AFFAIRE :N° RG 20/00889 -
N° Portalis DBVC-V-B7E-GQ3S
ARRÊT N°
JB.
ORIGINE : DECISION en date du 28 Avril 2020 du Tribunal de Commerce d'ALENCON
RG n° 2019000971
COUR D'APPEL DE CAEN
DEUXIEME CHAMBRE CIVILE ET COMMERCIALE
ARRÊT DU 02 JUIN 2022
APPELANTE :
S.A.R.L. 2SP-CONSULTING
N° SIRET : 823 172 861
Les Pâtures
[Adresse 6]
[Localité 3]
prise en la personne de son représentant légal
représentée par Me Gaël BALAVOINE, avocat au barreau de CAEN,
assistée de Me Xavier VAHRAMIAN, avocat au barreau de LYON
INTIME :
Monsieur [N] [M]
né le 02 Mars 1956 à [Localité 7]
[Adresse 1]
[Localité 2]
représenté par Me Jérémie PAJEOT, avocat au barreau de CAEN
assisté de Me Thomas CARRERA, avocat au barreau de CAEN,
COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DÉBATS ET DU DÉLIBÉRÉ :
Mme EMILY, Président de Chambre,
Mme COURTADE, Conseillère,
M. GOUARIN, Conseiller,
DÉBATS : A l'audience publique du 24 mars 2022
GREFFIER : Mme LE GALL, greffier
ARRÊT prononcé publiquement le 02 juin 2022 à 14h00 par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinea de l'article 450 du code de procédure civile et signé par Madame EMILY, président, et Mme LE GALL, greffier
FAITS, PROCEDURE ET PRETENTIONS
La société Ornauto a pour activité la récupération, le démontage de véhicules hors d'usage, la vente de pièces détachées issues de ces véhicules, la vente de toutes pièces détachées automobiles d'occasion ou neuves, la vente de véhicules d'occasion et accidentés et le négoce de matières issues du démontage de ces véhicules.
Elle exerce son activité sur deux sites, l'un situé à [Localité 4] où se trouve le lieu de stockage et de démontage des véhicules, l'autre situé à [Localité 5] où se trouve un magasin de pièces détachées.
La société 2SP Consulting est spécialisée dans les activités de sociétés holding.
Selon acte sous seing privé du 26 juillet 2017, M. [N] [M], en son nom personnel et comme porte-fort de son épouse et de ses enfants, porteurs de parts, a consenti à la société 2SP Consulting une promesse synallagmatique de vente de l'intégralité des 2.500 parts de la société Ornauto, moyennant un prix provisoirement fixé à la somme de 1.665.000 euros.
Le même jour, une convention de garantie d'actif et de passif a été conclu entre M. [M] et la société 2SP Consulting, laquelle exclut du domaine de la garantie les questions environnementales à l'exception du site de [Localité 5].
L'acte de vente de ces parts a été conclu le 31 octobre 2017 et le prix définitivement fixé à la somme de 1.713.061 euros par convention des 1er et 5 mars 2018, laquelle prévoyait également que la société 2SP Consulting s'obligeait à reverser aux cédants la somme de 20.144 euros sous déduction des sommes effectivement supportées par elle à l'issue du redressement fiscal dont elle faisait l'objet.
Suivant acte d'huissier du 28 mars 2019, la société 2SP Consulting a fait assigner M. [M] devant le tribunal de commerce d'Alençon aux fins, notamment, de voir condamner ce dernier au paiement de diverses sommes au titre de la réfaction du prix de cession ou sur le fondement de la responsabilité contractuelle ou délictuelle.
Par jugement du 28 avril 2020, le tribunal de commerce d'Alençon a :
- débouté la société 2SP Consulting de toutes ses demandes,
- condamné celle-ci à payer à M. [M] la somme de 4.038 euros au titre du solde de l'avis de recouvrement du 14 septembre 2018,
- condamné la société 2SP Consulting à verser à M. [M] la somme de 4.000 euros à titre d'indemnité de procédure ainsi qu'aux dépens,
- ordonné l'exécution provisoire,
- liquidé les frais de greffe à la somme de 63,36 euros.
Selon déclaration du 27 mai 2020, la société 2SP Consulting a interjeté appel de cette décision.
