant de cette indemnité, la SELARL TRAJECTOIRE produit un

rapport d'expertise amiable de M. [V] du 7 février 2017 qui estime la valeur locative de l'immeuble à 2250€.

M. [B], quant à lui, verse aux débats :

- des estimations des agences immobilières ELMOSNINO et GUY HOQUET datées de septembre 2017, évaluant la valeur locative respectivement à 1000€ et 1500€ par mois,

- un rapport du 12 janvier 2018 dressé par M. [T], expert, retenant une valeur locative de 1240€.

Au vu de ces élements, en particulier de la nature du bien (manoir du 19ème siècle avec parc et dépendances), de sa situation (à proximité immédiate de [Localité 4]), de son état d'entretien (locaux globalement assez vétustes, réfection des menuiseries ainsi que de la plupart des papiers/peintures à prévoir, installation électrique récente et dans un état correct), du marché local et du fait que le bien a été vendu le 19 décembre 2017 pour le prix de 430 000€, il convient de fixer sa valeur locative mensuelle à hauteur de 1600€.

Après application d'un abattement de 50% pour tenir compte du temps consacré par M. [B] à la surveillance et l'entretien de la propriété, excédant les tâches incombant normalement à un locataire, l'indemnité due par l'appelant est fixée à 800€/mois, sans qu'il y ait lieu de minorer davantage ce quantum du fait de dépenses dont l'intimé ne démontre pas avoir supporté la charge (assurance, taxe foncière, frais ...).

Compte tenu de la prescription quinquennale applicable, l'indemnité d'occupation n'est due qu'à compter du 20 mars 2012, l'assignation en paiement, interruptive de prescription, ayant été délivrée le 20 mars 2017.

Par suite, M. [B] est condamné à payer à ce titre à la SELARL TRAJECTOIRE ès qualités :

- la somme de 46 715€ pour la période du 20 mars 2012 au 31 janvier 2017,

- une indemité d'occupation d'un montant de 800€ par mois à compter du 1er février 2017 et jusqu'à la libération effective des lieux.

III. Sur la demande reconventionnelle de M. [B]

Pas plus en première instance qu'en appel, M. [B] ne justifie avoir réglé sur ses deniers personnels, au nom et pour le compte de la SCI LES EGUERRES au titre de la gestion d'affaire, des travaux et dépenses incombant à cette dernière en sa qualité de propriétaire de l'immeuble.

Dés lors, le jugement est confirmé en ce qu'il a débouté M. [B] de sa demande visant à voir reconnaître l'existence d'une créance de 40 000€ de ce dernier contre la SCI.

IV. Sur les demandes accessoires

Les dispositions relatives aux dépens et frais irrépétibles sont confirmées.

M. [B] succombant, est condamné aux dépens de l'appel, à payer à la SELARL TRAJECTOIRE ès qualités la somme complémentaire de 3000€ sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, et est débouté de sa demande formée à ce titre.

PAR CES MOTIFS

La cour, statuant publiquement, par arrêt contradictoire, mis à disposition au greffe, dans les limites de sa saisine,

DEBOUTE M. [B] de sa demande d'annulation du jugement entrepris ;

INFIRME le jugement entrepris sauf en ce qu'il a :

- Débouté M. [B] de sa demande reconventionnelle tendant à voir fixer au

passif de la SCI LES EGUERRES la somme de 40 000€,

- Condamné M. [B] à payer à Maître [Z] ès qualités la somme de 1 500€ sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

- Dit n'y avoir lieu à application de l'article 700 du code de procédure civile au profit

de M. [F] [B],

- Condamné M. [B] aux dépens;

Statuant à nouveau du chef des dispositions infirmées et y ajoutant,

CONDAMNE M. [F] [B] à payer à la SELARL TRAJECTOIRE ès qualités de liquidateur amiable de la SCI LES EGUERRES la somme de 46 715€ au titre des indemnités d'occupation pour la période du 20 mars 2012 au 31 janvier 2017 ;

CONDAMNE M. [F] [B] à payer à la SELARL TRAJECTOIRE ès qualités de liquidateur amiable de la SCI LES EGUERRES une indemité d'occupation d'un montant de 800€ par mois à compter du 1er février 2017 et jusqu'à la date à laquelle il a effectivement libéré courant 2017 l'immeuble ;

CONDAMNE M. [F] [B] à payer à la SELARL TRAJECTOIRE ès qualités de liquidateur amiable de la SCI LES EGUERRES la somme complémentaire de 3000€ au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

DEBOUTE M. [F] [B] de sa demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

CONDAMNE M. [F] [B] aux dépens de l'appel ;

DEBOUTE les parties de leurs demandes plus amples ou contraires.

LE GREFFIERLE PRÉSIDENT

N. LE GALLF. EMILY


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Caen
Formation : 2ème chambre civile
Numéro d'arrêt : 20/01355
Date de la décision : 02/06/2022

Origine de la décision
Date de l'import : 26/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2022-06-02;20.01355 ?
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