Par dernières conclusions du 12 juin 2021, l'appelante, outre des demandes de « dire et juger » ne constituant pas des prétentions sur lesquelles il y a lieu de statuer, demande à la cour de réformer le jugement attaqué en ce qu'il l'a déboutée de toutes ses demandes, l'a condamnée à payer à M. [M] la somme de 4.038 euros au titre du solde de l'avis de recouvrement du 14 septembre 2018, celle de 4.000 euros à titre d'indemnité de procédure ainsi qu'aux dépens, statuant à nouveau, de diminuer le prix de cession des parts sociales de la société Ornauto à la somme de 1.375.561 euros, de condamner [M] à lui payer la somme de 337.500 euros à titre de dommages-intérêts correspondant à la différence entre le prix encaissé et le prix de cession réduit à la somme de 1.375.561 euros.
Subsidiairement, elle sollicite la condamnation de M. [M] à lui verser la somme de 303.750 euros au titre de la réparation de la perte de chance de négocier la cesion de parts sociales différemment.
En toute hypothèse, l'appelante demande à la cour de condamner l'intimé à lui restituer la somme de 4.028 euros ainsi qu'au paiement de la somme de 8.000 euros à titre d'indemnité de procédure ainsi qu'aux entiers dépens de première instance et d'appel.
Par dernières conclusions du 17 novembre 2020, M. [M] demande à la cour de confirmer le jugement attaqué, de débouter la société 2SP Consulting de toutes ses demandes et de condamner celle-ci au paiement de la somme de 5.000 euros à titre d'indemnité de procédure ainsi qu'aux entiers dépens.
La mise en état a été clôturée le 9 février 2022.
Pour plus ample exposé des prétentions et moyens, il est référé aux dernières écritures des parties.
MOTIVATION
1. Sur la cession de parts sociales
Pour rejeter les demandes formées par la société 2SP Consulting, le tribunal a retenu que les pièces produites démontraient que, depuis 1987, la société Ornauto a toujours été en conformité avec la réglementation relative aux installations classées et a reçu l'agrément préfectoral nécessaire à son activité, renouvelé en dernier lieu par arrêté du 30 juillet 2018 pour une durée de six ans, que les rapports établis en 2016 et 2017 par la société SGS ICS attestaient de la conformité des installations de la société Ornauto aux dispositions du cahier des charges annexé à l'arrêté préfectoral d'agrément, y compris le site d'Arçonnay.
Soulignant que la société 2SP Consulting n'avait pas fait réaliser d'audit de la société Ornauto avant l'acquisition des parts de cette dernière, il a relevé que les rapports d'audit produits par la société 2SP Consulting n'ont pas été établis contradictoirement, que celui réalisé le 12 avril 2017 par la société Indra l'a été à la demande d'un précédent candidat à l'acquisition des parts de la société Ornauto, M. [E] [Y], en vue d'obtenir de M. [M] une réduction du prix de cession, à laquelle il a finalement renoncé, et que celui réalisé le 4 mai 2018 par la société Ico Environnement à la demande de la société 2SP Consulting porte essentiellement sur la rénovation des installations en vue des les adapter à la productivité souhaitée par le cessionnaire.
Le tribunal a estimé que M. [M] n'avait rien dissimulé et que les registres et documents en règle ont été mis à la disposition de la société 2SP Consulting.
1.1 Sur l'obligation d'information précontractuelle et la réticence dolosive
Au visa des articles 1104, 1112-1, 1130 et 1137 du code civil, la société 2SP Consulting soutient que M. [M] a manqué à son obligation d'information précontractuelle en ne portant pas à sa connaissance l'audit réalisé le 12 avril 2017 par la société Indra que lui avait communiqué M. [Y] par courriel du 20 avril 2017 dans le cadre de la négociation de la cession des parts sociales de la société Ornauto et a ainsi vicié son consentement par réticence dolosive en dissimulant une information déterminante concernant l'absence de conformité des installations de la société Ornauto à la réglementation générale issue des articles L. 511-1 et suivants du code de l'environnement et de l'arrêté ministériel du 26 novembre 2012 relatif aux prescriptions générales applicables aux installations classées relevant du régime de l'enregistrement au titre de la rubrique n°2712-1 de la nomenclature des installations classées pour la protection de l'environnement.
Elle indique qu'en tant que professionnel du secteur depuis 1987, M. [M] était tenu de se renseigner sur les non-conformités à la réglementation générale de 2012 constatées et portées à sa connaissance par M. [Y] le 20 avril 2017, qu'il les a au contraire dissimulées en entretenant une confusion sur la portée des arrêtés d'agrément successifs et a usé de man'uvres dolosives pour obtenir l'exclusion dans la convention de garantie des questions environnementales.
L'appelante fait valoir que, compte tenu du coût des travaux de mise en conformité complète du site d'[Localité 4], cette information était déterminante pour elle.
M. [M] réplique que le courriel adressé par M. [Y] le 20 avril 2017 l'a été dans le cadre d'une négociation portant sur la cession des parts sociales de la société Ornauto, n'était pas accompagné de pièces et faisait état d'un rapport d'audit non contradictoire, que les informations contenues dans ce courriel ne pouvaient être prises au sérieux dès lors que la société Ornauto avait reçu l'agrément préfectoral nécessaire à son exploitation suite à l'établissement d'un rapport par la société agréée SGS et avait fait l'objet en 2015 d'un contrôle du service des installations classées concluant à l'absence de non-conformité de ses installations.
L'intimé ajoute que le rapport établi le 4 mai 2018 par la société Ico Environnement à la demande de l'appelante n'a pas été établi contradictoirement et ne saurait avoir de valeur probante.
La cour relève que la société 2SP Consulting ne demande pas l'annulation de la convention en cause.
Dans son courriel adressé le 20 avril 2017 à M. [M], M. [Y] se borne à citer un extrait du rapport d'audit réalisé à sa demande par la société Indra le 12 avril 2017, dans lequel il n'est pas fait état d'une quelconque non-conformité à la réglementation générale issue de l'arrêté ministériel du 26 novembre 2012 relatif aux prescriptions générales applicables aux installations classées relevant du régime de l'enregistrement au titre de la rubrique n°2712-1 de la nomenclature des installations classées pour la protection de l'environnement.
En effet, dans ce courriel, il est indiqué que la société Indra, dont le rapport n'était pas joint audit courriel et n'est pas produit, évalue les « investissements » concernant l'étanchéité des sols de stockage des véhicules, la gestion et le traitement des eaux et le stockage des pièces et matières à une somme globale de 375.000 euros et prévoit qu'en négociant avec la DREAL il serait possible de limiter ces investissements à la somme de 250.000 euros dans un premier temps.
Il ne saurait être déduit de cette pièce que M. [M] avait été averti avant la conclusion le 31 octobre 2017 de la cession de parts sociales en cause des non-conformités à la réglementation applicable à l'installation classée exploitée par la société Ornauto relevées postérieurement à cette vente par le rapport d'audit établi le 4 mai 2018 par la société Ico Environnement à la demande du cessionnaire, alors que la société Ornauto avait bénéficié d'arrêtés préfectoraux d'agrément pris du 23 juin 1987 au 17 août 2012, pris sur les rapports établis par la société agréée SGS, attestant de la conformité de ses installations à la réglementation spécifique aux exploitants de centres de véhicules hors d'usages prévue par les articles R. 543-156 à R. 543-171 du code de l'environnement et de l'arrêté du 2 mai 2012 relatif aux agréments de ces exploitants et qu'elle avait reçu le 9 juin 2015 une lettre du préfet de la Sarthe lui indiquant que le contrôle opéré par l'inspection des installations classées dans son établissement d'[Localité 4], ne portant pas exclusivement sur la traçabilité des déchets, n'avait révélé aucune non-conformité tout en appelant sa vigilance sur l'accès difficile au débourbeur et sur l'insuffisante protection contre les intempéries du stockage des batteries, lettre ne mentionnant aucunement un défaut de conformité des installations de la société Ornauto à la réglementation générale applicable aux installations classées issue des articles L. 511-1 et suivants du code de l'environnement et de l'arrêté ministériel du 26 novembre 2012.
En outre, il est relevé que les arrêtés accordant à la société Ornauto l'agrément nécessaire à l'exploitation d'une telle installation classée, y compris celui du 19 mai 2006 mentionnant la nécessité d'installer une borne incendie, le courrier du 9 juin 2015 ainsi qu'un rapport sur l'étude des sols et l'évaluation de la pollution étaient annexés à la convention de garantie de garantie signé par les parties le jour même de la cession de parts litigieuse, de sorte que la société 2SP Consulting ne peut soutenir ne pas avoir reçu les informations contenues dans ces documents avant d'accepter d'exclure du domaine de la garantie les questions environnementales à l'exception du site de [Localité 5].
Ainsi, la société 2SP Consulting ne rapporte pas la preuve, dont la charge lui incombe, d'un manquement de M. [M] à son obligation d'information précontractuelle ou d'une réticence dolosive de la part de ce dernier au sens des articles 1112-2 et 1137 du code civil.
1.2 Sur la garantie des vices cachés
Au visa de l'article 1641 du code civil, la société 2SP Consulting soutient que les non-conformités relevées par le rapport d'audit établi le 4 mai 2018 par la société Ico Environnement constituent des vices cachés, dissimulés par M. [M] à son gérant qui n'est pas un professionnel des centres de traitement des véhicules hors d'usage, et qui rendent la société Ornauto impropre à son usage en raison du risque de sanctions administratives encouru.
Elle fait valoir que l'exclusion des questions environnementales de la garantie ne saurait exclure la garantie des vices cachés dès lors que M. [M] a utilisé le diagnostic des sols pour obtenir une telle exclusion générale.
Cependant, comme l'indique justement l'intimée, la non-conformité des installations de la société Ornauto situées à [Localité 4] révélée par le rapport d'audit établi le 4 mai 2018 par la société Ico Environnement ne saurait constituer un vice affectant les parts sociales cédées dès lors qu'il n'est pas établi que cette non-conformité a mis la société Ornauto dans l'impossibilité de poursuivre l'activité constituant son objet, l'appelante ne faisant état qu'en termes hypothétiques d'un risque de sanctions administratives.
1.3 Sur l'obligation de délivrance conforme
Sur le fondement des articles 1603, 1604 et 1616 du code civil, la société 2SP Consulting affirme que M. [M] a manqué à son obligation de délivrance conforme au motif que les installations de la société Ornauto ne sont pas conformes à la réglementation en vigueur, une telle conformité étant nécessairement entrée dans le champ contractuel.
Toutefois, ainsi que le soutient justement l'intimée, la délivrance conforme doit s'entendre de la délivrance de l'objet de la vente.
En l'espèce, la cession intervenue entre les parties porte sur les parts sociales de la société Ornauto dont il n'est pas prétendu qu'elle ne poursuit pas l'activité correspondant à son objet, de sorte que la demande d'indemnisation fondée sur l'absence de délivrance conforme sera rejetée.
À ces motifs, le jugement entrepris sera confirmé en ce qu'il a débouté la société 2SP Consulting de toutes ses demandes.
2. Sur le solde du redressement fiscal
La société 2SP Consulting soutient que M. [M] avait accepté de couvrir à hauteur de la somme de 20.144 euros la totalité des conséquences financières du redressement fiscal de la société Ornauto en cours au moment de la cession de parts.
Cependant, c'est à juste titre que le tribunal a retenu qu'en vertu de la convention de fixation définitive du prix des 1er et 5 mars 2018, la société 2SP Consulting s'était engagée à reverser aux cédants la somme de 20.144 euros correspondant à la provision concernant le contrôle fiscal de la société Ornauto alors en cours, que l'avis de recouvrement émis le 14 septembre 2018 à l'issue de ce contrôle portait sur une somme de 16.115 euros, de sorte que la société 2SP Consulting devait à M. [M] la somme de 4.038 euros à ce titre.
Le jugement entrepris sera donc confirmé de ce chef.
Sur les demandes accessoires
Les dispositions du jugement entrepris relatives aux frais irrépétibles et aux dépens de première instance, fondées sur une exacte appréciation, seront confirmées.
La société 2SP Consulting, qui succombe, sera condamnée aux dépens d'appel, déboutée de sa demande d'indemnité de procédure et condamnée à payer à M. [M] la somme de 3.000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.
PAR CES MOTIFS
La cour, statuant publiquement, par arrêt contradictoire mis à disposition au greffe,
Confirme le jugement entrepris en ses dispositions soumises à la cour,
Y ajoutant,
Condamne la société 2SP Consulting aux dépens d'appel et à payer à M. [N] [M] la somme de 3.000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.
LE GREFFIERLE PRÉSIDENT
N. LE GALLF. EMILY